Intervention de Christian Eckert

Réunion du 11 décembre 2014 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion générale

Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le collectif de fin d’année est un exercice obligé, mais extrêmement utile. Il permet de mesurer s’il existe un décalage avec les objectifs fixés en loi de finances initiale et d’apporter les ajustements nécessaires. Il permet aussi de vérifier si les engagements pris en matière de tenue de la norme de dépenses, c’est-à-dire nos objectifs d’économies sur les dépenses de l’État, ont été respectés. Il a enfin vocation à accueillir des mesures fiscales ou budgétaires, souvent techniques, mais qui peuvent néanmoins être très significatives. C’est le cas, par exemple, dans le champ de la lutte contre la fraude, thème régulièrement abordé dans les lois de finances rectificatives de fin d’année, et sur lequel je reviendrai.

Je voudrais apporter toutes les précisions nécessaires sur l’équilibre budgétaire défini par ce texte : les mouvements en crédits et la tenue de la norme de dépenses, d’une part, et les révisions de recettes, d’autre part.

Avec le décret d’avance qui a été publié la semaine dernière, ce projet de loi prévoit un ensemble de mouvements de crédits afin de financer, par des annulations, les dépassements anticipés sur certaines dépenses obligatoires, qui supposent donc d’ouvrir des crédits supplémentaires. L’ensemble de ces mouvements doit nous permettre de financer nos priorités tout en assurant le respect des objectifs d’économies que nous nous sommes fixés pour l’année 2014.

La loi de finances rectificative de juillet dernier anticipait une baisse des dépenses sous norme de 1, 6 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. C’est donc une baisse de la dépense de 3, 1 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2013 qu’il s’agit de réaliser cette année, en respectant strictement un objectif de 276, 9 milliards d’euros hors dette et pensions.

Pour assurer le respect de l’autorisation que vous avez fixée, le Gouvernement vous propose, dans ce projet de loi, un ensemble d’ouvertures et d’annulations de crédits, que je voudrais détailler, et qui est complété par un suivi renforcé de la fin de gestion de l’ensemble des ministères.

Nous anticipons certaines insuffisances de crédits par rapport à l’autorisation fixée dans la dernière loi de finances rectificative. L’existence de tels dépassements est habituelle en fin d’année, puisqu’il existe des aléas de gestion et que le budget n’a pas vocation à être exécuté à l’euro près sur chacune des missions. Toutes les lois de finances rectificatives de fin d’année ont donc pour objet de gager ces écarts.

Pour cette fin d’année, le Gouvernement estime qu’il est nécessaire d’ouvrir des crédits à hauteur de 2, 2 milliards d’euros, ces ouvertures se faisant à la fois par ce projet de loi et en décret d’avance. Ces ouvertures s’expliquent par quatre facteurs principaux.

Tout d’abord, les opérations extérieures, les OPEX, nécessitent une ouverture de 605 millions d’euros. La provision prévue en loi de finances initiale était de 450 millions d’euros ; elle avait été fixée en cohérence avec les orientations du Livre blanc sur la défense et la loi de programmation militaire. Toutefois, vous le savez, les dépassements sont courants en matière d’OPEX, puisqu’il est impossible de déterminer, au moment où la loi de finances initiale est adoptée, si de nouvelles opérations seront menées et, a fortiori, selon quelles modalités elles seront conduites. Il n’y a donc pas à s’étonner de cette ouverture de crédits.

Je souligne qu’au total le ministère de la défense bénéficie d’ouvertures nettes en cette fin de gestion, auxquelles s’ajoutent 250 millions d’euros de redéploiement au sein du programme d’investissements d’avenir. Comme le projet de loi de finances pour 2015, le projet de loi de finances rectificative respecte donc la loi de programmation militaire.

Ensuite, la masse salariale, hors OPEX, nécessite une ouverture de 540 millions d’euros. Ces dépassements sont concentrés sur le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la défense. Les autres ministères sont, au contraire, en situation de gager ces dépassements sur une partie de leurs crédits de personnel non utilisés.

Le dynamisme des interventions sociales, pour un montant de 656 millions d’euros, constitue un autre facteur de dépassement. En période de crise, alors que la croissance est plus faible que celle qui était anticipée en loi de finances initiale, il est normal que les aides apportées aux plus modestes augmentent plus vite que prévu. Nous dégageons donc les moyens financiers requis pour garantir le versement de ces prestations.

