Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 11 décembre 2014 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un projet de loi de finances rectificative constitue un exercice traditionnel qui vise à la fois à ajuster les conditions de la fin de gestion et à porter des dispositions fiscales. Le nombre de ces dernières est particulièrement élevé cette année et ne nous permet pas de les expertiser dans des conditions satisfaisantes.

Autant je peux concevoir que certaines mesures, comme celles qui permettent de documenter l’engagement d’une amélioration du solde de 3, 6 milliards d’euros pris envers la Commission européenne, n’aient pu figurer dans le texte initial, autant cela est moins acceptable pour des amendements du Gouvernement, qu’ils soient déposés par le Gouvernement lui-même ou « puisés à bonne source » par des députés de sa majorité. Certains amendements procèdent en effet à d’importants ajustements, voire à des réformes fiscales d’envergure. Je pense à la fiscalité des casinos ou encore à la fiscalité du tabac.

Ces amendements ne semblent pourtant pas avoir été préparés dans l’urgence puisque, de toute évidence, ils ont fait l’objet de larges concertations. Cette pratique, reconnaissons-le, n’est pas nouvelle, mais elle a pris une dimension exceptionnelle par le volume ainsi que par la complexité des mesures et de leurs enjeux. Elle nuit à la qualité des textes soumis au Parlement, car il n’y a pas d’avis du Conseil d’État. Elle nuit à la qualité de l’examen parlementaire, car il n’y a ni étude d’impact ni délais suffisants pour expertiser les dispositifs. Enfin, elle ne contribue pas à la sérénité de nos débats, comme nous l’avons vu sur certains sujets sensibles à l’Assemblée nationale.

Surtout, et je le regrette, cette pratique peut se révéler déstabilisante pour les acteurs économiques qui prennent connaissance, au détour d’un amendement parlementaire, de mesures dont les conséquences peuvent être lourdes et qui sont, pour certaines d’entre elles, applicables dès le 1er janvier 2015, c’est-à-dire dans à peine plus de deux semaines. Je pense, à cet égard, à certaines entreprises, comme, par exemple, dans le secteur de la grande distribution, découvrant une surtaxe de 200 millions d’euros. Cette surtaxe, qui correspond à une logique de pur rendement, s’est imposée sans réflexion quant à ses effets sur les bases d’imposition ou les modes de consommation. Je pourrais également citer la réforme de la taxation des services de télévision payante proposés en complément d’une offre dite « triple play », mais nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des articles.

Ces amendements ont été votés quelques jours après que le ministre des finances et des comptes publics a signé une charte de non-rétroactivité fiscale, qui prévoit que les changements de fiscalité n’affecteront plus ni les exercices déjà clos ni même les exercices ou années en cours. Ce projet de loi de finances rectificative vient donc, de nouveau, remettre en cause les engagements pris par le Gouvernement en matière de fiscalité ; je crains que, une fois encore, la crédibilité de la parole publique s’en trouve dégradée. Cela a conduit la commission des finances, sur certains sujets, à proposer la suppression d’articles insérés à l’Assemblée nationale, faute d’avoir pu en analyser pleinement les conséquences.

Après ces quelques considérations, il convient de revenir sur l’avis de la Commission européenne relatif au projet de budget de la France. Celui-ci n’est pas sans liens avec certaines dispositions du présent projet de loi, qui me semblent justifiées par des préoccupations de pur rendement et traduisent une vision uniquement comptable des engagements européens de la France. Si ces mesures ont permis d’obtenir quelques mois de sursis, elles ne seront pas suffisantes. En effet, la Commission attend des réformes structurelles et non des économies de pure constatation, des « fusils à un coup » ou des hausses improvisées de la fiscalité. Je dois avouer que nous partageons son impatience.

L’amélioration de 3, 6 milliards d’euros du budget pour 2015, largement portée par les dispositions de ce collectif de fin d’année, a été proposée dans le cadre d’une négociation à laquelle nous n’avons pas été associés et dont nous n’avons pas davantage été informés, parce que la France n’a pas respecté ses engagements.

Vous justifiez l’absence de redressement de nos comptes publics, c’est-à-dire la dégradation du déficit effectif de 4, 1 % à 4, 4 % du PIB et l’amélioration de seulement 0, 1 point du solde structurel, par la faiblesse conjuguée de la croissance et de l’inflation. Nous ne pouvons nier cette faiblesse, mais la situation budgétaire de notre pays est tout de même en partie imputable à l’échec de la politique économique du Gouvernement.

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