Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 30 novembre 2007 à 15h00
Loi de finances pour 2008 — Travail et emploi

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Quel état des lieux peut-on faire des conditions de travail aujourd'hui en France ?

L'attention de l'opinion publique a été attirée récemment par la succession de suicides survenus en quelques mois dans l'industrie : 5 à l'usine PSA de Mulhouse, 4 chez Renault, 4 à la centrale EDF de Chinon. Apparemment, ils seraient liés à une aggravation multiforme des conditions de travail.

Le phénomène des suicides n'est pas tout à fait nouveau. En 2003, la sécurité sociale en a reconnu 19 comme accidents du travail ou maladies professionnelles, au sens de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel est considéré comme accident du travail l'accident survenu sur les lieux ou à l'occasion du travail. En 2004, ce nombre était de 13, et, en 2005, de 26.

Toujours selon la sécurité sociale, le nombre de dépressions liées à diverses formes de pressions, qu'il s'agisse de maltraitance ou de harcèlement du fait de l'employeur ou de ses représentants, est en augmentation.

Comme l'indique la DARES, la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, dans une note sur l'amélioration des conditions de travail publiée en juillet 2007, les contraintes et pénibilités physiques « traditionnelles » ne diminuent guère, certaines étant d'ailleurs en augmentation.

Mais, surtout, cet organisme officiel précise que de nouvelles formes de pénibilités apparaissent : qualifiées de « risques psycho-sociaux », elles « résultent de la combinaison de deux éléments : une forte demande psychologique et une faible latitude décisionnelle. ». En clair, les salariés subissent une forte pression, pour obtenir rapidement des résultats excellents, et une contrainte pesante. Le tout est complété par un délitement des solidarités, lié à la fin de l'organisation tayloriste de la production.

Par ailleurs, les formes de pénibilités du travail évoluent de manière convergente. Si certaines se stabilisent, d'autres se développent, notamment celles qui sont fondées sur la répétition de mouvements douloureux, entraînant des troubles musculo-squelettiques. Contrairement à une croyance commune, de plus en plus d'ouvriers travaillent à la chaîne, notamment des femmes. Un salarié sur trois est soumis à de fortes contraintes de rythme de travail. Les horaires atypiques se sont développés, de même que le travail dominical. Cette aggravation de la pénibilité ne se traduit pas seulement sous la forme d'une dépression grave ou d'un suicide, elle génère également une mutation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les AT-MP.

Ainsi, comme j'ai déjà eu l'occasion de la rappeler lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, si, depuis l'an 2000, les accidents du travail sont en diminution sur la longue durée, leur taux de gravité ne cesse d'augmenter. Il n'est pas surprenant de constater que les mauvaises conditions de travail contribuent de manière décisive à cette dégradation de la situation. Quant aux maladies professionnelles, ai-je besoin de rappeler la gravité des chiffres et leurs conséquences tant humaines que financières ?

Au sujet des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, permettez-moi, monsieur le ministre, de faire une digression pour revenir sur deux points du PLFSS pour 2008 dont nous n'avons pas eu l'occasion de débattre directement voilà deux semaines, ce que je comprends d'ailleurs parfaitement, vu l'actualité qui prévalait alors : il s'agit, d'une part, de l'application des nouvelles franchises aux victimes d'AT-MP, et, d'autre part, des nouvelles modalités du contrôle médical applicable aux indemnités journalières.

Vous le savez, nous réprouvons le principe même de ces franchises ; mais, pour moi, l'application de ces dernières aux accidentés du travail et aux personnes atteintes de maladie professionnelle est d'autant plus incompréhensible qu'il s'agit non pas de malades qu'il faudrait responsabiliser, mais bien de victimes subissant les conséquences physiques et financières d'une faute imputable à un tiers, en l'occurrence leur employeur.

Les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles se verront ainsi contraintes de financer elles-mêmes une partie des soins nécessités par leur accident ou leur maladie, et seront les seules victimes, en France, à ne pas pouvoir saisir les juridictions de droit commun pour obtenir le remboursement de ces franchises. Il y a là, à notre avis, une atteinte aux principes fondamentaux de la responsabilité et de la réparation des dommages corporels posés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que nous avons d'ailleurs saisi à cet égard.

J'en viens à la question des indemnités journalières. Il est, selon nous, incompréhensible d'accorder aux employeurs le pouvoir de faire contrôler, par des médecins qu'ils rémunèrent, la justification de l'arrêt de travail et du versement des indemnités journalières.

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