Il est un point sur lequel le moteur de calcul n'a pas évolué : c'est la prise en compte des émissions de CO2. Pourtant, c'est là un des objectifs premiers de la politique énergétique de notre pays.
Le rapport de nos collègues Claude Birraux et Christian Bataille en 2009 avait soulevé le problème de l'ajout d'un plafond d'émission de CO2 dans la réglementation thermique, à côté du critère de consommation en énergie primaire. Lorsque nous sommes allés à Bruxelles, les fonctionnaires de la Commission européenne nous ont confirmé que rien, dans le droit européen, ne s'opposait à cet ajout, contrairement à ce que l'administration française avait indiqué à l'époque. La loi Grenelle 2 a prévu que ce plafond serait un des éléments de la prochaine réglementation thermique de 2020, et des discussions se tiennent depuis plusieurs mois autour de l'idée de tester un tel plafond dans le cadre d'un nouveau label plus exigeant que la règlementation thermique 2012.
Le débat achoppe sur le calcul des émissions de CO2 de l'électricité, à cause de la thèse consistant à prendre en compte, non pas les émissions moyennes sur l'année, mais les émissions dites « marginales », celles de la pointe de consommation d'hiver. Cela revient pratiquement à considérer que le contenu en CO2 de l'électricité française est égal à ce qu'il serait, si celle-ci était produite à 100 %, tout au long de l'année, par les plus mauvaises centrales au charbon d'Europe.
Manifestement, ce raisonnement n'est pas très cohérent. Il est d'ailleurs invalidé pour les années aux hivers doux, qui devraient se multiplier avec le réchauffement climatique.
Mieux vaut donc sortir de ce débat en calculant les émissions réelles tout au long de l'année, y compris en tenant compte des appels de puissance supplémentaires adressés à nos voisins à certains moments.
Par ailleurs, comme l'avait indiqué un rapport de nos collègues Bruno Sido et Serge Poignant en 2010, il faut traiter la question de la pointe de consommation par une politique spécifique jouant notamment sur les réserves d'effacement de la demande, la suppression, grâce à des relogements prioritaires, des taudis énergétiques équipés de « grille-pain », et la mise en place d'une politique tarifaire dissuasive de type EJP (option effacement des jours de pointe).
Le gaz a toute sa place dans le chauffage des bâtiments, notamment parce qu'il possède cet avantage déterminant de pouvoir être stocké. Sur le plan du stockage, l'électricité ne pourra pas offrir de solution économiquement viable, au moins jusqu'au milieu du siècle.
Cela n'empêche pas de coupler l'électricité avec des formes innovantes de stockage d'énergie. Nous avons visité à Crailsheim, dans le Bade-Wurtemberg, un système de stockage d'énergie à l'échelle d'un quartier, basé sur un ballon d'eau chaude de plusieurs millions de litres, et une dizaine de sondes souterraines enterrées à plus de 60 mètres. Ce système permet de restituer en hiver, par des pompes à chaleur, l'énergie solaire thermique accumulée durant les saisons plus clémentes. Il illustre la vitalité innovante de nos voisins.
Le réseau de gaz présente un inconvénient : il n'est pas accessible partout en France. En conséquence, nous avons proposé une modulation de la réglementation thermique créant une incitation à étendre les zones géographiques donnant accès au gaz, et favorisant l'installation d'un chauffage relais pour les jours de pointe : chaudière à bois ou système local de stockage d'énergie.
Cette approche d'aménagement très ciblée n'a pas prévalu lors de la discussion à l'Assemblée nationale. C'est un amendement de François Brottes, revenant à l'intention initiale de Claude Birraux et Christian Bataille en 2009, qui a prévalu, avec un plafond de CO2 imposé à partir de 2018. D'une certaine façon, « qui peut le plus, peut le moins » : nos propres idées d'aménagement sont ainsi satisfaites. Mais elles conservent leur pertinence, même avec un plafond général de CO2, car elles créent des incitations à élargir la couverture du réseau de gaz et à développer des technologies de stockage d'énergie.