Intervention de Yvon Collin

Réunion du 11 décembre 2014 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à peine avons-nous achevé l’examen du projet de loi de finances pour 2015 que nous nous plongeons dans celui du collectif budgétaire. Ce dernier nous permet d’évaluer la mise en œuvre de la loi de finances initiale pour 2014 et de procéder aux ajustements que les aléas rencontrés au cours de son exécution rendent nécessaires.

La loi de finances initiale a déjà fait l’objet d’une inflexion significative, avec le vote, cet été, d’une première loi de finances rectificative. Celle-ci constituait la traduction législative du pacte de responsabilité et de solidarité, et apportait un appui bienvenu à la compétitivité de nos entreprises.

Je ne reviendrai pas sur son contenu, que les sénateurs du RDSE ont largement approuvé, mais je noterai que ses effets commencent à se faire sentir.

Lors d’un point d’étape sur l’attractivité de notre pays, le 17 novembre dernier, l’Agence française pour les investissements internationaux a relevé une amélioration de la compétitivité-coût de la France. De fait, nous assistons à un rapprochement du coût horaire du travail avec celui de nos principaux voisins, au premier rang desquels figure l’Allemagne, dont les salaires rattrapent les nôtres.

Je ne ferai qu’évoquer les indicateurs macroéconomiques, tout en indiquant pouvoir partager, au moins partiellement, le constat que dresse le rapporteur général.

En 2014, la reprise qui était annoncée n’est pas intervenue, en tout cas pas en Europe. Sous les effets conjugués d’une croissance atone, d’une inflation quasi nulle – l’INSEE a même indiqué aujourd’hui que les prix avaient baissé de 0, 2 % au mois de novembre –, et malgré des taux directeurs à l’étiage, notre continent fait face à un risque déflationniste qui ne doit pas être minimisé.

Dans le projet de loi de finances pour 2015, le Gouvernement a fait le choix de poursuivre le triple objectif de soutien à la compétitivité de nos entreprises, de soutien à la demande et de maîtrise de la dépense publique.

Dans le présent projet de loi, le solde effectif est estimé à moins 4, 4 %, pour 2014, et le solde structurel s’établirait à 2, 4 %. Les prévisions de croissance et de l’inflation sont, elles aussi, conformes à celles des grandes institutions – FMI, Commission européenne et OCDE –, avec, respectivement, des taux de 0, 4 % et 0, 6 %

Ce collectif budgétaire compense également les moins-values des recettes de l’État qui sont principalement dues à une carence du produit de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés par rapport aux estimations. Je ne développerai pas, monsieur le secrétaire d’État – d’autres collègues de mon groupe l’ont fait ces jours derniers –, notre position sur la réforme nécessaire de ces deux impôts.

Il est indéniable que le contexte macroéconomique dégradé a grevé les rentrées fiscales. S’agissant de l’impôt sur le revenu, dans la précédente loi de finances rectificative, l’exonération d’impôt pour les ménages modestes, si elle relevait d’un choix politique assumé, a entraîné une moins-value de 1, 3 milliard d’euros.

Le présent collectif budgétaire retrace également les engagements pris par le Gouvernement auprès de la Commission européenne, après plusieurs échanges à l’automne, d’augmenter l’effort de 3, 6 milliards d’euros supplémentaires. L’annonce de ce chiffre, avouons-le, a suscité une once de scepticisme.

Cette amélioration du solde public serait permise en actionnant trois catégories de leviers, dont la plupart figurent dans ce projet de loi.

Il s’agit, tout d’abord, de nouvelles estimations de recettes et de dépenses, à hauteur de 1, 6 milliard d’euros. C’est notamment le cas de la diminution de la charge de la dette d’environ 400 millions d’euros. Ainsi, dans le contexte macroéconomique actuel, notre pays n’a jamais emprunté sur les marchés à des taux aussi bas. Ce niveau des taux directeurs associé à la baisse du prix du pétrole et aux évolutions du taux de change doit tempérer le pessimisme ambiant.

Cette situation ne doit cependant pas nous faire relâcher notre effort en matière de maîtrise de la dépense et de rétablissement des comptes publics.

Le deuxième gisement d’économies a pour origine l’accroissement de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales qui devrait permettre de récupérer pas moins de 850 millions d’euros ! Cet engagement du Gouvernement doit être apprécié. En effet, pour ce qui concerne la seule TVA, la fraude est estimée à 10 milliards d’euros.

Une question se pose cependant : comment concilier cet objectif avec la réduction des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », dans le projet de loi de finances pour 2015 ? Pouvez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le secrétaire d’État ?

Enfin, 1, 18 milliard d’euros d’économies proviendrait de l’instauration de nouvelles mesures fiscales, confirmant que la pause en l’espèce n’interviendra pas avant 2015.

À ce titre, je peux citer la possibilité pour les communes de majorer la taxe d’habitation portant sur les résidences secondaires et la hausse de la taxe sur les surfaces commerciales, cette fois au profit des finances de l’État, dont nous reparlerons sans doute.

Les ajustements visés dans ce projet de loi de finances rectificative concernent également de nouvelles ouvertures de crédits.

L’une des plus importantes a trait aux opérations extérieures, les OPEX, avec une ouverture de crédits totale de 601 millions d’euros qui se justifie par un fort engagement de nos troupes dont le savoir-faire et la qualité de l’action, au Sahel, en Centrafrique ou, plus récemment, en Irak contre Daech, doivent être salués de façon unanime.

D’autres adaptations sont presque devenues habituelles, du fait de la sous-dotation chronique en loi de finances initiale.

C’est notamment le cas à l’égard de la mission « Immigration, asile et intégration », qui voit ses crédits augmentés de près de 10 % supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale.

Un autre élément frappant à la lecture de ce texte est le nombre d’articles ajoutés à l’occasion de la lecture à l’Assemblée nationale : plus de 70 articles, en nette augmentation par rapport aux dernières années.

Je ne remets évidemment pas en cause le droit d’amendement de nos collègues députés. À ce titre, une telle activité pourrait être le signe d’une belle vitalité parlementaire.

Cependant, certains amendements, introduits notamment sur l’initiative du Gouvernement, conduisent à s’interroger. C’est le cas de ceux qui visent à refonder la fiscalité applicable aux tabacs.

Nous ne pensons pas qu’un amendement déposé dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative soit le véhicule approprié pour un tel bouleversement, bien que nous ne soyons pas opposés à une réforme de cette imposition. Peut-être pourrez-vous nous donner votre sentiment sur ce sujet, monsieur le secrétaire d'État ?

Telles sont rapidement exposées les orientations que nous défendrons lors de la discussion des articles.

Composante de la majorité parlementaire, la quasi-totalité des membres du RDSE se retrouve dans les grandes orientations de ce texte. Ils n’en proposeront pas moins quelques améliorations par voie d’amendements qui, nous l’espérons, trouveront un écho favorable sur ces travées. §

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