Intervention de Marcel Deneux

Commission des affaires économiques — Réunion du 10 décembre 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique pour la croissance verte — Audition de Mm. Jean-Yves Le déaut et marcel deneux auteurs du rapport intitulé « les freins réglementaires à l'innovation en matière d'économies d'énergie dans le bâtiment : le besoin d'une thérapie de choc » fait au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques opecst

Photo de Marcel DeneuxMarcel Deneux, ancien sénateur :

Je l'ai évoqué précédemment, les aides aux produits, qu'il s'agisse de matériaux ou d'équipements, constituent une véritable barrière à l'entrée pour les produits innovants qui sont exclus de leur champ. Le calage de ces aides sur les avis techniques et les certifications accroît d'ailleurs la tension sur l'obtention de ces signes de qualité.

Mais les aides aux produits ne constituent pas seulement un frein pour l'innovation. Elles ont aussi pour conséquence un gaspillage des ressources publiques d'appui à la rénovation, pour deux raisons : tout d'abord, les intermédiaires relèvent leurs prix, cela a été prouvé ; ensuite, les intermédiaires utilisent les aides publiques comme argument commercial, ce qui provoque au coup par coup des décisions d'investissement qui ne sont pas forcément pertinentes.

Ainsi, la France, déjà à la peine pour mobiliser des ressources publiques, disperse de plus en plus ses efforts avec son système d'aides aux produits. L'analyse des aides montre en effet qu'elles sont, à hauteur de 60 % au moins, des aides ciblant des produits.

Notre principale recommandation, en ce qui concerne ces aides, consiste donc à demander qu'elles soient affectées aux projets de rénovation, et non plus aux produits. Révolutionnaire en termes de procédure, l'idée est que, pour chaque bâtiment à rénover, soit utilisée la technologie la plus adaptée, et non la technologie la plus aidée. Il faut rechercher au cas par cas l'utilisation la plus efficace possible des ressources publiques affectées à la rénovation.

Dans cette approche, une difficulté surgit : comment définir la solution la plus efficace ? De fait, l'ADEME a déjà esquissé la réponse à cette question en imaginant le label « RGE », entré en vigueur au mois de juillet dernier. Mais si le principe de labellisation des professionnels pour le conseil en rénovation nous semble pertinent, la cible choisie nous semble inadaptée : les 385 000 artisans sont très enclins à vendre avant tout leurs propres services. Les retours que nous avons eus sur les stages permettant d'obtenir ce label indiquent du reste qu'ils sont assez superficiels, et un reportage de l'émission Capital sur M6 l'a confirmé.

Notre recommandation est donc plus ambitieuse : nous proposons de certifier un groupe d'environ 3 000 à 4 000 conseillers en rénovation, qui rempliraient cette fonction d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, à la fois qualifiée et indépendante, dont on a besoin pour gérer de la manière la plus efficace possible chaque cas de rénovation. L'accès aux aides serait conditionné par l'élaboration d'un plan de rénovation conçu avec l'un de ces conseillers certifiés, qui seraient des acteurs privés, payés pour leur prestation.

Nous avons découvert à Berlin que ce modèle rejoignait certaines réflexions en cours au sein de la DENA, l'équivalent allemand de l'ADEME.

Notre idée est que la certification devrait être assurée par l'université. Elle s'appuierait sur une formation initiale pour les étudiants, une formation continue pour les ingénieurs thermiciens et les architectes candidats et une formation professionnelle pour les artisans souhaitant se consacrer à ce nouveau métier. Des filières pouvant délivrer ce genre de compétence hybride se mettent déjà en place, à Grenoble par exemple. La certification serait perdue en cas de refus d'effectuer les efforts de mise à niveau.

Vous le savez, mes chers collègues, l'article 40 de la Constitution s'oppose à un réaménagement du système d'aides par voie d'amendement parlementaire. À la faveur de la discussion à l'Assemblée nationale, Jean-Yves Le Déaut a néanmoins obtenu, au paragraphe VI de l'article 5 du projet de loi, l'inscription d'une remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement sur la globalisation des aides et leur octroi sur validation des projets complets de rénovation par un conseiller à la rénovation.

C'est une avancée modeste, mais qui permettra une prise de conscience progressive de l'inefficacité du système d'aide actuel. Ce système est en effet conçu plus comme un soutien économique aux artisans que comme un véritable outil au service d'une politique efficace de rénovation énergétique des bâtiments. La globalisation de ces aides permettrait d'avoir une politique de performance énergétique plus efficace, sans remettre aucunement en cause ce même soutien économique, puisque le volume financier globalement distribué devrait rester le même. Il suffit simplement d'avoir la volonté politique d'un meilleur ciblage.

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