Séance en hémicycle du 18 décembre 2014 à 14h45

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à treize heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, lors de sa dernière réunion, qui s’est tenue le 10 décembre dernier, la conférence des présidents avait décidé de laisser en suspens la question de l’ouverture de la séance le vendredi 16 janvier 2015 et de confier au Sénat le soin d’en décider ultérieurement, en fonction du nombre d’amendements déposés sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Or plus de 1 000 amendements ont été déposés sur ce texte.

Il paraît donc préférable d’ouvrir la séance du vendredi 16 janvier 2015, le matin, l’après-midi et le soir.

L’ordre du jour du vendredi 16 janvier 2015 s’établit donc comme suit :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

Suite du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Il n'y a pas d’observation ?...

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, je veux, au nom du Sénat tout entier et en mon nom personnel, rendre un hommage particulier au directeur général des missions institutionnelles, Philippe Cérez, qui quittera ses fonctions dans les tout premiers jours de 2015, au terme d’une carrière de près de trente-huit années au service de l’institution du Sénat. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la ministre se lèvent.)

Je tiens à saluer la loyauté et l’engagement sans faille de ce haut fonctionnaire en faveur du Sénat et du Parlement, auquel il aura consacré toute sa vie professionnelle : il l’a fait tout d’abord comme administrateur, mais aussi comme directeur-adjoint du cabinet du président Alain Poher, qui m’a accueilli lorsque j’étais jeune sénateur, puis comme directeur de cabinet d’un ministre chargé des relations avec le Parlement et comme conseiller de plusieurs ministres.

Dans ses affectations, singulièrement quand il était directeur de la communication, puis directeur de la législation et du contrôle, et dans sa mission de coordination des directions des missions institutionnelles, Philippe Cérez s’est comporté en très grand professionnel, toujours soucieux d’assurer la qualité des travaux de la Haute Assemblée et de promouvoir l’image de cette institution auprès de tous les publics.

Au moment où il s’apprête à prendre une retraite bien méritée, je tiens, au nom du Sénat et de tous mes prédécesseurs, à le remercier et à l’assurer de notre reconnaissance pour le travail qu’il a accompli.

Je sais aussi qu’il a à cœur de faire vivre l’expérience, la mémoire et la volonté du président Poher, puisqu’il assure le secrétariat général de l’association qui perpétue l’action de celui qui fut un grand défenseur de notre institution. Je tiens à le rappeler, en ces temps où nous devons démontrer que le bicamérisme est essentiel à notre République.

Nous lui souhaitons bonne chance dans sa nouvelle vie. Merci, monsieur Cérez ! §

M. Jean-Pierre Caffet remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Lors du scrutin n° 80 de ce matin sur l'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, je souhaitais voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, lors du scrutin n° 80, je souhaitais, moi aussi, voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel (projet n° 119, texte de la commission n° 173, rapport n° 172).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de loi a pour objet de transposer en droit français trois directives communautaires : la directive du 27 septembre 2011 relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins, la directive du 25 octobre 2012 sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines et la directive du 15 mai 2014 relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre.

Le contenu de ces directives étant essentiellement technique, le Gouvernement a fait le choix de transposer celles-ci par le biais d’une loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne.

Le choix d’un tel vecteur législatif se justifie également au regard du retard pris dans la transposition des deux premières directives. Pour remédier à cette situation a été retenue une procédure d’examen très rapide, à laquelle la Haute Assemblée, très sensible au respect de l’exigence de transposition, a bien voulu apporter son concours, en examinant, dans un délai très resserré, un texte technique et complexe.

La directive 2011/77/UE devait être transposée au plus tard le 1er novembre 2013. Les autorités françaises ne l’ayant pas informée des dispositions prises pour s’y conformer, la Commission européenne leur a adressé un avis motivé le 10 juillet dernier. En l’absence de transposition rapide de cette directive, la France pourrait donc faire l’objet d’un recours en manquement devant la Cour de justice de l’Union européenne et se voir infliger une sanction pécuniaire équivalant à une somme forfaitaire d’une dizaine de millions d’euros et à des astreintes s’élevant à plusieurs centaines de milliers d’euros par jour.

Le retard de transposition de la directive 2012/28/UE est moindre, puisque celle-ci devait être transposée avant le 29 octobre dernier. Néanmoins, il expose lui aussi la France à une condamnation pécuniaire dans les prochains mois.

Compte tenu de cette situation, le projet de loi transpose également la directive 2014/60/UE, afin de respecter l’échéance de sa transposition, fixée au 18 décembre 2015.

En présentant le présent projet de loi, j’entends veiller au respect des exigences européennes qui s’imposent au ministère de la culture et de la communication. Ce texte est évidemment fondamental non seulement pour faire aboutir la transposition de textes attendus sur le fond, mais aussi pour assurer la pleine crédibilité de la France à propos des sujets européens relevant de la culture et du droit d’auteur, pour lesquels l’agenda des prochaines années sera lourd et important.

La première partie du projet de loi transpose la directive du 27 septembre 2011 relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins.

La durée des droits de l’ensemble des titulaires de droits – auteurs, artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes et entreprises de communication audiovisuelle – est harmonisée depuis une directive du 29 octobre 1993 relative à cette question.

La directive de 2011 allonge la durée de protection des droits voisins dans le secteur musical en la portant de cinquante à soixante-dix ans. Cette extension se justifie par une série de raisons, qui tiennent tant à l’équité qu’à la préservation de la diversité culturelle et à la compétitivité du marché européen.

Compte tenu de la contribution essentielle des artistes-interprètes à la création, il est inéquitable que ceux d’entre eux qui ont commencé leur carrière très jeune se voient privés de toute rémunération au titre de leurs premiers enregistrements. La durée de vie des artistes s’allonge, et des pans entiers du fonds de catalogue des années cinquante et soixante représentant une part très significative du patrimoine national dans le domaine des variétés tombent progressivement dans le domaine public, alors même que les interprètes sont encore vivants et que les enregistrements continuent d’être exploités.

L’allongement de la durée de protection est également nécessaire en termes de diversité culturelle, de renouvellement de la création et de financement de la filière musicale. De ce fait, les artistes-interprètes musiciens bénéficieront d’une source de revenus supplémentaire tout au long de leur vie. En outre, les producteurs de phonogrammes disposeront d’une capacité nouvelle pour financer de nouveaux talents et s’adapter à la diffusion dématérialisée.

Le projet de loi prévoit trois mesures destinées à garantir que les artistes-interprètes bénéficieront bien des effets de l’allongement des droits.

