Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le protocole de Kyoto est aujourd’hui le seul instrument international juridiquement contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il met en œuvre la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992, qui fixe les grandes orientations de la lutte contre le dérèglement climatique. Adopté en 1997, entré en vigueur en 2005, le protocole de Kyoto a permis de réduire les émissions des pays développés durant une première période d’application de 2008 à 2012.
Vous le savez, le gouvernement français est totalement mobilisé pour mettre au point un accord prenant le relais de ce protocole et qui pourrait être adopté à Paris, en décembre 2015, lors de la vingt et unième conférence des Nations unies sur le climat, événement peut-être plus connu sous le nom de COP 21. Ce nouvel accord devra être applicable à tous les émetteurs et entrera en vigueur en 2020. Il est donc impératif que l’action internationale en faveur de la protection de notre climat se poursuive entre la fin de la première période du protocole de Kyoto, en 2012, et l’entrée en vigueur de l’accord de Paris – accord auquel nous espérons aboutir –, en 2020.
C’est la raison pour laquelle je me présente devant vous aujourd’hui. Le projet de loi qui est proposé à votre approbation autorise en effet la ratification de l’amendement de Doha au protocole de Kyoto. Cet amendement, adopté en décembre 2012, vise à ouvrir une deuxième période d’engagement de 2013 à 2020 afin de prolonger les efforts de réduction des émissions. Il fait partie de l’équilibre politique trouvé en 2011 lors de la conférence sur le climat de Durban ; c’est la promesse d’engagement dans une deuxième période du protocole de Kyoto qui a, pour beaucoup, ouvert la voie à l’élaboration d’un nouvel accord universel sur le climat.
Tel qu’il a été adopté, cet amendement est conforme aux positions de la France et des autres États membres de l’Union européenne, qui parlent, il faut le souligner, d’une seule voix lors des négociations internationales sur le climat. L’Union européenne s’est en effet dotée d’un paquet énergie-climat en 2008, dont l’un des objectifs est de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020 par rapport aux niveaux de 1990. L’objectif européen fixé pour la deuxième période du protocole de Kyoto découle directement de celui que contient le paquet énergie-climat. C’est la raison pour laquelle l’Union européenne s’est engagée à mettre en œuvre l’amendement dès le 1er janvier 2013, sans attendre son entrée en vigueur. Tout porte à croire que l’objectif que s’est fixé l’Union européenne à l’horizon de 2020 pourra être atteint, voire dépassé, puisque ses émissions ont déjà été réduites de 18 %.
D’autres partenaires ont également proposé un objectif de réduction de leurs émissions pour la période 2013-2020 : l’Australie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, la Suisse et l’Ukraine. En revanche, le Canada, qui a décidé de se retirer du protocole de Kyoto en 2011, la Russie, le Japon et la Nouvelle-Zélande n’ont pas souhaité se réengager. Les États-Unis sont également restés en retrait, puisqu’ils n’ont jamais ratifié ce protocole.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, vient de nous rappeler l’urgence à agir si nous voulons limiter l’augmentation de la température mondiale en dessous de 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels. Cette deuxième période ne couvrant que 15 % des émissions de gaz à effet de serre, vous devinerez aisément qu’elle ne permet pas, à elle seule, de faire face au défi climatique. Toutefois, de nombreux pays se sont fixé des objectifs en dehors de ce cadre, notamment les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et les pays émergents. Bien que cette deuxième période soit imparfaite d’un point de vue climatique, elle joue un rôle de transition essentiel.
Élaborer un nouvel accord avec 195 pays nécessite du temps. Il en a manqué en 2009 à Copenhague pour parvenir à l’adoption d’un successeur au protocole de Kyoto, celui-ci doit donc continuer à s’appliquer jusqu’à ce que l’accord de Paris entre en vigueur. L’abandon de cet instrument et le vide juridique qu’il aurait automatiquement entraîné auraient été perçus comme un recul de la communauté internationale.
Par ailleurs, cette deuxième période nous permet de continuer à accumuler de l’expérience sur les outils de mise en œuvre des politiques climatiques. Cela est vrai s’agissant des mécanismes de marché prévus par le protocole comme des règles de suivi des émissions de gaz à effet de serre, puisque l’amendement de Doha ajoute un septième gaz à ceux que couvre déjà le protocole de Kyoto, et non le moindre : le trifluorure d’azote, qui a un pouvoir de réchauffement 17 000 fois supérieur à celui du CO2.
Il convient également de noter que l’amendement introduit un mécanisme de révision des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre de manière à les rendre plus ambitieux en cours de période. En raison de la faible participation, ce mécanisme pourrait toutefois ne pas être utilisé mais il est susceptible de nous inspirer pour élaborer ce que nous souhaitons être l’accord de 2015.
La ratification de l’amendement au niveau européen est un processus long, trente instruments de ratification devant être rassemblés avant que nous ne les déposions en même temps auprès du Secrétaire général des Nations unies. Tous les États membres de l’Union européenne doivent mener leur propre processus de ratification au niveau national. L’Islande a fait le choix de prendre un engagement conjoint avec ses partenaires de l’Union européenne.
Une décision du Conseil relative à la conclusion de l’amendement de Doha et à l’exécution conjointe des engagements qui en découlent est en outre en cours de négociation à Bruxelles. Certaines réticences ont été formulées par la Pologne, que nous nous efforçons actuellement de dépasser.
Dans la perspective de notre présidence de la conférence sur le climat de 2015, il est essentiel que l’amendement au protocole de Kyoto soit ratifié dans les meilleurs délais pour envoyer un signal positif sur la mise en œuvre des engagements. Tout comme la capitalisation du Fonds vert pour le climat est une véritable attente des pays vulnérables, la ratification de l’amendement est une demande forte à laquelle nous devons répondre. En autorisant cette ratification, vous contribuerez donc à favoriser la confiance entre les États, qui est une des clefs du succès de la COP 21.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle l’amendement au protocole de Kyoto qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui proposé à votre approbation.