Séance en hémicycle du 11 décembre 2014 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • rectificative
  • taxe

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. le président de l’Assemblée nationale a informé M. le président du Sénat que la conférence des présidents de l’Assemblée nationale, réunie ce jour, a décidé de ne pas s’opposer à l’engagement de la procédure accélérée sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 11 décembre, le texte de deux décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi relative à la désignation des conseillers prud’hommes et de la résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale.

Acte est donné de ces communications.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2014 (projet n° 155, rapport n° 159).

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Vincent Delahaye, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29 ter du règlement du Sénat.

Ce matin, la conférence des présidents a décidé de limiter à une heure trente, au lieu des deux heures initialement prévues, la durée de la discussion générale sur le projet de loi de finances rectificative, dont la commission a pris connaissance hier matin.

Ce délai très court nous laisse à peine le temps d’examiner le texte. On veut aller très vite – tout le monde ressent sans doute le besoin d’être en vacances –, mais je trouve dommage qu’on passe autant de temps sur le budget et aussi peu sur le projet de loi de finances rectificative de fin d’année. N’oublions pas que c’est le texte qui colle le plus à la réalité de notre situation financière et qui sert à ajuster les crédits.

Voilà pourquoi je proteste contre cette réduction du temps et des délais pour examiner un texte si important.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le collectif de fin d’année est un exercice obligé, mais extrêmement utile. Il permet de mesurer s’il existe un décalage avec les objectifs fixés en loi de finances initiale et d’apporter les ajustements nécessaires. Il permet aussi de vérifier si les engagements pris en matière de tenue de la norme de dépenses, c’est-à-dire nos objectifs d’économies sur les dépenses de l’État, ont été respectés. Il a enfin vocation à accueillir des mesures fiscales ou budgétaires, souvent techniques, mais qui peuvent néanmoins être très significatives. C’est le cas, par exemple, dans le champ de la lutte contre la fraude, thème régulièrement abordé dans les lois de finances rectificatives de fin d’année, et sur lequel je reviendrai.

Je voudrais apporter toutes les précisions nécessaires sur l’équilibre budgétaire défini par ce texte : les mouvements en crédits et la tenue de la norme de dépenses, d’une part, et les révisions de recettes, d’autre part.

Avec le décret d’avance qui a été publié la semaine dernière, ce projet de loi prévoit un ensemble de mouvements de crédits afin de financer, par des annulations, les dépassements anticipés sur certaines dépenses obligatoires, qui supposent donc d’ouvrir des crédits supplémentaires. L’ensemble de ces mouvements doit nous permettre de financer nos priorités tout en assurant le respect des objectifs d’économies que nous nous sommes fixés pour l’année 2014.

La loi de finances rectificative de juillet dernier anticipait une baisse des dépenses sous norme de 1, 6 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. C’est donc une baisse de la dépense de 3, 1 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2013 qu’il s’agit de réaliser cette année, en respectant strictement un objectif de 276, 9 milliards d’euros hors dette et pensions.

Pour assurer le respect de l’autorisation que vous avez fixée, le Gouvernement vous propose, dans ce projet de loi, un ensemble d’ouvertures et d’annulations de crédits, que je voudrais détailler, et qui est complété par un suivi renforcé de la fin de gestion de l’ensemble des ministères.

Nous anticipons certaines insuffisances de crédits par rapport à l’autorisation fixée dans la dernière loi de finances rectificative. L’existence de tels dépassements est habituelle en fin d’année, puisqu’il existe des aléas de gestion et que le budget n’a pas vocation à être exécuté à l’euro près sur chacune des missions. Toutes les lois de finances rectificatives de fin d’année ont donc pour objet de gager ces écarts.

Pour cette fin d’année, le Gouvernement estime qu’il est nécessaire d’ouvrir des crédits à hauteur de 2, 2 milliards d’euros, ces ouvertures se faisant à la fois par ce projet de loi et en décret d’avance. Ces ouvertures s’expliquent par quatre facteurs principaux.

Tout d’abord, les opérations extérieures, les OPEX, nécessitent une ouverture de 605 millions d’euros. La provision prévue en loi de finances initiale était de 450 millions d’euros ; elle avait été fixée en cohérence avec les orientations du Livre blanc sur la défense et la loi de programmation militaire. Toutefois, vous le savez, les dépassements sont courants en matière d’OPEX, puisqu’il est impossible de déterminer, au moment où la loi de finances initiale est adoptée, si de nouvelles opérations seront menées et, a fortiori, selon quelles modalités elles seront conduites. Il n’y a donc pas à s’étonner de cette ouverture de crédits.

Je souligne qu’au total le ministère de la défense bénéficie d’ouvertures nettes en cette fin de gestion, auxquelles s’ajoutent 250 millions d’euros de redéploiement au sein du programme d’investissements d’avenir. Comme le projet de loi de finances pour 2015, le projet de loi de finances rectificative respecte donc la loi de programmation militaire.

Ensuite, la masse salariale, hors OPEX, nécessite une ouverture de 540 millions d’euros. Ces dépassements sont concentrés sur le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la défense. Les autres ministères sont, au contraire, en situation de gager ces dépassements sur une partie de leurs crédits de personnel non utilisés.

Le dynamisme des interventions sociales, pour un montant de 656 millions d’euros, constitue un autre facteur de dépassement. En période de crise, alors que la croissance est plus faible que celle qui était anticipée en loi de finances initiale, il est normal que les aides apportées aux plus modestes augmentent plus vite que prévu. Nous dégageons donc les moyens financiers requis pour garantir le versement de ces prestations.

Le dernier facteur de dépassement est à chercher dans les refus d’apurements communautaires au titre de la politique agricole commune. Ce sont 352 millions d’euros qui doivent être financés pour cette raison.

Afin de financer ces ouvertures de crédits, nous proposons un ensemble d’annulations de crédits qui répondent à deux principes.

Le premier est le principe d’auto-assurance : chaque ministère doit d’abord mobiliser ses propres ressources pour financer un dépassement, par redéploiement au sein de chaque programme ou au sein du champ du ministère.

Le second est un principe de solidarité : tous les ministères sont mis à contribution pour assurer le respect de la norme de dépenses.

Au-delà des mouvements sur les dépenses sous norme en valeur, nous constatons une économie de 1, 6 milliard d’euros sur la charge de la dette. Cette économie est affectée, bien entendu, à la réduction du déficit budgétaire. C’est une nouvelle preuve du sérieux de notre gestion de l’argent public ; une telle pratique n’a été que rarement suivie à d’autres époques.

Pour conclure en un mot sur le sujet, j’indique que le volet dépenses du projet de loi est dans la continuité des textes financiers de cet été, qui avaient dégagé de nouvelles économies en gestion : 4 milliards d’euros, dont 1, 6 milliard d’euros concernant l’État ; cela permet de tenir l’objectif d’économies, conformément aux engagements que nous avions pris au printemps.

Le projet de loi de finances rectificative a également pour fonction, comme il est d’usage, d’actualiser les prévisions de recettes fiscales.

Par rapport à la prévision associée au projet de loi de finances pour 2015, présentée début octobre, les modifications sont relativement marginales.

La répartition des recettes issues du STDR, le service de traitement des déclarations rectificatives, est revue, compte tenu des recouvrements constatés : nous anticipons davantage d’impôt de solidarité sur la fortune, de droits de mutation à titre gratuit et de pénalités et moins d’impôt sur le revenu.

Par ailleurs, nous procédons à divers ajustements sur d’autres lignes au vu des recouvrements constatés, le principal étant une révision à la hausse de 500 millions d’euros des remboursements et dégrèvements d’impôt sur les sociétés.

Les recettes fiscales nettes prévues sont donc de 272, 9 milliards d’euros, en retrait de 303 millions d’euros par rapport à la prévision associée au projet de loi de finances pour 2015. Par rapport à la prévision de la loi de finances rectificative de juillet, la moins-value est de 6, 1 milliards d’euros. Je voudrais apporter au Sénat des informations très précises sur les raisons de cet écart.

Je commencerai par l’impôt sur le revenu.

La prévision de recettes d’impôt sur le revenu net fixée par la loi de finances initiale s’élevait à 74, 4 milliards d’euros. Cette prévision est revue par ce projet de loi de finances rectificative de fin d’année à 68, 3 milliards d’euros, soit un écart de 6, 1 milliards d’euros, qui s’explique par trois raisons.

D’abord, l’exécution 2013 a été inférieure de 1, 8 milliard d’euros à la prévision. Cette moins-value a été entièrement reprise en base en 2014.

Ensuite, le coût des mesures nouvelles serait supérieur de 1 milliard d’euros à la prévision de la loi de finances initiale, en raison notamment de la réduction d’impôt exceptionnelle votée dans la loi de finances rectificative de juillet.

Enfin, nous anticipons une importante moins-value sur les revenus des capitaux mobiliers, qui ont fortement chuté en 2013, ainsi que sur les plus-values mobilières, les bénéfices industriels et commerciaux et les bénéfices non commerciaux, qui ont également diminué l’an dernier. Le moindre dynamisme de ces revenus a fortement limité la croissance de l’impôt, ce qui explique une moins-value de 3, 3 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale.

Ces chiffres devront, bien entendu, être ajustés en fonction des résultats définitifs de l’exécution.

S’agissant de la TVA, la prévision en loi de finances initiale chiffrait les recettes à 139, 5 milliards d’euros. Le présent projet de loi prévoit 137, 8 milliards d’euros, en moins-value de 1, 7 milliard d’euros. Cet écart est directement lié à la dégradation de la conjoncture économique : d’une part, la faible inflation vient mécaniquement limiter le produit de cet impôt ; d’autre part, la chute de la construction immobilière conduit à une forte diminution des recettes assises sur les ventes de logements neufs.

Enfin, la recette de l’impôt sur les sociétés est désormais évaluée à 34, 9 milliards d’euros. Depuis la dernière loi de finances rectificative, l’analyse du solde d’impôt sur les sociétés a été menée et a permis de constater une diminution de 3 % du bénéfice fiscal en 2013, liée, en particulier, à une chute du bénéfice fiscal des sociétés financières.

Au total, à l’issue de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, la prévision de déficit de l’État est fixée à 88, 3 milliards d’euros, en dégradation de 92 millions d’euros par rapport à la prévision initiale du projet de loi, du fait de l’adoption d’amendements prévoyant des transferts de recettes à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales.

La prévision de déficit public est, quant à elle, inchangée, à 4, 4 % du PIB. Vous aurez noté que le Haut Conseil des finances publiques n’a pas contesté son réalisme.

Le projet de loi de finances rectificative contient également un volet fiscal, qui est organisé autour de trois priorités.

Tout d’abord, nous poursuivons nos efforts dans la lutte contre la fraude en donnant de nouveaux moyens à l’administration pour combattre spécifiquement la fraude à la TVA.

Ensuite, le soutien au logement fait l’objet de deux mesures destinées à accroître l’offre de logements dans les zones tendues, que ce soit l’offre de logements anciens, avec la possibilité d’augmenter la taxation des résidences secondaires situées dans ces zones, ou l’offre de logements neufs, avec une mesure d’incitation à mettre sur le marché les terrains constructibles dans les zones en manque de logements. Ces deux mesures prolongent le plan de soutien à la construction prévu par le projet de loi de finances, car l’accès au logement constitue une priorité du Gouvernement

Enfin, le projet de loi de finances rectificative entame la première étape d’une réforme de l’aide aux travailleurs modestes : il prévoit la disparition de la prime pour l’emploi au 1er janvier 2016, afin d’éviter toute rétroactivité fiscale – ce qui aurait pu se produire avec une adoption postérieure au 1er janvier 2015. Concrètement, cela signifie que, en 2015, les contribuables percevront la prime pour l’emploi, suite aux droits ouverts sur l’année 2014.

Plusieurs rapports montrent que la prime pour l’emploi et le RSA activité ne donnent pas entière satisfaction, en raison de leur caractère peu lisible, décalé dans le temps et, s’agissant du RSA activité, de sa complexité. Le Gouvernement propose donc de substituer à la prime pour l’emploi et au RSA activité un dispositif nouveau appelé « prime d’activité », qui sera mis en œuvre au 1er janvier 2016. Il n’y aura donc aucune rupture dans le bénéfice des dispositifs. Au contraire, les nouveaux bénéficiaires du dispositif mis en place en 2016 bénéficieront immédiatement de celui-ci au lieu d’attendre, comme c’est le cas pour la prime pour l’emploi, l’année suivante.

Les objectifs de cette réforme sont de proposer un dispositif qui incite davantage à l’activité, qui permette de toucher les travailleurs les plus modestes et de leur redistribuer du pouvoir d’achat au mois le mois, et non l’année suivante comme la prime pour l’emploi. À la différence du RSA activité, il devra être plus simple et plus compréhensible pour les bénéficiaires.

Je veux apporter quelques précisions sur les modalités de la réforme qu’entend conduire le Gouvernement.

La prime d’activité sera ouverte aux actifs dont la rémunération est voisine du SMIC. Elle comportera une part individualisée en fonction des revenus d’activité et une part « familialisée » pour prendre en compte les différences de situation familiale. Les jeunes travailleurs de moins de vingt-cinq ans y seront éligibles. Ce dispositif prendra la forme d’une prestation servie par les caisses d’allocations familiales, avec un droit simplifié et un montant figé sur trois mois pour éviter les régularisations trop fréquentes.

Cette réforme se fera en redéployant les moyens actuellement consacrés au RSA et à la prime pour l’emploi, soit environ 4 milliards d’euros. C’est donc une réforme importante au bénéfice des travailleurs modestes que le projet de loi de finances rectificative engage avec la suppression de la prime pour l’emploi au 1er janvier 2016.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes du projet de loi de finances rectificative. C’est un texte riche, c’est un texte cohérent avec notre politique, un texte équilibré tant sur le plan budgétaire que sur le plan fiscal. C’est la raison pour laquelle j’ai pris le temps nécessaire pour en présenter les détails.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un projet de loi de finances rectificative constitue un exercice traditionnel qui vise à la fois à ajuster les conditions de la fin de gestion et à porter des dispositions fiscales. Le nombre de ces dernières est particulièrement élevé cette année et ne nous permet pas de les expertiser dans des conditions satisfaisantes.

Autant je peux concevoir que certaines mesures, comme celles qui permettent de documenter l’engagement d’une amélioration du solde de 3, 6 milliards d’euros pris envers la Commission européenne, n’aient pu figurer dans le texte initial, autant cela est moins acceptable pour des amendements du Gouvernement, qu’ils soient déposés par le Gouvernement lui-même ou « puisés à bonne source » par des députés de sa majorité. Certains amendements procèdent en effet à d’importants ajustements, voire à des réformes fiscales d’envergure. Je pense à la fiscalité des casinos ou encore à la fiscalité du tabac.

