Intervention de Jean Bassères

Commission des affaires sociales — Réunion du 10 décembre 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Jean Bassères candidat proposé par le président de la république à la direction générale de pôle emploi

Jean Bassères :

Il y a lieu de distinguer la sous-traitance de prestations de conseils à nos services ou de formation des demandeurs d'emploi et la sous-traitance à des opérateurs privés de l'activité de placement des demandeurs d'emploi. La première forme de sous-traitance est indispensable. Nous avons réduit les frais qu'elle occasionne qui étaient trop importants. La Cour des comptes a critiqué la seconde, qui représente un coût de 80 millions d'euros. A la suite du rapport de la Cour, nous avons fait un appel public à contribution et demandé à des universitaires de mesurer l'efficacité de cette sous-traitance au regard de son coût. Ils ont conclu que la qualité du service rendu par les opérateurs privés de placement (OPP) n'est pas meilleure que celle de Pôle emploi. Pour autant, nous n'avons pas mis fin à ces délégations : d'une part, nous n'avons pas l'assurance de pouvoir créer les postes correspondants en interne ; d'autre part, nous ne voulons pas désorganiser le marché existant. En revanche, nous avons modifié la logique de la sous-traitance : autrefois les OPP étaient chargés de l'accompagnement renforcé des personnes les plus en difficulté. Nous avons réinternalisé cet accompagnement : il occupait 500 conseillers en 2012, 4500 conseillers Pôle emploi en sont désormais chargés. La logique a changé : nous confions aux OPP des publics plus autonomes et mieux armés pour retrouver un emploi. Nous leur fixons une obligation de résultat - 40 % de leur rémunération est liée à l'atteinte d'objectifs de retour à l'emploi et de satisfaction des demandeurs d'emploi - sans obligation de moyens, contrairement à la tradition française d'imposer des objectifs sans donner de liberté d'action. Nous devons aussi nous interroger sur notre capacité de contrôler les OPP.

J'en viens à la régionalisation. La France est un pays extraordinaire : la loi du 5 mars 2014 n'est pas encore entrée en vigueur qu'il est déjà question de la modifier ! La décentralisation n'a de sens que si elle s'accompagne d'une clarification des compétences. L'exercice des compétences doit être lié à la prise en charge des coûts. Qui paie commande. Il est anormal de confier des responsabilités à la région en matière d'emploi si elle ne contribue pas au financement des activités correspondantes. Il faut choisir un modèle -décentralisation ou centralisation- et s'y tenir. L'Allemagne a adopté un modèle centralisé : il existe une agence nationale de l'emploi et les Länder n'interviennent pas. On peut décider de décentraliser Pôle emploi mais je souhaite bon courage à celui qui voudra réaliser cette réforme alors que l'établissement sort à peine d'une fusion ! En matière d'accompagnement des demandeurs d'emploi, l'intervention de la région n'apporterait rien. L'Etat finance les contrats aidés, les missions locales, il est logique qu'il siège au conseil d'administration des Crefop. Les régions disposent de compétences importantes en matière de formation. Dans le cadre de la réforme territoriale en cours, il y a un travail considérable à effectuer dans ce domaine. Ainsi les régions Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin doivent fusionner. Or elles mènent des politiques de formation très différentes qu'il conviendra d'harmoniser, tout comme il conviendra d'unifier les modalités d'information des demandeurs d'emploi sur les formations disponibles. La loi est très claire sur le sujet de la formation et renforce le pouvoir décisionnaire de la région. Cela est positif. Vous avez voté une disposition afin que Pôle emploi n'achète plus de formation sans l'aval de la région. Je l'approuve. En revanche, donner des compétences au président de région pour l'accompagnement des demandeurs d'emploi n'a pas de sens. Il faut sortir des réflexions en termes d'enjeu de pouvoir et réfléchir à l'efficacité. Les conventions signées avec les conseils généraux déterminent mieux les responsabilités de chacun : nous mutualisons les moyens, le conseil général s'occupe de l'accompagnement social et Pôle emploi, de l'accompagnement professionnel. Je suis plus à l'aise avec cette approche. Je négocie aujourd'hui une convention tripartite avec l'Etat et demain il faudra renégocier avec la région ? Les conseillers Pôle emploi sont un peu perdus... L'emploi est la priorité nationale du pays, la politique de l'emploi fait intervenir de nombreux acteurs, c'est une chance. La difficulté réside dans la lisibilité et la complémentarité de leurs interventions. Les communes sont aussi légitimes à traiter de la politique de l'emploi que les départements ou les régions !

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