Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez présenté l’équilibre budgétaire issu du projet de loi de finances rectificative et expliqué de manière très claire et pédagogique les dépenses, les recettes et le déficit. M. le rapporteur général nous a fait part du jugement qu’il portait sur cette présentation, qui, pour notre part, nous convient.
Nous pourrions traiter de l’équilibre budgétaire de façon académique si nous n’étions pas dans la zone euro et si les circonstances étaient différentes. Au lieu de nous reprocher les uns les autres les erreurs passées, présentes, éventuellement futures, nous ferions mieux de nous mettre d’accord sur la situation dans laquelle nous nous trouvons.
La zone euro – elle comprend la France, mais aussi l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie, entre autres – est l’une des zones du monde où la croissance est la plus faible. Celle-ci est beaucoup plus forte aux États-Unis, en Asie, même dans les pays émergents, où elle ralentit pourtant. Et si la croissance de la Grande-Bretagne, qui ne fait pas partie de la zone euro, est plus forte, son déficit progresse plus rapidement. Il y a donc une particularité européenne, qu’il nous faudra bien prendre en considération un jour.
Par ailleurs, les économistes et l’homme de la rue sont perplexes. On nous disait que la force de l’euro par rapport au dollar, le coût de l’énergie et l’inflation étaient la cause du retard européen. Or, à l’heure actuelle, l’euro a considérablement baissé par rapport au dollar et le tarif de l’énergie a beaucoup diminué. Alors que prix du baril de pétrole s’établissait à 106 dollars à la fin du mois de juin, il est aujourd'hui de 60 dollars. Tous les indicateurs ont donc atteint le niveau nécessaire à une reprise selon les économistes. Et pourtant…
Pour ma part, j’ajouterai à cette liste l’inflation, contre laquelle tant la banque de France et la BCE, que l’Allemagne considéraient qu’il fallait absolument lutter. Aujourd'hui, notre pays connaît une inflation très faible, ainsi qu’une inflation sous-jacente quasiment négative, mais pour de mauvaises raisons.
Si nos prix baissaient parce que notre pays est extrêmement concurrentiel ou parce que la créativité est importante en Europe, ce serait une bonne chose. Or les prix ne diminuent pas et l’inflation est faible en raison de la baisse non seulement des salaires, mais aussi des marges et des prix des produits manufacturés. En effet, les entreprises étant frileuses, pour conquérir et conserver des marchés, elles consentent à ces deux dernières diminutions. Enfin, les ménages se serrent la ceinture parce qu’ils pensent que les mesures de restriction seront de plus en plus dures au cours des années à venir.
Nous avons donc intérêt à trouver, à défaut d’une explication commune à la situation de la zone euro, des justifications, car, dans les circonstances actuelles, nous ne sommes plus crédibles aux yeux d’un certain nombre de personnes. Et c’est ce qu’il y a de pire.
Finalement, c’est une déflation qui nous menace.
Dans ces conditions, les mesures qui ont été prises par le Gouvernement ne peuvent pas toutes être bonnes, évidemment, mais elles vont dans le bon sens. Ce n’était pas le moment de mener une politique récessive.
Dans le contexte actuel, la baisse absolue et rapide des dépenses publiques est-elle l’alpha et l’oméga de toute politique ? Très honnêtement, je n’en suis pas sûr. Quant au sacro-saint ratio de 3 %, est-il bon ? Pour ma part, je pense que ces questions méritent franchement d’être discutées.
Si la dette de la France est indiscutablement trop importante par rapport à son PIB, nous devons nous interroger sur le rythme de la décroissance de la dépense publique, du déficit et de la dette.
Voilà quelques années, on enseignait dans les amphithéâtres les plus savants que si à la baisse de l’euro par rapport au dollar et des prix de l’énergie venait s’ajouter celle des taux d’intérêt, ce serait le paradis. Tous ces éléments sont bel et bien là aujourd'hui. Or, malgré tout, nous constatons un ralentissement en France, mais aussi en Allemagne et, de façon générale, dans tous les pays de la zone euro. En Grande-Bretagne, dont le taux de croissance est plus élevé, le déficit, je le rappelle, augmente et s’établit à 5, 6 %.
Quant à l’Italie, qui a lancé des réformes structurelles à tout-va et qui était présentée comme une référence, sa dette est beaucoup plus importante que celle de la France et représente aujourd'hui 133 % du PIB.
Par conséquent, nous devons faire preuve d’une certaine modestie sur ces sujets. Il est cependant dans l’intérêt de notre pays que d’aucuns trouvent des solutions pouvant recueillir un accord assez large.
Cela étant, le présent projet de loi de finances rectificative contient des mesures à la fois sociales, économiques et fiscales.
Nous sommes favorables à la suppression de la prime pour l’emploi et à son remplacement par un nouveau dispositif.
Nous pensons que la lutte contre la fraude fiscale, notamment la fraude à la TVA dans les secteurs à risques que sont le marché des véhicules d’occasion, les sociétés éphémères et les ventes sur internet, est une bonne chose.
Nous souscrivons aux nouveaux outils fiscaux en faveur de la politique du logement, ainsi qu’à la déductibilité de l’impôt sur les sociétés de la taxe de risque systémique versée par les banques et qui a vocation à se transformer en 2015 en une contribution au Fonds de résolution européen des crises bancaires.
Le Gouvernement est revenu sur les nouvelles conditions d’exonération du versement transport. C’est positif.
Les nouvelles conditions posées par l’Assemblée nationale concernant l’augmentation de la taxe d’habitation sur certaines résidences secondaires nous conviennent également. Cette hausse sera décidée par les communes, qui auront la possibilité de la moduler entre 0 % et 20 %.
En revanche, nous sommes très réservés – nous y reviendrons au cours des débats – sur l’augmentation de 50 % de la TASCOM affectant toutes les surfaces commerciales de plus de 2 500 mètres carrés. Les protestations montent de toute part, car une telle hausse concernera de nombreux commerces, allant de la vente de voitures aux jardineries. Mais en seront exonérés les concurrents allemands et britanniques de la grande distribution française. Aucun magasin Lidl, par exemple, n’occupe une surface supérieure à 2 500 mètres carrés.
De façon unanime, nous souhaitons que la fiscalité locale soit sanctuarisée et nous combattrons résolument toute mesure allant dans un sens contraire.
Monsieur le secrétaire d’État, il ne nous semble pas très facile de traiter de la modification de la fiscalité applicable aux casinos en quelques heures, car il s’agit d’une question importante. Si c’est un sujet fiscal pour la haute administration, c’est un sujet moral pour la population. Nombreux sont ceux qui considèrent que les conditions de cette réforme ne correspondent pas à ce qu’ils souhaitent.
Enfin, nous pensons nécessaire une stabilité fiscale, notamment pour les collectivités locales et les entreprises, qui ne peuvent pas être d’éternelles variables d’ajustement. Certaines mesures décidées à la va-vite, sans concertation suffisante et sans expertise poussée entraînent des tensions avec les contribuables concernés, et nous le regrettons.
Cela étant dit, nous sommes globalement favorables au projet de loi de finances rectificative qui nous est aujourd'hui présenté. Bien entendu, nous veillerons à ce qu’il ne soit pas trop dénaturé par la majorité sénatoriale, voire vidé de sa substance, comme ce fut le cas du projet de loi de finances pour 2015. §