Ces amendements ne semblent pourtant pas avoir été préparés dans l’urgence puisque, de toute évidence, ils ont fait l’objet de larges concertations. Cette pratique, reconnaissons-le, n’est pas nouvelle, mais elle a pris une dimension exceptionnelle par le volume ainsi que par la complexité des mesures et de leurs enjeux. Elle nuit à la qualité des textes soumis au Parlement, car il n’y a pas d’avis du Conseil d’État. Elle nuit à la qualité de l’examen parlementaire, car il n’y a ni étude d’impact ni délais suffisants pour expertiser les dispositifs. Enfin, elle ne contribue pas à la sérénité de nos débats, comme nous l’avons vu sur certains sujets sensibles à l’Assemblée nationale.

Surtout, et je le regrette, cette pratique peut se révéler déstabilisante pour les acteurs économiques qui prennent connaissance, au détour d’un amendement parlementaire, de mesures dont les conséquences peuvent être lourdes et qui sont, pour certaines d’entre elles, applicables dès le 1er janvier 2015, c’est-à-dire dans à peine plus de deux semaines. Je pense, à cet égard, à certaines entreprises, comme, par exemple, dans le secteur de la grande distribution, découvrant une surtaxe de 200 millions d’euros. Cette surtaxe, qui correspond à une logique de pur rendement, s’est imposée sans réflexion quant à ses effets sur les bases d’imposition ou les modes de consommation. Je pourrais également citer la réforme de la taxation des services de télévision payante proposés en complément d’une offre dite « triple play », mais nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des articles.

Ces amendements ont été votés quelques jours après que le ministre des finances et des comptes publics a signé une charte de non-rétroactivité fiscale, qui prévoit que les changements de fiscalité n’affecteront plus ni les exercices déjà clos ni même les exercices ou années en cours. Ce projet de loi de finances rectificative vient donc, de nouveau, remettre en cause les engagements pris par le Gouvernement en matière de fiscalité ; je crains que, une fois encore, la crédibilité de la parole publique s’en trouve dégradée. Cela a conduit la commission des finances, sur certains sujets, à proposer la suppression d’articles insérés à l’Assemblée nationale, faute d’avoir pu en analyser pleinement les conséquences.

Après ces quelques considérations, il convient de revenir sur l’avis de la Commission européenne relatif au projet de budget de la France. Celui-ci n’est pas sans liens avec certaines dispositions du présent projet de loi, qui me semblent justifiées par des préoccupations de pur rendement et traduisent une vision uniquement comptable des engagements européens de la France. Si ces mesures ont permis d’obtenir quelques mois de sursis, elles ne seront pas suffisantes. En effet, la Commission attend des réformes structurelles et non des économies de pure constatation, des « fusils à un coup » ou des hausses improvisées de la fiscalité. Je dois avouer que nous partageons son impatience.

L’amélioration de 3, 6 milliards d’euros du budget pour 2015, largement portée par les dispositions de ce collectif de fin d’année, a été proposée dans le cadre d’une négociation à laquelle nous n’avons pas été associés et dont nous n’avons pas davantage été informés, parce que la France n’a pas respecté ses engagements.

Vous justifiez l’absence de redressement de nos comptes publics, c’est-à-dire la dégradation du déficit effectif de 4, 1 % à 4, 4 % du PIB et l’amélioration de seulement 0, 1 point du solde structurel, par la faiblesse conjuguée de la croissance et de l’inflation. Nous ne pouvons nier cette faiblesse, mais la situation budgétaire de notre pays est tout de même en partie imputable à l’échec de la politique économique du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

La question n’est pas tant celle du rythme de l’ajustement, mais celle de sa crédibilité et de sa pérennité. Met-on en œuvre un ajustement qui permette de rétablir durablement nos finances publiques et la compétitivité de notre pays ? Je ne le pense pas.

La mise en œuvre des mesures complémentaires pour 2015 aurait, à cet égard, mérité de reposer sur des mesures d’économie traduisant une volonté de réforme plutôt qu’une amélioration bricolée du solde, consistant notamment à augmenter la pression fiscale sur les banques et les grandes surfaces parce que ces acteurs seraient des cibles politiquement faciles.

La Commission européenne – cela mérite que je la cite – a considéré que « les efforts visant à poursuivre l’amélioration de la viabilité des finances publiques, la simplification du système fiscal et l’assouplissement du marché du travail pourraient être intensifiés » et que la France avait « accompli des progrès limités ». Ce sont les termes mêmes de la Commission, qui a également estimé que le projet de budget de la France présentait « un risque de non-conformité avec les dispositions du pacte de stabilité et de croissance ». Elle a indiqué qu’elle « réexaminera[it] au début du mois de mars 2015 […] sa position sur les obligations qui incombent à la France ».

Pierre Moscovici a insisté pour que ce délai de quatre mois « ne soit pas du temps perdu, mais du temps utilisé pour avancer et affirmer l’impact des réformes ». Peut-être en saurons-nous davantage demain, puisque le Premier ministre devrait présenter le calendrier des réformes pour les deux années à venir ? Je souhaite en tout cas que le Gouvernement puisse répondre à la légitime préoccupation de nos partenaires européens quant à la situation économique et budgétaire de notre pays.

Les conclusions des premières revues de dépenses prévues par le projet de loi de programmation des finances publiques et attendues pour le 1er mars prochain pourraient d’ailleurs contribuer à documenter un certain nombre d’engagements. Au cours de ces prochains débats, monsieur le secrétaire d’État, peut-être pourrez-vous nous préciser les thèmes sur lesquels l’administration a sans aucun doute déjà commencé à travailler ?

Dans sa dimension budgétaire, le projet de loi de finances rectificative de fin d’année permet d’avoir un premier aperçu de l’exécution de la loi de finances de l’année, même s’il existe encore quelques marges d’incertitude. Mais ce projet entérine d’abord un nouveau dérapage du déficit de l’État, qui atteindra 88, 2 milliards d’euros à la fin de l’année 2014, soit 4, 3 milliards d’euros de plus que ce qui était prévu dans la loi de finances rectificative du 8 août.

Le texte qui nous est soumis met en exergue des points importants.

S’agissant des dépenses, celles-ci devraient, cette année encore, être tenues. Cependant, un examen détaillé des arbitrages de fin de gestion montre la difficulté d’un tel exercice en l’absence de réformes permettant de contenir le dynamisme de certaines dépenses, notamment celles de rémunération des personnels et celles dites de « guichet », comme l’aide médicale de l’État ou l’hébergement d’urgence.

S’agissant des recettes fiscales, le projet de loi de finances rectificative entérine une nouvelle baisse de celles-ci de plus de 10 milliards d’euros, tant par rapport à la loi de finances initiale que par rapport à l’exécution 2013.

Sur le premier point, celui des dépenses, il convient d’examiner les mouvements de crédits proposés par le collectif conjointement avec ceux opérés par le décret d’avance, dont la commission des finances a été saisie pour avis ; son rapport a été publié il y a quelques jours. Ce décret d’avance est désormais un outil traditionnel de pilotage de la fin de gestion, qui vise à ouvrir les crédits correspondant aux dépenses les plus urgentes, en particulier les dépenses de personnel.

Que constate-t-on ? Ces mouvements sont plus importants que par le passé et les dépenses qui dérapent, en dehors du cas particulier des OPEX, sont pour l’essentiel les dépenses de rémunération et les dépenses d’intervention correspondant aux dispositifs de guichet. Cela montre une tension accrue sur l’exécution du fait du dynamisme des dépenses obligatoires dont le financement repose, notamment, sur des crédits initialement destinés à l’équipement des forces armées et à la recherche et l’enseignement supérieur.

C’est ainsi que l’évolution de la masse salariale, hors opérations extérieures, nécessite une ouverture de crédits de 540 millions d’euros, concentrés sur le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la défense. Cela confirme le diagnostic selon lequel, à effectifs constants, la masse salariale ne peut être contenue. Ce constat plaide en faveur des mesures que la majorité sénatoriale a adoptées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015 relatives aux effectifs, à l’avancement des fonctionnaires ou aux jours de carence.

Aussi ce projet de loi de finances rectificative nous montre-t-il que le Gouvernement arrive certes à maîtriser la dépense de l’État, mais en subissant la dynamique de certaines d’entre elles, là où il conviendrait, au contraire, de les maîtriser pour dégager des ressources au profit, notamment, de l’investissement.

S’agissant des recettes fiscales, qui enregistrent plus de 10 milliards d’euros de moins-values, leur évolution est difficile à analyser, car elle résulte de l’addition de comportements individuels. Toutefois, des tendances de fond sont sans doute à l’œuvre : je pense notamment aux nouveaux modes de consommation, qui échappent en tout ou en partie à l’impôt, ou aux développements de la fraude, notamment de la fraude à la TVA sur internet. Nous aurons à revenir sur ces sujets, parce que nous disposons encore de marges de progrès importantes. Je pense également à la fuite d’un certain nombre de cerveaux ou de talents, accomplis ou en devenir.

Les moins-values considérables constatées cette année s’expliquent sans doute par la conjoncture économique dégradée, mais aussi par l’échec d’une politique d’ajustement par la fiscalité qui s’est montrée excessive et a très probablement encouragé des comportements d’évitement, qu’il s’agisse de fraude, d’évasion et d’optimisation fiscales ou tout simplement de « désincitation » à produire des richesses. Ces évolutions doivent, en tout état de cause, nous conduire à nous interroger collectivement : nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre le retour de la croissance ! Il faut se poser la question de l’évolution des comportements, en particulier des consommateurs ; en effet, si nous ne prenons pas garde à l’effritement d’un certain nombre d’assiettes fiscales dès aujourd’hui, nous pourrions être tentés, comme le Gouvernement le fait pour la taxe sur les surfaces commerciales, de chercher à compenser ces phénomènes par une augmentation des taux des impôts existants, au lieu de réfléchir à une évolution de leurs assiettes fiscales.

Évidemment, nous ne pouvons pas nous réjouir de ces déconvenues, qui montrent à la fois la faible capacité de notre pays à produire de la richesse et les résultats limités de la stratégie d’ajustement du Gouvernement. Nous ne considérons pas que la réponse apportée aux exigences de l’Union européenne pour le redressement de nos finances publiques et de notre compétitivité soit adaptée à l’ampleur des enjeux.

Pour conclure, je souhaite rappeler que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat d’adopter le projet de loi de finances rectificative, bien sûr modifié par les amendements qu’elle va présenter.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les objectifs des lois de finances rectificatives de fin d’année évoluent, de plus en plus en raison de l’instabilité de la conjoncture depuis la crise, mais aussi du fait de la procédure d’examen par les autorités européennes de notre budget en parallèle de notre discussion parlementaire. Le collectif budgétaire de fin d’année devient la « troisième partie » du projet de loi de finances, celle qui permet les ajustements de dernière minute.

Par conséquent, désormais, les collectifs de fin d’année ont presque autant vocation à corriger l’année qui s’achève qu’à compléter les données de l’équilibre pour l’année qui vient. Symétriquement, la loi de finances de l’année ne peut se comprendre qu’en lui adjoignant les dispositions du collectif budgétaire. C’est ainsi que les 3, 6 milliards d’euros d’ajustement supplémentaires pour 2015 trouvent leur traduction à la fois dans le projet de loi de finances et dans ce collectif budgétaire.

Le commissaire européen chargé des affaires économiques doit rendre ces jours-ci une évaluation des nouvelles règles de gouvernance budgétaire. Peut-être examinera-t-il leur impact et les interférences qu’elles créent sur le processus de décision des États membres qui examinent leur budget à l’automne ?

Par ailleurs, la loi de finances rectificative de fin d’année n’est plus le seul outil dont dispose le Gouvernement pour piloter la fin d’exercice. Cette année, sur les 2, 9 milliards d’euros d’ouvertures de crédits nécessaires – toutes gagées, bien entendu, par des économies –, 1, 6 milliard d’euros figurent dans ce collectif budgétaire et 1, 3 milliard d’euros étaient inscrits dans le décret d’avance sur lequel la commission des finances a donné un avis le 24 novembre. Compte tenu de l’importance désormais prise par le décret d’avance de fin d’exercice, la commission des finances a d’ailleurs décidé cette année de publier son avis sous la forme d’un rapport d’information du rapporteur général.

Enfin, s’il est une constante, c’est le recours aux lois de finances de fin d’année comme réceptacle d’une foule de mesures fiscales de portée diverse, parfois inscrites dans le texte initial, parfois introduites en cours de lecture à l’Assemblée nationale. Je me demande, par conséquent, s’il est raisonnable de conserver cette vocation aux lois de finances rectificatives de fin d’année.

Le rapporteur général l’a dit, le Sénat a reçu cette année un collectif budgétaire enrichi de 77 articles venus s’ajouter aux 35 articles initiaux. Ce gonflement ne me soucierait pas si notre calendrier n’était pas si contraint. Il y a encore cinq ou six ans, nous disposions d’une petite semaine, certes, mais d’une semaine pratiquement, entre le vote de la loi de finances et l’examen du collectif budgétaire. Cette année, nous n’avons disposé que d’une nuit.

Les raisons du raccourcissement des délais sont connues : elles tiennent à la disparition de la période complémentaire, et nous les comprenons. Toutefois, si nous partageons l’attachement du Gouvernement au fait de cantonner les dispositions fiscales aux lois de finances plutôt que de les disséminer dans des textes sectoriels, l’application de ce principe ne doit pas conduire à empêcher un examen sérieux des dispositions qui nous sont soumises. Paradoxalement, nous étudierons dans de meilleures conditions les dispositions fiscales qui figurent dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ou dans le projet de loi pour la croissance et l’activité que celles qui sont inscrites dans les lois de finances.

Je laisserai les orateurs de mon groupe s’exprimer sur le détail des mesures présentées dans le projet de loi de finances rectificative et me concentrerai sur le principal choix de politique économique qu’il traduit : celui de ne pas hypothéquer la reprise de la croissance par des réductions de dépenses qui compenseraient à l’euro près la diminution des recettes enregistrée en raison des moins-values de recettes fiscales.

Pour ce qui concerne le budget de l’État, tracé à gros traits, les recettes sont inférieures d’une dizaine de milliards d’euros par rapport à ce qui était attendu, les moins-values de recettes étant partiellement compensées par 5 milliards d’euros environ de dépenses en moins. Cet effort de maîtrise de la dépense est remarquable et, plus que tous les autres indicateurs de finances publiques, c’est lui qui, à mon sens, assure la crédibilité de notre politique budgétaire et explique la confiance que les investisseurs placent en la signature de la France.

