Intervention de Marc Jedliczka

Commission des affaires économiques — Réunion du 10 décembre 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique pour la croissance verte — Table ronde avec des représentants d'organisations non gouvernementales

Marc Jedliczka, vice-président du Comité de liaison des énergies renouvelables :

Ce projet de loi marque une évolution des consciences, que nous avons constatée déjà au sein du Conseil national de la transition énergétique - où un débat a eu lieu entre la société civile, les administrations, le Parlement, un débat fructueux puisque si nous avons constaté nos divergences, nous avons aussi partagés des constats, en particulier celui qu'il nous faudrait réduire collectivement notre consommation d'énergie et que la transition énergétique est une opportunité économique, comme nous le montrent l'Allemagne, le Danemark ou encore la Grande-Bretagne.

La France doit investir pour l'efficacité énergétique, d'abord parce que notre parc nucléaire ne peut rester en l'état : quel que soit le scénario retenu, avec des EPR ou la rénovation des centrales actuelles, nous devrons investir des dizaines de milliards d'euros les prochaines années pour faire face à nos besoins - c'est le bon moment pour une réflexion stratégique sur l'utilisation de ces moyens, mais aussi sur les leviers pour le développement de notre pays et de ses territoires. Il faut le souligner devant le Sénat : les territoires ont été les grands absents de nos politiques énergétiques, alors qu'ils sont aujourd'hui indispensables pour réussir la transition énergétique.

Sur les énergies renouvelables, il faut porter la plus grande attention aux mesures visant les tarifs d'achat. On peut douter, d'abord, que le changement de notre système vienne d'Europe. Mais surtout, nous devons partir de ce constat simple : l'air, l'eau et le soleil sont partout, dans les territoires, pourquoi leur exploitation devrait-elle revenir seulement à quelques multinationales ? Le recours au marché risque très fort d'exclure les PME, les collectivités locales, il faut préserver ce tissu, ce qui suppose, à tout le moins, de prévoir la réversibilité du mécanisme de marché dans lequel on s'engage.

L'ouverture des projets à l'investissement citoyen, ensuite, va dans le bon sens, je le vois dans mon département où nous avons une société publique d'investissement dans les énergies renouvelables, cette participation est utile en particulier pour l'acceptation des projets par la population. Nous souhaitons aller plus loin, en autorisant le crowdfunding pour financer la dette des projets en matière d'énergies renouvelables.

Les garanties d'origine, dont le droit européen nous impose la création, ne devraient pas aller exclusivement à l'acheteur unique - EDF ou les entreprises locales de distribution -, parce qu'elles ont potentiellement une valeur et qu'il est probable qu'elles feront l'objet d'un marché ; il serait souhaitable de partager cette valeur entre le producteur et la contribution au service public de l'énergie (CSPE).

Nous vous proposerons des amendements sur la régulation des marchés. La France est en retard pour l'ouverture de son marché et nous souhaitons une plus grande séparation entre les activités de production et celles de gestionnaire de réseau, c'est nécessaire pour que les collectivités locales reprennent la main sur la gestion des réseaux dont elles sont propriétaires. De même, il faut bien distinguer les métiers de l'efficacité énergétique et ceux des fournisseurs d'énergie, la confusion règne par exemple dans les offres de type « bleu ciel » ; je le sais par mes fonctions à la tête d'un espace info énergie, où nous passons beaucoup de temps à décrypter avec les consommateurs les nombreuses offres, qui sont souvent de la publicité - nous jouons le rôle d'un véritable service public de l'information indépendante.

Concernant la gestion des réseaux, il conviendrait de revenir sur le traitement différencié, voire discriminatoire, qui existe en France entre consommateurs et producteurs d'électricité et ce au mépris du droit européen, en particulier de la directive de 2009 sur les réseaux. Ces dispositions pénalisent les producteurs qui n'ont pas droit, par exemple, à la réfaction : une demande de raccordement au réseau d'une installation photovoltaïque est ainsi payée à 100 % par le producteur alors que le consommateur ne paie lui que 60 % du coût de raccordement, les 40 % étant mutualisés via le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe). C'est une anomalie totale qui date de la mise en place du moratoire sur le photovoltaïque. Autre illustration de cet effet de balancier qu'a connu le photovoltaïque après la gestion pour le moins erratique, par l'État, de ses tarifs d'achat : lorsque vous investissez dans une installation photovoltaïque qui ne fait pas appel au tarif d'achat, vous ne pouvez pas déduire ces sommes de vos impôts alors que c'est possible pour les autres investissements dans les PME. Le photovoltaïque subit donc désormais une triple peine, sans même parler des quotes-parts fixées dans les schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) qui font échouer de nombreux projets.

Nous sommes également pour la clarification des règles pour les réseaux fermés, qui n'ont pas accès, par exemple, aux tarifs nationaux.

Nous vous proposerons encore des mesures pour faciliter l'accès aux données détenues par les opérateurs et qui sont indispensables aux collectivités locales, pour connaître précisément leur territoire sur le plan énergétique, donc établir en conséquence les documents de programmation. Nous sommes également favorables à ce que l'obligation des plans climat-énergie territoriaux (PCET) couvre l'ensemble du territoire, mais aussi à ce que les divers documents qui existent soient mieux articulés, qu'il y ait une cohérence entre les plans portant sur des échelles géographiques différentes ; le Sénat nous paraît, à cet égard, le mieux à même de redéfinir cette architecture, pour une véritable gouvernance territoriale de la transition énergétique.

Enfin, là où le texte met en place un « service public de l'efficacité énergétique », nous pensons qu'il faudrait aussi, ou plutôt, un service public de l'information sur l'énergie, ce n'est pas la même chose ; les espaces d'information énergie, comme celui que je préside, montrent déjà tout l'intérêt d'une information indépendante, transparente ; bien des forces vives sont prêtes à se mobiliser davantage sur l'ensemble du territoire, il faut aller dans ce sens.

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