Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous parvenons aujourd’hui au terme de l’examen du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises. La commission mixte paritaire, en effet, a finalement approuvé un texte commun au Sénat et à l’Assemblée nationale. Au départ, ce résultat semblait peu probable, si l’on se réfère aux débats animés, et parfois tendus, auxquels nous avons assisté lors de la discussion du texte en séance publique. À ce stade, peu d’entre nous auraient pronostiqué une issue consensuelle.
Cet accord, que je salue, et qui a requis des concessions importantes de part et d’autre, prouve que, sur des dispositions concrètes, même si elles sont sans doute d’importance inégale, il est possible de trouver des voies de dialogue entre l’Assemblée nationale et le Sénat et de faire œuvre de co-production législative en bonne intelligence.
Cette qualité de dialogue et ce travail constructif sont dus en particulier aux rapporteurs de la commission mixte paritaire, Mme Sophie Errante pour l’Assemblée nationale et M. André Reichardt pour le Sénat, dont je veux souligner, au terme de ce parcours législatif, la capacité à allier à la fois la ténacité et l’effort de conciliation pour aboutir à un texte commun, qui fait œuvre de simplification.
Ce résultat est heureux ; comment ne pas souscrire en effet à une démarche de simplification concernant la vie des entreprises ? Avant d’en arriver là, nous avons dû néanmoins surmonter quelques obstacles.
Le premier portait sur la nature même du texte, qui semblait bien pâle au regard du fameux « choc de simplification » annoncé depuis plus de deux ans. Ce projet de loi de simplification, comme j’ai eu l’occasion de le souligner lors du débat en séance publique, restait tout à fait classique par rapport à ses prédécesseurs : un texte autorisant le Gouvernement, dans des domaines extrêmement variés, à recourir aux ordonnances, procédure à laquelle nous sommes toujours, par principe, assez réticents, parce qu’elle dessaisit le législateur. Il nous paraît possible de procéder autrement, effectivement, comme l’illustrent les améliorations apportées par le Sénat, qui a substitué des dispositions législatives directes – par exemple pour le prélèvement SEPA – à une habilitation par ordonnance contenue dans le texte présenté initialement par le Gouvernement.
Le deuxième obstacle résidait dans le côté fourre-tout de ce projet de loi de simplification qui en fait un véritable catalogue hétéroclite de mesures concernant aussi bien le code rural et de la pêche maritime que le code général des impôts, le code du travail, le code forestier, le code de l’énergie, le code de la santé publique, le code de l’urbanisme, et j’en passe. Ajoutons que le titre du projet de loi n’est pas en adéquation avec son contenu, puisque le texte touche en fait aussi bien les particuliers et les collectivités que les entreprises. Tout cela nuit bien évidemment à la lisibilité de la future loi, ce qui est pour le moins paradoxal lorsqu’on veut faire œuvre de simplification.
Le troisième obstacle concernait les points de désaccord entre le Gouvernement, sa majorité à l’Assemblée nationale et le Sénat. Je reviendrai brièvement sur deux d’entre eux, qui ont donné lieu à de longs débats dans cet hémicycle.
Il s’agissait, en premier lieu, du compte personnel de prévention de la pénibilité, mesure phare de la réforme des retraites, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et même suscité quelques manifestations. Comme vous le savez, mes chers collègues, Olivier Cadic avait déposé un amendement tendant à la suppression de ce dispositif, afin d’en concevoir une mise en œuvre plus simple.
Si la nécessité de la prise en compte des conséquences de la pénibilité en matière de santé ne fait pas de doutes et doit se traduire par un système de compensation, le mécanisme retenu entraîne une complexité excessive de la gestion des entreprises, en particulier des PME.
Le Gouvernement ne semblant pas opposé à concéder à l’avenir quelques assouplissements, nous avons obtenu qu’il remette au Parlement d’ici au 30 juin 2015 un rapport sur la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité.
En second lieu, nous avons constaté une approche totalement différente, entre les deux chambres, sur une mesure de simplification que le Sénat aurait voulu introduire : l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’une entreprise de moins de 250 salariés.