À l’échelle de l’ensemble des administrations publiques, le choix du Gouvernement de ne pas compenser totalement les moindres recettes se traduit par une détérioration du déficit public, qui s’établira à 4, 4 % du produit intérieur brut en 2014.

Faut-il faire reproche au Gouvernement de ralentir le rythme de réduction du déficit ? Nous savons que les discussions sur ce point avec les autorités européennes ne sont pas faciles, c’est le moins que l’on puisse dire ! Je suis sûre que le Gouvernement trouverait utile de pouvoir être éclairé par les analyses de l’opposition gouvernementale, qui dispose de la majorité dans notre assemblée. Malheureusement, celle-ci reste trop silencieuse sur ce sujet

Exclamations sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Pour ma part, je considère que la France, dont le PIB représente 20 % de celui de la zone euro, rend service à l’ensemble de la zone en refusant de prendre des mesures par trop récessives. En effet, il ne fait aucun doute que la zone euro inquiète, parce qu’elle peine à renouer avec la croissance économique et que le spectre de la déflation s’y fait de plus en plus présent.

Cette « exception » de la zone euro ressort clairement des récentes publications du Fonds monétaire international sur l’économie mondiale. En 2013, le produit intérieur brut de la zone euro reculait de 0, 4 %, alors que les économies avancées affichaient une croissance de 1, 4 %, celle-ci atteignant même 2, 2 % aux États-Unis. Cette situation semble vouloir se prolonger, puisque le Fonds monétaire international prévoit une croissance de 1, 8 % en 2014 et de 2, 3 % en 2015 dans les économies avancées, alors que l’activité ne progresserait que de 0, 8 % et de 1, 3 % dans la zone euro au cours de ces deux années. Cette situation est d’autant plus inquiétante que ce diagnostic est partagé par l’OCDE et par la Commission européenne elle-même.

Par ailleurs, si le ralentissement de l’inflation a concerné l’ensemble des économies en 2012 et en 2013, ce phénomène ne semble vouloir perdurer que dans la zone euro. Selon le FMI, encore une fois, l’inflation dans la zone euro serait de 0, 5 % en 2014 et de 0, 9 % en 2015, contre 1, 6 % et 1, 8 % dans les autres économies avancées.

Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que différentes instances internationales demandent que des mesures en faveur de la croissance dans la zone euro soient adoptées au plus vite. En effet, les interdépendances économiques nées de la mondialisation font que le ralentissement de l’activité en Europe, premier partenaire commercial de la Chine ou encore des États-Unis, constitue une menace pour l’ensemble du monde. Lorsque les chefs d’État ou de gouvernement réunis à Brisbane, dans le cadre du G20, demandent des actions énergiques afin de renforcer la croissance et de créer des « emplois de qualité », la zone euro apparaît comme la première concernée.

Quels sont les leviers dont disposent les pays de la zone euro pour relancer la croissance et éloigner le risque de déflation ? Le plus évident réside dans la politique monétaire. Pour autant, lors de la conférence annuelle des banquiers centraux qui s’est déroulée en août dernier, Mario Draghi a souhaité que la politique budgétaire joue un rôle accru aux côtés de la politique monétaire. Cela implique, ni plus ni moins, que les États de la zone euro ralentissent – sans toutefois y renoncer – le redressement de leurs comptes publics, afin de ne pas contracter plus encore une demande agrégée déjà bien peu dynamique.

À ce titre, au cours d’une conférence de presse qui s’est tenue au début du mois de novembre, le secrétaire général de l’OCDE a déclaré : « Nous croyons que, pour les pays de la zone euro dans lesquels il existe une marge budgétaire, un ralentissement de la consolidation structurelle du budget pourrait intervenir. » Le Fonds monétaire international lui-même, dans une publication d’octobre dernier, a souligné que la politique budgétaire dans la zone euro « ne devrait pas être rendue plus stricte en cas de mauvaise surprise de la croissance ».

La France a pris ses responsabilités, comme l’illustre l’exercice 2014 qui s’achève. Le Gouvernement avait fixé l’ajustement structurel à 0, 9 point de PIB dans le cadre de la loi de finances pour 2014. Face au ralentissement de la croissance et de l’inflation, il avait même engagé 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires dans les lois de finances rectificatives du printemps dernier, afin de maintenir le niveau de cet ajustement structurel.

Cet ajustement structurel a été réduit par la conjoncture économique, pour s’établir à 0, 5 point de PIB. Pour autant, il a impliqué la réalisation d’un effort budgétaire important qui pouvait difficilement être accru une nouvelle fois, sauf à peser sur une croissance et une inflation atones.

Le Gouvernement n’a pas été en mesure d’atteindre ses objectifs budgétaires en 2014, c’est vrai ! A-t-il été contraint de modérer la trajectoire du redressement des comptes publics ? C’est également vrai. Mais aurait-il dû et pu faire autrement ? Je ne le pense pas. Ajouter l’austérité à l’apathie de l’activité, contracter encore la demande alors que l’inflation se traîne aurait été coupable non seulement vis-à-vis des Français, mais également vis-à-vis de nos partenaires européens, et nous ne pouvons pas nous le permettre !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme je l’ai indiqué dans mon rappel au règlement – M. le rapporteur général et Mme la présidente de la commission l’ont également dit –, nous avons l’impression d’examiner le projet de loi de finances rectificative au pas de course. Discussion en commission des finances hier matin, débat en séance publique ce soir et demain, voilà un rythme un peu rapide pour un texte qui contient d’importantes mesures d’ajustement !

Nous devons changer de méthode. Je ne sais pas s’il faut raccourcir ou avancer la discussion du projet de budget. Je sais en revanche que consacrer trois semaines d’examen intense à un budget qui est toujours un peu virtuel et ne passer que deux jours sur le projet de loi de finances rectificative qui le complète significativement et qui, surtout, procède à des ajustements pour tenir compte de la réalité des chiffres n’est pas cohérent.

Nous devons également réfléchir à la possibilité de consacrer davantage de temps à l’examen du projet de loi de règlement. Il serait utile que nous puissions procéder à une audition des ministres sur chacune des missions. Cette méthode nous aiderait à préparer le budget de l’année suivante, car la réalisation de chaque mission est un élément d’évaluation important.

Le projet de loi de finances rectificative qui nous est présenté illustre un certain nombre de nos problèmes en matière budgétaire.

Le premier, c’est l’optimisme permanent vis-à-vis de la croissance. Après vous avoir entendu dire l’année dernière, monsieur le secrétaire d’État, qu’une prévision de croissance de 1 % était réaliste, après vous avoir entendu dire, au mois de juillet, qu’une prévision de 0, 7 % était réaliste, nous nous retrouvons, au bout du compte, avec 0, 4 %. Je vous invite à relire mes interventions, c’est ce que j’avais annoncé, à peu de chose près. Je ne suis pas devin, je suis simplement prudent. Malheureusement, beaucoup ne le sont pas assez sur le sujet.

Le projet de loi de finances rectificative témoigne également du dérapage de nos finances publiques : 88 milliards d'euros de déficit, cela représente 30 % de nos recettes fiscales. C’est considérable ! Cela signifie que, depuis la mi-septembre, nous vivons à crédit. Pour financer l’ensemble du fonctionnement des services de l’État, nous empruntons aux générations futures. Tous ceux qui nous succéderont verront que nous avons vécu des folles années à crédit.

Ne nous contentons pas de dire qu’il faut redresser les finances publiques. Faisons-le ! Or le déficit enregistré en 2014 sera supérieur d’au moins 13 milliards d'euros à celui de 2013. On ne peut pas vraiment parler de redressement !

Le projet de loi de finances rectificative est en outre symptomatique de la non-justification de l’insuffisance des recettes par rapport aux prévisions. À cet égard, vous venez de nous donner des éléments d’explication. Je vous en remercie, car nous les demandions depuis un moment. J’aurais toutefois préféré qu’ils soient un peu plus précis, car certains me paraissent un peu discutables.

Enfin, le projet de loi de finances rectificative me paraît révélateur des dérives budgétaires de la France.

Même si vous n’aimez pas le terme, monsieur le secrétaire d'État, je vais quand même l’utiliser : pour moi, ce texte relève du bricolage budgétaire – c’est évidemment une référence à la boîte à outils du Président de la République ; il nous l’a d’ailleurs assez rabâchée, sa boîte à outils ! Avec 77 articles additionnels, dont la moitié émanant du Gouvernement, à partir d’un texte initial qui comptait 35 articles, on a l’impression d’une certaine forme d’improvisation de dernière minute. Pourquoi la suppression de la prime pour l’emploi, par exemple, ne figurait-elle pas dans le projet de loi de finances pour 2015 et apparaît-elle tout à coup ? Pourquoi nous faut-il examiner cette disposition en deux jours, sans étude d’impact, sans simulation, sans rien ? Je ne sais pas si certains de mes collègues sont capables de dire s’il faut ou non supprimer la prime pour l’emploi. Pour ma part, je ne m’y engagerai pas. Se prononcer en deux jours me paraît une gageure terrible.

Le projet de loi de finances rectificative comporte, comme le budget en général, beaucoup de défauts. La dépense publique augmente de 16 milliards d'euros en 2014 et celle du budget de l’État – pensions et charge de la dette incluses – progresse de 2 milliards d'euros, malgré une baisse des dotations aux collectivités territoriales de 1, 5 milliard d’euros. Or je vous le dis, monsieur le secrétaire d'État, ce qu’il nous faut rechercher, c’est à réduire la dépense publique et non plus à la maîtriser.

À en croire certains, la dépense publique serait bonne pour l’économie. Si tel était le cas, nous serions les champions du monde de la croissance. Avec 57 % de dépenses publiques par rapport à notre richesse nationale, c’est certain que nous serions en avance sur tous les autres. §Tel n’est pas le cas aujourd'hui !

Il n’est pas possible de continuer à laisser croître la dépense publique en France. La seule bonne dépense, c’est la dépense d’investissement. Or l’État n’investit plus que 2 % du budget. Les seules qui investissent encore, ce sont les collectivités territoriales. Or, en rognant considérablement leur capacité d’autofinancement, on est en train de tuer l’un des moteurs de notre économie.

On le dit, on le répète – je l’ai déjà martelé lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques –, il faut absolument entamer des réformes structurelles. Parmi les chantiers, il y a le marché du travail, les retraites, l’organisation de l’État et des collectivités territoriales, la formation, l’enseignement, la recherche, la réforme fiscale, laquelle nous avait d’ailleurs été annoncée. Toutes ces réformes, il faut les entamer et vite, sinon toutes les bonnes nouvelles – la baisse du cours de l’euro, des prix du pétrole, des taux d’intérêt, le taux d’épargne élevé des Français –, nous n’en profiterons pas. Ces réformes structurelles, nous le savons, seront difficiles et douloureuses, mais elles sont indispensables et urgentes.

Monsieur le secrétaire d’État, les amendements adoptés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative détermineront le vote du groupe UDI-UC.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les interventions se succèdent et j’ai bien peur qu’elles ne se ressemblent beaucoup.

Le projet de loi de finances rectificative de fin d’année a théoriquement vocation à ajuster la politique budgétaire de l’année en cours en fonction de l’évolution de la conjoncture et de l’exécution déjà réalisée. Malheureusement, les gouvernements successifs ont pris l’habitude de faire de ce texte une sorte de voiture-balai fiscale dans laquelle se retrouvent des mesures structurantes, qui auraient plutôt dû figurer dans le projet de loi de finances.

Le comble du raffinement est atteint lorsque de telles mesures sont introduites, non pas dans le projet de loi de finances rectificative lui-même, mais par des amendements au texte, souvent de dernière minute. Bien qu’elle soit parfaitement constitutionnelle, cette démarche pose plusieurs problèmes : d’abord, elle dispense le Gouvernement de produire une étude d’impact et de requérir l’avis du Conseil d’État ; ensuite, elle pose clairement un problème de calendrier, le temps d’examen des textes financiers, en cette période, étant toujours extrêmement contraint.

Le projet de loi de finances rectificative a été transmis au Sénat le mardi 9 décembre, il y a deux jours. Le délai limite pour le dépôt des amendements était fixé à aujourd’hui midi, puis ceux-ci ont été distribués au cours de la journée. Les services de la commission des finances et les groupes politiques n’ont que la nuit qui vient pour les examiner, avant la séance de demain matin. Or, dans ce contexte déjà très exigeant, nous découvrons que, à l’issue de la lecture à l’Assemblée nationale, le nombre d’articles du texte initial a été triplé. Le Gouvernement a une part de responsabilité prépondérante dans cet « œdème législatif » non seulement du fait de ses amendements, mais aussi de ceux qu’il a, à l’évidence, fait porter par certains députés.

Nous pouvons comprendre, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement ait eu des difficultés à boucler ses travaux en temps et en heure. Vous devez aussi comprendre, compte tenu de votre parfaite connaissance de la vie parlementaire, qu’agir ainsi ne permet pas au Parlement de travailler comme il le devrait. Je crois sincèrement que, si nos concitoyens connaissaient réellement les conditions d’exercice du travail parlementaire, leur confiance en notre démocratie représentative en serait encore un peu plus ébranlée.

Parce que les écologistes sont profondément attachés au rôle du Parlement, je me devais de vous dire mon dépit face à cette manière de procéder. Si j’avais un souhait à former ici, ce serait que cette tendance, certes ancienne mais toujours plus marquée, à détourner le projet de loi de finances rectificative de son objet puisse enfin s’inverser.

Son réel objet, je l’ai dit, consiste à ajuster la trajectoire budgétaire. En 2014, nous assistons, comme en 2013, à un recul d’environ 11 milliards d’euros des recettes par rapport à la prévision, signe d’une atrophie progressive de notre économie. Ce chiffre est d’autant plus préoccupant que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, considéré comme la pièce maîtresse du dispositif économique du Gouvernement, n’est même pas consommé intégralement et, comble de l’ironie, intervient du coup positivement dans la mise à jour du solde budgétaire.

Dans le même temps, les dépenses publiques continuent à être entaillées, avec d’inévitables conséquences récessives. J’aimerais m’arrêter en particulier sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », malmenés cette année, comme les précédentes.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

À périmètre inchangé, le budget de l’écologie accuse une baisse cumulée de 1, 65 milliard d’euros depuis 2012 et une suppression cumulée de 1 641 emplois.

