Je suis très honoré d'être devant vous ce matin. Il y a trois ans, ma principale source d'information sur Pôle emploi avant ma prise de fonction fut un rapport du Sénat. En le relisant avant notre rencontre, j'ai mesuré la pertinence de ses recommandations. Christian Charpy a dû créer un nouvel organisme à partir de structures ayant des organisations et des traditions différentes et gérer un renversement de conjoncture qui s'est accompagné d'une montée massive du chômage. Mon premier mandat a eu pour objectif de donner du sens au rapprochement de l'ANPE et des Assédic, dans le cadre du plan stratégique Pôle emploi 2015. Il convient à présent de consolider l'acquis.
Pour y parvenir, nous nous sommes fixé cinq priorités.
La première, c'est de renforcer la personnalisation du service rendu aux demandeurs d'emploi et aux entreprises. Vis-à-vis des premiers, nous avons mis fin au suivi mensuel et créé trois modalités d'accompagnement différentes selon les profils des chômeurs. Nous souhaitons faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin. Près de 20 % des conseillers réalisent un accompagnement renforcé : ils suivent 70 demandeurs d'emploi au maximum. Nous enregistrons d'ores et déjà les résultats de cet effort : pour la première fois depuis 2009, le taux de satisfaction des demandeurs d'emploi vis-à-vis de Pôle emploi s'est amélioré ; il atteint 69 %... ce qui montre qu'il existe des marges de progression ! Nous avons trois objectifs : augmenter le nombre des bénéficiaires de cet accompagnement renforcé, mutualiser nos forces avec les départements -nous avons signé des conventions de partenariat avec une vingtaine de conseils généraux afin que les demandeurs ayant le plus de difficultés puissent être suivis parallèlement par des travailleurs sociaux, et nous ambitionnons de développer ce dispositif dans d'autres départements- et enfin, offrir cet accompagnement intensif aux jeunes, grâce à des financements du fonds social européen (FSE). Les publics les plus fragiles étaient jusqu'à présent confiés aux opérateurs privés de placement : nous les prendrons en charge. Au-delà de la consolidation des actions engagées, des inflexions sont nécessaires pour améliorer la qualité du diagnostic initial de la situation des demandeurs d'emploi et accélérer le démarrage de l'accompagnement. Nous nous sommes également attachés à différencier notre offre de services aux entreprises. Nous proposons une aide renforcée aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) pour pallier l'absence en leur sein d'effectifs dédiés à la gestion des ressources humaines. Nous travaillons au rétablissement de la confiance et expérimentons la mise en place d'équipes spécialisées dans la relation avec les entreprises au sein de chaque agence.
La consolidation de la territorialisation de l'organisation de Pôle emploi constitue notre deuxième priorité. Partant d'une structure centralisée, nous avons développé la marge de manoeuvre des conseillers sur le terrain. Nous avons mené un programme ambitieux de déconcentration budgétaire, avec une fongibilité maximale des crédits. Nous avons également noué des partenariats locaux, notamment avec les conseils généraux : nous cherchons à mutualiser des compétences hors de tout enjeu de pouvoir dans un souci d'efficacité. Nous désirons travailler avec les départements, mais aussi avec les régions en matière de formation professionnelle et avec les missions locales, de manière à ce qu'un accompagnement global soit offert à ceux qui en ont besoin. Une nouvelle convention de partenariat devrait être signée avec les missions locales avant la fin de l'année.
Troisième priorité : développer notre capacité d'innovation. Je suis fier de la création d'un service entièrement dématérialisé par Internet, le « 100 % web » pour les demandeurs d'emploi volontaires. Ce service connaît un taux de satisfaction de 90 % ! Il existe dans sept régions et a bénéficié à 8 000 personnes ; nous le généraliserons dans toutes les régions avec l'objectif de couvrir environ 40 000 demandeurs en 2015.