La première mesure instaure une obligation pour les producteurs d’exploiter les phonogrammes pendant la durée supplémentaire de protection, sous peine de perte définitive des droits. Ce dispositif permet aux artistes-interprètes de récupérer leurs droits dans l’hypothèse où le producteur ne commercialise pas leurs enregistrements pendant la période de protection additionnelle. De cette façon, l’artiste pourra soit trouver un autre producteur prêt à commercialiser sa musique, soit la commercialiser par lui-même – par exemple, par le biais d’internet.

La deuxième mesure prévoit que les musiciens de studio, qui sont le plus souvent rémunérés sur une base forfaitaire et dont les rémunérations n’augmentent pas avec le succès de l’enregistrement, bénéficient d’un droit à un paiement annuel financé par les producteurs de phonogrammes, lesquels sont tenus de verser au moins une fois par an 20 % des recettes provenant de l’allongement des droits.

Afin que cette disposition n’entraîne pas de charge disproportionnée et pour préserver les labels indépendants, le projet de loi en exempte certains producteurs considérés comme moyens ou petits, dans certaines conditions.

La troisième mesure a pour objet d’interdire au producteur d’artistes dont le contrat prévoit une rémunération proportionnelle de retrancher les avances ou déductions définies contractuellement au-delà de la période initiale de protection de cinquante ans, afin que ces artistes bénéficient réellement de l’augmentation de la durée des droits voisins.

La deuxième partie du projet de loi transpose la directive du 25 octobre 2012 sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines.

Les technologies numériques créent de nouvelles opportunités pour l’exploitation d’œuvres anciennes, parfois oubliées de tous et ne faisant plus l’objet d’exploitation commerciale. Ces dernières années, cette évolution a entraîné l’apparition de projets de numérisation à grande échelle, dont certains visent à mettre en ligne gratuitement un très grand nombre d’œuvres sans garantir la rémunération des auteurs et d’autres à sauvegarder notre patrimoine culturel et à permettre son accès à tous, dans le respect de la propriété littéraire et artistique.

La directive du 25 octobre 2012 et le présent projet de loi, qui tend à la transposer, s’inscrivent dans cette seconde voie, en sécurisant les autorisations d’exploitation des œuvres orphelines, c’est-à-dire des œuvres pour lesquelles aucun auteur ne peut être identifié ou localisé à l’issue d’une recherche diligente, avérée et sérieuse, sans fragiliser la propriété littéraire et artistique.

Le texte que nous examinons ce jour permet ainsi aux bibliothèques, aux musées, aux services d’archives et aux organismes similaires mobilisés sur des objectifs d’intérêt public tels que l’éducation ou la préservation et la diffusion du patrimoine culturel de reproduire des œuvres orphelines et de les mettre à la disposition du public en toute légalité.

Il précise le champ des œuvres concernées : il s’agit des œuvres publiées sous la forme de livres, de revues, de journaux, de magazines ou d’autres écrits, ainsi que des œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Concrètement, il reviendra aux institutions bénéficiaires, si elles le souhaitent, de procéder aux recherches appropriées, via, entre autres, la consultation de bases de données, pour pouvoir mettre en ligne l’œuvre reconnue comme orpheline, une fois l’absence d’identification ou de localisation des titulaires de droits établie.

Afin de préserver les intérêts des titulaires de droits, le projet de loi précise la nature des recherches qui devront être menées avant de déclarer une œuvre orpheline et encadre précisément les modalités d’exploitation des œuvres de cette nature, notamment en excluant tout usage commercial et en préservant les droits moraux de leurs auteurs.

Ce texte définit également les conditions dans lesquelles un titulaire de droits sur une œuvre déclarée orpheline peut se manifester auprès de l’organisme exploitant cette œuvre pour lui demander de cesser cette exploitation et de lui verser une compensation équitable du préjudice que celle-ci lui a fait subir.

La troisième partie du projet de loi transpose la directive du 15 mai 2014 relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre.

Dès son origine, l’Union européenne a envisagé la possibilité pour les États membres de protéger leur patrimoine, notamment en leur donnant la possibilité, prévue dès le traité de Rome, d’édicter des mesures de restriction de circulation pour les biens culturels qu’ils considéraient comme des « trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ». Cet objectif de protection rejoint la nécessité de lutter contre le trafic de biens culturels, dont le développement est devenu préoccupant au plan tant européen que mondial.

Après l’ouverture du marché unique européen, le 1er janvier 1993, l’Union européenne s’est dotée de deux instruments complémentaires concernant la protection des biens culturels : un règlement instituant un dispositif de contrôle à l’exportation à la sortie du territoire de l’Union européenne et une directive permettant aux États membres de se voir restituer leurs trésors nationaux ayant quitté illicitement leur territoire et ayant été retrouvés sur le territoire d’un autre État membre.

Pour ce qui concerne la directive relative à la restitution, les rapports réguliers établis par la Commission européenne à partir des informations fournies par les États membres depuis 1993 ont fait apparaître une efficacité limitée. Ce constat a conduit la Commission à entamer un processus de refonte destiné à améliorer le texte initial.

L’instrument révisé qui en résulte entend mieux garantir la restitution par un État membre de tout bien culturel considéré comme un trésor national ayant quitté illicitement son territoire après le 1er janvier 1993.

Pour atteindre cet objectif, le projet de loi transpose les points nouveaux introduits par la directive du 15 mai 2014. Il prévoit l’allongement du délai destiné à permettre aux autorités de l’État membre requérant de vérifier la nature du bien culturel trouvé dans un autre État membre et le porte de deux à six mois. Il vise également à allonger le laps de temps accordé pour exercer l’action en restitution, qui est porté de un à trois ans.

La directive révisée ayant un champ d’application désormais limité aux trésors nationaux, selon la définition retenue dans chaque État membre, à l’exclusion de tout autre critère, le projet de loi représente une occasion légitime d’insérer dans le code du patrimoine une définition plus précise de la notion de trésor national. Cette définition, qui continue à inclure notamment les œuvres des collections des musées de France et les objets mobiliers classés monuments historiques, vise aussi désormais, de manière explicite pour éviter toute ambiguïté préjudiciable en termes de protection patrimoniale, les biens relevant du domaine public, au sens du code général de la propriété des personnes publiques, et les archives publiques.

Enfin, en totale conformité avec la directive révisée, le projet de loi tend à appliquer en droit interne, dans le seul cas de demande d’indemnités, le transfert de la charge de la preuve au possesseur du bien culturel en cause. Dans cette perspective, il introduit des critères communs pour interpréter de manière harmonisée la notion de diligence requise de l’acquéreur au moment de l’achat.

Il est ainsi espéré que la directive susvisée conférera une protection plus efficace aux biens faisant partie de l’héritage culturel des États membres et contribuera à la prévention du trafic illicite de biens culturels et à la lutte contre ce phénomène.