Les crédits du programme d’investissements d’avenir, le PIA, présentés l’an passé comme une compensation, ont quant à eux été rabotés deux fois cette année : d’abord, dans le premier projet de loi de finances rectificative pour 2014, où 220 millions d’euros ont été transférés vers la recherche nucléaire ; ensuite, dans ce projet de loi de finances rectificative, où vous transférez à nouveau 146 millions d’euros de l’écologie vers le Commissariat à l’énergie atomique et l’industrie des nanotechnologies. Au mieux, il s’agit d’une maladresse politique, au pire, d’une véritable provocation.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

En guise d’explication, on nous fait réaliser qu’il existe dans les PIA des centaines de millions d’euros dédiés à l’écologie et non utilisés.

Quand, dans la rue, on se fait voler son portefeuille, on crie : « Où est la police ? » Moi, j’ai envie de lancer ce soir un avis de recherche pour tenter de retrouver l’ADEME et le ministère de l’écologie, pour découvrir où partent ces millions ! Pourquoi les projets prévus au titre de l’écologie ne sont-ils jamais prêts ? Pourquoi les programme-t-on, sinon pour faire plaisir aux écologistes et leur dire, quelques mois après, qu’on retire les budgets parce que rien n’est prêt ?

Alors que le Président de la République vient de réaffirmer qu’il voulait une France écologiquement exemplaire, sans doute n’avons-nous besoin d’aucun investissement d’avenir en matière de transition écologique et énergétique ou de ville durable ? Du discours aux actes, en matière d’écologie, il y a encore un grand pas que le Gouvernement peine manifestement à franchir.

Pour terminer, je voudrais mentionner deux sujets abordés dans ce texte et qui me tiennent particulièrement à cœur.

Le premier, c’est la question de la TVA. Cet impôt, qui constitue notre principale ressource fiscale, est l’objet de fraudes massives, que les services de Bercy ont évaluées à 10 milliards d’euros. Lorsque la TVA a été perçue, puis n’est pas reversée, il y a même là une forme de fraude particulièrement choquante, qui voit un entrepreneur se substituer à l’État pour subtiliser l’impôt des autres. Je me félicite donc que le Gouvernement propose à nouveau, dans ce texte, des mesures fortes en la matière. Néanmoins, lorsqu’on entend qu’une partie des services fiscaux se consacre désormais au traitement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, on se dit que, à effectifs constants, on pourrait encore faire mieux dans la lutte contre la fraude à la TVA.

Le second sujet, c’est la non-déductibilité de la contribution des banques au Fonds de résolution unique.

Lorsque nous avons étudié, en octobre dernier, la transposition d’un ensemble de directives économiques et financières, j’avais déposé un amendement en ce sens. La commission comme le Gouvernement m’avaient alors répondu que cette mesure n’était pas envisageable. Aujourd’hui, je suis assez satisfait de constater que cette préoccupation a finalement été prise en compte par le Gouvernement, à l’instar de ce qui se fait en Allemagne.

Il reste toutefois une interrogation. Vous avez fait le choix, monsieur le secrétaire d'État, d’éteindre progressivement la taxe systémique à laquelle vous considérez que le Fonds de résolution unique a vocation à se substituer. Dès lors, puisque ce fonds ne sera pleinement abondé qu’en 2023, pourquoi avoir envisagé l’extinction de la taxe systémique dès 2019 ? Croisons les doigts pour qu’une crise bancaire ou assurantielle n’intervienne pas dans l’intervalle ! Il me semble qu’il aurait été plus cohérent de faire coïncider les deux trajectoires. Je proposerai d’ailleurs un amendement en ce sens.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à cette heure, il ne nous a évidemment pas été possible de prendre connaissance des quelque 240 amendements déposés aujourd’hui sur ce texte. Compte tenu, par ailleurs, des votes parfois surprenants dont nous a gratifiés la majorité sénatoriale à l’occasion du récent projet de loi de finances, les écologistes ne peuvent déterminer aujourd'hui leur position sur ce texte. Nous attendrons donc l’issue de la discussion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d 'État, mes chers collègues, nous avions au départ une loi de finances initiale inscrite dans les critères de convergence européens. Elle se plaçait résolument sur la trajectoire de réduction des déficits publics et de maîtrise de la progression de la dette, à partir d’une « pause relative » en termes d’accroissement des prélèvements fiscaux et sociaux et de contraction – pour ne pas dire réduction, et pourtant c’est cela ! – de la dépense publique.

Sur le premier point, je ne sais si l’objectif est finalement atteint, mais on ne saurait évidemment oublier que le déploiement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est allé de pair avec un nouvel accroissement des taxes sur la consommation, accroissement destiné à suppléer les moins-values de recettes attendues. C’est d’ailleurs plutôt un échec puisque le projet de loi lui-même indique que 2, 9 milliards d'euros de recettes de TVA manquent à l’appel, au regard de la prévision déjà révisée du collectif de cet été.

Résultat : malgré les hausses de taux, la TVA nette perçue par l’État n’aura finalement augmenté que d’un peu plus de 1, 5 milliard d’euros. C’est le résultat d’une croissance économique atone, se situant à environ quatre dixièmes de points de PIB.

Une croissance aussi limitée pose évidemment le problème de l’efficacité de certains engagements de l’État, notamment du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Sur ce point, les chiffres sont terribles.

Quand ce dispositif a été voté, en France, on dénombrait officiellement 3 132 900 chômeurs de catégorie A. Aujourd’hui, on en recense 3 460 900, soit une progression de 328 000 inscrits qui semble clairement montrer que les entreprises tardent quelque peu à traduire dans les faits les intentions affichées dans les enquêtes du comité de suivi du CICE en termes d’investissement et d’emploi. Il y a loin de l’engagement à la réalité !

Il serait sans doute facile d’accuser le Gouvernement de tous les maux et de toutes les responsabilités en la matière. D’autres ne manqueront pas de le faire, oubliant leurs piètres résultats quand ils étaient aux responsabilités. ..

En revanche, ce que l’on peut reprocher au Gouvernement, c’est d’avoir laissé penser que le dialogue avec les milieux socioprofessionnels suffirait et d’avoir cru les promesses d’un Pierre Gattaz, qui n’en est jamais avare. Or celles-ci ne valent sans doute que pour ceux qui l’écoutent… Ce constat confirme que, sans obligation, l’argent public n’a aucune raison d’être ainsi distribué. Il faut d’ailleurs bien reconnaître qu’aucune des recettes invoquées par le MEDEF depuis quelques années n’a produit d’effets sur la situation de l’emploi.

L’an prochain, nous allons fêter le trentième anniversaire de la loi sur la flexibilité du travail. Depuis son adoption, nous avons vu se développer les formes les plus atypiques de travail, à commencer par le travail de nuit, le week-end, le dimanche, ou encore le travail au domicile de l’employeur, etc...

Ainsi, pour ne donner qu’un exemple, sur 1, 7 million d’offres d’emploi susceptibles d’être déposées en 2014, près de 670 000 portaient sur des emplois à caractère saisonnier.

Plus récemment, dans une étude publiée ce lundi 8 décembre, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, indiquait que, en 2013, les contrats à durée déterminée ont constitué 84, 2 % des conditions d’embauche et que la durée médiane d’un tel contrat est aujourd’hui de dix jours...

Le nombre des embauches sous forme de CDD n’a d’ailleurs cessé de progresser, passant de 66 % des contrats de travail en 2000 – en pleine époque des 35 heures – à 85 % à l’heure actuelle.

Le développement de cette précarité du travail pèse sur la vie des gens, sur leurs revenus, sur leurs projets, sur leur insertion dans la société et met en cause, immanquablement, leur participation au redressement de la France, auquel, j’en suis certaine, tous ces demandeurs d’emploi voudraient contribuer.

Selon nous, ces handicaps caractérisent cette fameuse incertitude que souligne le Haut Conseil des finances publiques, quand il s’agit d’évaluer la validité du schéma macroéconomique sur lequel le Gouvernement fonde sa ligne de conduite budgétaire. Ce gaspillage de potentiels est à la base de la réduction du taux de croissance du PIB, malgré le développement du travail à horaires atypiques, notamment du travail dominical.

Nonobstant une hausse de quatre points du nombre de travailleurs dominicaux entre 2002 et 2012 – leur nombre est passé de 25 % à 29 % –, le taux de croissance a chuté de 3 % à 0, 4 %.

Le projet de loi de finances rectificative que nous examinons porte les stigmates de cette situation sociale et économique, sans évolution notable, malgré le CICE, malgré la loi transposant l’accord national interprofessionnel de 2013 imposée au Parlement par la voie du vote bloqué. Cela se traduit par la baisse des recettes, comme nous l’avons relevé, et par la hausse de certaines dépenses. Je pense, notamment, aux dépenses de « correction » des désordres sociaux que sont les allocations et aides sociales diverses : par exemple, 200 millions d’euros supplémentaires sont affectés à l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, et 130 millions d’euros au RSA.

Face à ce constat, nous présenterons un certain nombre d’amendements tendant à améliorer le contenu d’une loi de finances qui n’a pas permis d’inverser les tendances lourdes déjà observées.

De manière générale, outre la remise en question de certaines dépenses fiscales, au premier rang desquelles le CICE, il nous semble pertinent de vouloir utiliser l’outil budgétaire pour motiver un nouveau comportement des agents économiques. Ainsi, la fiscalité ne résoudra pas la question de la protection de l’environnement et du respect des milieux naturels, mais nous pouvons soutenir des choix budgétaires qui incitent à un comportement plus conforme à l’intérêt commun et à la préservation de la nature comme du monde qui nous entoure.

Une fiscalité rénovée, privilégiant les comportements socialement responsables, associée à des choix économiques et législatifs positifs : voilà ce qui constituerait sans aucun doute la base d’une politique économique plus propice à la réduction des déficits publics et à la maîtrise de la dette.

Une dette qu’il nous faudra sans doute bientôt envisager de régler autrement que par les ressorts habituels. L’examen du projet de loi de finances pour 2015, texte assorti de la création d’un excédent budgétaire totalement artificiel, qui est sans doute l’expression des limites de la loi organique et le résultat des choix opérés par la majorité du Sénat, a montré qu’il faudrait sans doute autre chose que des efforts inutiles, qui se révèlent particulièrement insuffisants, pour résoudre les problèmes de la dette et du déficit.

C’est donc bien vers une amélioration des recettes, une réelle inflexion des choix des agents économiques, un renforcement des droits réels des travailleurs salariés et un soutien à l’action aux collectivités locales que nous devons aller.

Ces orientations, associées à des interventions de la Banque centrale européenne, qui devrait envisager un plan de refinancement de la dette souveraine des États, permettront une croissance nouvelle.

Ce n’est pas cette voie que choisit le Gouvernement dans ce projet de loi de finances rectificative, texte que vous avez largement contribué, monsieur le secrétaire d’État, à faire grossir. Et ce n’est pas non plus celle que propose le rapporteur général, au nom de la majorité de la commission des finances.

Par ailleurs, le temps qui nous est imparti pour examiner l’ensemble des amendements soulève des questions, d’autant qu’aucune analyse d’impact n’est à notre disposition pour les apprécier.

Dans ces conditions, nous ne pourrons, sauf modification significative, adopter le présent projet de loi de finances rectificative. §

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Dommage !

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à peine avons-nous achevé l’examen du projet de loi de finances pour 2015 que nous nous plongeons dans celui du collectif budgétaire. Ce dernier nous permet d’évaluer la mise en œuvre de la loi de finances initiale pour 2014 et de procéder aux ajustements que les aléas rencontrés au cours de son exécution rendent nécessaires.

La loi de finances initiale a déjà fait l’objet d’une inflexion significative, avec le vote, cet été, d’une première loi de finances rectificative. Celle-ci constituait la traduction législative du pacte de responsabilité et de solidarité, et apportait un appui bienvenu à la compétitivité de nos entreprises.

Je ne reviendrai pas sur son contenu, que les sénateurs du RDSE ont largement approuvé, mais je noterai que ses effets commencent à se faire sentir.

Lors d’un point d’étape sur l’attractivité de notre pays, le 17 novembre dernier, l’Agence française pour les investissements internationaux a relevé une amélioration de la compétitivité-coût de la France. De fait, nous assistons à un rapprochement du coût horaire du travail avec celui de nos principaux voisins, au premier rang desquels figure l’Allemagne, dont les salaires rattrapent les nôtres.

Je ne ferai qu’évoquer les indicateurs macroéconomiques, tout en indiquant pouvoir partager, au moins partiellement, le constat que dresse le rapporteur général.

En 2014, la reprise qui était annoncée n’est pas intervenue, en tout cas pas en Europe. Sous les effets conjugués d’une croissance atone, d’une inflation quasi nulle – l’INSEE a même indiqué aujourd’hui que les prix avaient baissé de 0, 2 % au mois de novembre –, et malgré des taux directeurs à l’étiage, notre continent fait face à un risque déflationniste qui ne doit pas être minimisé.

Dans le projet de loi de finances pour 2015, le Gouvernement a fait le choix de poursuivre le triple objectif de soutien à la compétitivité de nos entreprises, de soutien à la demande et de maîtrise de la dépense publique.

Dans le présent projet de loi, le solde effectif est estimé à moins 4, 4 %, pour 2014, et le solde structurel s’établirait à 2, 4 %. Les prévisions de croissance et de l’inflation sont, elles aussi, conformes à celles des grandes institutions – FMI, Commission européenne et OCDE –, avec, respectivement, des taux de 0, 4 % et 0, 6 %

Ce collectif budgétaire compense également les moins-values des recettes de l’État qui sont principalement dues à une carence du produit de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés par rapport aux estimations. Je ne développerai pas, monsieur le secrétaire d’État – d’autres collègues de mon groupe l’ont fait ces jours derniers –, notre position sur la réforme nécessaire de ces deux impôts.

Il est indéniable que le contexte macroéconomique dégradé a grevé les rentrées fiscales. S’agissant de l’impôt sur le revenu, dans la précédente loi de finances rectificative, l’exonération d’impôt pour les ménages modestes, si elle relevait d’un choix politique assumé, a entraîné une moins-value de 1, 3 milliard d’euros.

Le présent collectif budgétaire retrace également les engagements pris par le Gouvernement auprès de la Commission européenne, après plusieurs échanges à l’automne, d’augmenter l’effort de 3, 6 milliards d’euros supplémentaires. L’annonce de ce chiffre, avouons-le, a suscité une once de scepticisme.

Cette amélioration du solde public serait permise en actionnant trois catégories de leviers, dont la plupart figurent dans ce projet de loi.

