Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la gestion et la prévention des risques industriels et technologiques se sont brutalement imposées à nous après l’accident survenu à l’usine AZF de Toulouse le 21 septembre 2001. Les pouvoirs publics, que ce soient l’État, les parlementaires ou les collectivités, ont souhaité en tirer immédiatement les conséquences par la loi dite Bachelot du 30 juillet 2003. Son objectif était de renforcer les modalités de prévention des risques technologiques et naturels, et d’améliorer l’indemnisation des victimes de catastrophes technologiques.
L’insuffisante prise de conscience de l’existence du risque à tous les niveaux de la société et le fait que le risque zéro n’existe pas ont poussé le législateur à mettre en œuvre des mesures responsabilisant tous les acteurs : industriels, élus et citoyens. Parmi celles-ci, la mesure essentielle de cette loi fut l’élaboration des plans de prévention des risques technologiques, ou PPRT.
Ces PPRT sont des outils de maîtrise de l’urbanisation qui doivent normalement permettre de résoudre les situations difficiles en matière d’urbanisme héritées du passé et de mieux encadrer l’urbanisation future, en déterminant un zonage en fonction du type de risques et de leur gravité.
Ils concernent tous les établissements soumis au régime de l’autorisation avec servitudes s’apparentant aux sites Seveso seuil haut et visent à améliorer la coexistence des sites industriels à hauts risques existants avec leurs riverains, en améliorant la protection de ces derniers tout en pérennisant les premiers.
C’est tout cet équilibre entre prévention du risque et maintien de l’activité économique et de l’emploi qui constitue la principale difficulté des PPRT. Un subtil mélange qui a parfois fait naître des tensions entre les différents acteurs, y compris avec les collectivités et leurs élus, qui jouent un rôle de modérateur et de conciliateur défendant au mieux les intérêts de leur territoire et de leurs habitants.
La proposition de résolution qui nous est présentée pointe du doigt de réelles difficultés, mais prévoit une solution excessive.
Nos collègues du groupe CRC, auteurs de cette proposition de résolution, considèrent que les PPRT ne sont pas adaptés aux objectifs qui leur sont attachés. Ils estiment que les difficultés de mise en place de ces PPRT se traduisent par de fortes insécurités pour les riverains des sites Seveso et qu’ils ne respectent pas l’esprit de la loi initiale. Ils considèrent qu’il faut revoir la législation pour améliorer la sécurité et la sûreté des citoyens, diminuer le danger à la source, revoir les modes de financement et redéfinir la notion d’« économiquement acceptable ».
Les objectifs sont louables et peuvent être partagés ; néanmoins la solution prévue par cette proposition de résolution, à savoir un moratoire sur les PPRT, est disproportionnée.
Un moratoire signifie un arrêt total de la mise en place des plans de prévention pour les 25 % restants. Ce serait nuisible aux riverains, aux industriels, aux collectivités et, au final, à la sécurité générale. Un moratoire signifie que ce qui avait été proposé, et donc les PPRT existants, ne répond pas aux objectifs de prévention des risques. Tel n’est pas le cas.
Un moratoire introduit selon nous une véritable insécurité juridique préjudiciable aux riverains et à l’économie locale. Ce n’est donc pas la bonne méthode pour traiter des questions de sûreté industrielle.
De premières adaptations de la loi de 2003 ont été mises en œuvre, mais une réflexion plus globale est nécessaire. Eu égard aux difficultés déjà exprimées ici, des mesures d’adaptation ont été prises, tout en garantissant l’attractivité et la compétitivité de notre pays.
Ainsi, une circulaire du 25 juillet 2013 fixe les modalités particulières pour l’élaboration des PPRT des principales plateformes économiques du territoire. Il s’agit de permettre l’implantation de nouvelles activités dans certains grands ensembles industriels tout en maintenant un haut niveau de sécurité. Les PPRT sont alors envisagés comme un atout pour le développement industriel.
La circulaire définit les principales règles qui seront applicables aux grandes plateformes industrielles. Pour ces entreprises disposant d’une culture du risque technologique, les extensions ou nouvelles implantations seront autorisées sous réserve de protéger les salariés exposés aux risques.
De plus, dans le cadre du projet de loi de simplification des entreprises récemment adopté, un amendement gouvernemental visant à adapter les dispositions PPRT aux activités économiques a été voté.
Deux nouvelles dispositions visent donc à lever les difficultés d’application pour les entreprises riveraines des sites à risques.
La première consiste à offrir la possibilité à ces entreprises de mettre en œuvre des mesures alternatives aux mesures d’expropriation et de délaissement. Celles-ci pourront bénéficier d’un financement tripartite - industriels à l’origine du risque, État, collectivités -, dans la limite du montant des mesures foncières évitées.
La seconde disposition consiste à assouplir les obligations de travaux de renforcement des locaux des entreprises riveraines, en ouvrant le recours à d’autres méthodes de protection des personnes, telles que des mesures organisationnelles dans le cadre des autres réglementations applicables.
Ces nouvelles mesures ont déjà permis d’approuver 300 PPRT sur les 407 à réaliser en France. Leur nombre a donc significativement augmenté depuis le moment où nos collègues ont déposé leur proposition de résolution.
Ces adaptations par petites touches viennent tout de même conforter l’analyse globale de la nécessaire adaptation de la loi Bachelot de 2003. Il nous revient, en tant que sénateurs, de contrôler la bonne application de la loi et de son esprit. C’est pourquoi, mes chers collègues, plutôt qu’un moratoire, je vous propose que notre assemblée se saisisse de ce sujet et réalise un véritable travail de contrôle, sous la forme d’un rapport d’information.
À l’issue de ce travail, nous pourrions proposer toutes les mesures législatives nécessaires pour améliorer le droit existant. Nous ferions ainsi œuvre de production législative sans créer de rupture avec ce qui existe déjà.
En conclusion, mes chers collègues, vous comprendrez que le groupe UDI-UC sera défavorable à l’adoption de cette proposition de résolution.