Avant de conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de saluer le travail de qualité effectué par Mme la rapporteur, Colette Mélot, qui a conduit à trois modifications. Pour deux d’entre elles, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée. Quant à la troisième, elle méritera sans doute un réexamen.

La rédaction de l’alinéa 9 de l’article 2 a ainsi été précisée pour ce qui concerne l’assiette de la rémunération annuelle supplémentaire due aux artistes-interprètes dont le contrat prévoit une rémunération sur une base forfaitaire.

L’article modifié reprend désormais strictement la terminologie de la directive « Durée » à propos de la mise à la disposition du public et supprime de l’assiette servant de base au calcul de la rémunération le droit de location.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a également souhaité que la société de perception et de répartition des droits chargée de percevoir pour l’artiste-interprète la rémunération annuelle supplémentaire puisse, au même titre que les artistes, demander un état des recettes provenant de l’exploitation du phonogramme aux fins d’obtenir toutes les informations utiles pour calculer précisément le montant de la rémunération due.

Enfin, Mme la rapporteur a proposé de revenir sur la mesure adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale et instaurant une durée maximale de cinq ans au cours de laquelle l’organisme exploitant une œuvre orpheline pourra répercuter les coûts entraînés par la numérisation et la mise à la disposition du public. L’amendement déposé en ce sens a été adopté par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Si je comprends l’esprit de la démarche, je ne partage pas totalement la volonté de remettre en cause la disposition introduite par l’Assemblée nationale, par le biais d’un amendement déposé par Mme Attard et sur lequel le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de l’assemblée. Néanmoins, je ne doute pas que nous puissions arriver à une écriture de compromis, compte tenu de l’esprit très constructif des débats qui se sont déroulés au sein des deux assemblées.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi transpose trois directives européennes dans les domaines de la propriété littéraire et artistique, ainsi que du patrimoine.

Au travers de ces dispositions, l’Union européenne témoigne de son intérêt pour la culture. Elle épouse la conception française selon laquelle la culture doit être encadrée pour être protégée, et ce davantage encore dans un contexte de mondialisation économique et culturelle. Ces mesures rejoignent les politiques françaises en matière d’aide à la création, de démocratisation culturelle et de protection du patrimoine.

Je déplore le retard pris par le Gouvernement dans la transposition de ces textes, même si je sais, madame la ministre, que vous n’êtes pas responsable de cette situation. Je rappelle que le délai de transposition de la directive relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins s’est éteint au 1er novembre 2013, tandis que celui de la directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines a expiré le 29 octobre dernier. Ce retard oblige le législateur à imposer la rétroactivité de certaines mesures, notamment en matière d’allongement de la durée des droits voisins dans le domaine musical.

Malgré un agenda très contraint, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est attachée, tout au long de la procédure, à travailler dans le respect des exigences habituelles du travail parlementaire. Elle a recueilli auprès de l’ensemble des acteurs concernés un grand nombre de contributions écrites. Les travaux ainsi menés l’ont conduite à adopter trois amendements, afin, d’une part, de rendre le présent projet de loi plus conforme aux directives qu’il transpose, et, d’autre part, d’assurer l’effectivité du droit interne ainsi modifié. J’y reviendrai dans quelques instants.

Le titre Ier du présent projet de loi transpose la directive du 27 septembre 2011, qui porte de cinquante à soixante-dix ans la durée de protection de certains droits voisins, c’est-à-dire ceux des artistes-interprètes et des producteurs du seul secteur de la musique. Il s’agit de tirer les conséquences de l’allongement de la durée de vie des artistes, souvent en situation précaire. En effet, la durée de protection actuelle est telle que les enregistrements tombent dans le domaine public, alors que les artistes sont toujours vivants et rencontrent des difficultés économiques.

Afin que les artistes-interprètes tirent effectivement profit de l’allongement de la durée de protection des droits voisins, deux séries de mesures d’accompagnement sont prévues. D’une part, le texte oblige les producteurs à exploiter les phonogrammes pendant la période supplémentaire de protection. À défaut, les artistes-interprètes peuvent récupérer leurs droits pour trouver un autre producteur ou commercialiser eux-mêmes l’enregistrement. D’autre part, le texte prévoit le versement d’un complément de rémunération pour les artistes-interprètes, lequel s’élève à 20 % des recettes provenant de l’allongement des droits.

La commission a modifié le texte qui lui était soumis en adoptant deux amendements, afin de mieux prendre en compte la directive, dont le considérant 13 exclut expressément les recettes issues de la location de la base de calcul de la rémunération, tandis que l’article 2 quater évoque « la mise à disposition » du phonogramme et non la « communication au public ». Le second amendement visait à mieux garantir le versement effectif de ce revenu supplémentaire et à prévoir que la société de perception et de répartition des droits, la SPRD, chargée de percevoir la rémunération de l’artiste-interprète puisse demander au producteur un état des recettes, afin d’évaluer le juste niveau de rémunération due.

Je le précise, la rédaction que la commission a retenue est très claire : la demande d’informations pourra être formulée non pas pour n’importe quel artiste, mais simplement pour celui dont la SPRD doit percevoir la rémunération. Sans qu’il soit besoin de prévoir un mandat spécifique, qui serait matériellement impossible à mettre en œuvre pour tous les bénéficiaires de la répartition des droits, je pense que le décret précisant les conditions d’agrément des SPRD devra bien rappeler ce point. Je relaie ainsi la préoccupation de certains de mes collègues, notamment Mme Lopez et M. Kern. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour que cette condition soit bien prise en compte pour établir les règles de délivrance et de retrait de l’agrément.

Par ailleurs, je rappelle qu’un régime d’exemption est prévu pour les « petits » producteurs qui emploient moins de dix personnes et réalisent un chiffre d’affaires annuel inférieur à 2 millions d’euros.

Enfin, je tiens à souligner la question de la rétroactivité posée par l’article 7 du présent projet de loi. En effet, conformément à la directive, seuls les phonogrammes encore protégés au 1er novembre 2013, c'est-à-dire qui ne sont pas tombés dans le domaine public, bénéficieront du nouveau régime de protection. La directive est très claire s’agissant de la date d’entrée en vigueur, qui est fixée au 1er novembre 2013 au plus tard. Le retard que la France a pris pour transposer cette directive entraînera donc un effet rétroactif pour les enregistrements tombés dans le domaine public entre le 1er novembre 2013 et l’entrée en vigueur de la loi qui résultera de l’adoption du présent texte. La rétroactivité ne s’applique pas dans le domaine pénal, mais elle paraît inéluctable si nous voulons éviter que la France ne soit condamnée à payer de lourdes pénalités, ce qu’elle ne peut certainement pas se permettre dans le contexte actuel de crise des finances publiques.

