Intervention de Jean-Yves Le Déaut

Commission des affaires économiques — Réunion du 10 décembre 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique pour la croissance verte — Audition de Mm. Jean-Yves Le déaut et marcel deneux auteurs du rapport intitulé « les freins réglementaires à l'innovation en matière d'économies d'énergie dans le bâtiment : le besoin d'une thérapie de choc » fait au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques opecst

Jean-Yves Le Déaut, député :

Notre rapport s'ouvre sur deux affaires qui ont provoqué l'indignation de plusieurs de nos collègues, députés ou sénateurs : l'affaire de la ouate de cellulose, qui montre qu'une enquête parlementaire peut, dans une certaine mesure, modifier le cours des choses, et l'affaire des couches minces d'isolants.

La ouate de cellulose est un isolant écologique tiré du bois dont la fabrication a été abattue en plein envol par une triple alerte réglementaire : d'abord, sur l'utilisation des sels de bore comme fongicides et ignifugeants ; ensuite, sur les risques importants d'incendie en cas de proximité avec des spots lumineux encastrés ; enfin, sur les conditions d'octroi des certificats d'économies d'énergie.

La première alerte réglementaire a été déclenchée par un groupe spécialisé de la commission en charge de formuler les avis techniques (CCFAT). Dans ce premier cas, la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) a sur-réagi à l'égard des évolutions de la réglementation européenne, notamment de la directive REACH, selon laquelle les sels de bore sont dangereux. Nous avions alerté les ministres du logement successifs du danger d'aller trop vite. Sans concertation, les sels de bore ont dû être remplacés par des sels d'ammonium qui, au bout de six mois, ont dégagé de l'ammoniac. Une nouvelle autorisation a alors été délivrée aux sels de bore.

La deuxième alerte réglementaire, celle relative aux risques d'incendie en cas de proximité avec des spots encastrés, a été déclenchée par l'Agence Qualité Construction (AQC) ; la troisième, concernant l'accès aux certificats d'économies d'énergie, résulte d'un hiatus dans la gestion d'une certification gérée par le CSTB.

On nous a fait entendre beaucoup de choses invérifiables : certains continuent de croire à une préméditation par un jeu d'influences bien calculé. On constate néanmoins que la moitié des entreprises concernées ont aujourd'hui fait faillite et que le CSTB n'a pas su jouer son rôle et donner un avis technique.

Quant à l'affaire des couches minces, elle résulte de la revendication d'une entreprise de l'Aude concernant une performance de son produit, justifiée par sa facilité de mise en oeuvre. La rénovation des bâtiments anciens doit souvent s'accommoder de la géométrie imparfaite des surfaces ; dans ce cas, des films souples permettent de réaliser beaucoup plus facilement l'étanchéité qu'avec des blocs massifs d'isolants qu'il faut ajuster aux jointures.

Le conflit entre le CSTB et l'entreprise en question porte depuis une dizaine d'années sur la valeur qu'on peut accorder à une mesure in situ, dans des chalets expérimentaux, pour rendre compte de la performance du produit. L'entreprise concernée n'a pas fait faillite. Néanmoins, avec le label RGE (Reconnu Garant de l'Environnement) de l'ADEME, un certain nombre de formateurs reviennent aux mono-produits et refusent des évolutions techniques, comme les couches minces, qui sont des produits complémentaires.

Les leçons que nous retenons de ces deux affaires sur l'organisation de l'évaluation technique sont de deux ordres :

- D'abord, le CSTB, pour ses tâches d'évaluation technique via la CCFAT, est en situation de prescripteur-prestataire ; il est dépendant de ses prestations techniques pour son financement, et il est en position de réclamer aux industriels des tests techniques qu'il va ensuite leur facturer.

- Ensuite, le CSTB, pour ce qui concerne ses analyses scientifiques comme celles relatives à la mesure de la performance réelle, n'est pas assez immergé dans le monde de la recherche et n'a pas suffisamment développé de moyens d'évaluation dans ses laboratoires de Champs-sur-Marne. Nous avons a posteriori appris que le producteur de matériaux de construction de couches minces avait mené des expériences très intéressantes sur ce sujet au Royaume-Uni, en s'appuyant sur les infrastructures techniques des universités de Salford et Leeds.

C'est pourquoi nous avons préconisé de séparer le CSTB en deux entités. D'une part, le CSTB lui-même resterait en charge de l'évaluation technique, mais aussi de l'expertise auprès du Gouvernement et de l'information. D'autre part, tous ses moyens techniques seraient regroupés dans un établissement juridiquement distinct : « Les laboratoires de la physique du bâtiment », chargé de la recherche et du contrôle, qui serait immergé dans la communauté scientifique correspondante.

Le Gouvernement ne l'a pas souhaité. Néanmoins, l'examen du projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale nous a permis d'obtenir un contrôle renforcé du CSTB par le Parlement, en prévoyant notamment la nomination de son président après avis des commissions permanentes compétentes du Parlement. Il faudra cependant profiter d'une prochaine loi organique pour intégrer la nouvelle procédure de désignation du président du CSTB au mécanisme prévu à l'article 13 de la Constitution, une loi simple ne suffisant pas à compléter la liste des instances concernées.

En outre, l'idée de se fixer annuellement un rendez-vous avec le CSTB sous forme d'audition a été retenue, ce qui nous satisfaisait.

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