Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 18 décembre 2014 à 9h30
Amendement au protocole de kyoto du 11 décembre 1997 — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le principal mérite du protocole de Kyoto, adopté en 1997 sur la base du deuxième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, est d’être, à ce jour, l’unique instrument juridique international contraignant visant à réduire ou à limiter les émissions de gaz à effet de serre dans les pays industrialisés et dans les économies émergentes. Il s’agit donc d’un instrument juridique d’une grande utilité, qu’il convient de développer.

Or les accords multilatéraux de ce type sont le résultat d’un processus difficile : les États de la planète mènent des négociations longues et complexes, sous l’œil vigilant des organisations non gouvernementales. En apparence, ces négociations se déroulent avec le seul souci de trouver un juste équilibre entre les exigences du développement et celles de la protection de l’environnement. En effet, les conférences des Nations unies sur les changements climatiques se placent, à juste titre, sous les auspices des valeurs et des grands principes communs à toute l’humanité. Seulement, il faut bien admettre que les résultats sont loin d’être toujours à la hauteur des ambitions affichées. De fait, les négociations menées lors de ces grandes conférences sont essentiellement le reflet du rapport de force international du moment, fondé sur la défense d’intérêts nationaux ou privés souvent contradictoires. Le protocole de Kyoto et l’amendement soumis à notre ratification ce matin ont été négociés dans ce contexte.

Signé en 1997 et entré en vigueur en 2005, le protocole de Kyoto portait sur une première période d’engagement, de 2008 à 2012. En 2009, la conférence de Copenhague n’a pas réussi à adopter un dispositif applicable à l’après-2012. Cette conférence a offert une illustration concrète de la difficulté dont je viens de parler : celle de concilier le développement des peuples et des sociétés, les intérêts économiques et la préservation de la planète.

Si grande est la difficulté d’engager une dynamique de préservation de la planète qu’il aura fallu attendre encore deux ans pour que les États se mettent simplement d’accord, en 2011 à la conférence de Durban, sur une procédure de négociation d’un accord universel contraignant, destiné à être adopté en 2015 au sommet de Paris et à entrer en vigueur en 2020. La fixation de ce calendrier a rendu impératif de couvrir la période intermédiaire, comprise entre la fin de 2012 et 2020. Tel est l’objet de l’amendement de Doha au protocole de Kyoto, dont le présent projet de loi vise à autoriser la ratification. Cet amendement représente une solution d’urgence pour préserver l’actuel protocole de Kyoto et, ainsi, maintenir une action collective internationale de lutte contre les changements climatiques.

La ratification de cet amendement s’impose aussi au regard de l’agenda international, puisque, à l’issue de la vingtième conférence sur le climat qui vient de s’achever à Lima, notre pays va devenir officiellement l’organisateur de la vingt et unième conférence mondiale, la COP 21. Dans cette perspective, il est évident que nous devons absolument être à jour de nos engagements internationaux en matière de lutte contre le changement climatique.

À propos de la conférence de Lima, je tiens à souligner qu’elle a accouché dans la douleur, après quinze jours de négociations prolongées de quarante-huit heures, d’un accord qui a profondément déçu les pays du Sud et les ONG. En effet, rien de ce qu’ils demandaient ne figure clairement dans le compromis adopté. Ainsi, s’agissant des contributions présentées par les pays, aucune avancée n’a pu être réalisée pour prendre en compte aussi bien le niveau d’atténuation des gaz à effet de serre que l’aide à l’adaptation et aux financements. Rien non plus sur la transparence et les aides technologiques, ni sur l’équité dans le partage des responsabilités en matière de réchauffement climatique !

En définitive, je crains que les maigres résultats de ces négociations n’aient pour effet d’aggraver ce que certains appellent la fracture Nord-Sud. De fait, la conférence de Lima a donné une nouvelle fois le spectacle d’un véritable affrontement entre les pays en développement et les pays industrialisés. Résultat : aucune des questions autour desquelles doit s’ordonner le futur accord de Paris n’a pu être précisée. Dans ces conditions, la signature en 2015 d’un accord universel, ambitieux et équitable, mais aussi légalement contraignant, ce qui est le gage de son efficacité, pour prendre le relais du protocole de Kyoto à partir de 2020 apparaît comme le terme d’un chemin semé d’embûches.

Monsieur le secrétaire d’État, je mesure toutes les difficultés qui vous attendent, et qui attendent notre diplomatie, pour réussir la conférence tant attendue de Paris. Pourtant, parvenir à un accord global et différencié est possible, à condition de faire prévaloir une vision véritablement solidaire du développement humain durable à l’échelle mondiale. Dans le cadre d’une telle vision, différente de celle qui a prévalu à Lima, la réduction des émissions de gaz à effet de serre de chaque pays doit tenir compte des réalités et des projets de développement de celui-ci.

Penser ce qu’on appelle parfois la société « post carbone » suppose d’avancer vers un mode productif apte à répondre aux défis technologiques, sociaux et écologiques de nos sociétés d’aujourd’hui : un modèle fondé sur la fin de l’obsolescence programmée, l’écoconception, l’économie solidaire et l’efficacité énergétique.

L’objectif de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés, s’il est accepté par tous…

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