J’en viens maintenant au titre II du projet de loi, qui transpose dans le code de la propriété intellectuelle les dispositions de la directive 2012/28/UE du 25 octobre 2012 sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines.

Une œuvre dite « orpheline » est une œuvre divulguée et protégée par des droits d’auteurs ou des droits voisins dont il n’est pas possible d’identifier ou de trouver les titulaires.

Sans titulaire des droits à même de donner l’autorisation préalable, il est impossible de mettre ces œuvres à disposition du public sous forme numérique, dans le cadre d’une bibliothèque ou d’archives accessibles sur internet. La directive instaure un régime spécifique d’exploitation de ces œuvres qui permet aux organismes poursuivant des objectifs d’intérêt public en matière culturelle, éducative et de recherche de les numériser et de les mettre à la disposition du public, dans un but exclusivement non lucratif.

Afin de ne pas porter d’atteinte excessive aux droits d’auteurs, la directive encadre strictement le régime d’exploitation des œuvres orphelines.

Son champ d’application s’étend aux œuvres écrites et aux œuvres audiovisuelles ou sonores, y compris les phonogrammes et vidéogrammes publiés dans un État membre de l’Union. De plus, les organismes bénéficiaires sont limitativement énumérés par la directive : il s’agit des bibliothèques, des établissements d’enseignement, des musées accessibles au public, des services d’archives, des institutions dépositaires du patrimoine cinématographique ou sonore, ainsi que des organismes de radiodiffusion de service public.

Afin d’éviter le classement abusif d’une œuvre protégée en tant qu’œuvre orpheline, la directive précise les exigences liées aux « recherches diligentes, avérées et sérieuses » que doivent mener les organismes bénéficiaires, en prévoyant notamment une liste minimale de sources devant être consultées. Le caractère diligent et sérieux des recherches est d’autant plus impérieux que le statut d’œuvre orpheline fait l’objet d’une reconnaissance mutuelle dans l’ensemble des États membres.

Enfin, toujours aux termes de la directive, lorsqu’un titulaire de droits se fait connaître, l’œuvre cesse d’être orpheline et le titulaire reçoit une compensation équitable de la part des organismes ayant mis cette œuvre à la disposition du public.

Pour ce qui concerne l’articulation du régime instauré par la directive en matière d’œuvres orphelines avec celui de la loi du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle, le Gouvernement a fait le choix d’une coexistence des deux régimes. Ainsi les livres indisponibles et orphelins ne sont-ils pas exclus du champ d’application du régime d’exploitation des œuvres orphelines.

Quoi qu’il en soit, la transposition réalisée par ce projet de loi me paraît satisfaisante. Les dispositions de la directive du 25 octobre 2012 sont précises et laissent relativement peu de marge d’appréciation aux États membres.

Je souhaiterais néanmoins formuler plusieurs réserves.

Comme vous avez pu le constater, mes chers collègues, ce régime d’exploitation est assorti de lourdes contraintes, dont on peut craindre qu’elles ne le rendent inopérant. Les organismes concernés, qui relèvent en majorité du secteur public, devront en effet supporter des coûts élevés, liés aux recherches devant avoir lieu pour chaque œuvre incorporée, ainsi qu’à la numérisation et à la mise à la disposition du public. En outre, le projet de loi encadre strictement leur capacité à percevoir des recettes liées à la diffusion de ces œuvres. Enfin, ces organismes demeureront exposés à des risques contentieux non négligeables.

Ainsi, dans le souci de préserver l’efficacité de ce dispositif et de garantir la clarté de la loi, la commission est revenue sur un amendement adopté par l’Assemblée nationale, qui tendait à limiter à cinq ans la durée pendant laquelle l’organisme exploitant une œuvre orpheline peut répercuter les frais liés à la mise en œuvre de ce régime.

Enfin, je regrette l’exclusion du champ d’application de la directive des photographies et des images fixes qui existent à titre indépendant. Il s’agit pourtant de la catégorie d’œuvre la plus concernée par l’absence d’ayants droit ; leur exclusion fait perdre une grande part de son intérêt à ce dispositif.

J’en arrive maintenant au titre III du projet de loi, qui transpose la directive du 15 mai 2014 relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre.

Cette directive tire les conséquences de rapports réguliers de la Commission européenne ayant démontré l’efficacité limitée de la première directive relative à ce sujet, qui date de 1993.

Ainsi, elle allonge les délais qui encadrent différentes étapes de la procédure et élargit la portée de la protection à tous les biens culturels reconnus « trésors nationaux », selon la définition retenue par chaque État membre.

En outre, elle précise que c’est sur le possesseur que repose la charge de la preuve de l’exercice de la diligence requise, elle-même harmonisée au travers de critères communs.

Le projet de loi prévoit, en son article 6, une définition plus précise des trésors nationaux dans le code du patrimoine.

Cette définition continue à inclure les œuvres des collections des musées de France, les objets mobiliers classés monuments historiques, ainsi que les autres biens présentant un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie.

Par ailleurs, elle concerne désormais tous les biens culturels relevant tant du domaine public, au sens du code général de la propriété des personnes publiques, que des archives publiques.

Cette définition, plus claire, lève les ambiguïtés de la loi qui avaient été jusqu’à maintenant tranchées par la jurisprudence.

Le renversement de la charge de la preuve est évidemment un point important, puisque notre droit présume la bonne foi du possesseur d’un bien, en application de l’article 2274 du code civil. Toutefois cette évolution est très encadrée, avec des critères communs pour interpréter de manière harmonisée la notion de diligence requise de l’acquéreur, et elle est limitée au cas des restitutions d’État à État d’un bien culturel défini comme trésor national.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les représentants du marché de l’art que j’ai interrogés n’ont pas remis en cause cette disposition, tout en reconnaissant le changement majeur qu’elle induit pour la profession.

Au final, les articles 6 et 6 bis du projet de loi sont fidèles à la directive et devraient permettre de mieux lutter contre le trafic des biens culturels qui nous préoccupe tous.

Pour résumer l’esprit de ses travaux, je rappellerai que la commission de la culture s’est efforcée d’éviter toute infraction au droit communautaire afin que la France ne soit pas sanctionnée, en ayant à l’esprit de garantir l’effectivité des nouveaux dispositifs proposés. Les mesures sont complexes ; il nous semble important de les rendre utiles.

Je dois tout de même faire part en cet instant de mon étonnement en découvrant le faible degré d’information relative à l’incidence réelle de ce texte. Cette remarque vise particulièrement les droits voisins et les œuvres orphelines : je n’ai pu obtenir aucune évaluation du nombre de cas concernés, et je ne peux manquer de m’interroger sur le nombre de cas concrets visés par des dispositifs législatifs aussi complexes.

