Intervention de Anne Bringault

Commission des affaires économiques — Réunion du 10 décembre 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique pour la croissance verte — Table ronde avec des représentants d'organisations non gouvernementales

Anne Bringault, chargée de la coordination des activités sur la transition énergétique pour les ONG :

Pourquoi faut-il une transition énergétique ? La notion n'a rien d'évident : un sondage récent montre que seulement un Français sur cinq sait ce qu'elle recouvre et un débat a eu lieu sur l'intitulé même de ce texte. Parmi les nombreuses raisons qui justifient la transition énergétique, il y a l'augmentation des prix de l'énergie, alors que notre pays compte déjà onze millions de précaires énergétiques, il y a l'épuisement des ressources fossiles et il y a le changement climatique. Le GIEC vient de décrire les impacts du changement climatique qui se produira si nous ne changeons pas nos modes de consommation : un réchauffement moyen de 5 degrés, avec une montée du niveau de la mer de un mètre environ. Les conséquences en sont très nombreuses, sur notre territoire même : des vins dont la qualité se dégrade, des stations de ski sans neige, quelque 5 000 kilomètres de route et 2 000 kilomètres de rail impraticables, une canicule 40 jours par an en région parisienne, la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes comme les tempêtes... L'impact sur les pays du sud est bien plus grand encore, avec le déplacement forcé du dixième de la population de ces pays, une production des céréales en baisse, la raréfaction de l'eau, de la ressource halieutique, de nouveaux conflits.

Ces perspectives dramatiques nous incitent à tout faire pour en rester à un réchauffement de 2 degrés, ce qui implique de laisser les deux-tiers des ressources fossiles dans le sol. Concrètement, nous devons tenir un objectif de facteur 4 d'ici 2050, c'est-à-dire diminuer par quatre nos émissions de gaz à effet de serre, et tous les scénarios autour de la table conviennent que cela nécessite de réduire de moitié notre consommation d'énergie d'ici 2050 ; or, les objectifs que ce projet de loi fixe pour 2030 ne permettent pas de tenir le rythme. Il faut pourtant bien mesurer l'intérêt économique même de la transition énergétique : il y aurait au moins 630 000 emplois à créer d'ici 2030, notamment dans l'efficacité énergétique.

Sur les énergies renouvelables, ce projet de loi demeure insuffisant, puisqu'il revient à freiner le rythme entre 2020 et 2030, alors même que ces énergies deviennent compétitives.

Sur la rénovation du bâtiment, ce texte apporte des éléments intéressants. Les financements actuels sont nombreux, complexes et loin d'être toujours cohérents, les ménages ne s'y retrouvent guère ; nous demandons la création d'un fonds souverain à taux très bas, pour flécher des crédits vers la rénovation performante.

Pour tenir nos objectifs, également, il faut donner un prix au carbone, c'est la contribution climat énergie ; elle va progresser, mais pas au-delà de 2016, alors que nous avons besoin d'une trajectoire plus longue pour changer les comportements, par exemple avec un objectif de 56 euros la tonne de CO2 en 2020 et de 100 euros en 2030.

Nous souhaitons également un élargissement des zones d'information des riverains de centrales nucléaires : le périmètre est actuellement de dix kilomètres, alors que l'accident de Fukushima a occasionné l'évacuation des populations dans un rayon de cinquante kilomètres. Il faut informer les populations sur les consignes en cas d'accident, c'est nécessaire.

Enfin, nous aurons des propositions pour renforcer le dialogue environnemental et sur la gouvernance de la transition énergétique, tant le dialogue de la société civile et des administrations nous paraît une condition même de réussite.

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