En son temps, le groupe UDI-UC avait demandé la suppression de ce droit d’information lors de l’examen du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, et avait déposé un amendement en ce sens. Nous estimons que cette traduction législative, dérivée d’une promesse présidentielle présentée au cours de la campagne électorale, s’avère complexe et même contraire aux objectifs partagés par tous pour assurer la pérennité des entreprises. En effet, on peut difficilement concilier le droit de propriété, le principe d’égalité, la liberté d’entreprendre et une forme de droit de préemption au seul bénéfice des salariés d’une entreprise.
Ce dispositif contenu dans la loi votée cette année est susceptible, par non-respect de la discrétion ou de la confidentialité, de mettre en péril la transmission ou la cession d’une entreprise. La révélation de certaines informations est à même de faire échouer des négociations ou de fragiliser une entreprise à l’égard de ses partenaires, tels ses clients, ses fournisseurs ou ses banquiers.
Le Gouvernement lui-même ne semble pas totalement convaincu de la portée effective et de la pertinence de ce dispositif. Le groupe UDI-UC suivra donc avec attention les décrets d’application de cette loi.
Au-delà de ces sujets, qui ont cristallisé quelques tensions, un large consensus doit être relevé sur une cinquantaine de mesures, parmi lesquelles une précision qui permet de régler une insécurité juridique liée aux dispositions relatives au travail à temps partiel, une mesure permettant de réduire le nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes, l’assouplissement de certaines contraintes du droit des sociétés, la mise en place d’un régime de conservation identique pour les factures numériques et papier, et la suppression ou la simplification des régimes d’autorisation préalable remplacés par des régimes déclaratifs.
Bien entendu, une telle orientation ne doit pas conduire à une dégradation de la professionnalisation dans certains secteurs. Je pense, en particulier, aux guides conférenciers, déjà évoqués par M. le rapporteur, qui nous ont fait part de leurs inquiétudes eu égard à l’application du présent texte, et auxquels il serait bon, monsieur le secrétaire d'État, de donner quelques assurances sur le système envisagé.
Enfin, pêle-mêle, je salue la volonté d’harmonisation de la notion de jours en droit du travail, la pérennisation du contrat à durée déterminée à objet défini, l’encadrement du portage salarial, l’extension de la procédure de rescrit au droit du travail, la simplification des déclarations des honoraires ou commissions, et la mise en place de guichets uniques de déclaration des paiements de cotisations et contributions de protection sociale.
Par ailleurs, pour ce qui concerne les collectivités, je note l’article 27, qui vise à simplifier, certes de manière partielle, le droit de la commande publique ou encore la validation des autorisations de mandat en cours.
Tous ces points constituent incontestablement des avancées. Les membres du groupe UDI-UC voteront donc le texte élaboré par la commission mixte paritaire et suivront avec attention les ordonnances qui seront prises dans la foulée de son adoption. Nous invitons le Gouvernement à en tenir informé les assemblées.
Cela étant, dans un monde hyper complexe, la simplification est une démarche difficile dès lors qu’elle dépasse le stade de l’incantation ou de l’effet d’affichage. Elle demande une forte volonté politique et sans doute, dans notre pays, un changement de méthode, afin que le « choc de simplification » annoncé à maintes reprises devienne, enfin, une réalité concrète.
Pour tendre vers cet objectif, il semble indispensable de passer de l’actuelle simplification parcellaire et horizontale à une simplification plus en profondeur qui s’inscrirait dans le temps, pour éviter les multiples changements législatifs, source d’incertitudes, mais aussi de coûts supplémentaires pour les entreprises, notamment pour les plus petites d’entre elles, afin d’introduire davantage de stabilité et de lisibilité.
Les entreprises ont besoin de se projeter dans la durée et de consacrer l’essentiel de leur énergie à créer de la richesse, et non à s’adapter en permanence à de nouvelles règles ou contraintes.
Monsieur le secrétaire d'État, ne serait-il pas plus productif de procéder à un toilettage global de chaque domaine législatif, comme l’a d’ailleurs demandé M. le rapporteur, en les prenant un par un, et d’avoir ainsi le courage de s’attaquer aux sujets les plus essentiels ?
Aussi, nous vous invitons à changer de méthode et vous demandons de nous proposer à l’avenir des textes mieux ciblés, lisibles, cohérents et portant sur un même sujet, afin d’accélérer la simplification indispensable à l’émergence dans notre pays d’administrations plus performantes et d’entreprises plus compétitives.