Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 12 décembre 2014 à 14h00
Loi de finances rectificative pour 2014 — Article 30 terdecies nouveau

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances :

Cet amendement vise à supprimer la disposition qui, introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, prive les concessionnaires autoroutiers du bénéfice de l’exonération de la règle de non-déductibilité des charges financières : autrement dit, les sociétés concessionnaires d’autoroutes ne pourraient plus, désormais, déduire leurs charges financières au regard du calcul de leur impôt sur les sociétés.

Je rappelle que les concessionnaires autoroutiers et d’autres partenaires privés délégataires de service public avaient été volontairement exclus du champ d’application de cette règle de non-déductibilité des charges financières, et cela, en particulier, pour la raison évidente que voici : largement financés par l’emprunt, les investissements autoroutiers engendrent des charges financières importantes et, en l’absence d’une exception à la règle de non-déductibilité, les concessionnaires auraient risqué de se tourner vers les collectivités territoriales, mettant ainsi à mal tout le système.

L’article 30 terdecies prévoit donc de replacer les concessionnaires autoroutiers sous l’empire de la règle de la non-déductibilité des charges financières, alors que les autres concessionnaires et délégataires de service public continueraient à en être exclus.

Si la commission propose de supprimer cet article, ce n’est pas parce qu’elle a, à l’endroit des concessionnaires d’autoroutes, une position de principe. Du reste, M. le secrétaire d’État chargé du budget nous a indiqué que des négociations devaient se tenir aujourd’hui même : nous aurons donc l’occasion de débattre au fond de l’avenir du régime des autoroutes françaises. Pour l’heure, ce sont des motifs strictement juridiques qui s’opposent au maintien de cet article.

En effet, le présent article apparaît juridiquement fragile pour deux raisons.

Il encourt, tout d’abord, un risque d’inconstitutionnalité au regard du principe d’égalité devant l’impôt. Les concessionnaires de parkings, par exemple, pourraient déduire leurs charges financières quand les concessionnaires d’autoroutes ne le pourraient pas. Si l’on se réfère à la jurisprudence relative au principe du respect de l’égalité devant l’impôt, aucune différence objective ne pourrait justifier une telle différence de traitement. Il nous semble donc déraisonnable de créer une exception propre aux autoroutes.

Il convient, ensuite, d’être prudent quant aux contrats de concession autoroutière eux-mêmes. Ces contrats contiennent en effet des clauses très précises qui permettent aux concessionnaires de répercuter sur le prix des péages, et donc sur les usagers, les modifications de la fiscalité qui leur est spécifiquement applicable. Cela signifie que, si une fiscalité nouvelle devait s’appliquer aux sociétés concessionnaires d’autoroutes, il y aurait un risque non négligeable – c’est ce que la lecture des contrats de concession fait apparaître – de la voir finalement, au moins en partie, acquittée par les usagers.

J’ajoute que des contrats de concession sont en cours de négociation et que des appels à concession ont été lancés. Je ne sais pas, par exemple, où en est le dossier de Strasbourg. Dès lors, modifier les règles du jeu reviendrait à, mon sens, à envoyer un très mauvais signal aux investisseurs, qu’ils soient français ou étrangers.

Toutes ces raisons ont conduit la commission à vous proposer de supprimer le présent article et de revenir au droit actuel, selon lequel les concessionnaires et les délégataires de service public peuvent tous déduire leurs charges financières. Du reste, la lecture de l’extrait des débats de la séance du 5 décembre dernier à l’Assemblée nationale me conforte dans l’idée que cette suppression est nécessaire.

Le secrétaire d’État chargé du budget s’est déjà prononcé sur ce point, anticipant l’avis qu’exprimera sans doute dans un instant Mme la secrétaire d’État.

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