Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 12 décembre 2014 à 14h00
Loi de finances rectificative pour 2014 — Article 20 nonies nouveau

Axelle Lemaire, secrétaire d'État :

… à vous opposer à la majoration de la TASCOM.

En effet, des hypermarchés font travailler des Françaises et des Français dans vos circonscriptions, et votre souci est de conserver ces emplois.

Simplement, pour l’intelligence du débat, j’aimerais rappeler certains chiffres.

Nous parlons des hypermarchés, qui, selon les critères de l’INSEE, sont des surfaces de plus de 2 500 mètres carrés. Les supermarchés sont plus petits, et les commerces de proximité encore plus.

La taxe rapporte actuellement 700 millions d’euros. La surtaxe représentera 200 millions d’euros supplémentaires, soit 0, 15 % environ du chiffre d’affaires des hypermarchés concernés. Il me semble utile de rappeler ces chiffres compte tenu de l’importance que le sujet a prise.

Au demeurant, le Gouvernement a consenti – vous êtes bien placés pour le savoir – des efforts budgétaires considérables pour aider ces entreprises.

D’abord, le CICE bénéficie à plein aux hypermarchés. Et, pour l’abaissement des charges patronales sur les bas salaires, deux tranches ont été instaurées : l’une à 1, 5 point du SMIC et l’autre à 2, 6 points du SMIC. Elles seront applicables en 2015 et 2016.

Il y a aussi un enjeu d’aménagement du territoire. Nous avons fait le choix d’imposer les activités commerciales des surfaces les plus grandes. Les petites surfaces sont préservées. Ayant vécu à l’étranger, j’ai vu ce à quoi pouvait mener une politique aveugle de promotion des grandes surfaces commerciales au détriment des petits commerces. Cela peut avoir un coût sur la vie locale et sur l’emploi.

Vous avez évoqué à juste titre la concurrence, souvent internationale, qui affecte nos grands acteurs des supermarchés.

J’en viens au drive. Il n’est pas normal que des entreprises puissent détourner la règle de droit et ne pas être imposées comme elles devraient l’être compte tenu de leur chiffre d’affaires. Je vous invite à en débattre lors de l’examen du projet de loi relatif au numérique, qui est en préparation. Vous êtes d’ailleurs appelés à participer directement à la concertation qui a lieu en ce moment. Nous pouvons réfléchir aux moyens de répondre à ces activités nouvelles.

Pour vous exprimer le fond de ma pensée, le drive est la réponse de certaines entreprises françaises au numérique et au commerce électronique. Cela a peut-être des conséquences sur les grandes surfaces. Mais celles-ci ne devraient-elles pas plutôt réagir de manière offensive, décliner des outils véritablement numériques, permettre des livraisons très efficientes et avoir des stocks susceptibles de répondre aux besoins des clients ?

Aujourd’hui, c’est moins le drive qu’Amazon qui menace les grandes surfaces ; c’est moins le drive qu’Uber qui livrera bientôt de l’alimentation par drone ; c’est moins le drive que l’ensemble des nouveaux systèmes de livraisons intelligentes, par exemple les boîtes aux lettres réfrigérées avec des moyens de paiement sécurisés, qui risque d’entraver le développement de nos supermarchés !

Nous avons une attitude défensive par rapport au numérique. Avec une attitude un peu plus offensive, grâce à des start-ups et des petites entreprises, nous pourrions favoriser nos supermarchés locaux et décliner des solutions beaucoup plus innovantes que le drive et les systèmes actuels pour contrer la concurrence des géants internationaux de l’internet.

Nous sommes en train de mettre en place une autre mesure pour permettre aux supermarchés de faire face à la concurrence du commerce électronique : le travail du dimanche. L’e-commerce fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et les Français effectuent 25 % de leurs achats hebdomadaires sur un seul jour : le dimanche. L’ouverture dominicale des supermarchés des zones concernées les rendra plus compétitifs.

Vous avez évoqué à juste titre la fiscalité du numérique. Il est totalement anormal que les grands acteurs de l’internet paient en moyenne quinze fois moins d’impôts en France que des entreprises de taille équivalente affichant le même chiffre d’affaires. Sachez que le Gouvernement français est sans doute le plus actif sur ce sujet au niveau européen. C’est à cet échelon qu’il faut agir.

Lors du sommet du G20, en Australie, les chefs d’État se sont pour la première fois accordés pour élaborer une déclaration commune très forte sur le sujet. En outre, le groupe de travail au sein de l’OCDE appelé BEPS avance assez rapidement. La France a adressé un courrier à la nouvelle Commission européenne sur son futur agenda en matière de numérique, pour demander que le sujet de la fiscalité du numérique applicable aux grandes plates-formes, les over-the-top, ou OTT, soit traité en priorité.

Pardonnez-moi cette digression, mais ce n’est pas parce qu’on demande aux grandes surfaces commerciales de participer davantage à la consolidation des finances publiques, par rapport à de plus petits commerces de moindre importance, que nous répondrons de manière offensive aux enjeux internationaux. La réputation de nos hypermarchés et de nos supermarchés est mondialement reconnue, mais il faut une attitude plus offensive face aux géants qui les menacent.

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