Intervention de Michèle André

Réunion du 11 décembre 2014 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo de Michèle AndréMichèle André, présidente de la commission des finances :

Pour ma part, je considère que la France, dont le PIB représente 20 % de celui de la zone euro, rend service à l’ensemble de la zone en refusant de prendre des mesures par trop récessives. En effet, il ne fait aucun doute que la zone euro inquiète, parce qu’elle peine à renouer avec la croissance économique et que le spectre de la déflation s’y fait de plus en plus présent.

Cette « exception » de la zone euro ressort clairement des récentes publications du Fonds monétaire international sur l’économie mondiale. En 2013, le produit intérieur brut de la zone euro reculait de 0, 4 %, alors que les économies avancées affichaient une croissance de 1, 4 %, celle-ci atteignant même 2, 2 % aux États-Unis. Cette situation semble vouloir se prolonger, puisque le Fonds monétaire international prévoit une croissance de 1, 8 % en 2014 et de 2, 3 % en 2015 dans les économies avancées, alors que l’activité ne progresserait que de 0, 8 % et de 1, 3 % dans la zone euro au cours de ces deux années. Cette situation est d’autant plus inquiétante que ce diagnostic est partagé par l’OCDE et par la Commission européenne elle-même.

Par ailleurs, si le ralentissement de l’inflation a concerné l’ensemble des économies en 2012 et en 2013, ce phénomène ne semble vouloir perdurer que dans la zone euro. Selon le FMI, encore une fois, l’inflation dans la zone euro serait de 0, 5 % en 2014 et de 0, 9 % en 2015, contre 1, 6 % et 1, 8 % dans les autres économies avancées.

Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que différentes instances internationales demandent que des mesures en faveur de la croissance dans la zone euro soient adoptées au plus vite. En effet, les interdépendances économiques nées de la mondialisation font que le ralentissement de l’activité en Europe, premier partenaire commercial de la Chine ou encore des États-Unis, constitue une menace pour l’ensemble du monde. Lorsque les chefs d’État ou de gouvernement réunis à Brisbane, dans le cadre du G20, demandent des actions énergiques afin de renforcer la croissance et de créer des « emplois de qualité », la zone euro apparaît comme la première concernée.

Quels sont les leviers dont disposent les pays de la zone euro pour relancer la croissance et éloigner le risque de déflation ? Le plus évident réside dans la politique monétaire. Pour autant, lors de la conférence annuelle des banquiers centraux qui s’est déroulée en août dernier, Mario Draghi a souhaité que la politique budgétaire joue un rôle accru aux côtés de la politique monétaire. Cela implique, ni plus ni moins, que les États de la zone euro ralentissent – sans toutefois y renoncer – le redressement de leurs comptes publics, afin de ne pas contracter plus encore une demande agrégée déjà bien peu dynamique.

À ce titre, au cours d’une conférence de presse qui s’est tenue au début du mois de novembre, le secrétaire général de l’OCDE a déclaré : « Nous croyons que, pour les pays de la zone euro dans lesquels il existe une marge budgétaire, un ralentissement de la consolidation structurelle du budget pourrait intervenir. » Le Fonds monétaire international lui-même, dans une publication d’octobre dernier, a souligné que la politique budgétaire dans la zone euro « ne devrait pas être rendue plus stricte en cas de mauvaise surprise de la croissance ».

La France a pris ses responsabilités, comme l’illustre l’exercice 2014 qui s’achève. Le Gouvernement avait fixé l’ajustement structurel à 0, 9 point de PIB dans le cadre de la loi de finances pour 2014. Face au ralentissement de la croissance et de l’inflation, il avait même engagé 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires dans les lois de finances rectificatives du printemps dernier, afin de maintenir le niveau de cet ajustement structurel.

Cet ajustement structurel a été réduit par la conjoncture économique, pour s’établir à 0, 5 point de PIB. Pour autant, il a impliqué la réalisation d’un effort budgétaire important qui pouvait difficilement être accru une nouvelle fois, sauf à peser sur une croissance et une inflation atones.

Le Gouvernement n’a pas été en mesure d’atteindre ses objectifs budgétaires en 2014, c’est vrai ! A-t-il été contraint de modérer la trajectoire du redressement des comptes publics ? C’est également vrai. Mais aurait-il dû et pu faire autrement ? Je ne le pense pas. Ajouter l’austérité à l’apathie de l’activité, contracter encore la demande alors que l’inflation se traîne aurait été coupable non seulement vis-à-vis des Français, mais également vis-à-vis de nos partenaires européens, et nous ne pouvons pas nous le permettre !

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