Intervention de Joël Guerriau

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 décembre 2014 : 1ère réunion
Andorre — Règlement de deux questions transfrontalières et coopération policière et douanière - examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau, rapporteur :

Je vous propose d'examiner ce matin, trois projets de loi autorisant respectivement l'approbation de trois accords entre la France et la Principauté d'Andorre qui ont pour trait commun d'être liés à la frontière.

Il s'agit d'accords :

- portant délimitation de la frontière ;

- relatif à la gestion commune de la ressource en eau dans le bassin hydrographique des sources de l'Ariège ;

- relatif à la création d'un bureau à contrôles nationaux juxtaposés à Porta ;

J'ai souhaité présenter ces trois projets de loi dans le cadre d'un unique rapport car ils sont intrinsèquement liés.

Celui portant délimitation de la frontière a été conclu le 6 mars 2012.

Il tend à préciser le tracé de la frontière franco-andorrane afin de mettre fin à des durables divergences entre les deux Etats, en l'absence de texte.

Cet accord conduit à une modification de la répartition d'une partie du bassin de l'Ariège, frontière naturelle entre les deux pays. Naturellement, les Parties ont examiné les modalités de la gestion commune du bassin hydrographique de l'Ariège et un second accord a été conclu le même jour.

Quant à l'accord portant création d'un bureau à contrôles nationaux juxtaposés à Porta, conclu les 13 janvier et 10 mars 2011 par échange de notes, il vise à créer des synergies dans le cadre des contrôles policiers et douaniers exercés à la frontière.

S'agissant de l'accord sur la frontière, il convient de relever qu'auparavant, le tracé de la frontière franco-andorrane n'était précisé par aucun texte. Il relevait d'usages locaux et d'un jugement de l'intendant de Perpignan et Foix qui avait attribué aux Andorrans vers 1735 la rive gauche du cours supérieur de l'Ariège, revendiquée par les habitants du Comté de Foix.

En conséquence, on observait des chevauchements et des « trous » dans ce tracé frontalier. Il s'agit de :

- la zone du Pic de Ruf dont deux hectares étaient attribués à la Principauté par les cartes françaises d'une part, et à la France par les cartes andorranes, d'autre part ;

- La rive gauche du ruisseau de la Palomera, soit une surface de cinq hectares, qui était portée sur la commune française de l'Hospitalet, sur les cartes françaises et en Andorre par les cartes andorranes ;

- l'Etang de Font Nègre de 1,6 hectare, situé entièrement en France sur les cartes françaises et partagé entre les deux pays par les cartes andorranes ;

- Le Clot de les Abelletes, soit une surface de 46 hectares, située au sud-ouest de l'Etang de Font Nègre, qui était située en France sur les cartes françaises ainsi qu'en Andorre sur les cartes andorranes ;

- Un hectare à l'est du Pic Nègre d'Envalira, vers le chef-lieu de la commune de Porta, qui était localisé en France sur les cartes françaises et en Andorre sur les cartes andorranes.

La question de l'exactitude de la délimitation de la frontière s'est posée notamment en 1976, avec la publication de cartes andorranes dont les nouveaux tracés divergeaient de ceux reportés sur les plans cadastraux français depuis 1840 puis sur les cartes de l'Institut géographique national (IGN).

Afin de résoudre ces litiges, la France a obtenu que soit posé le principe de la délimitation du tracé de la frontière, dans un traité du 12 septembre 2000, portant rectification de la frontière.

Dans le cadre de ce traité, un premier échange portant sur 1,5 hectare de terrains inhabités, a été effectué afin que les Andorrans puissent exécuter, à leur charge, des travaux d'élargissement de route, nécessitant la construction d'un viaduc au-dessus de l'Ariège. La France, à cette occasion, a récupéré un terrain où se situe une station de mesure.

Puis des négociations se sont engagées, sur la délimitation des frontières dans le cadre d'une commission franco-andorrane. Elle s'est réunie pour la première fois, le 5 juillet 2001. Les négociations ont duré dix ans.