Le dernier facteur de dépassement est à chercher dans les refus d’apurements communautaires au titre de la politique agricole commune. Ce sont 352 millions d’euros qui doivent être financés pour cette raison.

Afin de financer ces ouvertures de crédits, nous proposons un ensemble d’annulations de crédits qui répondent à deux principes.

Le premier est le principe d’auto-assurance : chaque ministère doit d’abord mobiliser ses propres ressources pour financer un dépassement, par redéploiement au sein de chaque programme ou au sein du champ du ministère.

Le second est un principe de solidarité : tous les ministères sont mis à contribution pour assurer le respect de la norme de dépenses.

Au-delà des mouvements sur les dépenses sous norme en valeur, nous constatons une économie de 1, 6 milliard d’euros sur la charge de la dette. Cette économie est affectée, bien entendu, à la réduction du déficit budgétaire. C’est une nouvelle preuve du sérieux de notre gestion de l’argent public ; une telle pratique n’a été que rarement suivie à d’autres époques.

Pour conclure en un mot sur le sujet, j’indique que le volet dépenses du projet de loi est dans la continuité des textes financiers de cet été, qui avaient dégagé de nouvelles économies en gestion : 4 milliards d’euros, dont 1, 6 milliard d’euros concernant l’État ; cela permet de tenir l’objectif d’économies, conformément aux engagements que nous avions pris au printemps.

Le projet de loi de finances rectificative a également pour fonction, comme il est d’usage, d’actualiser les prévisions de recettes fiscales.

Par rapport à la prévision associée au projet de loi de finances pour 2015, présentée début octobre, les modifications sont relativement marginales.

La répartition des recettes issues du STDR, le service de traitement des déclarations rectificatives, est revue, compte tenu des recouvrements constatés : nous anticipons davantage d’impôt de solidarité sur la fortune, de droits de mutation à titre gratuit et de pénalités et moins d’impôt sur le revenu.

Par ailleurs, nous procédons à divers ajustements sur d’autres lignes au vu des recouvrements constatés, le principal étant une révision à la hausse de 500 millions d’euros des remboursements et dégrèvements d’impôt sur les sociétés.

Les recettes fiscales nettes prévues sont donc de 272, 9 milliards d’euros, en retrait de 303 millions d’euros par rapport à la prévision associée au projet de loi de finances pour 2015. Par rapport à la prévision de la loi de finances rectificative de juillet, la moins-value est de 6, 1 milliards d’euros. Je voudrais apporter au Sénat des informations très précises sur les raisons de cet écart.

Je commencerai par l’impôt sur le revenu.

La prévision de recettes d’impôt sur le revenu net fixée par la loi de finances initiale s’élevait à 74, 4 milliards d’euros. Cette prévision est revue par ce projet de loi de finances rectificative de fin d’année à 68, 3 milliards d’euros, soit un écart de 6, 1 milliards d’euros, qui s’explique par trois raisons.

D’abord, l’exécution 2013 a été inférieure de 1, 8 milliard d’euros à la prévision. Cette moins-value a été entièrement reprise en base en 2014.

Ensuite, le coût des mesures nouvelles serait supérieur de 1 milliard d’euros à la prévision de la loi de finances initiale, en raison notamment de la réduction d’impôt exceptionnelle votée dans la loi de finances rectificative de juillet.

Enfin, nous anticipons une importante moins-value sur les revenus des capitaux mobiliers, qui ont fortement chuté en 2013, ainsi que sur les plus-values mobilières, les bénéfices industriels et commerciaux et les bénéfices non commerciaux, qui ont également diminué l’an dernier. Le moindre dynamisme de ces revenus a fortement limité la croissance de l’impôt, ce qui explique une moins-value de 3, 3 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale.

Ces chiffres devront, bien entendu, être ajustés en fonction des résultats définitifs de l’exécution.

S’agissant de la TVA, la prévision en loi de finances initiale chiffrait les recettes à 139, 5 milliards d’euros. Le présent projet de loi prévoit 137, 8 milliards d’euros, en moins-value de 1, 7 milliard d’euros. Cet écart est directement lié à la dégradation de la conjoncture économique : d’une part, la faible inflation vient mécaniquement limiter le produit de cet impôt ; d’autre part, la chute de la construction immobilière conduit à une forte diminution des recettes assises sur les ventes de logements neufs.

