Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 10 décembre 2014 à 14h30
Expulsion des squatteurs de domicile — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de Natacha Bouchart, maire de Calais, a été déposée dans un contexte particulier. Elle reflète les préoccupations d’une élue locale.

En effet, depuis de nombreuses années, cette ville du nord de la France fait face à un afflux massif d’immigrés de diverses origines – Afghans, Irakiens, Érythréens, Soudanais et Iraniens – en transit vers la Grande-Bretagne, ce qui crée des tensions avec les habitants.

Ces difficultés ne datent pas d’hier. Selon la Croix-Rouge, entre 1999 et 2002, plus de 67 000 personnes ont transité par le camp de Sangatte. Conçu pour accueillir 200 personnes, cet immense hangar en abritait 1 600 avant sa fermeture. Son démantèlement, loin d’apporter une solution durable, n’a fait que fractionner le problème sans le résoudre. Aujourd’hui, les migrants illégaux s’installent dans la zone forestière qui entoure Calais et qui est surnommée la « jungle ».

Les squats d’immeubles par ces populations se sont multipliés ces derniers mois. Depuis juillet, l’ancien site industriel Vandamme, situé en centre-ville, est l’objet d’un squat à la suite de l’évacuation, dix jours plus tôt, de 610 migrants installés dans un autre immeuble de la ville. Le tribunal a bien ordonné l’expulsion des squatteurs le 24 juillet, mais le préfet n’a pas souhaité la mettre en pratique pour des raisons d’ordre public.

Cet exemple illustre bien le dilemme auquel nous confrontent les squats de domicile et de locaux vides. Au drame humanitaire qui se joue au quotidien se surajoute la question du respect du droit de propriété. Les droits des uns s’opposent au respect de la dignité des autres, sans qu’il soit toujours possible de dégager des compromis acceptables et satisfaisants.

Si la situation des squatteurs est déplorable, celle des propriétaires lésés par l’occupation illégale n’est pas beaucoup plus enviable. On doit se garder de tout manichéisme en la matière. L’on sait, par exemple, l’investissement que représente l’achat d’un bien immobilier pour un particulier, ce dernier tablant souvent sur des revenus locatifs. Et nous pensons qu’il aurait fallu différencier en matière d’expulsion les logements vides des autres cas.

Par ailleurs, l’arsenal juridique à disposition de ces justiciables ne fait pas toujours preuve d’une grande efficacité.

L’expulsion des occupants illégaux est l’une des procédures les plus délicates à mettre en œuvre, car elle s’oppose directement à certains droits, notamment le droit au logement. Elle a été entourée par le législateur de maintes précautions d’exécution : si celles-ci sont nécessaires pour lutter contre les abus, elles sont aussi sources d’extrême lenteur.

Passé le délai de quarante-huit heures permettant de constater la flagrance de l’infraction, le propriétaire est contraint d’engager une procédure en justice. La décision juridictionnelle est un préalable à la procédure d’expulsion. Quand on connaît les délais habituels des juridictions, il est facile d’imaginer alors le parcours semé d’embûches que rencontre le requérant.

Ensuite, des délais permettant de retarder l’exécution sont prévus.

Je vise tout d’abord le délai de grâce, qui permet aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel dont l’expulsion aura été ordonnée par une juridiction d’obtenir des délais renouvelables qui peuvent excéder une année, sans toutefois pouvoir dépasser trois ans.

Je pense ensuite à la trêve hivernale, instaurée en 1956 après l’appel lancé par l’abbé Pierre, qui a pour finalité de surseoir à toute expulsion non exécutée au 1er novembre de chaque année, et ce jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement ne soit assuré.

Je songe enfin au délai de deux mois entre le commandement d’avoir à libérer les lieux et l’exécution effective de l’expulsion. Il permet à la personne menacée d’expulsion d’accomplir des démarches pour trouver un nouveau logement.

Les auteurs du texte dont nous discutons aujourd’hui tentent ainsi d’avancer des solutions à une difficulté réelle. Le travail de la commission des lois, qui a modifié la nature de l’infraction de l’article 226-4 du code pénal pour en faire une infraction continue, améliore sensiblement les moyens à la disposition des forces de l’ordre pour constater l’infraction.

En conclusion, la majorité des membres du groupe du RDSE voteront cette proposition de loi, mais seulement dans la forme adoptée par la commission des lois, en particulier à la suite de l’adoption des deux amendements de M. le rapporteur.

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