Il s’agit, tout d’abord, de nouvelles estimations de recettes et de dépenses, à hauteur de 1, 6 milliard d’euros. C’est notamment le cas de la diminution de la charge de la dette d’environ 400 millions d’euros. Ainsi, dans le contexte macroéconomique actuel, notre pays n’a jamais emprunté sur les marchés à des taux aussi bas. Ce niveau des taux directeurs associé à la baisse du prix du pétrole et aux évolutions du taux de change doit tempérer le pessimisme ambiant.

Cette situation ne doit cependant pas nous faire relâcher notre effort en matière de maîtrise de la dépense et de rétablissement des comptes publics.

Le deuxième gisement d’économies a pour origine l’accroissement de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales qui devrait permettre de récupérer pas moins de 850 millions d’euros ! Cet engagement du Gouvernement doit être apprécié. En effet, pour ce qui concerne la seule TVA, la fraude est estimée à 10 milliards d’euros.

Une question se pose cependant : comment concilier cet objectif avec la réduction des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », dans le projet de loi de finances pour 2015 ? Pouvez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le secrétaire d’État ?

Enfin, 1, 18 milliard d’euros d’économies proviendrait de l’instauration de nouvelles mesures fiscales, confirmant que la pause en l’espèce n’interviendra pas avant 2015.

À ce titre, je peux citer la possibilité pour les communes de majorer la taxe d’habitation portant sur les résidences secondaires et la hausse de la taxe sur les surfaces commerciales, cette fois au profit des finances de l’État, dont nous reparlerons sans doute.

Les ajustements visés dans ce projet de loi de finances rectificative concernent également de nouvelles ouvertures de crédits.

L’une des plus importantes a trait aux opérations extérieures, les OPEX, avec une ouverture de crédits totale de 601 millions d’euros qui se justifie par un fort engagement de nos troupes dont le savoir-faire et la qualité de l’action, au Sahel, en Centrafrique ou, plus récemment, en Irak contre Daech, doivent être salués de façon unanime.

D’autres adaptations sont presque devenues habituelles, du fait de la sous-dotation chronique en loi de finances initiale.

C’est notamment le cas à l’égard de la mission « Immigration, asile et intégration », qui voit ses crédits augmentés de près de 10 % supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale.

Un autre élément frappant à la lecture de ce texte est le nombre d’articles ajoutés à l’occasion de la lecture à l’Assemblée nationale : plus de 70 articles, en nette augmentation par rapport aux dernières années.

Je ne remets évidemment pas en cause le droit d’amendement de nos collègues députés. À ce titre, une telle activité pourrait être le signe d’une belle vitalité parlementaire.

Cependant, certains amendements, introduits notamment sur l’initiative du Gouvernement, conduisent à s’interroger. C’est le cas de ceux qui visent à refonder la fiscalité applicable aux tabacs.

Nous ne pensons pas qu’un amendement déposé dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative soit le véhicule approprié pour un tel bouleversement, bien que nous ne soyons pas opposés à une réforme de cette imposition. Peut-être pourrez-vous nous donner votre sentiment sur ce sujet, monsieur le secrétaire d'État ?

Telles sont rapidement exposées les orientations que nous défendrons lors de la discussion des articles.

Composante de la majorité parlementaire, la quasi-totalité des membres du RDSE se retrouve dans les grandes orientations de ce texte. Ils n’en proposeront pas moins quelques améliorations par voie d’amendements qui, nous l’espérons, trouveront un écho favorable sur ces travées. §

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Selon tous les sondages, notamment ceux de l’IFOP, plus de 93 % des Français estiment qu’il est urgent de faire des réformes, et 65 % d’entre eux jugent nécessaire de réaliser des économies budgétaires, quitte à moderniser et à fermer les services à faible utilité.

Les Français semblent donc prêts aux réformes.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Monsieur le secrétaire d'État, tout le problème est maintenant de savoir ce qu’il en est de votre gouvernement et, accessoirement, de votre majorité.

Selon Michel sapin, le projet de loi de finances rectificative est un exercice qui procède à des ajustements classiques. Pour nous, c’est plutôt un moment de vérité. Ce travail ne mérite pas d’être considéré comme purement formel. En effet, en maintenant des ratios, des taux de croissance surévalués, vous banalisez une forme d’insincérité des lois de finances. Vous laissez filer les déficits, vous renoncez à vos engagements européens. En réalité, vous banalisez vos échecs.

La dépense publique a progressé de 16 milliards d’euros par rapport à 2013, ce qui entraîne un certain nombre de conséquences impressionnantes. Le solde budgétaire négatif s’est aggravé en 2014, avec une exécution à 88 milliards d’euros, contre 73 milliards d'euros en 2013. Le déficit public est corrigé à 4, 4 % du PIB en 2014, au lieu des 3, 6 % attendus ! Plus dangereux encore, les recettes fiscales s’effondrent de plus de 10 milliards d’euros par rapport aux prévisions, ce qui explique l’écart de plus en plus inquiétant entre les crédits votés et les crédits réellement disponibles pour les gestionnaires, les administrations. La dette publique dépasse les 2 000 milliards d’euros, ce qui représente 30 000 euros par habitant.

L’année 2014 est une année d’aggravation du déficit public, celui-ci passant de 4, 1 % en 2013 à 4, 4 %, ce qui est une première depuis la survenance de la crise. Le ratio même de la dépense publique rapporté au PIB marque une légère hausse, de 56, 4 % à 56, 5 %. Comment peut-on parler de maîtrise des dépenses publiques ?

Le niveau de la dette publique vogue vers les 100 % du PIB. Cette dette est pour l’essentiel souscrite par des apports étrangers, ce qui pose évidemment un problème de souveraineté.

François Hollande le relevait en 2012 et promettait de réduire le déficit public à 2, 2 % en 2014. Or en réalité celui-ci est de 4, 4 %, soit très exactement le double. Est-ce là la démonstration que nous sommes sur la bonne voie, monsieur le secrétaire d'État ?

Depuis votre arrivée aux responsabilités, vous avez réussi l’exploit de ne diminuer le déficit que d’un demi-point, en le portant de 4, 9 % à 4, 4 %, et de repousser à deux reprises les échéances européennes pour atteindre l’objectif des 3 %. Nous vous avions d’ailleurs mis en garde sur ce point, rappelant vos engagements envers Bruxelles. Résultat, le déficit frôle les 88 milliards d’euros, soit près de 15 milliards d’euros de plus que l’année dernière.

Naturellement, monsieur le secrétaire d'État, courageusement, vous assumez pleinement cet échec et offrez de la France à la face du monde l’image d’un pays surendetté et incapable de s’adapter aux enjeux internationaux. Les faits sont là ! Votre laxisme menace même l’équilibre de la zone euro.

Marchandage et rabotage ne donnent aucun sens ni aucun cap à votre politique budgétaire et fiscale. Le problème aujourd’hui est que nous côtoyons l’insincérité et la schizophrénie, notamment en termes de recettes, avec 6 milliards d'euros de recettes en moins au titre de l’impôt sur le revenu. Vous plastronnez néanmoins en invoquant votre mesure phare, arrachée par les députés frondeurs, qui écarte de cet impôt 3 millions de citoyens en 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Pour notre part, nous estimons que payer une participation, sous la forme d’un impôt, pour faire fonctionner les services publics, l’école de ses enfants, est un élément de la citoyenneté. Au surplus, le bon impôt repose sur une base élargie, à des taux acceptables.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, ne nous dites pas que la moindre croissance en France est due à des facteurs extérieurs. Il n’est qu’à comparer les chiffres et ils vous donnent tort : notre pays est distancé par ses partenaires européens qui ont engagé des réformes structurelles. La croissance en France en 2014 est de 0, 4 %, contre 1, 2 % dans l’Union européenne, 1, 5 % en Allemagne, 1, 2 % en Espagne et même 2, 9 % en Grèce. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

C’est un peu facile ! La Grèce était à moins 10 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Au lieu de lever les épaules, donnez-moi des réponses concrètes et précises !

Pas de réforme, que de l’improvisation ! Cela a un prix : 510 000 chômeurs supplémentaires en deux ans. Parce que vous avez de très mauvais résultats et que vous ne respectez pas vos objectifs de réduction du déficit transmis à Bruxelles, vous trouvez in extremis plusieurs milliards d’euros pour sauver les meubles, sauf que ces milliards sont financés en partie par une hausse de la fiscalité sur les entreprises, probablement au nom de leur compétitivité…

Le summum est atteint avec la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, affectée aux collectivités locales, sur laquelle vous osez ajouter une surtaxe de l’État dans un souci inégalable de simplification administrative. Le reste du financement des 3, 6 milliards d’euros repose sur des effets d’aubaine. La lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales, c’est très bien, mais il est fort difficile de trouver les documents probants en amont : en fait, il ne s’agit que de lambeaux d’un habillage de circonstance !

Cela étant, vous avez un délai supplémentaire – jusqu’au mois de mars prochain – pour étayer sérieusement les engagements que demandent l’Europe, la Cour des comptes, le FMI, tous les analystes sérieux et même l’opposition.

On vous réclame une véritable réduction des dépenses publiques, la réforme du marché du travail, la renégociation de la durée du temps de travail par branche professionnelle, la libéralisation de pans entiers de l’économie, la réforme des retraites – sur ce point, essayez-vous vraiment à cette justice dont vous nous parlez régulièrement –, toutes les simplifications administratives possibles.

Ces attentes rejoignent aussi les propositions de réformes susceptibles de stimuler la croissance de la France et de l’Allemagne qu’ont formulées les économistes Pisani-Ferry et Enderlein, dans le cadre de la mission qui leur a été confiée par Paris et Berlin. Ils préconisent notamment la flexisécurité pour le marché du travail, en s’inspirant des méthodes de l’Europe du Nord et en privilégiant les accords d’entreprise afin d’aménager plus facilement le temps de travail. De plus, ils prônent de passer de l’obligation de négociation annuelle sur les salaires dans les entreprises à une obligation triennale. Enfin, ils suggèrent d’indexer le SMIC, non sur l’inflation, mais sur la progression de la productivité dans l’économie.

Ces deux dernières propositions ont essuyé d’emblée une fin de non-recevoir de la part de votre gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

L’opposition les reprendra à son compte dans le cadre de son programme. Régulièrement, vous nous demandez notre projet et nos intentions : il nous suffira de reprendre tout ce que vous n’avez pas eu le courage de faire !

Je vous rappelle que, sous le précédent quinquennat, tous les objectifs de réduction du déficit public fixés dans la loi de programmation ont été non seulement respectés, mais même dépassés. Nous avons réduit le déficit de 1, 8 point en deux ans, de 2009 à 2011, juste après le pic de la crise.

Vous vous glorifiez d’avoir baissé les dépenses. Mais c’est un artifice de vocabulaire : il s’agit en réalité d’un ralentissement de leur progression, rien de plus.

Le présent projet de loi de finances rectificative est dans la lignée des autres textes budgétaires votés cette année et votre communication enfiévrée masque de moins en moins votre marque de fabrique : le renoncement.

Vous affirmez que vous soutenez l’économie, alors que vous faites tout le contraire.

Je m’appuierai sur deux exemples issus du texte que nous examinons.

Premier exemple, après la malheureuse innovation fiscale consistant en la non-déductibilité des intérêts contractés par les entreprises pour leur investissement en 2013, vous persistez dans l’erreur avec la non-déductibilité de la taxe de risque systémique, qui va affaiblir les banques et les compagnies d’assurance.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

On ne va pas en plus payer pour leurs idioties !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Attendez la suite de mon propos, mes chers collègues !

Monsieur le secrétaire d’État, la Fédération bancaire française vous a demandé de renoncer à ce projet, estimant que la mesure allait accroître la charge fiscale pesant sur les banques de 900 millions d’euros sur trois ans. Comme vous ne l’ignorez pas, en France, nous n’avons pas de fonds de pension, …

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

… nous avons une épargne bloquée, dite « assurance vie ». Ce sont les banques qui assurent 90 % des financements des PME et TPE et même des grandes entreprises. En voulant les assécher à toute force, sur le fondement d’une idéologie un peu ancienne, vous supprimez, qui plus est après la réforme de Bâle III qui a renforcé leurs fonds propres, leur capacité à investir, c’est-à-dire à prêter aux entreprises. Ce faisant, vous tuez de l’emploi dans l’œuf. C’est typiquement le genre de mesure que nous contestons depuis deux ans.

Par voie de conséquence, les négociations sur le pacte de responsabilité et de solidarité ont été suspendues. Le secteur bancaire s’était engagé à créer 42 000 emplois entre 2015 et 2017, mais ce n’est plus d’actualité. M. Macron a raison de dire que ce pacte est un échec, mais, s’il en est ainsi, c’est le fait non pas des entreprises, mais bien de vos désordres. Votre communication sur le donnant-donnant n’a visiblement pas valeur d’engagement pour vous et les vrais chiffres du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, soit 7, 2 milliards d’euros d’allégement de charges à ce jour au bénéfice des entreprises, sont bien loin des 20 milliards d’euros annoncés urbi et orbi depuis deux ans !

M. le secrétaire d’État fait un signe d’exaspération.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Monsieur le secrétaire d’État, le moins que l’on puisse dire, c’est que cela ne compense pas les impôts et taxes tombés en rafale au cours de la même période sur nos entreprises. §Il faut savoir écouter ceux qui ne pensent pas comme vous, mes chers collègues ! C’est cela la discussion, c’est cela le débat !

Second exemple, le logement est un chantier prioritaire, paraît-il. Vous reconnaissez enfin que le secteur est en panne et qu’il contribue largement au déficit de croissance que connaît notre pays. On est bien loin des 500 000 logements promis par le candidat Hollande ! La réactivation du marché devient donc une priorité. Pourtant, ce n’est pas la défiance marquée envers les élus locaux par le biais d’une série de textes qui sera le meilleur levier pour relancer le logement. Il est temps de se rendre compte des dégâts désastreux de la loi Duflot pour ce secteur d’activité.

Le « choc de complexification paperassière », dixit Les Échos, occasionné par cette loi, en particulier pour ce qui concerne les promesses de vente – le nombre de documents requis a été multiplié par six –, la baisse des plafonds de loyer prévue pour 2016, le renforcement des droits des locataires qui deviennent plus importants que ceux des propriétaires et provoquent un véritable déséquilibre ont effrayé de nombreux bailleurs qui ont préféré vendre plutôt que de continuer à louer. Tout cela a fait fuir les investisseurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Tout ce fatras que vous avez voté, vous, chers collègues de la majorité, paralyse.

