Notre collègue soulève là un réel problème ; ainsi qu’il l’a rappelé, il avait d’ailleurs défendu un amendement identique lors de l’examen du projet de loi de finances et nous l’avions alors invité à le déposer une nouvelle fois dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. D’après les simulations qui ont été faites, il semblerait qu’il soit neutre sur les plans fiscal et social et que la recette soit à peu près équivalente.
La commission voit la proposition de notre collègue d’un œil plutôt favorable. Force est de reconnaître en effet que le régime actuel est extrêmement complexe.
Deux régimes d’abattement coexistent selon la durée de détention : ainsi, les plus-values de cessions de propriétés bâties sont désormais totalement exonérées au titre de l’impôt sur le revenu au bout de vingt-deux ans de détention ; en revanche, les abattements applicables au titre des prélèvements sociaux demeurent calés sur une durée de détention des biens de trente ans.
Allez comprendre les raisons de cette différenciation… Il serait tout de même plus compréhensible que les durées d’amortissement soient identiques.
En outre, l’une et l’autre ne sont pas linéaires. Ainsi, l’abattement au titre de l’impôt sur le revenu s’élève à 6 % à compter de la sixième année de détention et à 4 % pour la vingt-deuxième année, cependant que les abattements applicables au titre des prélèvements sociaux, calés sur une durée de détention des biens de trente ans, connaissent des taux différenciés selon la durée de détention – jusqu’à 9 % par année de détention à compter de la vingt-troisième année !
De surcroît, ce régime a été rendu encore plus complexe par les multiples réformes dont il a fait l’objet. Cette année ne fait pas exception, puisque le Gouvernement a défendu des amendements visant à créer des abattements exceptionnels ou des exonérations sur les terrains à bâtir.
Ainsi, le régime des plus-values de cessions immobilières est modifié en permanence, soit par la création de surtaxes – par exemple, sur les plus-values de cessions dites « élevées », au-delà de 50 000 euros –, soit par la création d’abattements ou d’exonérations visant à encourager la construction.
Pourquoi ces incessants mouvements de va-et-vient ? Parce que l’on considère que la durée de détention est un frein à la cession immobilière. C’est pourquoi je suis assez en phase avec notre collègue Vincent Delahaye : un système à la fois complexe et qui incite les propriétaires à conserver leur bien nuit à la fluidité du marché et ne favorise pas les rentrées fiscales.
En pratique, les propriétaires sont incités non pas à vendre leur bien, mais à le conserver pour espérer être exonérés à terme de l’impôt sur les plus-values de cessions immobilières. C’est pourquoi ce système mériterait d’être profondément remanié.
La proposition formulée par notre collègue de ne plus tenir compte de la durée de détention des biens et de fiscaliser les plus-values de cession à un taux plus bas, mais sur une base élargie, va dans le sens d’une plus grande fluidité du marché, me semble-t-il. Si l’on supprimait, d’une part, la condition de durée de détention et, d’autre part, les abattements ou surtaxes actuellement en vigueur, les propriétaires n’hésiteraient plus à vendre leur bien, ce qui serait sans doute source de recettes supplémentaires pour l’État.
Il n’en demeure pas moins que je me demande s’il serait bien opportun de voter, dans le cadre de ce collectif budgétaire, une mesure immédiatement applicable. On se plaint très souvent de l’instabilité fiscale au nom de la nécessaire information des contribuables s’agissant des modifications des règles en la matière. Des ventes sont en cours, des propriétaires envisagent de vendre leur bien : mettre en place un système totalement neuf pour 2016 pourrait se révéler très brutal.
Quoi qu’il en soit, nous devrons travailler collectivement sur ce sujet dans le cadre de la commission des finances. Nous souhaitons, unanimement, me semble-t-il, réviser la fiscalité de l’immobilier, qui est devenue au fil du temps inefficace, illisible et instable. Et les résultats sont connus : le marché est complètement atone, le nombre de permis de construire délivrés n’a jamais été aussi faible et l’on compte toujours autant de nos concitoyens qui ont du mal à se loger. Le système a donc atteint ses limites.
Comme Vincent Delahaye, je pense qu’il faut réformer la fiscalité immobilière, y compris le régime d’imposition des plus-values de cession. La proposition de notre collègue va dans le bon sens ; elle nécessite simplement d’être expertisée plus en avant.
C’est pourquoi je demande à Vincent Delahaye de retirer son amendement – une demande très bienveillante –, non pas que je veuille évacuer le sujet, mais, au contraire, pour permettre à la commission d’y travailler collectivement et d’aboutir à un système opérationnel dans le cadre du prochain projet de loi de finances.