Enfin, la recette de l’impôt sur les sociétés est désormais évaluée à 34, 9 milliards d’euros. Depuis la dernière loi de finances rectificative, l’analyse du solde d’impôt sur les sociétés a été menée et a permis de constater une diminution de 3 % du bénéfice fiscal en 2013, liée, en particulier, à une chute du bénéfice fiscal des sociétés financières.

Au total, à l’issue de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, la prévision de déficit de l’État est fixée à 88, 3 milliards d’euros, en dégradation de 92 millions d’euros par rapport à la prévision initiale du projet de loi, du fait de l’adoption d’amendements prévoyant des transferts de recettes à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales.

La prévision de déficit public est, quant à elle, inchangée, à 4, 4 % du PIB. Vous aurez noté que le Haut Conseil des finances publiques n’a pas contesté son réalisme.

Le projet de loi de finances rectificative contient également un volet fiscal, qui est organisé autour de trois priorités.

Tout d’abord, nous poursuivons nos efforts dans la lutte contre la fraude en donnant de nouveaux moyens à l’administration pour combattre spécifiquement la fraude à la TVA.

Ensuite, le soutien au logement fait l’objet de deux mesures destinées à accroître l’offre de logements dans les zones tendues, que ce soit l’offre de logements anciens, avec la possibilité d’augmenter la taxation des résidences secondaires situées dans ces zones, ou l’offre de logements neufs, avec une mesure d’incitation à mettre sur le marché les terrains constructibles dans les zones en manque de logements. Ces deux mesures prolongent le plan de soutien à la construction prévu par le projet de loi de finances, car l’accès au logement constitue une priorité du Gouvernement

Enfin, le projet de loi de finances rectificative entame la première étape d’une réforme de l’aide aux travailleurs modestes : il prévoit la disparition de la prime pour l’emploi au 1er janvier 2016, afin d’éviter toute rétroactivité fiscale – ce qui aurait pu se produire avec une adoption postérieure au 1er janvier 2015. Concrètement, cela signifie que, en 2015, les contribuables percevront la prime pour l’emploi, suite aux droits ouverts sur l’année 2014.

Plusieurs rapports montrent que la prime pour l’emploi et le RSA activité ne donnent pas entière satisfaction, en raison de leur caractère peu lisible, décalé dans le temps et, s’agissant du RSA activité, de sa complexité. Le Gouvernement propose donc de substituer à la prime pour l’emploi et au RSA activité un dispositif nouveau appelé « prime d’activité », qui sera mis en œuvre au 1er janvier 2016. Il n’y aura donc aucune rupture dans le bénéfice des dispositifs. Au contraire, les nouveaux bénéficiaires du dispositif mis en place en 2016 bénéficieront immédiatement de celui-ci au lieu d’attendre, comme c’est le cas pour la prime pour l’emploi, l’année suivante.

Les objectifs de cette réforme sont de proposer un dispositif qui incite davantage à l’activité, qui permette de toucher les travailleurs les plus modestes et de leur redistribuer du pouvoir d’achat au mois le mois, et non l’année suivante comme la prime pour l’emploi. À la différence du RSA activité, il devra être plus simple et plus compréhensible pour les bénéficiaires.

Je veux apporter quelques précisions sur les modalités de la réforme qu’entend conduire le Gouvernement.

La prime d’activité sera ouverte aux actifs dont la rémunération est voisine du SMIC. Elle comportera une part individualisée en fonction des revenus d’activité et une part « familialisée » pour prendre en compte les différences de situation familiale. Les jeunes travailleurs de moins de vingt-cinq ans y seront éligibles. Ce dispositif prendra la forme d’une prestation servie par les caisses d’allocations familiales, avec un droit simplifié et un montant figé sur trois mois pour éviter les régularisations trop fréquentes.

Cette réforme se fera en redéployant les moyens actuellement consacrés au RSA et à la prime pour l’emploi, soit environ 4 milliards d’euros. C’est donc une réforme importante au bénéfice des travailleurs modestes que le projet de loi de finances rectificative engage avec la suppression de la prime pour l’emploi au 1er janvier 2016.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes du projet de loi de finances rectificative. C’est un texte riche, c’est un texte cohérent avec notre politique, un texte équilibré tant sur le plan budgétaire que sur le plan fiscal. C’est la raison pour laquelle j’ai pris le temps nécessaire pour en présenter les détails.

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