Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 18 décembre 2014 à 9h30
Amendement au protocole de kyoto du 11 décembre 1997 — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

… mais je fais partie de ceux qui ont suivi les difficiles négociations nocturnes. Je n’ai pu parler qu’après les négociateurs, dimanche à trois heures du matin, juste avant de reprendre l’avion !

J’ai pu observer deux blocages, et non pas un seul, l’un de la part des pays en développement, à travers l’intervention du Soudan pour le groupe Afrique – comme l’a dit Chantal Jouanno, les Africains tiennent désormais un discours assez ferme –, l’autre de la part des pays émergents, avec l’intervention de la Malaisie – elle aussi très ferme. Contrairement à ce qu’on peut souvent lire, nous n’avons pas assisté à un affrontement classique Nord-Sud, pays de l’annexe II contre G77.

Il faut donc répondre à deux questions. La première, c’est celle du développement. Je l’ai dit, c'est l’Afrique qui a débloqué la négociation sur le climat à Durban. Aujourd'hui, elle n’est pas payée de retour. Le seul engagement de Copenhague, ce sont les 100 milliards de dollars par an pour le Fonds vert. Or ils sont encore très loin d'être réunis. On s'est réjoui des 10 premiers milliards, dont l’un provient de la France – c'était un engagement fort du Président Hollande –, mais c’est peu. D’ici à 2020, il faudra trouver vingt-cinq fois plus. Comment faire ?

Il faut tout d’abord augmenter les financements directs.

Les négociations sur le climat ressemblent souvent à un concours de la phrase la plus définitive - Jacques Chirac n’est pas le plus mauvais à ce jeu-là -, mais cela ne peut suffire. Notre responsabilité, en tant que parlementaires, est en effet engagée. Indépendamment de notre situation budgétaire, nous devrons voter, demain, une hausse des aides directes aux pays du Sud, sans quoi aucun accord ne sera envisageable sur le climat. Ce sera ainsi l’occasion de voir si les grandes phrases sont suivies d’effets…

Il faut ensuite trouver de nouveaux types de financement - Leila Aïchi a abordé le sujet en évoquant notamment les transactions financières –, et cela n’a rien de simple.

En adoptant aujourd’hui le projet de loi autorisant la ratification de l’amendement de Doha, nous permettrons que s’ouvre la deuxième période du protocole de Kyoto, qui, il ne faut pas l’oublier, contient un engagement de solidarité envers les pays du Sud. Celui-ci prend la forme d’un dispositif dénommé « mécanisme de développement propre » et est adossé au système européen de mise aux enchères des tonnes de CO2. Il m’est évidemment impossible d’expliquer en détail ce dispositif dans le court laps de temps qui m’est imparti, mais, si nous parvenons à retrouver de l’ambition en Europe, nous augmenterons le prix de la tonne de CO2 et, en conséquence, les financements de ce mécanisme de développement propre. Voilà l’un des éléments qui pourraient nous permettre de trouver les 100 milliards de dollars.

La seconde question à laquelle il faut répondre, c’est celle des pays émergents, qui diffère de celle des pays encore en développement. Comme ils l’ont réaffirmé avec force à Lima, en bloquant la négociation, les pays émergents appellent aujourd'hui au respect, conformément aux accords de Kyoto, du principe de la responsabilité commune mais différenciée. Comment fait-on évoluer les économies mondiales ? Comment fait-on converger celles des anciens pays développés et celles des pays émergents, dans le cadre contraint de la lutte contre le changement climatique ? Telles sont les questions auxquelles il faut tenter de répondre et, comme l’indiquait Jérôme Bignon, certains pays s’y emploient.

Le principe d’équité est donc au cœur du futur accord de Paris. Dans ce cadre, il faut identifier des pays médiateurs. La Suisse, par exemple, travaille sur des modélisations autour de la notion d’équité économique. Sans réponse à cette problématique, on ne pourra pas non plus trouver d’accord lors de la conférence de Paris.

J’en viens à une dernière idée importante, qui a déjà été évoquée : si nous voulons passer de la trajectoire d’augmentation de 3 degrés, sur laquelle nous placent les engagements connus à ce jour, à la trajectoire d’augmentation de 2 degrés que nous impose la communauté scientifique pour rester dans une zone tolérable pour nos sociétés – ce qui impliquera néanmoins des adaptations -, des dynamiques fortes doivent voir le jour au niveau des acteurs non étatiques.

Tout comme le sommet organisé, en septembre dernier, par Ban Ki-moon, la Lima Climate Change Conference, coprésidée par le Secrétaire général des Nations unies, le ministre français Laurent Fabius et le ministre péruvien, a été l’occasion de remettre en scène ces acteurs non étatiques : les entreprises, les citoyens, notamment à travers les ONG, ou encore les collectivités territoriales, que je représente dans le cadre de ces négociations internationales. Cette dynamique des acteurs non étatiques doit aussi être très présente lors de la conférence de Paris, laquelle devra permettre de rendre crédible une trajectoire limitant le réchauffement à 2 degrés. Or, nous le savons déjà, les engagements des États n’y suffiront pas !

Nous disposons donc aujourd'hui d’un brouillon, d’un draft text pour reprendre le langage onusien – j’emploierai pour ma part le terme « esquisse » pour poursuivre ma métaphore précédente -, et nous connaissons, en conséquence, les quatre piliers d’un éventuel futur accord de Paris : une ambition européenne, d’où l’importance d’adopter le projet de loi autorisant la ratification de l’amendement de Doha ; une réponse forte, et crédible en termes financiers, face aux enjeux du développement ; une définition partagée d’un principe d’équité, tendant à rapprocher anciens pays développés et pays émergents autour d’une vision commune d’une régulation économique mondiale ; un soutien aux initiatives des acteurs non étatiques. Ce sont autant d’éléments qui conditionneront l’obtention d’un accord ambitieux à Paris !

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