Intervention de Vincent Delahaye

Réunion du 11 décembre 2014 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo de Vincent DelahayeVincent Delahaye :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme je l’ai indiqué dans mon rappel au règlement – M. le rapporteur général et Mme la présidente de la commission l’ont également dit –, nous avons l’impression d’examiner le projet de loi de finances rectificative au pas de course. Discussion en commission des finances hier matin, débat en séance publique ce soir et demain, voilà un rythme un peu rapide pour un texte qui contient d’importantes mesures d’ajustement !

Nous devons changer de méthode. Je ne sais pas s’il faut raccourcir ou avancer la discussion du projet de budget. Je sais en revanche que consacrer trois semaines d’examen intense à un budget qui est toujours un peu virtuel et ne passer que deux jours sur le projet de loi de finances rectificative qui le complète significativement et qui, surtout, procède à des ajustements pour tenir compte de la réalité des chiffres n’est pas cohérent.

Nous devons également réfléchir à la possibilité de consacrer davantage de temps à l’examen du projet de loi de règlement. Il serait utile que nous puissions procéder à une audition des ministres sur chacune des missions. Cette méthode nous aiderait à préparer le budget de l’année suivante, car la réalisation de chaque mission est un élément d’évaluation important.

Le projet de loi de finances rectificative qui nous est présenté illustre un certain nombre de nos problèmes en matière budgétaire.

Le premier, c’est l’optimisme permanent vis-à-vis de la croissance. Après vous avoir entendu dire l’année dernière, monsieur le secrétaire d’État, qu’une prévision de croissance de 1 % était réaliste, après vous avoir entendu dire, au mois de juillet, qu’une prévision de 0, 7 % était réaliste, nous nous retrouvons, au bout du compte, avec 0, 4 %. Je vous invite à relire mes interventions, c’est ce que j’avais annoncé, à peu de chose près. Je ne suis pas devin, je suis simplement prudent. Malheureusement, beaucoup ne le sont pas assez sur le sujet.

Le projet de loi de finances rectificative témoigne également du dérapage de nos finances publiques : 88 milliards d'euros de déficit, cela représente 30 % de nos recettes fiscales. C’est considérable ! Cela signifie que, depuis la mi-septembre, nous vivons à crédit. Pour financer l’ensemble du fonctionnement des services de l’État, nous empruntons aux générations futures. Tous ceux qui nous succéderont verront que nous avons vécu des folles années à crédit.

Ne nous contentons pas de dire qu’il faut redresser les finances publiques. Faisons-le ! Or le déficit enregistré en 2014 sera supérieur d’au moins 13 milliards d'euros à celui de 2013. On ne peut pas vraiment parler de redressement !

Le projet de loi de finances rectificative est en outre symptomatique de la non-justification de l’insuffisance des recettes par rapport aux prévisions. À cet égard, vous venez de nous donner des éléments d’explication. Je vous en remercie, car nous les demandions depuis un moment. J’aurais toutefois préféré qu’ils soient un peu plus précis, car certains me paraissent un peu discutables.

Enfin, le projet de loi de finances rectificative me paraît révélateur des dérives budgétaires de la France.

Même si vous n’aimez pas le terme, monsieur le secrétaire d'État, je vais quand même l’utiliser : pour moi, ce texte relève du bricolage budgétaire – c’est évidemment une référence à la boîte à outils du Président de la République ; il nous l’a d’ailleurs assez rabâchée, sa boîte à outils ! Avec 77 articles additionnels, dont la moitié émanant du Gouvernement, à partir d’un texte initial qui comptait 35 articles, on a l’impression d’une certaine forme d’improvisation de dernière minute. Pourquoi la suppression de la prime pour l’emploi, par exemple, ne figurait-elle pas dans le projet de loi de finances pour 2015 et apparaît-elle tout à coup ? Pourquoi nous faut-il examiner cette disposition en deux jours, sans étude d’impact, sans simulation, sans rien ? Je ne sais pas si certains de mes collègues sont capables de dire s’il faut ou non supprimer la prime pour l’emploi. Pour ma part, je ne m’y engagerai pas. Se prononcer en deux jours me paraît une gageure terrible.

Le projet de loi de finances rectificative comporte, comme le budget en général, beaucoup de défauts. La dépense publique augmente de 16 milliards d'euros en 2014 et celle du budget de l’État – pensions et charge de la dette incluses – progresse de 2 milliards d'euros, malgré une baisse des dotations aux collectivités territoriales de 1, 5 milliard d’euros. Or je vous le dis, monsieur le secrétaire d'État, ce qu’il nous faut rechercher, c’est à réduire la dépense publique et non plus à la maîtriser.

À en croire certains, la dépense publique serait bonne pour l’économie. Si tel était le cas, nous serions les champions du monde de la croissance. Avec 57 % de dépenses publiques par rapport à notre richesse nationale, c’est certain que nous serions en avance sur tous les autres. §Tel n’est pas le cas aujourd'hui !

Il n’est pas possible de continuer à laisser croître la dépense publique en France. La seule bonne dépense, c’est la dépense d’investissement. Or l’État n’investit plus que 2 % du budget. Les seules qui investissent encore, ce sont les collectivités territoriales. Or, en rognant considérablement leur capacité d’autofinancement, on est en train de tuer l’un des moteurs de notre économie.

On le dit, on le répète – je l’ai déjà martelé lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques –, il faut absolument entamer des réformes structurelles. Parmi les chantiers, il y a le marché du travail, les retraites, l’organisation de l’État et des collectivités territoriales, la formation, l’enseignement, la recherche, la réforme fiscale, laquelle nous avait d’ailleurs été annoncée. Toutes ces réformes, il faut les entamer et vite, sinon toutes les bonnes nouvelles – la baisse du cours de l’euro, des prix du pétrole, des taux d’intérêt, le taux d’épargne élevé des Français –, nous n’en profiterons pas. Ces réformes structurelles, nous le savons, seront difficiles et douloureuses, mais elles sont indispensables et urgentes.

Monsieur le secrétaire d’État, les amendements adoptés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative détermineront le vote du groupe UDI-UC.

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