Je souhaite maintenant mettre l’accent sur un fait trop souvent ignoré. On compare fréquemment notre économie à celle de l’Allemagne. Savez-vous que, en matière de logement, le coût moyen, toutes catégories confondues et quelle que soit la situation géographique, est supérieur de 50 % en France par rapport à celui de son voisin d’outre-Rhin, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

… ce qui obère la capacité de consommation des familles de notre pays ?

Certes le logement n’est pas un sujet facile à traiter. Il est vrai que la France présente ce paradoxe d’être le pays qui consacre le plus d’argent aux allocations aux personnes et à la pierre et qui a les résultats les plus contestables. Une véritable réforme s’impose donc. Et ce n’est pas la mesurette que comporte le présent texte qui y changera grand-chose ! Il s’agit d’une nouvelle taxe, une de plus ! Dissuader les propriétaires de résidences secondaires de détenir des biens dans des zones tendues : voilà la nouvelle trouvaille ! « Inciter à orienter les logements existants vers l’usage de résidence principale » : mais les résultats sont connus d’avance, et nous savons bien tous que c’est pour faire plaisir à quelques élus, en particulier à la maire de Paris. Monsieur le secrétaire d’État, quelle misère d’en arriver là !

Cependant, il est peu probable que, dans la capitale, cette mesure entraîne des mises en location ou des ventes immobilières en série, car la taxe d’habitation est relativement faible et les propriétaires de résidences secondaires à Paris sont plutôt aisés, ce qui n’est pas le cas dans de nombreuses autres communes. Résultat, ce sera une taxe supplémentaire sur le dos des classes moyennes !

Le Président de la République a affirmé sur TF1: « À partir de l’année prochaine, il n’y aura pas d’impôts supplémentaires pour qui que ce soit ». Or, depuis cette annonce, c’est l’avalanche !

Le projet de loi de finances pour 2015 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 prévoient de nouvelles mesures fiscales : augmentation du prix du gazole, de la taxe de séjour, de la base fiscale de la taxe d’habitation, et j’en passe.

Et le projet de loi de finances rectificative en rajoute, sa mesure la plus emblématique étant la majoration de 50 % de la TASCOM, afin d’alimenter les caisses non pas des collectivités locales, mais de l’État.

Mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous devons nous opposer fermement à cette hausse, car entre la diminution des dotations de l’État et la privation progressive d’un certain nombre de nos recettes légitimes, il sera pour nous très compliqué de gérer nos collectivités dans quelques mois.

La nouvelle taxe sur les sociétés d’autoroute est encore une fois une mesure très médiatique, très démagogique, surtout après la suppression de l’écotaxe. Cette disposition, introduite à l’Assemblée nationale à la suite de l’adoption d’un amendement « spontané » du député socialiste, M. Faure, prévoit d’appliquer le droit commun à ces sociétés en plafonnant à 75 % la déductibilité des charges financières, ce qui rapporterait 60 millions d’euros à l’État. Cette taxe sera à n’en pas douter répercutée sur l’utilisateur, c'est-à-dire sur les particuliers et sur les entreprises.

Enfin, mon cher collègue sénateur de Paris, le vote par votre majorité de l’amendement visant à autoriser le STIF, le Syndicat des transports d’Ile-de-France, à relever le taux du versement transport des entreprises afin de financer le pass navigo à tarif unique en Île-de-France est contestable compte tenu de la conjoncture actuelle et du ras-le-bol des dirigeants d’entreprise. La volonté de faire un cadeau à la veille des élections régionales a prévalu sur tout engagement raisonnable. Cette mesure aurait au moins mérité un étalement dans le temps.

Telles sont les quelques réflexions dont je souhaitais vous faire part, mes chers collègues, sur le projet de loi de finances rectificative qui nous est aujourd'hui soumis.

J’aimerais maintenant réagir à la discussion que nous avons eue sur l’aide médicale d’État, l’AME, et répondre à M. le secrétaire d’État, ce que je n’avais alors pas pu faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Je tiens à dire deux choses.

À notre sens, il valait mieux réduire le budget de l’aide médicale d’État plutôt que de rejeter les crédits de la mission en cause. L’AME demeure indispensable. Si elle doit permettre aux étrangers en situation irrégulière d’accéder aux soins urgents, elle ne doit cependant pas être un guichet ouvert. Sommes-nous capables de nous inspirer de ce que font nos voisins afin de mieux maîtriser les phénomènes auxquels nous sommes confrontés ? Est-il interdit de revoir les critères d’accessibilité ?

« Comment choisir entre ceux qui méritent des soins et les autres ? » avez-vous demandé, monsieur le secrétaire d’État. J’ai une seule réponse à vous faire : allez dans les aires d’accueil des hôpitaux et vous verrez comment les choses se passent. §

À cet égard, il ne me semble pas inutile de rappeler que la Caisse d’amortissement de la dette sociale supporte, tous déficits cumulés, 160 milliards d’euros de dettes et que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale demande à emprunter 34 milliards d’euros pour ses comptes courants. Cela devrait nous inciter à faire preuve de modestie s’agissant de cette prétendue générosité à crédit.

Aujourd'hui, nous constatons que l’investissement est au point mort, comme en témoignent les chiffres relatifs à l’industrie manufacturière dévoilés par l’INSEE. Cet institut prévoit un recul des investissements de l’ordre de 3 % en 2015. Il sera donc très difficile de regagner des parts de marché avec un outil industriel vieillissant. Et, mes chers collègues, c’est non pas en Asie, mais en Europe que notre pays perd des parts de marché.

Les entreprises ont besoin qu’on leur fasse confiance. Elles ont besoin d’une visibilité fiscale et réglementaire. Les PME veulent moins de paperasse, moins de normes. Cela ne coûterait rien de lever quelques incompréhensions, mais cela pourrait rapporter gros.

Ce moment de vérité ne doit pas être facile pour vous, monsieur le secrétaire d’État, mais je tenais à vous présenter la vérité d’une partie de l’hémicycle. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez présenté l’équilibre budgétaire issu du projet de loi de finances rectificative et expliqué de manière très claire et pédagogique les dépenses, les recettes et le déficit. M. le rapporteur général nous a fait part du jugement qu’il portait sur cette présentation, qui, pour notre part, nous convient.

Nous pourrions traiter de l’équilibre budgétaire de façon académique si nous n’étions pas dans la zone euro et si les circonstances étaient différentes. Au lieu de nous reprocher les uns les autres les erreurs passées, présentes, éventuellement futures, nous ferions mieux de nous mettre d’accord sur la situation dans laquelle nous nous trouvons.

La zone euro – elle comprend la France, mais aussi l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie, entre autres – est l’une des zones du monde où la croissance est la plus faible. Celle-ci est beaucoup plus forte aux États-Unis, en Asie, même dans les pays émergents, où elle ralentit pourtant. Et si la croissance de la Grande-Bretagne, qui ne fait pas partie de la zone euro, est plus forte, son déficit progresse plus rapidement. Il y a donc une particularité européenne, qu’il nous faudra bien prendre en considération un jour.

Par ailleurs, les économistes et l’homme de la rue sont perplexes. On nous disait que la force de l’euro par rapport au dollar, le coût de l’énergie et l’inflation étaient la cause du retard européen. Or, à l’heure actuelle, l’euro a considérablement baissé par rapport au dollar et le tarif de l’énergie a beaucoup diminué. Alors que prix du baril de pétrole s’établissait à 106 dollars à la fin du mois de juin, il est aujourd'hui de 60 dollars. Tous les indicateurs ont donc atteint le niveau nécessaire à une reprise selon les économistes. Et pourtant…

Pour ma part, j’ajouterai à cette liste l’inflation, contre laquelle tant la banque de France et la BCE, que l’Allemagne considéraient qu’il fallait absolument lutter. Aujourd'hui, notre pays connaît une inflation très faible, ainsi qu’une inflation sous-jacente quasiment négative, mais pour de mauvaises raisons.

Si nos prix baissaient parce que notre pays est extrêmement concurrentiel ou parce que la créativité est importante en Europe, ce serait une bonne chose. Or les prix ne diminuent pas et l’inflation est faible en raison de la baisse non seulement des salaires, mais aussi des marges et des prix des produits manufacturés. En effet, les entreprises étant frileuses, pour conquérir et conserver des marchés, elles consentent à ces deux dernières diminutions. Enfin, les ménages se serrent la ceinture parce qu’ils pensent que les mesures de restriction seront de plus en plus dures au cours des années à venir.

Nous avons donc intérêt à trouver, à défaut d’une explication commune à la situation de la zone euro, des justifications, car, dans les circonstances actuelles, nous ne sommes plus crédibles aux yeux d’un certain nombre de personnes. Et c’est ce qu’il y a de pire.

Finalement, c’est une déflation qui nous menace.

Dans ces conditions, les mesures qui ont été prises par le Gouvernement ne peuvent pas toutes être bonnes, évidemment, mais elles vont dans le bon sens. Ce n’était pas le moment de mener une politique récessive.

Dans le contexte actuel, la baisse absolue et rapide des dépenses publiques est-elle l’alpha et l’oméga de toute politique ? Très honnêtement, je n’en suis pas sûr. Quant au sacro-saint ratio de 3 %, est-il bon ? Pour ma part, je pense que ces questions méritent franchement d’être discutées.

Si la dette de la France est indiscutablement trop importante par rapport à son PIB, nous devons nous interroger sur le rythme de la décroissance de la dépense publique, du déficit et de la dette.

Voilà quelques années, on enseignait dans les amphithéâtres les plus savants que si à la baisse de l’euro par rapport au dollar et des prix de l’énergie venait s’ajouter celle des taux d’intérêt, ce serait le paradis. Tous ces éléments sont bel et bien là aujourd'hui. Or, malgré tout, nous constatons un ralentissement en France, mais aussi en Allemagne et, de façon générale, dans tous les pays de la zone euro. En Grande-Bretagne, dont le taux de croissance est plus élevé, le déficit, je le rappelle, augmente et s’établit à 5, 6 %.

Quant à l’Italie, qui a lancé des réformes structurelles à tout-va et qui était présentée comme une référence, sa dette est beaucoup plus importante que celle de la France et représente aujourd'hui 133 % du PIB.

Par conséquent, nous devons faire preuve d’une certaine modestie sur ces sujets. Il est cependant dans l’intérêt de notre pays que d’aucuns trouvent des solutions pouvant recueillir un accord assez large.

Cela étant, le présent projet de loi de finances rectificative contient des mesures à la fois sociales, économiques et fiscales.

Nous sommes favorables à la suppression de la prime pour l’emploi et à son remplacement par un nouveau dispositif.

Nous pensons que la lutte contre la fraude fiscale, notamment la fraude à la TVA dans les secteurs à risques que sont le marché des véhicules d’occasion, les sociétés éphémères et les ventes sur internet, est une bonne chose.

Nous souscrivons aux nouveaux outils fiscaux en faveur de la politique du logement, ainsi qu’à la déductibilité de l’impôt sur les sociétés de la taxe de risque systémique versée par les banques et qui a vocation à se transformer en 2015 en une contribution au Fonds de résolution européen des crises bancaires.

Le Gouvernement est revenu sur les nouvelles conditions d’exonération du versement transport. C’est positif.

Les nouvelles conditions posées par l’Assemblée nationale concernant l’augmentation de la taxe d’habitation sur certaines résidences secondaires nous conviennent également. Cette hausse sera décidée par les communes, qui auront la possibilité de la moduler entre 0 % et 20 %.

En revanche, nous sommes très réservés – nous y reviendrons au cours des débats – sur l’augmentation de 50 % de la TASCOM affectant toutes les surfaces commerciales de plus de 2 500 mètres carrés. Les protestations montent de toute part, car une telle hausse concernera de nombreux commerces, allant de la vente de voitures aux jardineries. Mais en seront exonérés les concurrents allemands et britanniques de la grande distribution française. Aucun magasin Lidl, par exemple, n’occupe une surface supérieure à 2 500 mètres carrés.

De façon unanime, nous souhaitons que la fiscalité locale soit sanctuarisée et nous combattrons résolument toute mesure allant dans un sens contraire.

Monsieur le secrétaire d’État, il ne nous semble pas très facile de traiter de la modification de la fiscalité applicable aux casinos en quelques heures, car il s’agit d’une question importante. Si c’est un sujet fiscal pour la haute administration, c’est un sujet moral pour la population. Nombreux sont ceux qui considèrent que les conditions de cette réforme ne correspondent pas à ce qu’ils souhaitent.

Enfin, nous pensons nécessaire une stabilité fiscale, notamment pour les collectivités locales et les entreprises, qui ne peuvent pas être d’éternelles variables d’ajustement. Certaines mesures décidées à la va-vite, sans concertation suffisante et sans expertise poussée entraînent des tensions avec les contribuables concernés, et nous le regrettons.

Cela étant dit, nous sommes globalement favorables au projet de loi de finances rectificative qui nous est aujourd'hui présenté. Bien entendu, nous veillerons à ce qu’il ne soit pas trop dénaturé par la majorité sénatoriale, voire vidé de sa substance, comme ce fut le cas du projet de loi de finances pour 2015. §

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

D’abord, ce projet de loi de finances rectificative comporte une dimension très classique : celle du constat dressé à la fin de chaque année.

Ensuite, derrière ce classicisme, quelques singularités conduisent à s’interroger, de manière parfois positive, mais souvent négative, notamment eu égard à ce trop-plein de taxes et de mesures nouvelles.

Enfin, le présent projet de loi de finances rectificative ne parvient pas à masquer une réalité qui s’impose au Gouvernement, comme à tous les parlementaires : notre difficulté collective à adapter notre pays pour le mettre sur le chemin vertueux de l’orthodoxie économique et budgétaire.

Ce collectif budgétaire est donc, d’abord, très classique. Chaque projet de loi de finances rectificative contient, nous le savons, sa part d’ajustement à la croissance, à l’inflation, à la dérive positive ou négative des recettes, des dépenses et, par conséquent, du solde.

Vous ne l’éviterez pas, monsieur le secrétaire d’État ; et, autant le dire, dans le contexte actuel de morosité économique, les indicateurs se dégradent. C’est logique ! Mais ces indicateurs montrent également que vous ne maîtrisez pas la situation, qui, à bien des égards, vous échappe. C’est donc le constat d’un échec, ou d’une absence de contrôle de la situation.

Nous remarquons malheureusement que le déficit budgétaire dépassera cette année de 13 milliards d’euros celui de l’an dernier, et qu’il sera supérieur de 6 milliards d’euros à la prévision qui a présidé à l’élaboration de la loi de finances initiale. La France est le seul pays important en Europe dont les finances publiques se sont dégradées autant entre 2013 et 2014 : son déficit passera de 4, 1 % du PIB à 4, 4 % cette année. Ce simple rappel contredit l’enthousiasme et la satisfaction du Gouvernement relatifs à l’exécution du budget de 2014. Cette situation, en effet, met directement en cause la souveraineté budgétaire de notre pays.

