Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, avec une augmentation de ses crédits de 4, 5 % et la création de 1 615 emplois - dont 400 pour les juridictions -, le budget de la justice pour 2008 constitue sans aucun doute un budget privilégié. Sans entrer dans le détail des chiffres, je souhaite insister sur quelques points essentiels.
Le premier concerne l'influence de l'application de la LOLF sur le fonctionnement de l'institution judiciaire : nous en mesurons les conséquences positives dans le projet de loi de finances pour 2008. Les visites que j'ai pu faire tout au long de l'année, m'ont conforté dans l'idée que la démarche de performance et de responsabilisation était désormais bien intégrée par les juridictions. Les succès obtenus dans la réduction des frais de justice en constituent la plus belle démonstration.
Le renforcement des moyens alloués aux services administratifs régionaux, acteurs essentiels de la gestion déconcentrée des crédits de la justice, conforte la nouvelle donne budgétaire. Aussi, madame la ministre, ne pensez-vous pas qu'il serait opportun de donner aux juridictions une plus grande marge de manoeuvre dans l'utilisation des crédits qui leur sont délégués et dans la gestion des emplois ?
Je souhaite parler également de notre système d'aide juridictionnelle que notre collègue Roland du Luart, dans son récent rapport, estime « à bout de souffle ». L'absence de revalorisation de l'aide juridictionnelle dans le projet de loi de finances pour 2008, alors que tout n'a pas été réglé par l'augmentation obtenue en 2007, impose au Gouvernement de trouver une solution acceptable et pérenne.
À titre personnel, je ne suis pas favorable à l'idée d'instaurer un « ticket modérateur » qui resterait à la charge des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle. Il me semble, en effet, difficilement acceptable de taxer, pour ainsi dire, des personnes aux moyens financiers limités qui sont contraintes de recourir à l'institution judiciaire : ce n'est jamais pour le plaisir que l'on se retrouve devant la justice et rares sont ceux qui ont tendance à en abuser. Madame le garde des sceaux, pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions dans ce domaine ?
Je voudrais également évoquer les créations d'emplois de greffiers et de fonctionnaires, au regard des évolutions à venir de l'institution judiciaire. La commission des lois se félicite que la Chancellerie crée en 2008 autant d'emplois de greffiers que de magistrats et qu'elle prenne conscience de la nécessité d'organiser des concours réguliers d'accès à l'École nationale des greffes pour faire face aux nombreux départs en retraite qui s'annoncent.
Toutefois, le déséquilibre entre le nombre de magistrats et le nombre de greffiers reste encore trop important et les créations d'emplois de fonctionnaires des greffes annoncées en 2008, bien qu'appréciables, devront être amplifiées au regard des charges nouvelles résultant de la multiplication des réformes tant en matière civile que pénale. Par exemple, la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs impose une révision de l'ensemble des mesures de protection ouvertes avant son entrée en vigueur : j'ai pu constater quelles inquiétudes cette tâche très importante faisait naître dans les juridictions concernées. Ne serait-il pas temps, madame le garde des sceaux, d'accompagner les projets de loi d'études d'impact afin de s'assurer que les moyens humains seront suffisants pour les appliquer ?
En accélérant la numérisation des procédures ainsi que la modernisation du parc informatique et des techniques de communication, le projet de loi de finances pour 2008 facilitera effectivement le travail des magistrats et des auxiliaires de justice, mais il ne réglera pas tous les problèmes.
De même, si la réforme de la carte judiciaire doit permettre de regrouper en un même lieu des moyens précédemment dispersés, elle ne dispensera pas pour autant le Gouvernement de rétablir un meilleur équilibre entre magistrats, d'une part, et greffiers et fonctionnaires du greffe, d'autre part. À défaut, quel peut être l'effet concret de la décision d'un juge, si celui-ci ne dispose pas d'un greffier pour l'éditer et la notifier dans des délais raisonnables ?
Avant de conclure, je dirai un mot sur la réforme de la carte judiciaire. La commission des lois la juge nécessaire depuis 1996. Je partage cet avis, mais je déplore, à titre personnel, le manque de pédagogie qui a présidé à l'ouverture de ce chantier difficile. Certes, la réalisation d'une telle réforme ne peut donner satisfaction à tous, mais un dialogue plus soutenu avec les acteurs concernés aurait permis de l'engager dans de meilleures conditions, d'autant que ses répercussions sur l'aménagement du territoire seront profondes et qu'elle trahit une approche malheureusement plus statistique que territoriale.
Vous avez indiqué, madame la ministre, que l'objectif de cette réforme était de garantir aux Français une « meilleure justice, plus efficace, plus lisible, plus rapide ». On ne peut qu'approuver un tel objectif.
Pourtant, je ne pense pas que le regroupement des moyens - même accompagné du développement des technologies de l'information et de la communication - puisse toujours compenser l'éloignement des juridictions, notamment pour les personnes n'ayant pas accès à ces technologies et pouvant difficilement s'éloigner de leur domicile. Aura-t-on vraiment réussi à rapprocher le citoyen de la justice, si certains de nos compatriotes rencontrent plus de difficultés à accéder, par exemple, aux tribunaux d'instance qui jugent précisément les contentieux du quotidien ? Mais nous aurons certainement l'occasion d'en reparler dans les prochaines semaines... Quoi qu'il en soit, la mise en oeuvre de cette réforme n'a que peu de conséquences pour le projet de loi de finances pour 2008 et il convient de ne pas se tromper de débat.
Aussi, compte tenu de l'incontestable amélioration prévue des moyens et des effectifs, qui permettra au budget de la justice d'atteindre 2, 4 % du budget de l'État alors qu'il ne dépassait pas 1, 72 % en 2002, la commission des lois émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux services judiciaires et à l'accès au droit.