Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ne disposant pas d’un temps de parole suffisant pour revenir sur les grands équilibres de ce projet de loi de finances rectificative, je m’en abstiendrai, d’autant que démonstration en a été faite par Michèle André, Jean Germain et Richard Yung.
J’examinerai en revanche des points plus spécifiques, qui concernent principalement la fiscalité. Le présent texte contient en effet une série de dispositions satisfaisantes.
Tout d’abord, il met l’accent sur la lutte contre la fraude. Certes, des flux trop importants sont encore exemptés de fait de l’impôt, mais, depuis 2013, budget après budget, le Gouvernement avance avec constance, en s’appuyant sur les décisions et recommandations de l’OCDE, à laquelle, monsieur le secrétaire d’État, tout comme Michel Sapin, vous apportez votre soutien.
Les moyens de la lutte contre la fraude à la TVA sont renforcés, ce qui entraîne une augmentation des recettes fiscales de l’ordre de 150 millions d’euros. L’action est concentrée sur des canaux de fraude qui ont émergé relativement récemment dans le domaine de la vente en ligne ou de la construction, ainsi qu’en matière de vente de véhicules d’occasion. Nous avons toutes les raisons de nous féliciter de cet effort.
Le texte du Gouvernement a été judicieusement complété par nos collègues de l’Assemblée nationale, notamment sur la question des prix de transferts, ces mécanismes de facturation de services entre entités d’une même multinationale qui donnent lieu à des pratiques d’optimisation fiscale. Il s’agit d’un problème récurrent, souvent évoqué dans cet hémicycle ou à l’occasion des différentes commissions d’enquête sur l’évasion et l’optimisation fiscales auxquelles, avec un certain nombre de collègues, j’ai pu participer.
Je salue pour ma part l’initiative du député Dominique Lefebvre qui a présenté un amendement tendant à éviter le règlement contentieux des litiges en la matière. Il s’est inspiré du fonctionnement de la cellule de régularisation des avoirs détenus à l’étranger, le service de traitement des déclarations rectificatives, créé au mois de juin 2013, qui donne des résultats extrêmement positifs, au-delà des attentes qui avaient été exprimées au moment de sa création et de certaines interrogations formulées à l’époque, dont je me souviens.
Il s’agit donc d’une proposition intéressante, qui peut permettre de fluidifier le règlement des différends et d’assurer ainsi la rentrée effective de ressources fiscales pour l’État.
Des dispositions visant à mettre un terme à une exemption fiscale dont bénéficient les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont également été intégrées au texte par nos collègues députés. Si je partage profondément l’émotion qu’ont suscitée les rapports successifs de l’Autorité de la concurrence et de la Cour des comptes, je sais aussi que le Gouvernement est actuellement au cœur d’une négociation qu’il n’est pas souhaitable de déstabiliser par des prises de position pouvant se révéler contreproductives. C’est la raison pour laquelle je me rangerai à la position que le Gouvernement estimera être la plus sage, étant donné sa prise de conscience de l’affaiblissement du poids de l’État dans le rapport contractuel en cause.
Je rappelle d’ailleurs que ce dernier a été institué en 2005 par un autre gouvernement sous la forme d’une cession de gré à gré, laquelle a entraîné la situation actuelle. Monsieur le secrétaire d’État, je note votre volonté de reprendre la main sur le sort de nos autoroutes.
Les taxes non déductibles ayant été évoquées par mes collèguesAndré Gattolin et Richard Yung, je n’y reviendrai pas.
Même si j’ai bien conscience que ce sujet déborde le strict cadre de la discussion qui nous occupe aujourd’hui, je voudrais néanmoins examiner maintenant les enjeux du régime fiscal réservé aux instances qui organisent des événements sportifs exceptionnels, dont les retombées économiques singulières seraient supérieures à leur coût fiscal, en particulier l’UEFA, dans le cadre de l’organisation de l’Euro de football qui aura lieu en 2016. Il s’agissait d’assurer la nécessaire continuité de l’État et de confirmer la crédibilité de la parole de la France. En même temps, nous devons a minima éprouverune certaine gêne face à l’argument selon lequel, si nous voulons continuer à accueillir de grands événements sportifs contribuant au rayonnement de notre pays, nous devrions impérativement concevoir des mécanismes de contournement de l’impôt, dont nous combattons par ailleurs le principe.
Compte tenu de ces contraintes, la position adoptée me paraît relativement équilibrée : nous sommes d’accord pour confirmer les engagements de la France, mais nous n’avons pas vocation à pérenniser ce genre de niches fiscales géantes.
Du reste, comme cela a été mentionné en commission des finances, il est nécessaire aujourd’hui de trouver des relais auprès de la Commission européenne, de l’OCDE, et d’engager une réflexion forcément collective et internationale pour éviter que de tels événements ne laissent derrière eux des pays au bord de la faillite, comme la Grèce après les jeux Olympiques de 2004, ou proches de la guerre civile, comme le Brésil à la suite de la Coupe du monde de football de 2014.
Enfin, je souhaite évoquer un amendement, dont l’adoption n’aurait pour effet ni dépenses ni recettes, qui vise à alléger les contraintes administratives pesant sur les véhicules d’investissement créés par ce que l’on appelle les « business angels ». Ceux-ci sont très présents dans la région Rhône-Alpes, en particulier à Grenoble. Il s’agit de personnes physiques qui investissent, à titre personnel, entre 5 000 euros et 20 000 euros dans le cadre d’une société d’investissement de business angels. Ces fonds sont contrôlés par un expert-comptable.
Lorsqu’une jeune entreprise qui présente un projet jugé porteur d’innovations relevant de nouveaux segments d’activités n’est pas écoutée par le secteur bancaire – ce que l’on peut regretter –, elle est accompagnée par le tutorat d’un comité d’investisseurs, qui débloque les fonds nécessaires mis en réserve et soutient son développement. Le montant de ceux-ci se situe généralement entre 100 000 et 200 000 euros.
Vous l’avez compris, il s’agit de structures légères, réactives, qui comportent une prise de risque par des personnes physiques et qui n’emploient pas de salarié afin de consacrer l’intégralité des sommes récoltées à l’investissement - je reviendrai sur le fait qu’on leur imposait auparavant deux salariés.
Depuis leur création, plus de 200 entreprises ont été accompagnées et ont créé plus de 20 000 emplois.
À ce propos, dans une étude, la Banque publique d’investissement a relevé la forte incidence de ce type d’aides à l’investissement sur le décollage de jeunes entreprises innovantes, comme nous l’a exposé son directeur général au début de l’année en nous présentant son bilan.
L’assouplissement des conditions d’investissement des business angels proposé me paraît salutaire et s’inscrit dans le cadre plus global de l’activation de tous les leviers favorables à la croissance dans le présent projet de loi de finances rectificative.
En conclusion, parce qu’il traduit l’esprit de responsabilité du Gouvernement et qu’il intègre de vrais marqueurs de solidarité et de justice sociale, je soutiendrai naturellement avec mes collègues socialistes, monsieur le secrétaire d’État, le texte que vous nous soumettez.