Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sans doute serait-il assez tentant de considérer que la ratification de l’amendement au protocole de Kyoto est une formalité, voire que le présent débat est une perte de temps. En effet, depuis 1997, comme les orateurs précédents l’ont souligné, les résultats de ce protocole sont extrêmement limités. Il faut dire que, à l’époque, les pays développés ont pris des engagements minimes : je rappelle qu’il s’agissait de réduire de 5 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leurs niveaux de 1990. En outre, les États-Unis, premier émetteur mondial, n’ont pas souhaité ratifier le protocole. Pis, certains grands pays s’en sont très rapidement éloignés, voire y ont renoncé ; c’est en particulier le cas du Canada, du Japon et de la Nouvelle-Zélande. Quant à la Chine, n’étant pas directement liée par cet accord, elle a continué d’augmenter ses émissions.
Résultat : au cours de la période couverte par le protocole de Kyoto, les émissions de gaz à effet de serre ont crû de 54 %. Dans ces conditions, on pourrait être porté à conclure que le protocole n’a vraiment pas fait la preuve de son efficacité. Sans compter que la nouvelle période dans laquelle nous sommes entrés, qui s’étend de 2013 à 2020, est encore moins ambitieuse, puisque les pays engagés représentent seulement 15 % des émissions de gaz à effet de serre. De fait, cette fois encore, les principaux émetteurs, en particulier les États-Unis, la Chine, le Canada, la Russie et le Japon, ont fui leurs responsabilités.
Dès lors, nous savons que la ratification de l’amendement de Doha ne suffira pas pour que la trajectoire souhaitée de limitation des émissions soit respectée. Au contraire, des scénarios décrits par le GIEC dans son dernier rapport, c’est le pire qui semble avoir les plus grandes chances de se réaliser : une augmentation de 4, 8 degrés de la température moyenne d’ici à 2100. À Paris, pourrait-on penser, ce serait plutôt agréable… Seulement, il faut se rendre compte que, au cours de l’ère glaciaire, la température moyenne n’était inférieure que de 5 à 6 degrés par rapport à celle d’aujourd’hui. C’est dire si nous n’avons pas conscience des conséquences qu’entraîneront les changements climatiques !
Les pays développés font-ils preuve de cynisme ? Le fait est que la tentation de la résignation et du renoncement est aujourd’hui très forte, alimentée – disons-le clairement – par la puissance financière des lobbies pétroliers, qui ont été extrêmement actifs et efficaces dans le cadre des dernières négociations. Les projections montrent aussi que les pays les plus pauvres sont appelés à être les plus touchés. Or c’est oublier que nos pays le seront indirectement.
Aujourd'hui, l’Europe, qui est le seul continent réellement engagé, n’arrive pas à convaincre. D’abord, parce qu’elle a fait le choix d'être un nain diplomatique ; ensuite, parce qu’elle parle de l’exemplarité de sa responsabilité, quand elle devrait parler de l’exemplarité de son nouveau modèle de développement.
Nous pourrions être tentés de ne pas applaudir à la ratification de cet amendement. Au contraire, le groupe UDI-UC la souhaite avec ferveur. En effet, comme Jérôme Bignon l’a rappelé, c'est le seul instrument international juridiquement contraignant. Je suis d'ailleurs à peu près certaine que, si l’on devait aujourd'hui renégocier Kyoto, on ne parviendrait pas à l’accord qui a été trouvé en 1997 tant on assiste à une véritable régression de l’action à l’échelle internationale, en dépit des rapports du GIEC.
Si nous approuvons cette ratification, c’est parce que le protocole de Kyoto constitue l’un des derniers instruments multilatéraux. Or la tentation des accords régionaux est forte… Prenons l’exemple du dernier accord entre la Chine et les États Unis. Nous nous sommes tous sentis obligés d’applaudir, parce que, pour la première fois, ces deux pays prenaient des engagements. En réalité, c'est une attaque frontale contre le processus multilatéral, qu’il faut préserver coûte que coûte, sans quoi l’on ne parviendra pas à régler le problème du climat.
Si nous apportons notre soutien, c’est aussi parce que la COP 21 de Paris ne pourra être un succès que si nous créons une dynamique positive. La plupart des intervenants l’ont dit : il faut parvenir à une ratification à l’échelle internationale. Il faut donc que cet amendement passe, que toutes les petites pierres pouvant servir à paver la route conduisant à Paris soient posées avec optimisme.
Certes, à Lima, il y a eu un accord, mais a minima. Avec Jérôme Bignon, Hervé Maurey et Ronan Dantec, nous avons entendu des discours beaucoup plus durs et fermés qu’auparavant, notamment de la part des pays africains. Aujourd'hui, il faut donc trouver tout ce qui peut créer une dynamique positive. C'est pour cela que nous serions également favorables à des déclarations communes du Sénat avec d’autres Hautes Assemblées du monde. Nous sommes en effet les représentants des territoires. Or ce sont eux qui seront les plus touchés par ces changements climatiques, de même qu’ils seront les premiers à les combattre. N’oublions pas que, en politique, nous savons très bien transformer les petites pierres en œuvre d’art… Utilisons au maximum cette capacité !