Néanmoins, compte tenu de l’ensemble de mes observations, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter le présent projet de loi tel que la commission l’a modifié.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Lors du scrutin public n° 80, qui a eu lieu ce matin, sur l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu, j’ai été déclaré comme votant pour, alors que je souhaitais voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Nous reprenons l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd’hui est un texte très technique, mais il traduit une volonté d’encadrer et de consolider l’accès à la culture, ce que nous saluons.

Malgré quelques réserves, les membres du groupe écologiste voteront ce projet de loi. Nous voudrions cependant, madame la ministre, attirer votre attention sur certains points.

Tout d’abord, comme l’a indiqué Mme la rapporteur, l’absence d’évaluation du nombre de cas concernés par les dispositions sur les droits voisins et les œuvres orphelines nous a conduits à nous interroger. Nous avons en vain cherché des précisions.

À l’avenir, même si vous n’êtes pour rien dans la situation actuelle, madame la ministre, il serait préférable d’anticiper davantage les directives européennes et d’établir un calendrier qui nous épargne de voter des textes de manière quelque peu précipitée.

Cela étant, la première directive visée par le présent projet de loi a pour objet d’allonger la protection de certains droits voisins en la portant de cinquante à soixante-dix ans. Je n’irai pas par quatre chemins : nous considérons que, même s’il est très important de préserver la qualité de vie et les revenus des artistes, cette mesure s’apparente tout de même à une rente. Alors que l’on nous explique vouloir lutter contre les niches et les rentes, prolonger de vingt ans ce délai de protection est quelque peu surprenant. Vingt ans d’exploitation de plus, c’est, si je puis dire, vingt ans de pris sur le domaine public, ce qui va contre-courant de la tendance actuelle.

Par ailleurs, la libre circulation des œuvres conçues par l’artiste, toutes les mesures destinées à encourager la découverte, la connaissance, le partage plutôt que la rente sont dans l’intérêt du public et traduisent, selon nous, des enjeux majeurs.

La troisième directive visée par le présent texte, celle qui a retenu le plus notre attention, tend à garantir la restitution au profit d’un autre État membre de tout bien culturel considéré comme un « trésor national ayant valeur artistique, historique ou archéologique » ayant quitté illicitement son territoire après le 1er janvier 1993.

Ne nous cachons derrière notre petit doigt : pour d’évidentes raisons, cette date n’a pas été retenue au hasard…

Cela dit, vous l’avez souligné, madame la ministre, la problématique est plus large puisqu’elle recouvre également la question des MNR, musées nationaux récupération. À ce propos, je me réjouis du rapport conclu au mois de juin dernier sur les MNR spoliés et qui vous a été remis le 27 novembre dernier.

Quelques-unes de ses lignes ont retenu mon attention : « Le groupe a eu la surprise de constater que de nombreux documents préparatoires relatifs aux travaux de la mission Mattéoli étaient dispersés et qu’ils n’avaient donc pas été versés aux Archives nationales. C’est le cas notamment des travaux de recherche sur les MNR (à l’exception de ceux concernant les objets d’art) qui sont toujours conservés, semble-t-il, entre les mains des chercheurs de l’époque ou dans leurs administrations de rattachement. Ces travaux doivent être versés aux Archives nationales pour y être inventoriés, classés et rendus accessibles (sous réserve de l’obtention d’une dérogation). »

Madame la ministre, dans la mesure où des deniers publics, d’un montant non négligeable, ont été alloués à la mission Mattéoli – l’étude de la spoliation des Juifs relevait d’un impératif national et la nation s’est acquittée de cette tâche avec brio –, il serait judicieux que les documents en cause soient adressés au bon destinataire, afin de permettre aux services des musées notamment de travailler sereinement et dans de bonnes conditions.

Dans le même sens, il est question, ce dont nous nous réjouissons, de modifier le décret statutaire de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations, la CIVS, afin que cette dernière, qui apparaît la plus légitime pour diligenter des investigations, le soit réellement et puisse prendre à bras-le-corps ce dossier, dont le traitement a quelque peu duré. Nous vous saurions gré, madame la ministre, de nous tenir informés sur ce point.

Je souhaite également attirer votre attention, mes chers collègues, sur le rapport rédigé par quatre de nos collègues députés, sous la houlette d’Isabelle Attard, rendu public hier, dans lequel ils pointent du doigt la gestion très perfectible de certaines collections et en appellent à une politique de recherche systématique de la provenance des œuvres entrées dans les musées depuis 1933 afin que chacun puisse s’assurer que les collections qu’il conserve sont irréprochables.

Pour ce qui nous concerne, nous appelons de nos vœux à la fois un « minimum » de quête de provenance et un travail mémoriel au long court de la part de chaque musée.

Le 8 mai prochain, on pourrait aussi, par exemple, fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale en montrant les lieux où ont été stockées des œuvres d’art, ce qui a permis de sauver les collections publiques des musées. Grâce à une telle action, ce moment d’histoire assez sombre prendrait fin.

Par ailleurs, la question de la preuve a été évoquée. De ce point de vue, il est indispensable de consacrer quelques moyens pour permettre aux musées de mettre en réseau leurs archives, lesquelles sont actuellement éparses. Si elles étaient rassemblées méthodiquement, les personnels des musées pourraient mieux travailler. Certes, cette tâche est moins valorisante que l’accueil de grandes expositions internationales, mais elle répond à un impératif moral.

Enfin, madame la ministre, nous attirons votre attention sur la déréglementation du métier de guide conférencier, dans le cadre du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, sur lequel les écologistes se sont abstenus ce matin. Cette profession, sous prétexte qu’il faudrait servir un nouveau tourisme de masse, voit son accès libéralisé sans contrôle.

Nous regrettons vivement cette mesure. Pourquoi laisserait-on n’importe qui devenir guide conférencier des musées ? Il semblerait criminel d’agir de même avec les dentistes. Cette disposition émanant de Bercy, qui n’est pas une mesure en faveur de la culture, n’a pas été nécessairement validée par votre ministère, madame la ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, avant d’évoquer le contenu du présent texte, permettez-moi de formuler deux remarques.

Sur la forme, d’abord, l’engagement de la procédure accélérée est une modalité d’examen dérogatoire au fonctionnement normal du Parlement et donc préjudiciable au bon exercice de la démocratie. Si cette discussion en procédure accélérée a pour finalité d’éviter une sanction de la Cour de justice de l’Union européenne liée au retard de transposition par la France, nous pouvons nous interroger sur les raisons de cette absence de transposition en temps voulu.

Sur le fond, ensuite, la transposition aurait pu se faire dans le cadre d’une grande loi sur la création culturelle et le patrimoine, réclamée par mon groupe, promise par le Gouvernement, mais maintes fois reportée.

