Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 10 décembre 2014 à 14h30
Expulsion des squatteurs de domicile — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi, telle qu’elle a été adoptée par notre commission des lois, ne concerne que les violations de domicile visées à l’article 226-4 du code pénal.

Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, en droit pénal, le terme « domicile » désigne non seulement le lieu où une personne a son principal établissement, comme en droit civil, mais aussi le lieu où elle a le droit de se dire chez elle. C’est donc un lieu affecté à l’habitation réelle et effective d’une personne, qu’elle y réside en permanence ou non.

Dès lors, si je conçois que la question générale des squats suscite des émotions et des réactions passionnées, elle n’en est pas moins éloignée du texte qui nous réunit aujourd'hui. En effet, dans la plupart des situations évoquées par nos collègues, les difficultés qu’ils éprouvent dans leur circonscription tiennent à des immeubles vacants, des usines désaffectées, des hangars ou d’autres locaux qui ne sont en rien considérés comme des domiciles.

Contrairement à ces divers locaux inoccupés, le domicile est un élément de la vie privée protégé par notre droit positif, et en particulier par l’article 9 du code civil. Le respect du domicile de toute personne résidant sur notre territoire est constitutionnellement garanti en vertu des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Au niveau conventionnel, c’est l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui dispose que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

Au titre de cette protection constitutionnelle et conventionnelle, le respect effectif du principe d’inviolabilité du domicile est d’ores et déjà assuré par plusieurs procédures juridiques, qui peuvent être rapides. Il existe actuellement une procédure civile, une procédure administrative et une procédure pénale.

La procédure civile protège les victimes, locataires ou propriétaires, des occupations illicites de leur domicile, et leur permet d’obtenir, par voie de référé ou de référé d’heure à heure, une décision du juge civil, qui statue à très brève échéance si l’urgence du retour de l’occupant légal dans les lieux est caractérisée.

La procédure administrative a été créée par l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite « loi DALO », article que nous devons à Catherine Procaccia. Il s’agit d’une procédure dérogatoire au droit commun permettant au propriétaire ou au locataire dont le domicile fait l’objet d’une occupation résultant « de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte » de saisir le préfet pour qu’il procède à l’évacuation forcée des lieux. Il appartient aux victimes de déposer plainte, sans qu’il leur soit nécessaire d’avoir recours à un huissier pour constater l’occupation illégale. Le préfet adresse ensuite aux squatteurs du domicile une mise en demeure de quitter les lieux, assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures.

Toutefois, depuis la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », le préfet peut opposer aux locataires ou aux propriétaires la trêve hivernale, qui débute chaque année le 1er novembre et s’achève le 31 mars, pour refuser de faire procéder à l’expulsion des occupants illégaux au cours de cette période. Dans ce cas, les personnes seront contraintes de saisir le juge pour solliciter le prononcé de l’expulsion en référé. On peut légitimement s’interroger sur la justesse de cette évolution : s'agissant d’une installation par la force dans le domicile d’autrui, il semble surprenant que la trêve hivernale protège l’occupant illicite au détriment de l’occupant en droit.

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