Nous avons également avancé sur un autre projet emblématique : nous avons travaillé avec succès à améliorer la transparence du marché du travail en offrant à nos partenaires privés et publics la possibilité de publier des offres d'emploi sur notre site Internet ; aujourd'hui, sur un total de 200 à 250 000 offres publiées, 120 000 proviennent de nos partenaires. Près de 40 % de la population active française est née après l'arrivée d'Internet : le développement de services numériques est impératif. Nous encourageons aussi l'innovation interne à travers une plate-forme collaborative, afin d'encourager les bonnes idées et les expérimentations.
Quatrième priorité : enrichir le contrat social de l'établissement. Il s'agit de faire partager à nos collaborateurs nos objectifs stratégiques et de leur offrir de bonnes conditions de travail. Nous avons créé un référentiel des métiers, développé la formation interne. Nous venons de terminer une négociation sur la classification des emplois. Si des progrès restent à accomplir, les indicateurs internes de satisfaction se sont améliorés. Le climat social est apaisé. Nous n'avons connu aucun conflit social significatif récemment, et nous sommes transparents sur nos projets : 75 réunions du comité central d'entreprise se sont tenues depuis 2012. La gestion prévisionnelle et emplois et des compétences (GPEC) constituera notre prochain chantier.
Dernière priorité : renforcer notre efficience. Pôle emploi gère de l'argent public et doit l'utiliser au mieux. Nous avons mené un programme d'économie : nos crédits de fonctionnement ont diminué de 18 % sur trois ans ce qui a permis de rétablir l'équilibre des comptes en 2014. Nous avons réduit les fonctions support grâce à des redéploiements. En l'absence de création de postes, il nous faut trouver, en interne, des moyens et des ressources en modifiant nos méthodes de travail. Nous testons le développement de l'accueil sur rendez-vous afin de remplacer l'accueil sur flux, moins efficace et plus consommatrice de temps. Nous cherchons à renforcer la culture de la performance. Nous avons renforcé les enquêtes de satisfaction au niveau des agences : je considère que les critères essentiels doivent être le taux de retour à l'emploi, et le taux de satisfaction des personnes qui nous sollicitent. Actuellement, 40% des agences dispensent d'un dispositif d'accompagnement managérial. Jusqu'à présent, il nous était difficile de mesurer les résultats de nos actions. Nous avons obtenu de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) qu'elle nous communique les déclarations d'embauche, afin de savoir ce que deviennent les personnes qui retrouvent un emploi. Nous devrions disposer, au mois de janvier prochain, de quinze indicateurs de résultats qui seront suivis par agence et permettront des comparaisons entre elles, en fonction de leurs caractéristiques socio-économiques.
Mon grand regret est de n'avoir pas réussi à améliorer l'image de Pôle emploi. Je sais que seuls les trains en retard sont intéressants, mais on ne nous passe rien ! Je veux rendre ici hommage au professionnalisme des conseillers Pôle emploi. Confrontés à une augmentation très importante de leur charge de travail -le nombre de chômeurs inscrits en catégorie A a cru de 500 000 en trois ans- ils ont réussi à maintenir les délais d'inscription et de paiement des allocations à des niveaux très satisfaisants. Nous remplissons douze des quinze indicateurs qui nous ont été fixés il y a trois ans. Pôle emploi a contribué au succès du plan de formation du Gouvernement « 100 000 contrats aidés ». Les marges d'amélioration restent considérables mais les progrès accomplis doivent être salués.
La critique systématique dont Pôle emploi fait l'objet est injuste et contreproductive. Un organisme qui compte 50 000 collaborateurs ne se réforme pas en deux mois !
Je terminerai mon propos en précisant que les négociations actuelles entre Pôle emploi, l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unédic) et l'Etat se déroulent bien grâce à un large consensus sur les orientations, notamment en ce qui concerne le développement du numérique et la réforme des inscriptions. Je vous assure de ma motivation pour mener à bien ces projets.