Car la culture est non pas un supplément d’âme, mais au contraire ce bouillonnement sans lequel aucune vie ne surgit pleinement, sans lequel aucun lien essentiel ne peut se tisser entre une population et son juste désir de rencontrer l’art, les artistes, dans une diversité de lieux et dans la proximité, notamment.

La culture doit donc plus que jamais être défendue au sein d’une grande loi qui conforte sa place et son importance, ainsi que celle des personnels qui œuvrent pour sa vitalité.

Je pense évidemment aux intermittents, dont les droits sociaux sont mis à mal et qui peinent à défendre leurs droits dans le cadre de la concertation mise en place sur l’assurance chômage, face aux attaques du MEDEF, pour qui cette bataille n’est pas la première pour détruire les droits sociaux.

La suppression des budgets dédiés à l’action culturelle qui ne manquera pas de découler des restrictions drastiques imposées aux collectivités privera certainement les citoyens de lieux essentiels où se construit une conscience capable de donner à tous les outils de compréhension du monde.

Par conséquent, madame la ministre, nous espérons qu’une telle loi verra bien le jour, car la culture s’avère plus qu’indispensable en cette période de crise qui délite tous les liens sociaux.

J’en viens maintenant aux dispositions contenues dans le présent texte.

Elles ne posent pas de problème majeur. Si les secteurs concernés par ce projet de loi sont variés, celui-ci a une certaine unité : il va dans le sens d’une plus grande protection des auteurs et des biens culturels, tout en favorisant le rayonnement et l’accessibilité des œuvres.

Les premiers articles transposent la directive de 2011 sur la protection des droits d’auteur et des droits voisins. Ils opèrent une harmonisation européenne de la durée de protection des droits d’auteur et des droits voisins dans le secteur musical seulement, en raison des défis particuliers auxquels est confronté ce secteur menacé par les nouveaux usages numériques et le téléchargement illégal.

Il s’agit de porter de cinquante à soixante-dix ans la durée de protection des droits voisins pour les artistes-interprètes musicaux et les producteurs de phonogrammes à compter du fait générateur des droits, car, actuellement, les droits patrimoniaux s’éteignent souvent du vivant de ces artistes.

La deuxième directive transposée est celle de 2006 relative aux œuvres orphelines. Elle crée une exception ou une limitation aux droits d’auteur et aux droits voisins pour les œuvres orphelines écrites, cinématographiques, audiovisuelles ou sonores.

Est ainsi prévue la possibilité pour les bibliothèques, musées, services d’archives ou établissements d’enseignement de numériser et de mettre à disposition du public des œuvres orphelines faisant partie de leur collection, c’est-à-dire des œuvres dont les titulaires de droits d’auteur ou de droits voisins n’ont pu être retrouvés.

La numérisation ne peut se faire que pour des missions culturelles, éducatives et de recherche, sans but commercial ou économique.

Enfin, la troisième directive transposée, datant de 2014, concerne la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre.

Dans un objectif de lutte contre le trafic des biens culturels, l’Union européenne s’est dotée, le 1er janvier 1993, de deux instruments concernant la protection des biens culturels : un règlement instituant un dispositif de contrôle à l’exportation lors de la sortie du territoire de l’Union européenne, et une directive permettant aux États membres de se voir restituer leurs trésors nationaux qui, ayant quitté illicitement leur territoire, sont retrouvés sur le territoire d’un autre État membre.

Devant le manque d’efficacité de ces dispositifs, une nouvelle directive a été adoptée. La définition des trésors nationaux est ainsi précisée, incluant désormais les œuvres des collections des musées de France et les objets mobiliers classés « monuments historiques », mais aussi, et de manière explicite, les biens relevant tant du domaine public, au sens du code général de la propriété des personnes publiques, que des archives publiques.

Un allongement du délai pour permettre aux autorités de l’État membre requérant de vérifier la nature du bien est également prévu, passant de deux à six mois et, enfin, est intégré un allongement du délai d’exercice de l’action en restitution, qui passe de un an à trois ans.

Une précision est enfin introduite : c’est le possesseur du bien qui a la charge de la preuve, dans le cas où l’État demande une indemnité, et dans ce seul cas.

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Ce point, même s’il est très strictement circonscrit, comme le rappelait Mme la rapporteur, risque de créer une insécurité juridique et un renversement des principes juridiques du droit français en matière d’acquisition d’un bien frauduleux, ce qui nous interroge assez fortement.

Nous voterons néanmoins ce texte, en continuant à alerter sur les conséquences éventuelles de cette disposition.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

M. Claude Kern. Madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, eh oui, je suis le seul orateur masculin dans cette discussion générale !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Mais venons-en au présent projet de loi, qui vise à transposer trois directives.

La transposition du premier de ces textes est celle qui est assortie de la plus grande urgence. Il s’agit de la directive du 27 septembre 2011 modifiant la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins.

Hélas, encore une fois, la France illustre ici son incapacité chronique à se conformer dans les délais à ses engagements communautaires. Nous ne pouvons que le regretter d’autant que, comme vous l’avez fort justement indiqué, madame la ministre, le retard pris par notre pays dans la transposition de cette directive nous place dans une situation critique : la directive devait être transposée au plus tard le 1er novembre 2013 !

La Commission européenne, après avoir mis les autorités françaises en mesure de présenter leurs observations pour non-respect du délai, leur a adressé un avis motivé le 10 juillet 2014. En conséquence, la France encourt une procédure d’infraction qui l’expose à une condamnation, par la Cour de justice de l’Union européenne, à une amende de plusieurs millions d’euros.

Notre pays, souvent qualifié dans ce domaine de « mauvais élève », malgré quelques récents progrès, doit se saisir impérativement de cette problématique dont les conséquences sont plus que fâcheuses pour la crédibilité de sa parole au sein de l’Union.

De plus, à l’heure où il n’est plus question que de faire des économies budgétaires, à l’heure où les finances publiques sont extrêmement tendues, il n’est plus admissible de se retrouver dans une telle situation.

Quant au fond, le principal objet de la directive est de porter de cinquante à soixante-dix ans la durée de protection de certains droits voisins, ceux des artistes-interprètes et des producteurs du secteur de la musique, pour tenir compte de l’augmentation de la longévité. En effet, les droits dont ils sont titulaires arrivent aujourd’hui à l’échéance de plus en plus souvent de leur vivant.

Le groupe UDI-UC ne peut que soutenir la transposition fidèle faite ici de cette directive. D’autant plus que le texte a été amélioré par notre commission, qui a permis aux SPRD d’artistes, les sociétés de perception et de répartition des droits des artistes, de demander également au producteur un état des recettes provenant de l’exploitation du phonogramme.

