Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, madame le rapporteur, mes chers collègues, ce texte nous rassemble cet après-midi au-delà de nos clivages politiques, afin de protéger davantage nos artistes, nos auteurs ainsi que les biens culturels de notre pays reconnus comme trésors nationaux.
En matière d’harmonisation et de reconnaissance des droits culturels, la France joue bien souvent un rôle moteur au sein de l’Union européenne. Aussi est-il particulièrement regrettable que le Gouvernement ait tant tardé à transposer les trois directives que nous examinons cet après-midi.
La procédure accélérée a dû être engagée, car la première directive relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins, qui avait été adoptée le 12 septembre 2011, devait être transposée au plus tard le 1er novembre 2013.
La Commission européenne a adressé à la France un avis motivé le 10 juillet dernier, la plaçant sous la menace d’une procédure d’infraction. Le Gouvernement doit donc réagir rapidement s’il ne veut pas être condamné au versement de plusieurs millions d’euros par la Cour de justice de l’Union européenne, ce qui serait fort regrettable.
Ce retard entraîne par ailleurs plusieurs conséquences dommageables : la procédure a bousculé le calendrier parlementaire ; les rapporteurs, surtout à l’Assemblée nationale, ont manqué de temps pour procéder aux auditions.
Sur le plan juridique, cette transposition tardive crée une situation compliquée, car elle a un effet rétroactif en matière civile pour la période courant entre le 1er novembre 2013 et la date de promulgation de la loi.
Enfin, sur le plan éthique, je pense qu’il serait temps que nos auteurs bénéficient du régime protecteur que l’Union européenne a mis en place pour eux. Le retard pris est peu respectueux de leurs attentes.
La directive du 12 septembre 2011 permet d’allonger de vingt ans la protection dont bénéficient aujourd’hui les artistes interprètes dans le domaine de la musique.
En France, la durée de protection des droits de ces artistes, qui débutent leur carrière de plus en plus jeunes, n’est plus en adéquation avec la réalité. Aujourd’hui, un artiste-interprète découvert à vingt ans peut exercer ses droits patrimoniaux jusqu’à ses soixante-dix ans, puisque notre droit a prévu une durée de protection de cinquante ans ; ensuite, ses droits s’arrêtent, alors qu’il a bien souvent cessé toute activité et peut se trouver dans une situation financière difficile.
Il s’agit donc de protéger les artistes-interprètes plus longtemps, en portant leur protection de cinquante à soixante-dix ans, puisque l’espérance de vie en Europe est maintenant de soixante-quinze ans pour les hommes et de quatre-vingt-un ans pour les femmes.
Cette disposition est d’autant plus juste qu’elle va permettre d’aligner la durée de protection des droits des artistes-interprètes sur celle qui est déjà accordée aux auteurs.
Je me réjouis également de l’extension de la protection aux producteurs de phonogrammes, autres titulaires de droits voisins, ce qui contribuera à soutenir le secteur musical, donc la création et la découverte de nouveaux talents.
Toutefois, les producteurs nous ont fait part de leur inquiétude, le droit à une rémunération supplémentaire créé par le projet de loi étant particulièrement large.
Concernant cette question de la rémunération, madame la ministre, l’étude d’impact ne dit rien de la portée du dispositif sur les marges des producteurs. La rémunération supplémentaire de 20 %, ajoutée à la rémunération proportionnelle de 6 % déjà prévue par convention collective, ne menace-t-elle pas leur équilibre économique ? Je souhaiterais vous entendre sur ce sujet, madame la ministre.
Deuxième texte transposé, la directive du 25 octobre 2012 permettra aux bibliothèques et établissements d’enseignement, musées, services d’archives, d’utiliser des œuvres orphelines pour accomplir leurs missions d’intérêt public sans risquer de violer le droit d’auteur.
Les œuvres orphelines trouveront en quelque sorte une famille adoptive qui permettra leur préservation et leur diffusion. Il s’agit d’une étape nécessaire pour favoriser l’accès du public aux œuvres des collections publiques et participer au développement de bibliothèques numériques.
Le présent texte permet une bonne articulation de ce dispositif avec celui qui a été instauré par la loi du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle, car un livre indisponible peut également être une œuvre orpheline.
Toutefois, on peut s’interroger, avec Mme le rapporteur, sur la portée réelle du dispositif appelé à gérer les œuvres orphelines.
Les « recherches diligentes » restent lourdes à effectuer, et, en cas de réapparition d’un titulaire de droits, celui-ci peut réclamer une compensation équitable au titre du préjudice qu’il aura subi du fait de l’utilisation de l’œuvre, ce qui risque d’être dissuasif.
Madame la ministre, nous manquons déjà de données quant aux effets de la loi de 2012 que je viens de citer, adoptée sur une initiative de notre collègue Jacques Legendre et du député Hervé Gaymard. Aussi souhaiterais-je savoir si vous disposez de chiffres concernant les œuvres orphelines susceptibles d’être concernées.
Enfin, je ne dirai que quelques mots sur le troisième sujet traité par le projet de loi, celui de la restitution de biens nationaux ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre, en application de la directive du 15 mai 2014. Il s’agit d’améliorer le dispositif actuel, fondé sur une directive de 1993 qui témoigne d’une efficacité limitée.
En inversant la charge de la preuve et en repoussant les limites des délais d’action des États plaignants, le texte facilite le rapatriement vers son pays d’origine d’un trésor national acquis illégalement, ce qui va dans le sens d’une meilleure protection du patrimoine de chaque État membre et d’une lutte plus efficace contre le trafic des biens culturels.
Considérant le peu de temps dont elle a disposé et la complexité des trois sujets traités, je tiens à féliciter particulièrement Mme le rapporteur, Colette Mélot, pour la qualité de son travail qui a permis de dresser un état des lieux détaillé sur les trois problématiques ici traitées et d’améliorer encore la rédaction du projet de loi.
Les membres du groupe UMP apporteront bien évidemment leur soutien à ce texte de transposition de directives, car il va dans le bon sens : la protection de la création et de notre patrimoine culturel.