Intervention de Michèle André

Réunion du 11 décembre 2014 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo de Michèle AndréMichèle André, présidente de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les objectifs des lois de finances rectificatives de fin d’année évoluent, de plus en plus en raison de l’instabilité de la conjoncture depuis la crise, mais aussi du fait de la procédure d’examen par les autorités européennes de notre budget en parallèle de notre discussion parlementaire. Le collectif budgétaire de fin d’année devient la « troisième partie » du projet de loi de finances, celle qui permet les ajustements de dernière minute.

Par conséquent, désormais, les collectifs de fin d’année ont presque autant vocation à corriger l’année qui s’achève qu’à compléter les données de l’équilibre pour l’année qui vient. Symétriquement, la loi de finances de l’année ne peut se comprendre qu’en lui adjoignant les dispositions du collectif budgétaire. C’est ainsi que les 3, 6 milliards d’euros d’ajustement supplémentaires pour 2015 trouvent leur traduction à la fois dans le projet de loi de finances et dans ce collectif budgétaire.

Le commissaire européen chargé des affaires économiques doit rendre ces jours-ci une évaluation des nouvelles règles de gouvernance budgétaire. Peut-être examinera-t-il leur impact et les interférences qu’elles créent sur le processus de décision des États membres qui examinent leur budget à l’automne ?

Par ailleurs, la loi de finances rectificative de fin d’année n’est plus le seul outil dont dispose le Gouvernement pour piloter la fin d’exercice. Cette année, sur les 2, 9 milliards d’euros d’ouvertures de crédits nécessaires – toutes gagées, bien entendu, par des économies –, 1, 6 milliard d’euros figurent dans ce collectif budgétaire et 1, 3 milliard d’euros étaient inscrits dans le décret d’avance sur lequel la commission des finances a donné un avis le 24 novembre. Compte tenu de l’importance désormais prise par le décret d’avance de fin d’exercice, la commission des finances a d’ailleurs décidé cette année de publier son avis sous la forme d’un rapport d’information du rapporteur général.

Enfin, s’il est une constante, c’est le recours aux lois de finances de fin d’année comme réceptacle d’une foule de mesures fiscales de portée diverse, parfois inscrites dans le texte initial, parfois introduites en cours de lecture à l’Assemblée nationale. Je me demande, par conséquent, s’il est raisonnable de conserver cette vocation aux lois de finances rectificatives de fin d’année.

Le rapporteur général l’a dit, le Sénat a reçu cette année un collectif budgétaire enrichi de 77 articles venus s’ajouter aux 35 articles initiaux. Ce gonflement ne me soucierait pas si notre calendrier n’était pas si contraint. Il y a encore cinq ou six ans, nous disposions d’une petite semaine, certes, mais d’une semaine pratiquement, entre le vote de la loi de finances et l’examen du collectif budgétaire. Cette année, nous n’avons disposé que d’une nuit.

Les raisons du raccourcissement des délais sont connues : elles tiennent à la disparition de la période complémentaire, et nous les comprenons. Toutefois, si nous partageons l’attachement du Gouvernement au fait de cantonner les dispositions fiscales aux lois de finances plutôt que de les disséminer dans des textes sectoriels, l’application de ce principe ne doit pas conduire à empêcher un examen sérieux des dispositions qui nous sont soumises. Paradoxalement, nous étudierons dans de meilleures conditions les dispositions fiscales qui figurent dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ou dans le projet de loi pour la croissance et l’activité que celles qui sont inscrites dans les lois de finances.

Je laisserai les orateurs de mon groupe s’exprimer sur le détail des mesures présentées dans le projet de loi de finances rectificative et me concentrerai sur le principal choix de politique économique qu’il traduit : celui de ne pas hypothéquer la reprise de la croissance par des réductions de dépenses qui compenseraient à l’euro près la diminution des recettes enregistrée en raison des moins-values de recettes fiscales.

Pour ce qui concerne le budget de l’État, tracé à gros traits, les recettes sont inférieures d’une dizaine de milliards d’euros par rapport à ce qui était attendu, les moins-values de recettes étant partiellement compensées par 5 milliards d’euros environ de dépenses en moins. Cet effort de maîtrise de la dépense est remarquable et, plus que tous les autres indicateurs de finances publiques, c’est lui qui, à mon sens, assure la crédibilité de notre politique budgétaire et explique la confiance que les investisseurs placent en la signature de la France.

À l’échelle de l’ensemble des administrations publiques, le choix du Gouvernement de ne pas compenser totalement les moindres recettes se traduit par une détérioration du déficit public, qui s’établira à 4, 4 % du produit intérieur brut en 2014.

Faut-il faire reproche au Gouvernement de ralentir le rythme de réduction du déficit ? Nous savons que les discussions sur ce point avec les autorités européennes ne sont pas faciles, c’est le moins que l’on puisse dire ! Je suis sûre que le Gouvernement trouverait utile de pouvoir être éclairé par les analyses de l’opposition gouvernementale, qui dispose de la majorité dans notre assemblée. Malheureusement, celle-ci reste trop silencieuse sur ce sujet

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