Cependant, comme l’a rappelé notre rapporteur, Mme Mélot, je m’interroge sur les garanties prévues pour l’artiste-interprète face à la SPRD.

En effet, les informations de vente des artistes-interprètes sont confidentielles pour les tiers et nous devons nous assurer qu’une SPRD d’artistes ne bénéficie pas du droit d’auditer à sa guise et à sa seule discrétion les ventes de tous les artistes français chez leurs producteurs, sans même que les artistes-interprètes concernés l’aient demandé. Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions sur les modalités d’application de cette disposition, afin d’éviter une violation de la confidentialité des informations de vente ?

La deuxième transposition concerne la directive du 25 octobre 2012 relative à certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines.

Le texte permet à un certain nombre d’organismes, dont les bibliothèques accessibles au public, de numériser et de mettre à la disposition du public des œuvres appartenant à leurs collections et considérées comme orphelines, c’est-à-dire dont les titulaires de droits d’auteur ou de droits voisins n’ont pu, malgré des recherches diligentes, être retrouvés.

Cette faculté, qui s’exerce dans un cadre non lucratif, est également ouverte aux musées, aux services d’archives, aux institutions dépositaires du patrimoine cinématographique ou sonore, aux établissements d’enseignement et aux organismes publics de radiodiffusion.

Nous renouvelons ici nos observations relatives à la nécessité de respecter les délais de transposition. En l’occurrence, le délai de transposition du texte est expiré depuis déjà un peu plus d’un mois, pour un texte qui date de 2012…

Mais, sur le fond, le groupe UDI-UC n’a rien à redire du texte proposé et soutient, en particulier, la suppression de la limitation à cinq ans du droit à des aides pour la numérisation des œuvres orphelines.

Enfin, le projet de loi transpose la directive du 15 mai 2014 relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre.

L’objet de ce texte est de garantir la restitution, au profit d’un autre État membre, de tout bien culturel considéré comme un « trésor national de valeur artistique, historique ou archéologique » ayant quitté illicitement son territoire après le 1er janvier 1993.

Cette rédaction apparaît conforme aux objectifs assignés par la directive.

Par ailleurs, nous saluons les efforts entrepris en matière d’intelligibilité et de lisibilité du texte, à travers notamment un travail d’actualisation des différentes terminologies existantes et, surtout, d’adaptation du vocabulaire issu de la directive aux terminologies de droit interne.

En conclusion, le groupe UDI-UC ne voit pas de raison de s’opposer à ce projet de loi, qui reste fidèle aux textes communautaires. Nous regrettons simplement le dépôt tardif de ce projet de loi. Ce retard, entre autres conséquences négatives, interdit au Parlement de travailler comme il le devrait.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis de la transposition des trois directives qui nous retient aujourd’hui.

Ces trois textes ne présentent aucun lien entre eux, si ce n’est de relever, tous, de votre compétence, madame la ministre, car ils visent à régler des situations concernant, d’une part, les acteurs du monde de la musique et les auteurs d’œuvres de l’esprit et, d’autre part, les biens publics. Ils ont néanmoins tous les trois pour objectifs d’améliorer des situations particulières, de reconnaître des droits supplémentaires et de lutter contre les importations illicites de trésors nationaux au sein de l’Union européenne.

La première directive aborde le sujet des droits voisins, toujours délicat, car interférant avec le droit d’auteur.

On le sait, les artistes-interprètes constituent les parents pauvres du secteur en termes de juste rémunération pour exploitation de leurs prestations ; ils constituent la catégorie de titulaires de droits voisins la moins bien rémunérée.

Je ne peux donc que me réjouir de l’allongement, par la directive que nous transposons, de la durée de protection de leurs droits patrimoniaux et de leur alignement sur celles post mortem dont bénéficient les ayants droit des auteurs.

Outre le fait que nous sommes en retard dans la transposition de cette directive et que ce retard prolongé risque de coûter très cher à la France, il est grand temps de prendre en considération plusieurs facteurs justifiant l’allongement de la durée de protection des artistes-interprètes et des producteurs de disques.

D’abord, il ne me semble pas inutile de rappeler que les artistes-interprètes jouent un rôle primordial dans l’accès à l’œuvre d’un auteur et dans son succès ; sans interprétation, l’œuvre musicale est vouée à tomber dans l’oubli et, dans ce cas, son auteur aura peu de chance de toucher une quelconque rémunération au titre du droit d’auteur.

L’allongement de l’espérance de vie entraîne, par ailleurs, une extinction de plus en plus fréquente des droits patrimoniaux du vivant des artistes-interprètes, à un moment où ces derniers n’ont généralement plus d’activité professionnelle et des revenus décroissants. Nombreux sont les artistes qui se retrouvent dans une situation de grand dénuement à un âge avancé. On peut souhaiter que l’allongement de la durée des droits patrimoniaux permette aux titulaires de droits voisins concernés de percevoir des revenus durant l’intégralité de leur vie.

L’extinction de leurs droits rend également leurs titulaires, et plus particulièrement les artistes-interprètes, très démunis face à des usages discutables de leurs prestations qui peuvent porter atteinte à leur œuvre ou à leur nom, sans qu’ils ne puissent plus contester les utilisations qui en sont faites.

Ces arguments valent aussi pour les autres catégories de titulaires de droits voisins, tels les producteurs de disques. L’extension de la durée de protection va surtout leur fournir des recettes supplémentaires provenant de la vente de musique en magasin et en ligne. Cet allongement de durée de droits devrait aider notamment les producteurs à s’adapter aux mutations rapides du marché et à favoriser des investissements supplémentaires pour faire émerger de nouveaux talents.

Enfin, l’allongement de la durée des droits voisins devrait permettre d’en limiter les distorsions de concurrence dues aux différences de durée de protection entre les États importateurs de musique et ceux qui en sont exportateurs. Je rappelle – même si cela dépasse le champ de la directive – que l’Europe est encore éloignée des États-Unis sur la question de la durée de protection des droits des producteurs de phonogrammes qui, outre-Atlantique, est de quatre-vingt-quinze ans.

J’en viens aux œuvres orphelines, une cause qui tient particulièrement au cœur des sénateurs du groupe socialiste.

C’est par un amendement des sénateurs socialistes qu’avait été introduite, dans le code de la propriété intellectuelle, la définition de l’œuvre orpheline, lors des débats qui devaient conduire à l’adoption de la loi du 1°mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle.

Désormais, l’article L. 113-10 de ce code dispose que : « L’œuvre orpheline est une œuvre protégée et divulguée, dont le titulaire des droits ne peut pas être identifié ou retrouvé, malgré des recherches diligentes, avérées et sérieuses.

