Intervention de Nicolas Alfonsi

Réunion du 30 novembre 2007 à 10h45
Loi de finances pour 2008 — Justice

Photo de Nicolas AlfonsiNicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, dans le cadre des quelques minutes dont je dispose, il me semble nécessaire d'évoquer l'évolution de l'activité de la protection judiciaire de la jeunesse et les mesures prises pour la moderniser, avant d'examiner les moyens qui lui sont alloués pour répondre à l'ensemble de ses missions.

Ma première observation concernera l'activité de la protection judiciaire. En 2006, près de 335 000 jeunes ont été pris en charge au titre de la protection judiciaire, contre 275 000 à la fin de 2004. Ce total se décompose en 80 000 mineurs délinquants, 240 000 mineurs en danger, 7 700 jeunes majeurs protégés et 5 800 jeunes suivis à la fois au civil et au pénal. Plus des trois quarts ont ainsi été suivis au civil, la moitié par l'État, l'autre moitié par les départements.

Si l'on peut se féliciter de la réduction des délais de prise en charge des mesures judiciaires, les progrès réalisés restent bien entendu en deçà des objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, s'agissant notamment des mesures de milieu ouvert.

En outre, il faut tenir compte des délais de rédaction et de notification des décisions judiciaires imputables aux greffes des tribunaux de grande instance, qui restent importants. On connaît votre souci de les réduire, madame la ministre, mais il serait opportun de nous indiquer quels sont les moyens dont vous entendez vous doter pour améliorer encore la mise en oeuvre des mesures ordonnées par les magistrats.

Ma deuxième observation portera sur le fait que de nombreux efforts ont été entrepris depuis plusieurs années pour moderniser la protection judiciaire de la jeunesse, consistant à diversifier les modes de prise en charge, à rationaliser les moyens et à développer les contrôles.

L'augmentation des taux d'occupation des structures de placement du secteur public mérite d'être soulignée. Elle se traduit par une diminution des écarts de prix de journée avec les structures gérées par le secteur associatif habilité, diminution que nous avions déjà relevée l'an dernier. L'adaptation des structures aux besoins doit être poursuivie.

Ma troisième observation consistera à souligner, comme cela a déjà été fait, notamment, par M. le rapporteur spécial, que la commission des lois se félicite également de l'ouverture, en 2007, des quatre premiers établissements pénitentiaires pour mineurs sur les sept prévus par la loi d'orientation et de programmation de 2002. Leur création avait été recommandée par la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs.

La commission des lois se réjouit tout autant de la fermeture corrélative des quartiers pour mineurs de certaines maisons d'arrêt. Ceux des prisons de Lyon étaient de sinistre mémoire, leur fermeture doit être saluée.

Ainsi, la capacité totale d'accueil des mineurs délinquants est actuellement de 1 176 places, dont 860 sont aux normes, réparties entre 66 établissements pénitentiaires. Au 1er janvier 2007, 729 mineurs étaient incarcérés.

Je voudrais insister sur la stabilité du nombre des mineurs incarcérés, lequel est voisin, bon an mal an, de 700. Sans doute cette stabilité est-elle imputable à la création des centres éducatifs fermés, où sont accueillis un certain nombre de mineurs qui auraient été auparavant placés en détention.

Madame la ministre, on peut s'interroger sur ce taux d'occupation. Compte tenu de celui-ci, ne pensez-vous pas que d'autres quartiers pour mineurs pourraient être fermés ?

Enfin, j'insisterai sur la nécessité de développer la coopération entre les services et associations chargés de la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que d'autres services de l'État, notamment les forces de sécurité et l'éducation nationale, et le corps médical, en particulier pour renforcer la prise en charge psychiatrique des mineurs.

À cet égard, vous avez annoncé, madame la ministre, le renforcement, à titre expérimental, des moyens de cinq centres éducatifs fermés en 2008. Pourriez-vous nous dire si ces centres ont vocation à accueillir des mineurs délinquants souffrant de troubles psychiques en provenance de toute la France ou s'il s'agit simplement d'améliorer la prise en charge des mineurs placés par les juridictions dans le ressort desquelles se trouvent lesdits centres ?

L'indispensable modernisation engagée depuis cinq ans permet-elle à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, compte tenu des crédits qui lui sont alloués par ce programme et du niveau de son activité, de remplir ses missions ?

J'observe qu'après avoir progressé de 8, 6 % dans la loi de finances initiale de 2007, les autorisations d'engagement augmenteront en 2008, comme a pu le souligner M. le rapporteur spécial, de 6, 4 %, pour s'établir à 870 millions d'euros, alors que les crédits de paiement n'augmenteront que de l, 6 %, pour atteindre 809 millions d'euros. Ces chiffres sont modestes, puisqu'ils correspondent au taux de croissance des dépenses de l'État.

Par ailleurs, 100 emplois supplémentaires seront créés, essentiellement pour permettre l'ouverture de trois nouveaux établissements pénitentiaires pour mineurs et de dix centres éducatifs fermés.

En outre, conformément aux souhaits exprimés par la commission des lois en 2005 et en 2006, la dette de l'État à l'égard du secteur associatif habilité est en passe d'être apurée, grâce à des dotations complémentaires et à la poursuite de la réduction des dépenses d'hébergement des jeunes majeurs.

J'insisterai enfin sur la double nécessité d'éviter, d'une part, de négliger les mesures de milieu ouvert, d'autre part, de laisser sans soutien les jeunes majeurs.

Je formulerai, en conclusion, deux réflexions personnelles.

Tout d'abord, quand on examine la situation avec un certain recul, les aspérités s'évanouissent. Si l'on met les choses en perspective sur les quatre ou cinq dernières années, c'est-à-dire depuis l'entrée en vigueur de la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, il apparaît vain de s'interroger pour savoir si cette programmation a entièrement rempli son office. Faut-il vraiment rappeler que nous avions prévu la création de 600 places en centres éducatifs fermés ? Nous serons un peu en deçà de ce chiffre.

Par ailleurs, alors que nous avions prévu, dans cette même loi, la création de 1 250 emplois au sein de la protection judiciaire de la jeunesse, celle-ci ne bénéficiera que de 800 emplois nouveaux.

Cependant, cela reste relativement accessoire. Ce que je souhaite, c'est qu'une meilleure articulation s'établisse entre les services. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse a maintenant acquis ses lettres de noblesse, et cela est probablement lié à l'importance des crédits qui lui ont été accordés depuis quelques années. Il faut établir des liens beaucoup plus serrés avec les départements et le secteur associatif habilité.

Enfin, il importe bien entendu de s'occuper des personnels - on sait quelles sont les difficultés de recrutement. Je ne peux, à cet instant, ne pas rendre une nouvelle fois hommage à leur abnégation et à leur dévouement.

Au bénéfice de ces observations, la commission des lois invite le Sénat à adopter les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse ».

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