La surface totale contestée de 52,86 hectares a été répartie en deux, à raison de 26,43 hectares pour chacune des Parties à l'Accord. Je vous renvoie à mon rapport pour les détails.

Lors des négociations entre la Partie française et la Partie Andorrane sur le tracé de la frontière, l'importance de la problématique de l'eau s'est imposée aux Parties et les a conduites à étendre le champ de ces négociations afin de conclure également un accord sur la gestion de l'eau.

Les deux accords sont intrinsèquement liés. La gestion commune des eaux de l'Ariège, affluent de la Garonne, est tributaire du tracé de la frontière.

Cette dernière suit à l'est le cours de l'Ariège jusqu'à sa source, en Andorre. Le bassin hydrographique des sources de l'Ariège est donc situé pour partie sur le territoire français, et pour partie sur le territoire andorran. Le nouveau tracé de la frontière modifie la répartition entre les deux Etats d'une partie du bassin versant.

En outre, il n'existe actuellement pas de protocole de gestion commune de l'eau entre les deux Etats. Or, la France subit, en ce domaine, les conséquences des actions de la Principauté, située en amont.

Afin de se conformer à ses obligations communautaires en matière de maintien du bon état écologique de ses cours d'eau, la France doit être en mesure de se garantir à tout moment du maintien d'un débit suffisant dans les cours d'eaux. C'est l'objet du présent accord puisque la source de l'Ariège est en Andorre.

Il porte principalement sur la gestion quantitative de l'eau. Afin de garantir l'intégrité des habitats et la capacité d'auto-épuration du cours d'eau, il définit un débit minimal, dit débit réservé, dans la rivière permise grâce à la gestion commune de l'eau. La France doit se préserver du risque d'une consommation excessive d'eau à sa source par la station touristique du Pas de la Case.

Enfin, le troisième accord porte sur les modalités de contrôle aux frontières. Il vise à créer un Bureau à Contrôles Nationaux Juxtaposés (BCNJ) à Porta. Il résulte de la nécessité de mettre en place de nouveaux moyens de contrôle, à la suite de l'aménagement de nouvelles infrastructures routières, ouvertes à la circulation en 2002.

La Principauté a souhaité modifier sa voie principale d'accès en France, afin d'optimiser la fluidité du trafic. Elle a construit un tunnel sous le col ainsi qu'un viaduc permettant l'accès direct à la Principauté depuis la route nationale 22.

Compte tenu des risques de contrebande dans cette nouvelle zone, les deux Etats ont convenu de mettre en place un BCNJ afin de rassembler leurs services de contrôles douaniers et policiers sur un site unique. Celui-ci est situé sur la commune de Porta, en territoire français, à 2,5 kilomètres de la frontière andorrane.

Une convention bilatérale a été conclue en ce sens le 11 décembre 2001 et ratifiée en avril 2004. Elle pose le principe de juxtaposition des contrôles, en définissant les règles générales d'organisation des contrôles douaniers et policiers conjoints.

Le présent accord intervient en application des stipulations de la convention cadre de 2001. La création d'un BCNJ à Porta présente un double intérêt.

Tout d'abord, il permet aux touristes, aux transporteurs et aux professionnels du commerce international de satisfaire en un seul et même point, à l'ensemble de leurs obligations légales et réglementaires nécessaires par le franchissement de la frontière.

Ensuite, le regroupement, au sein d'un même site, de représentants des administrations de contrôle des deux Parties, accentue la coopération, l'échange de renseignements, de cultures administratives, et d'expériences professionnelles, améliorant ainsi directement l'activité des services et le service rendu à l'usager.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose d'adopter les projets de loi n° 260 (2013-2014), n° 261 (2013-2014) et n° 262 (2013-2014) autorisant respectivement l'approbation des accords entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre :

- relatif à la création d'un bureau à contrôles nationaux juxtaposés à Porta,

- relatif à la gestion commune de la ressource en eau dans le bassin hydrographique des sources de l'Ariège,

- et portant délimitation de la frontière.

Après l'exposé du Rapporteur, la commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité.

La Conférence des Présidents a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.

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