Nous notons aussi la dégradation des rentrées fiscales, qui connaissent une baisse de 12 milliards d’euros, dont 6 milliards d’euros pour le seul impôt sur le revenu. Certes, l’absence de croissance explique en partie ce phénomène, mais force est de le constater, plus la pression fiscale augmente, plus le produit réellement perçu chute par rapport à la prévision. Il faut sans doute y voir la conséquence des mesures fiscales adoptées par la majorité à l’Assemblée nationale.

L’impôt sur les sociétés a, quant à lui, rapporté 4 milliards d’euros de moins que prévu, conséquence tant de la baisse d’activité que du mitage dont il est l’objet, du fait des multiples dispositifs, de plus en plus complexes, de crédits d’impôt.

Mais, me direz-vous, il y a bien sûr des signaux positifs : le recul du prix du baril de pétrole, les taux d’intérêt bas, l’euro faible. Or ces faits ne sont pas dus à notre action. Ensuite, si ces signaux doivent annoncer des lendemains meilleurs, ils n’ont pas de traduction positive dans le présent projet de loi de finances rectificative ; vous nous avez habitués, monsieur le secrétaire d’État, aux annonces et aux paris non tenus !

On le constate, derrière les éléments classiques d’ajustement de crédits de fin d’année, la noirceur du diagnostic sur l’état de l’économie et sur les résultats de votre politique apparaît.

Mais, me direz-vous encore, ce projet de loi de finances rectificative comporte des mesures nouvelles. Il y en a même trop ! Je pense notamment aux taxes diverses et variées qu’il contient : en réalité, vous faites le plein avant 2015 !

Je relève par ailleurs – tous les gouvernements procèdent ainsi – des surprises, quelques singularités, qui auraient pu ou dû être exposées dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances initiale, mais qui se trouvent curieusement inscrites dans le présent projet de loi de finances rectificative, avec une caractéristique : taxes et nouveautés comprises, on frise l’overdose !

Cela étant, les dispositions nouvelles sont parfois positives ; je pense aux mesures de soutien à l’aviation civile. Elles sont néanmoins souvent négatives ou apparaissent comme bricolées, en tout cas impossibles à expertiser aussi rapidement ; je pense au financement du pass navigo en Île-de-France, à la fin de la prime pour l’emploi, ou encore aux dispositions relatives aux casinos. Je ne développerai pas mon propos sur ce point, faute de temps. Mme la présidente de la commission des finances et M. le rapporteur général, d’ailleurs, l’ont fort bien indiqué : trop de mesures ajoutées à l’Assemblée nationale, et pilotées par le Gouvernement, …

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’État

Pas toutes !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

… obèrent largement ce projet de loi de finances rectificative.

Enfin, et ce sera ma dernière observation, au terme ou presque de l’exécution de l’année budgétaire, nous pouvons constater ensemble les difficultés de la France qui sont aussi les nôtres. Projet de loi de finances après projet de loi de finances, projet de loi de finances rectificative après projet de loi de finances rectificative, mesure après mesure, nous sommes face à la difficulté d’adaptation de notre pays. La situation budgétaire se dégrade, les marges et l’investissement des entreprises sont au plus bas, le chômage augmente. Cela doit nous amener à nous interroger collectivement sur l’efficacité des réformes et des mesures prises par ce gouvernement comme par ses prédécesseurs : l’accord national interprofessionnel ne produit pas les effets attendus, la réforme de la formation professionnelle est trop timorée, le pacte de responsabilité et de solidarité et le CICE ne donnent pas les résultats annoncés.

Est-ce une question de calibrage ou une simple question de délai, comme semble le penser le Gouvernement ? Nous ne pouvons pas nous en contenter et attendre que la croissance revienne. Les efforts du Gouvernement, si réels soient-ils, ne sont pas à la hauteur de la situation économique actuelle. Telle est notre conviction.

Je conclurai en vous disant, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, qu’il nous faut fournir un effort plus important d’adaptation. Les déclarations des responsables européens sont de plus en plus explicites, pour le moins, sur ce sujet. Nous devons en avoir conscience : nous jouissons d’un sursis. Au-delà du risque qui est associé à ce dernier, il nous faut éviter le décrochage économique complet. C’est tout l’enjeu, ou plutôt la gageure, devrais-je dire, du projet de loi Macron, si tant est qu’il suffise, ce dont je doute.

Il faut donc aller plus loin. Ce défi est le vôtre, monsieur le secrétaire d’État, il est aussi celui de tout le pays. §

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, disposant d’un temps de parole inférieur à celui qui était imparti à Francis Delattre, je me contenterai, pour lui répondre, de faire miennes les observations formulées à l’instant par Jean Germain, et de me livrer à quelques remarques ponctuelles sur certains aspects du projet de loi de finances rectificative.

Je voudrais d’abord évoquer la question de la non-déductibilité de la taxe de risque systémique, ou TRS, et des futures contributions au Fonds de résolution unique, le FRU.

Lors de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dit «DDADUE» – nous l’avons examiné en commission mixte paritaire ce matin –, André Gattolin avait présenté un amendement visant à rendre non déductibles de l’impôt sur les sociétés les contributions au FRU. J’avais alors quelque peu hésité : le texte en question n’était pas de nature fiscale. De plus, au mois d’octobre, nous ne savions pas que la TRS allait être progressivement supprimée d’ici à 2019, parallèlement à la montée en charge, elle aussi progressive, des contributions au FRU. Compte tenu du nouveau contexte, il paraît logique de prévoir la non-déductibilité de la TRS et des contributions au FRU. Je ne partage donc pas le point de vue du rapporteur général en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Il s’agit en effet d’un point important de l’accord avec l’Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Ce n’est pas ce que disait le rapporteur du texte voilà quelques semaines !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Quel rapporteur ? Sur quel texte ? Je ne vois pas de quoi vous parlez, mon cher collègue. Je n’étais pas partie à la négociation et, en tout cas, je n’ai certainement pas tenu les propos que vous prétendez avoir entendus.

Il est tout à fait clair que l’Allemagne a considéré que la déductibilité des contributions des banques françaises au FRU était un problème, ses propres banques ne l’appliquant pas. Cela a donc fait partie du deal avec elle.

Cette mesure, bien sûr, ne rencontre pas l’assentiment du secteur bancaire, mais elle est à mon sens cohérente avec les objectifs fixés pour l’union bancaire : prévenir les crises bancaires et éviter que l’argent des contribuables et des épargnants ne soit utilisé pour renflouer les banques en difficulté, ce qui ne manquerait pas d’arriver dans le cas contraire.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ensuite, en ma qualité de représentant des Français établis hors de France, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour saluer votre écoute, monsieur le secrétaire d’État, et vous remercier d’avoir non seulement mis en place, mais également fait fonctionner le groupe de travail sur la fiscalité des Français établis hors de France.

Plusieurs réunions ont déjà eu lieu ; elles nous ont permis d’aboutir sur deux points.

Je veux parler, premièrement, de l’harmonisation des taux d’imposition des plus-values immobilières réalisées par les non-résidents. Les résidents établis dans des États situés hors de l’Espace économique européen étaient imposés au taux de 33, 33 %, sans compter les 15 % dus au titre de la CSG, quand les résidents en France ou dans un État membre de cet espace se voyaient appliquer un taux de 19 %, en plus de la CSG. La fiscalité des non-résidents sera désormais harmonisée, ce qui est un grand succès pour nous tous.

Je veux parler, deuxièmement, du plafonnement du quotient familial pour les non-résidents qui contribue à renforcer l’égalité de traitement entre les contribuables.

Mais nous avons encore quelques dossiers importants devant nous, monsieur le secrétaire d’État. L’assujettissement aux prélèvements sociaux – CSG et CRDS – des revenus du patrimoine et de placement de source française perçus par les non-résidents pose problème, par exemple ; il sera examiné prochainement par la Cour de justice de l’Union européenne, la CJUE. On aurait pu anticiper ; vous avez fait un autre choix. Je vous pose dès lors une seule question : savez-vous quand la CJUE rendra sa décision ?

Je souhaiterais signaler, par ailleurs, qu’il faut améliorer l’information des contribuables établis à l’étranger. Rares sont ceux qui savent qu’ils peuvent jouir d’un taux d’imposition inférieur au taux minimum de 20 % s’ils apportent la preuve que le taux de l’impôt français appliqué à l’ensemble de leurs revenus mondiaux serait inférieur à 20 %. Il existe bien d’autres règles encore, qui sont à leur avantage, mais qu’ils ne connaissent pas du tout.

J’en viens maintenant à l’autoliquidation de la TVA due à l’importation, dont je me félicite. Il s’agit d’une mesure de simplification importante, qui permettra de limiter de façon significative la fraude à la TVA. On sait très bien que l’entrée des biens sur notre territoire, hors TVA, peut entraîner l’apparition de carrousels, qui se perdent bien souvent dans des sables inconnus, et représentent ainsi des pertes de TVA pour notre pays. Cette disposition sera également un facteur important d’attractivité des ports français, lesquels subissent, vous le savez, mes chers collègues, la rude compétition des ports de l’Europe du Nord. Elle devrait donc renforcer notre compétitivité en la matière.

En ma qualité de président du Comité national anti-contrefaçon, j’accueille avec beaucoup de plaisir la disposition prévoyant l’interdiction de la vente de tabac à distance dans un pays étranger. Cette mesure permettra non seulement de freiner le développement du marché parallèle, qui représente tout de même 25 % de la consommation française, mais aussi de lutter plus efficacement contre le commerce des cigarettes de contrefaçon, lesquelles comportent des risques supplémentaires, par rapport aux cigarettes, déjà nocives, pour la santé publique.

Avant de conclure, monsieur le secrétaire d’État, je me permets de vous faire une suggestion sur un point non abordé dans le projet de loi de finances rectificative, à savoir la fiscalité des brevets. En effet, tous nos partenaires européens mettent en place des politiques d’attractivité en matière de brevets, passant par la création de « patent boxes », des « boîtes à brevets », en réalité des taux réduits de fiscalité sur les revenus de propriété industrielle. Ces pays – la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l’Irlande, notamment – pratiquent donc, disons-le, une concurrence déloyale ; nous devons par conséquent nous défendre nous-mêmes et entamer une réflexion sur ce sujet.

En conclusion, je dirai que, dans le contexte macroéconomique actuel, qui a évidemment contribué à la dégradation de nos finances publiques, nous avons opté pour le sérieux budgétaire. À la brutalité des coupes dans les dépenses publiques, la France préfère l’adaptation du rythme de l’assainissement budgétaire.

Les bonnes nouvelles sur le front du déficit, rendues publiques aujourd’hui, ainsi que la hausse de 0, 3 % du PIB enregistrée au troisième trimestre montrent que cette politique a des résultats encourageants. Nous espérons qu’elle ira plus loin, car nous avons besoin d’une croissance beaucoup plus forte.

Pour toutes ces raisons, avec mes collègues du groupe socialiste, je voterai le présent projet de loi de finances rectificative. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ne disposant pas d’un temps de parole suffisant pour revenir sur les grands équilibres de ce projet de loi de finances rectificative, je m’en abstiendrai, d’autant que démonstration en a été faite par Michèle André, Jean Germain et Richard Yung.

J’examinerai en revanche des points plus spécifiques, qui concernent principalement la fiscalité. Le présent texte contient en effet une série de dispositions satisfaisantes.

Tout d’abord, il met l’accent sur la lutte contre la fraude. Certes, des flux trop importants sont encore exemptés de fait de l’impôt, mais, depuis 2013, budget après budget, le Gouvernement avance avec constance, en s’appuyant sur les décisions et recommandations de l’OCDE, à laquelle, monsieur le secrétaire d’État, tout comme Michel Sapin, vous apportez votre soutien.

Les moyens de la lutte contre la fraude à la TVA sont renforcés, ce qui entraîne une augmentation des recettes fiscales de l’ordre de 150 millions d’euros. L’action est concentrée sur des canaux de fraude qui ont émergé relativement récemment dans le domaine de la vente en ligne ou de la construction, ainsi qu’en matière de vente de véhicules d’occasion. Nous avons toutes les raisons de nous féliciter de cet effort.

Le texte du Gouvernement a été judicieusement complété par nos collègues de l’Assemblée nationale, notamment sur la question des prix de transferts, ces mécanismes de facturation de services entre entités d’une même multinationale qui donnent lieu à des pratiques d’optimisation fiscale. Il s’agit d’un problème récurrent, souvent évoqué dans cet hémicycle ou à l’occasion des différentes commissions d’enquête sur l’évasion et l’optimisation fiscales auxquelles, avec un certain nombre de collègues, j’ai pu participer.

Je salue pour ma part l’initiative du député Dominique Lefebvre qui a présenté un amendement tendant à éviter le règlement contentieux des litiges en la matière. Il s’est inspiré du fonctionnement de la cellule de régularisation des avoirs détenus à l’étranger, le service de traitement des déclarations rectificatives, créé au mois de juin 2013, qui donne des résultats extrêmement positifs, au-delà des attentes qui avaient été exprimées au moment de sa création et de certaines interrogations formulées à l’époque, dont je me souviens.

Il s’agit donc d’une proposition intéressante, qui peut permettre de fluidifier le règlement des différends et d’assurer ainsi la rentrée effective de ressources fiscales pour l’État.

Des dispositions visant à mettre un terme à une exemption fiscale dont bénéficient les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont également été intégrées au texte par nos collègues députés. Si je partage profondément l’émotion qu’ont suscitée les rapports successifs de l’Autorité de la concurrence et de la Cour des comptes, je sais aussi que le Gouvernement est actuellement au cœur d’une négociation qu’il n’est pas souhaitable de déstabiliser par des prises de position pouvant se révéler contreproductives. C’est la raison pour laquelle je me rangerai à la position que le Gouvernement estimera être la plus sage, étant donné sa prise de conscience de l’affaiblissement du poids de l’État dans le rapport contractuel en cause.

Je rappelle d’ailleurs que ce dernier a été institué en 2005 par un autre gouvernement sous la forme d’une cession de gré à gré, laquelle a entraîné la situation actuelle. Monsieur le secrétaire d’État, je note votre volonté de reprendre la main sur le sort de nos autoroutes.

Les taxes non déductibles ayant été évoquées par mes collèguesAndré Gattolin et Richard Yung, je n’y reviendrai pas.

