Intervention de Catherine Procaccia

Réunion du 10 décembre 2014 à 14h30
Expulsion des squatteurs de domicile — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine ProcacciaCatherine Procaccia :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, depuis 2007, c’est la troisième fois que je me retrouve dans cet hémicycle pour tenter de légiférer sur les squats. Les deux précédentes fois, nous avions, ensemble, parlementaires et ministres, réussi à progresser, lentement mais sûrement, après de très nombreux débats et même des manifestations.

La première fois, c’était en 2007, quand j’ai voulu que la loi DALO protège aussi ceux qui ont déjà un domicile ; la deuxième fois, c’était en 2010, lorsque le vol de domicile est devenu une infraction pénale.

Aujourd’hui, en 2014, c’est Natacha Bouchart qui prend le relais et tente d’aller plus loin pour protéger ceux qui subissent ces occupations illicites.

En France, il est souvent difficile de parler des squats ; il est plus facile de dénoncer le manque de logements sociaux. Certes, les squats sont la conséquence de la pénurie de logements, de la misère, des loyers élevés, mais ils sont aussi une atteinte inacceptable à la propriété, ce droit théoriquement reconnu par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

S’ils sont le fait de bandes organisées, comme cela a été dénoncé, ils sont aussi parfois le fait d’individus peu scrupuleux, de véritables voleurs qui abusent d’une loi qui protège avec excès ceux qui sont installés dans le logement, quelle que soit la façon dont ils s’y sont introduits.

Depuis 2007, je me bats pour protéger tout occupant, propriétaire ou locataire, qui se retrouve à la porte de chez lui à la suite du vol de son domicile.

Être mal logé n’autorise pas le squat. Le mal-logement ne doit pas être une prime à l’illégalité et à la légalisation des intrusions illicites.

Je suis fière d’avoir fait voter en 2007, à l’unanimité des groupes politiques, l’article 38 de la loi DALO – modifié par un sous-amendement socialiste et écologiste que vous aviez cosigné, monsieur le secrétaire d’État – qui accélère la procédure d’expulsion, pour éviter que ne se retrouve à la rue et sans logement quelqu’un qui en avait un.

Ce ne fut pas facile : la rédaction est issue de discussions dans cette enceinte, en pleine nuit, alors que des membres des associations Droit au logement et Jeudi noir manifestaient contre mon amendement. Si ces associations veulent loger les sans-abri, elles ne cautionnent pas pour autant le squat à tout-va.

Avec cette disposition, je croyais que la réintégration des occupants dans leur logement serait facilitée et accélérée. Mais il n’en est rien.

Ainsi, 2 047 condamnations ont été prononcées en 2004 et 2 050 en 2010. Contrairement à Mme la garde des sceaux, je ne me félicite pas de cette stabilité, car elle prouve que l’article 38 de la loi précitée n’est que peu ou pas appliqué depuis qu’il existe. M. le rapporteur, Jean-Pierre Vial, nous l’a dit : on dénombre dix recours seulement en l’espace de quatre ans.

Il suffit de lire la presse pour se rendre compte que ces actes ne s’arrêtent pas. Les victimes sont le plus souvent des personnes âgées, de retour d’une hospitalisation, ou alors parties en vacances ou en déplacement, c’est-à-dire les citoyens les plus modestes, ceux dont la maison n’est pas gardée par du personnel, ni sécurisée par une porte blindée ou par un digicode, des personnes qui ignorent l’existence de cet article 38 et que nul n’informera.

Je veux donc profiter de cette tribune pour vous demander, monsieur le secrétaire d’État, de rappeler aux préfets, avant que la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui ne soit définitivement adoptée, l’existence de cette procédure, qu’ils connaissent mal ou ne veulent pas appliquer.

Le délai de quarante-huit heures est trop souvent opposé alors qu’il ne s’applique pas lors d’une introduction illicite dans le domicile d’un particulier, sauf à détourner la volonté du législateur que je connais parfaitement bien.

La semaine dernière, l’Assemblée nationale a adopté un amendement sur la taxation des résidences secondaires qui précise justement les notions de résidence. Ce serait peut-être l’occasion de les rapprocher et de pouvoir lever le flou sur ces notions.

Je crois que Natacha Bouchart a raison de vouloir aller plus loin que l’article 38 de la loi DALO, et je soutiens son amendement, qui vise à permettre au maire d’intervenir. Celui-ci est un acteur de proximité qui connaît mieux que le préfet la réalité de l’occupation et réagira plus vite, d’autant que c’est lui qui aura le devoir de reloger la personne qui se trouve jetée à la porte de chez elle.

Je soutenais pleinement la proposition de ma collègue de porter le délai à quatre-vingt-seize heures, mais je me rallie à celle de la commission, qui semble donner plus de force au dispositif.

Toutefois, pourquoi appliquer un délai aussi court ? Pourquoi a-t-on voulu transformer les cambrioleurs de domicile en occupants légaux au bout de quarante-huit heures ? En 2010, sur l’initiative de l’Assemblée nationale, un amendement a été adopté. Il visait à allonger le délai de flagrance du délit d’effraction de domicile à la période variable durant laquelle l’occupant en titre du logement ignore qu’il est squatté, quand il s’agit de sa résidence principale. Je continue à penser qu’il s’agissait d’une disposition de bon sens.

Enfin, je voudrais conclure sur la question de la sécurisation des justificatifs de domicile, en l’occurrence les contrats d’électricité. C’est la première étape recommandée par tous les sites internet expliquant comment squatter en toute liberté !

M. le ministre de l’intérieur m’a répondu qu’EDF prévoyait de sécuriser par des codes-barres 2D une attestation de contrat valant justificatif de domicile. J’aimerais savoir si cette mesure est appliquée.

J’espère que, aujourd’hui, au Sénat, nous adopterons, dans une troisième étape, la présente proposition de loi, qui permet d’aller un peu plus loin.

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