Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, mon rapport pour avis sur les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire se devait de relever que bon nombre d'indicateurs sont franchement passés au vert.
Si les crédits accordés à la justice progressent de 4, 5 %, contre 1, 6 % en moyenne pour le budget de l'État, la priorité est encore plus affirmée pour la dotation réservée au programme « Administration pénitentiaire », qui augmente de 6, 4 %, représentant 36, 6 % de la mission « Justice » avec une enveloppe de 2, 383 milliards d'euros.
Cette augmentation sensible se justifie pour l'essentiel par l'ouverture de sept nouveaux établissements pénitentiaires en 2008 - trois établissements pour mineurs, une maison d'arrêt, un centre de détention et deux centres pénitentiaires - et l'allocation des moyens nécessaires à leur fonctionnement, ainsi que par la poursuite du programme de réalisation de 13 200 places prévu dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, la LOPJ.
En 2008, 3 800 places nouvelles seront construites, soit, compte tenu de la fermeture corrélative des places les plus vétustes - et nul ne se plaindra, par exemple, de la fermeture des quartiers Saint-Joseph et Saint-Paul de la maison d'arrêt de Lyon - 3 000 places nettes supplémentaires.
L'augmentation des crédits permettra également la création de 842 emplois en équivalent temps plein travaillé, dont 150 emplois de conseillers d'insertion et de probation. Ils s'ajoutent aux 3 068 emplois votés au terme des lois de finances de 2003 à 2007 qui ont permis de réaliser, dans ce domaine, les objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la justice à hauteur de 82 %, ce qui n'est pas si mal.
L'importance et la continuité de l'effort poursuivi depuis plusieurs années s'avéraient indispensables, compte tenu de la situation de nos prisons et des retards considérables accumulés. Le rapport de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, présidée par notre collègue Jean-Jacques Hyest, au titre évocateur de Prisons : une humiliation pour la République, en dressait un constat sans complaisance tout en traçant la piste des indispensables réformes. Certes, si beaucoup a été fait, beaucoup reste à faire.
Je voudrais employer les quelques minutes de temps de parole qui me restent à vous poser quatre questions, madame le garde des sceaux.
Tout d'abord, en dépit de la progression des crédits consacrés à l'entretien du patrimoine immobilier, qui passent de 75 millions d'euros en 2007 à 83, 5 millions en 2008, ceux-ci demeurent bien insuffisants pour faire face à des besoins évalués, à tout le moins, à 150 millions d'euros. Une partie des infrastructures continuera donc de se dégrader. Or, vous savez aussi bien que moi combien le défaut d'entretien d'un bâtiment peut se révéler, à terme, lourd de conséquences pour les finances publiques. Prenons l'exemple de Fleury-Mérogis, dont la rénovation entière se révélera sans doute plus dispendieuse qu'une construction nouvelle ou qu'un entretien régulier. Pouvons-nous espérer de nouveaux efforts sur ce point dès l'an prochain ?
Ensuite, je m'inquiète du déficit en psychiatres publics, alors que l'un des maux les plus graves dont souffrent nos prisons résulte de la présence en leur sein d'un trop grand nombre de malades mentaux. J'ai pu constater, lors de visites aux Pays-Bas et en Belgique, que ces pays voisins ne souffrent pas de cette pénurie de psychiatres, parce qu'ils acceptent de recourir aux services de psychiatres libéraux conventionnés, qui gardent en outre une clientèle privée. Cette solution n'est-elle pas transposable en France, ne serait-ce que pour une période provisoire ?
Par ailleurs, je me suis récemment rendu au Royaume-Uni avec un certain nombre de collègues de la commission des lois : nous avons pu constater que l'incarcération y était beaucoup plus développée qu'en France. Alors que nous n'atteignons pas le ratio de 100 détenus pour 100 000 habitants, nos voisins britanniques avoisinent les 150. Pourtant, nous refusons de nous engager dans une course infernale entre l'augmentation des places disponibles et l'augmentation de la population carcérale. Lorsque le programme de 13 200 places en cours de réalisation sera achevé, il faudra que l'encellulement individuel, qui est un droit depuis 1875, soit devenu une réalité.
Pour cela, il nous faut absolument mettre en place une politique ambitieuse et exigeante d'alternative à l'incarcération et d'aménagement des peines, au risque de devoir parfois revenir sur des réformes récentes. Dans mon rapport, je cite à titre d'exemple un effet pervers de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Celle-ci subordonne la libéralisation conditionnelle d'une personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, à une expertise établissant la possibilité de soumettre l'intéressé à une injonction de soins. Or, compte tenu des délais nécessaires pour la mettre en oeuvre, cette disposition interdit en pratique toute libération conditionnelle des personnes condamnées à de courtes peines. La loi pénitentiaire nous offrira-t-elle l'occasion de corriger cet effet que ne souhaitait pas le législateur ?
Enfin, vous le savez, madame le ministre, j'attache une grande importance à la connaissance précise de l'incidence des conditions de détention sur la réinsertion. Je souhaite vivement que le ministère de la justice se dote d'une capacité d'évaluation du taux de récidive en fonction des grandes catégories d'établissements dans lesquels la peine précédant la nouvelle infraction a été exécutée.
Pardonnez-moi d'avoir donné l'impression de m'éloigner par trop des limites du projet de loi de finances pour 2008, mais l'administration pénitentiaire se trouve au milieu du gué. Ce projet de loi de finances ne prendra donc toute sa signification qu'en fonction de la grande loi pénitentiaire dont nous serons bientôt saisis.
Mes chers collègues, au vu du début de mon intervention, il va de soi que la commission des lois a rendu un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008.