Mesdames, messieurs les sénateurs, vos interrogations sont légitimes.
En matière de contentieux sur la correction des prix de transfert, il faut avoir à l’esprit que les procédures sont interminables.
Ainsi, en l’état actuel du droit, lorsque l’administration fiscale notifie un redressement, avec toutes les difficultés que cette opération comporte pour disposer des informations nécessaires à l’évaluation des prix de transfert – même si nous avons déjà beaucoup fait évoluer les obligations des entreprises en matière de documentation détaillée des modes de calcul de ces prix –, l’entreprise peut saisir, et elle le fait dans 99 % des cas, une commission dite « amiable » qui réunit les trois parties : la France, l’entreprise et le pays d’accueil. Ce sont alors des allers et retours sans fin, sans qu’aucune recette soit perçue par l’administration fiscale, malgré la notification.
Vous me demandez s’il y a des cas. Oui, il y en a.
L’administration constate que la progression de la procédure est très largement bloquée, soit que l’entreprise fasse preuve de mauvaise volonté, ce qui arrive très souvent, soit que l’État étranger qui intervient dans la procédure amiable ne coopère pas de manière satisfaisante.
Je vais vous faire une confidence, à propos d’un cas dont je ne suis pas sûr qu’il puisse être concerné par la procédure dont nous parlons : lorsque j’étais rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, je m’étais intéressé, étant lorrain, à la situation d’ArcelorMittal, après que des reportages télévisés eurent fortement suggéré que des ruling avaient été organisés avec le Luxembourg. Ayant obtenu communication du dossier, j’avais connaissance du montant du redressement demandé – ce fait est assez largement connu, mais je ne peux évidemment vous en dire plus, en vertu du secret fiscal. J’avais alors fait le constat que les choses n’avançaient pas. Un an plus tard, si ce n’est deux, je fais un constat identique.
Il s’agit aujourd’hui d’inscrire dans la loi une pratique déjà en vigueur, puisque la procédure est prévue dans le Bulletin officiel des finances publiques-impôts, sous réserve qu’il y ait ouverture et clôture d’une procédure amiable, au sens du droit français – il ne s’agit pas de la commission dont j’ai parlé il y a quelques instants. L’objectif est clairement d’accélérer les dossiers lorsqu’il y a une reconnaissance du montant du prix de transfert. Sinon, les procédures n’en finissent pas !
L’intérêt du dispositif est de permettre de solder des cas lorsqu’il est possible de trouver un accord. Je ne sais pas si de nombreux cas pourront ainsi être soldés, mais quelques-uns le seront probablement. En tout cas, c’est une possibilité qui sera offerte. Elle n’empêchera pas que, le cas échéant, les procédures aillent à leur terme, mais dans des délais qui sont absolument effarants.