Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 11 décembre 2014 à 9h00
Reconnaissance de l'état de palestine — Suite du débat

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Ce qui, pour beaucoup de juifs, après l’épreuve tragique de l’extermination, a marqué le temps d’une renaissance a bel et bien ouvert, pour les Palestiniens, le temps du déracinement, puis de l’occupation, à partir de 1967.

En 1930, Martin Buber le disait déjà à sa manière : l’objectif n’est pas « une cohabitation l’un contre l’autre », mais une « cohabitation en commun ». Buber rêvait alors d’un État binational. Peu en rêvent encore aujourd’hui. Ainsi, en 1993, lors de la signature des accords d’Oslo, Yitzhak Rabin déclarait plus humblement : « Notre destin nous force à vivre ensemble, sur le même sol, sur la même terre. » Deux États indépendants, démocratiques et contigus sur la même terre ? Oui, car c’est bien là la seule issue à des décennies de déni mutuel, de guerres meurtrières, de destructions et de souffrances. C’est la seule issue à des décennies d’occupation dévastatrice pour l’occupé, dont le dernier épisode est la mort, hier, du ministre palestinien, Ziad Aboud Ein.

La paix se construit en général sur des décombres, hélas ! N’abandonnons pas le terrain aux extrémistes des deux bords. Messianisme et irrédentisme conduisent inéluctablement au désastre. Opposons à la violence et au terrorisme, d’où qu’il vienne, un discours de raison. Et agissons avant que la naissance d’un État palestinien viable devienne tout simplement impossible.

En 1976, Yeshayahou Leibowitz, penseur israélien religieux et iconoclaste, écrivait : « Il se peut que l’histoire des relations israélo-arabes de ces dernières décennies soit un chaos irréparable. D’évidence, dans la situation créée à la suite de la conquête par les juifs de tout le territoire de la Palestine au cours de la guerre des Six Jours, il est impossible que les juifs et les Arabes en viennent à s’entendre pour la partition du pays entre les deux peuples et qu’ils le fassent de leur plein gré. C’est pourquoi il faut souhaiter une solution imposée aux deux parties par les superpuissances. » Pour ma part, je ne crois pas à la toute-puissance des « superpuissances ». Je crois pourtant que nous pouvons et que nous devons peser. Voter la présente résolution serait un moyen de le faire.

J’ai vécu de longues années en Israël. J’ai consacré nombre de mes travaux de recherche, comme universitaire, à l’histoire du peuple juif et à celle du sionisme. Je suis profondément attachée à ce pays. Je n’en suis pas moins consciente de la tragique injustice faite au peuple palestinien. J’ai vu de près les terribles souffrances, les humiliations quotidiennes et la désespérance.

Aujourd’hui, c’est en citoyenne, en élue de notre République et en écologiste que je m’exprime. Les écologistes, dont je porte la parole, voteront unanimement cette proposition de résolution, dont ils sont tous signataires.

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