Même si j’ai bien conscience que ce sujet déborde le strict cadre de la discussion qui nous occupe aujourd’hui, je voudrais néanmoins examiner maintenant les enjeux du régime fiscal réservé aux instances qui organisent des événements sportifs exceptionnels, dont les retombées économiques singulières seraient supérieures à leur coût fiscal, en particulier l’UEFA, dans le cadre de l’organisation de l’Euro de football qui aura lieu en 2016. Il s’agissait d’assurer la nécessaire continuité de l’État et de confirmer la crédibilité de la parole de la France. En même temps, nous devons a minima éprouverune certaine gêne face à l’argument selon lequel, si nous voulons continuer à accueillir de grands événements sportifs contribuant au rayonnement de notre pays, nous devrions impérativement concevoir des mécanismes de contournement de l’impôt, dont nous combattons par ailleurs le principe.

Compte tenu de ces contraintes, la position adoptée me paraît relativement équilibrée : nous sommes d’accord pour confirmer les engagements de la France, mais nous n’avons pas vocation à pérenniser ce genre de niches fiscales géantes.

Du reste, comme cela a été mentionné en commission des finances, il est nécessaire aujourd’hui de trouver des relais auprès de la Commission européenne, de l’OCDE, et d’engager une réflexion forcément collective et internationale pour éviter que de tels événements ne laissent derrière eux des pays au bord de la faillite, comme la Grèce après les jeux Olympiques de 2004, ou proches de la guerre civile, comme le Brésil à la suite de la Coupe du monde de football de 2014.

Enfin, je souhaite évoquer un amendement, dont l’adoption n’aurait pour effet ni dépenses ni recettes, qui vise à alléger les contraintes administratives pesant sur les véhicules d’investissement créés par ce que l’on appelle les « business angels ». Ceux-ci sont très présents dans la région Rhône-Alpes, en particulier à Grenoble. Il s’agit de personnes physiques qui investissent, à titre personnel, entre 5 000 euros et 20 000 euros dans le cadre d’une société d’investissement de business angels. Ces fonds sont contrôlés par un expert-comptable.

Lorsqu’une jeune entreprise qui présente un projet jugé porteur d’innovations relevant de nouveaux segments d’activités n’est pas écoutée par le secteur bancaire – ce que l’on peut regretter –, elle est accompagnée par le tutorat d’un comité d’investisseurs, qui débloque les fonds nécessaires mis en réserve et soutient son développement. Le montant de ceux-ci se situe généralement entre 100 000 et 200 000 euros.

Vous l’avez compris, il s’agit de structures légères, réactives, qui comportent une prise de risque par des personnes physiques et qui n’emploient pas de salarié afin de consacrer l’intégralité des sommes récoltées à l’investissement - je reviendrai sur le fait qu’on leur imposait auparavant deux salariés.

Depuis leur création, plus de 200 entreprises ont été accompagnées et ont créé plus de 20 000 emplois.

À ce propos, dans une étude, la Banque publique d’investissement a relevé la forte incidence de ce type d’aides à l’investissement sur le décollage de jeunes entreprises innovantes, comme nous l’a exposé son directeur général au début de l’année en nous présentant son bilan.

L’assouplissement des conditions d’investissement des business angels proposé me paraît salutaire et s’inscrit dans le cadre plus global de l’activation de tous les leviers favorables à la croissance dans le présent projet de loi de finances rectificative.

En conclusion, parce qu’il traduit l’esprit de responsabilité du Gouvernement et qu’il intègre de vrais marqueurs de solidarité et de justice sociale, je soutiendrai naturellement avec mes collègues socialistes, monsieur le secrétaire d’État, le texte que vous nous soumettez.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Étant donné l’heure tardive, je m’efforcerai d’être bref. La discussion des articles permettra d’examiner chaque sujet abordé.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vous prie d’ores et déjà, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir m’excuser de ne pouvoir être parmi vous demain, car je dois être présent à l’Assemblée nationale. Cependant, vous ne perdrez pas au change !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Sur la forme, plusieurs orateurs se sont étonnés de la brièveté des délais d’examen du présent texte. Je ne suis pas responsable de l’organisation de vos travaux, mais je conçois que l’introduction d’un grand nombre d’articles nouveaux par l’Assemblée nationale puisse être source de difficulté et perturber votre travail, ce que je ne peux que regretter. Cela étant, la version initiale du projet de loi de finances rectificative était connue depuis suffisamment longtemps, comme c’est la règle. Je cherche non pas à me défausser sur l’Assemblée nationale, mais simplement à vous montrer que je ne suis pas responsable de tout.

Je le reconnais, certains amendements présentés à l’Assemblée nationale ont parfois été inspirés par le Gouvernement ; mais ce n’est pas le cas de tous. Du reste, ils n’émanaient pas tous de Bercy. En effet, certains de mes collègues suggèrent des mesures à des parlementaires. §Vous êtes des parlementaires avertis, vous savez que cela arrive parfois aussi au Sénat ! Je n’en dirai pas plus.

Par ailleurs, pour ce qui concerne les temps de parole, la conférence des présidents est souveraine.

Cela étant, monsieur Delattre, vous n’êtes ni mon maître ni mon élève, et je ne suis ni juge ni procureur. Si j’ai marqué quelque irritation à un moment donné de votre intervention, c’est parce que vous avez évoqué à propos du CICE des chiffres faux

M. Francis Delattre proteste.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Effectivement, nous avons estimé le coût du CICE, en année pleine, lorsque le mécanisme connaîtra son entière puissance, à 20 milliards d’euros. Le problème, monsieur Delattre, réside dans le fait que vous avez cité ce montant au titre de 2014. Or nous avions évalué le coût du CICE cette année à 12 milliards d’euros et non à 20 milliards d’euros.

Il ne vous a pas échappé, à vous qui suivez nos travaux, que les impôts sur les résultats de 2013, année pour laquelle le CICE était équivalent à 4 % de la masse salariale, sont perçus en 2014, et que les impôts sur les résultats de l’année 2014, pour laquelle le CICE s’élève à 6 %, seront perçus en 2015.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Ensuite, seuls 6, 5 milliards d’euros auraient été dépensés. Tout d’abord, au lieu de comparer cette somme à 20 milliards d’euros, vous auriez dû la comparer aux 12 milliards d’euros précités.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

J’ai dû mal entendre, alors prenons ce chiffre.

Là encore, si vous suivez attentivement nos travaux, vous savez qu’il faut distinguer trois situations pour le CICE, comme pour tous les crédits d’impôt. Soit il est octoyé aux entreprises lorsqu’elles ne paient pas d’impôt, comme cela arrive souvent. Soit c’est simplement le supplément qui est versé à l’entreprise : ainsi, si une société doit acquitter 100 d’impôt et recevoir 150 de crédit d’impôt, elle percevra alors 50. Soit, à partir des entreprises de taille intermédiaire et pour les plus grandes des entreprises, le CICE est versé avec un décalage dans le temps, puisqu’il est lissé sur trois ans selon un mécanisme progressif.

Par conséquent, entre le coût du CICE de 12 milliards d’euros et ce qui est effectivement inscrit au budget, il faut prendre en compte une partie qui est non pas une dépense, mais une moindre recette, puisqu’il s’agit d’un dégrèvement de l’impôt.

Quand on additionne ce qui a été payé – ce sont probablement les 7, 2 milliards d’euros que vous évoquez – et la créance des entreprises sur l’État, c’est-à-dire une moindre recette d’impôt pour ce dernier, on arrive aujourd’hui à 10, 6 milliards d’euros.

Aussi, si vous voulez effectuer une comparaison pertinente avec les estimations, il faut que vous compariez non pas 7, 2 milliards d’euros à 20 milliards d’euros, mais 10, 6 milliards d’euros à 12 milliards d’euros, sachant que les 10, 6 milliards d’euros ne correspondent encore qu’à une donnée provisoire et que les entreprises ont trois ans pour demander leur crédit d’impôt. Vous savez que l’on peut toujours modifier son impôt dans les trois années qui suivent, par conséquent ce chiffre est probablement appelé à évoluer. Ainsi certaines entreprises ont préféré demander le CICE l’année suivante au titre de l’année antérieure, soit parce qu’elles bénéficiaient par exemple du crédit d’impôt recherche, soit parce que le CICE auquel elles avaient droit était modeste. Elles ont alors estimé préférable de cumuler le CICE sur plusieurs années, ne jugeant pas utile de bénéficier de liquidité l’année dite.

Telles sont les raisons pour lesquelles j’ai marqué une petite irritation, monsieur Delattre. Ma légère exaspération ne concernait pas le fond de vos propos, qui étaient évidemment, comme d’habitude, très mesurés.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Mais vous avez pris un fait de façon isolée.

Comme je ne serai pas là demain pour en débattre avec vous, abordons un autre sujet que vous avez évoqué, et qui me tient à cœur : la déductibilité ou non de la taxe de risque systémique. Selon vous, la mesure proposée va pénaliser de façon scandaleuse les banques françaises et n’a pas été discutée avec la profession.

Je prendrai un exemple très simple. Une banque doit contribuer au Fonds de résolution unique à hauteur de 3 milliards d’euros, c'est-à-dire qu’elle s’engage à payer cette somme pour couvrir le risque en cas de résolution. Si la taxe est déductible, que fera-t-elle ? Elle économisera un tiers du montant, soit 1 milliard d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés. Par conséquent, elle n’aura versé que 2 milliards d’euros, le milliard restant étant payé par l’État !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Tout à fait ! Trouvez-vous cela juste ? Il est question de 12 milliards d’euros, me semble-t-il, pour constituer le Fonds européen de résolution unique.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Quoi qu’il en soit, cette somme doit être payée en totalité par les banques. Il n’est pas normal que l’État en acquitte un tiers. Cet argument, à lui seul, devrait vous convaincre.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Par ailleurs, le sujet de la non-déductibilité a fait l’objet d’une concertation entre la France et l’Allemagne, Michel Sapin vous l’expliquerait mieux que moi.

Enfin, la mesure a été discutée avec la profession. Il ne s’agit ni de compromission ni de marchandage. Il s’agit simplement de ne prendre personne à rebours. Lorsque le Gouvernement a évoqué cette question avec la Fédération bancaire française, celle-ci n’a évidemment pas applaudi des deux mains. Quoi qu’il en soit, la discussion a permis d’aboutir à une sortie progressive de la taxe de risque systémique actuellement existante, au fur et à mesure de la montée en puissance de la contribution au Fonds de résolution unique.

Vous avez le droit de ne pas comprendre, vous avez le droit de trouver cela injuste, mais telle est l’explication, qui est d’ailleurs très simple !

Si vous dites à nos concitoyens que les banques françaises doivent apporter 15 milliards d’euros, mais que si rien n’est fait elles n’en verseront que 10 milliards, le reste étant à la charge des contribuables, ils vous répondront que ce n’est ni juste ni normal !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

C’est dans l’intérêt des contribuables qui sont clients des banques !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Il a également été affirmé que le Gouvernement profitait du présent projet de loi de finances rectificative pour augmenter un certain nombre de taxes. Pour certaines d’entre elles, c’est effectivement le cas, mais je n’insisterai pas sur ce point étant donné l’heure tardive.

Mais ce n’est pas exact pour ce qui concerne la non-déductibilité complète des frais financiers pour les sociétés concessionnaires d’autoroutes. Je vous invite à lire le compte rendu des débats à l’Assemblée nationale, car j’ai passé une demi-heure à tenter de dissuader vos collègues députés de voter cette disposition, que je connais bien, notamment parce que je n’ai pas souhaité cette exemption lorsque celle-ci a été mise en place. J’étais à l’époque en désaccord avec le Gouvernement que je soutenais.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Je m’étais battu pour que cette exemption ne soit pas votée ; elle ne concerne d’ailleurs pas que les sociétés d’autoroutes, mais s’applique aussi à toutes les concessions, à tous les partenariats public-privé, à tous les baux emphytéotiques. Par conséquent, les collectivités qui avaient construit – une fois de plus, je ne porte pas de jugement – des lycées, des hôpitaux, grâce à des partenariats public-privé courraient le risque de se voir imposer ce changement de fiscalité. Je remarque que les contrats signés à l’époque avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes stipulent que tous les changements de fiscalité spécifique au secteur seront imputés sur les péages.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Premièrement, la disposition a selon moi peu de chance de franchir le cap du Conseil constitutionnel, vous en reparlerez probablement demain.

Deuxièmement, elle ne me semble pas répondre à l’objectif visé.

Troisièmement, le Gouvernement a engagé des discussions. Hier, lors des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a expliqué quelle était la position du Gouvernement. Il a précisé qu’il étudiait toutes les solutions, y compris celle qui consisterait à dénoncer un certain nombre de contrats pour les soumettre à une nouvelle adjudication ou à une renonciation.

Sans trahir de secret, je puis vous révéler que mercredi dernier des rencontres ont eu lieu – il y en aura également demain – entre un certain nombre de ministres chargés de ces questions et les représentants des sociétés concessionnaires d’autoroutes qui se sont exprimés. Ce sujet doit faire l’objet d’une discussion globale. Ne tirons pas dès aujourd'hui cette cartouche, qui ne semble pas forcément être la meilleure, et qui ne pèse que 60 millions d’euros – chacun évaluera si c’est suffisant ou pas…

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Il n’est pas juste d’affirmer que le Gouvernement a suggéré une mesure visant à taxer honteusement les sociétés d’autoroutes !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Si, monsieur Delattre, je vous ai écouté ! Même si je n’en ai pas toujours l’air, je prête une oreille attentive aux propos de chacun !

Comme je vous l’ai dit, à l’Assemblée nationale, même si je comprenais leur intention, j’ai passé une demi-heure à dissuader les députés. Lisez attentivement le compte rendu des débats et vous constaterez qu’il y a eu une suspension de séance avant le vote. J’en ai profité pour rencontrer des membres des groupes parlementaires de la majorité et pour essayer d’élaborer une solution commune. Il est donc faux d’affirmer que c’est le Gouvernement qui a mis en avant cette mesure pour taxer honteusement les sociétés d’autoroutes !

Telles sont les erreurs que je souhaitais corriger. À cette heure, je n’aurai pas le temps de répondre à toutes les questions qui m’ont été posées, car elles sont nombreuses. Je laisse le soin à ma collègue, qui me remplacera demain au banc du Gouvernement, de vous éclairer plus en détail.

Quoi qu’il en soit, je vous souhaite d’ores et déjà une bonne journée de travail ; peut-être aurais-je même le plaisir de vous rejoindre dans la soirée, si les députés me libèrent. §

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 12 décembre 2014, à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :

Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2014, adopté par l’Assemblée nationale (155, 2014-2015) ;

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (159, tomes I et II, 2014-2015).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.