« Lorsqu’une œuvre a plus d’un titulaire de droits et que l’un de ces titulaires a été identifié et retrouvé, elle n’est pas considérée comme orpheline ».

Je me réjouis que le présent projet de loi ne touche pas à cet article, sinon pour en préciser la portée. Nous avions souhaité calquer la rédaction de cet article sur celle de la directive, et je m’en félicite ! La CMP nous avait d’ailleurs donné raison, préférant notre définition à celle que proposaient alternativement les députés.

Un petit regret, cependant : le champ de la directive – et donc le droit français désormais – n’appréhende, au titre des œuvres orphelines qui seront désormais protégées, ni les photos, ni les images fixes, pourtant souvent accompagnées de la mention « DR », pour « droits réservés ». Par l’insertion de ces deux lettres, l’utilisateur d’une œuvre photographique pourra continuer à la reproduire sans respecter ni le droit moral - maîtrise des conditions de cession de l’œuvre - ni les droits patrimoniaux de l’auteur – absence de négociation sur des contreparties pour la reproduction de l’œuvre.

L’exception « bibliothèques », qui figurait à l’article L. 134-8 du code de la propriété intellectuelle – grâce, une nouvelle fois, à un amendement déposé par les sénateurs socialistes à la même loi du 1er mars 2012 – et autorisait les bibliothèques à exploiter gratuitement, sous certaines conditions, sur support numérique, les livres indisponibles figurant dans leurs fonds, est reprise par le projet de loi, mais déplacée dans le nouvel article L. 135-2 du code de la propriété intellectuelle. L’exception sera même élargie aux musées, services d’archives, institutions procédant au dépôt légal d’archives cinématographiques ou sonores et aux établissements d’enseignement.

Cet accès facilité aux œuvres pour de nombreux publics ne peut que nous réjouir.

J’en viens à la dernière directive, qui prévoit la restitution des trésors nationaux sortis illicitement d’un État membre.

Ce texte permettra de résoudre d’éventuels contentieux entre États membres concernant des biens anciens de leurs collections, rapportés dans des conditions parfois douteuses de leur lieu de création ou de conservation initial.

Il nous est arrivé par le passé de légiférer pour déclasser un bien d’une collection de musée, un trésor national, à ce titre inaliénable, afin de pouvoir le restituer à son état d’origine. Certes, il s’agissait de biens dont l’origine était extracommunautaire

Ainsi, le vote de la loi du 6 mars 2002 a autorisé la restitution des restes de la « Vénus hottentote » à l’Afrique du Sud. Il s’agissait d’un bien d’une collection publique du musée de l’Homme présentant donc un caractère inaliénable. La loi a permis le déclassement de ce bien afin qu’il puisse sortir du territoire français et être rendu à l’Afrique du Sud.

En 2009, sur l’initiative de Mme Catherine Morin-Desailly, aujourd’hui présidente de la commission de la culture, nous nous étions également saisis d’un texte, devenu la loi du 18 mai 2010, visant à déclasser une tête humaine maorie tatouée, momifiée et conservée en dépôt depuis 1875 dans les collections du muséum municipal d’histoire naturelle, d’ethnographie et de préhistoire de Rouen, afin de pouvoir la restituer à la Nouvelle-Zélande.

Quant à la directive que nous transposons ce jour, elle visait plus particulièrement les marbres du Parthénon, volés au début du XIXe siècle par Lord Elgin, alors ambassadeur à Constantinople, et conservés depuis au British Museum...

Soulignons que, pour ce qui a trait aux biens français, les œuvres « rapportées » par Napoléon de ses campagnes, appartenaient à des États non membres de l’Union européenne et ne rentreront donc pas dans le champ d’application du texte transposé.

Les trésors nationaux qui pourraient être concernés par le champ de la future loi sont ceux qui ont été acquis illicitement par la France et les autres États membres. En aucun cas les collections de peintures et de sculptures acquises régulièrement pour des collections royales ne seront concernées.

La plupart des cours européennes, depuis la Renaissance, envoyaient partout dans les autres cours d’Europe des émissaires chargés de repérer les artistes les meilleurs, de leur acheter des œuvres ou de leur passer des commandes, pour le compte du souverain, voire de les débaucher.

Ce mercato des plus grands artistes – un mercato avant l’heure- a permis la perméabilité des différentes écoles d’art, dès la Renaissance et leur enrichissement mutuel par apprentissage d’autres techniques.

Pour en revenir au sujet qui nous occupe, tous les artistes attirés en France par François Ier, tels les peintres maniéristes de Florence – le Rosso ou le Primatice – ou Léonard de Vinci, ont permis à notre pays de se constituer les bases de ses collections royales, devenues ensuite les collections nationales des musées de notre pays. Ces biens, acquis tout à fait licitement par la France, ne sont aucunement appelés à être restitués sur la base de la directive que nous transposons.

Je me réjouis que les trois textes que nous examinons cet après-midi procèdent à des avancées dans le secteur culturel et artistique, en permettant de régler des questions parfois épineuses, notamment sur le plan diplomatique, et des situations individuelles injustes.

Les sénateurs socialistes apporteront leur entier soutien au projet de loi de transposition.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, madame le rapporteur, mes chers collègues, ce texte nous rassemble cet après-midi au-delà de nos clivages politiques, afin de protéger davantage nos artistes, nos auteurs ainsi que les biens culturels de notre pays reconnus comme trésors nationaux.

En matière d’harmonisation et de reconnaissance des droits culturels, la France joue bien souvent un rôle moteur au sein de l’Union européenne. Aussi est-il particulièrement regrettable que le Gouvernement ait tant tardé à transposer les trois directives que nous examinons cet après-midi.

La procédure accélérée a dû être engagée, car la première directive relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins, qui avait été adoptée le 12 septembre 2011, devait être transposée au plus tard le 1er novembre 2013.

La Commission européenne a adressé à la France un avis motivé le 10 juillet dernier, la plaçant sous la menace d’une procédure d’infraction. Le Gouvernement doit donc réagir rapidement s’il ne veut pas être condamné au versement de plusieurs millions d’euros par la Cour de justice de l’Union européenne, ce qui serait fort regrettable.

Ce retard entraîne par ailleurs plusieurs conséquences dommageables : la procédure a bousculé le calendrier parlementaire ; les rapporteurs, surtout à l’Assemblée nationale, ont manqué de temps pour procéder aux auditions.

Sur le plan juridique, cette transposition tardive crée une situation compliquée, car elle a un effet rétroactif en matière civile pour la période courant entre le 1er novembre 2013 et la date de promulgation de la loi.

Enfin, sur le plan éthique, je pense qu’il serait temps que nos auteurs bénéficient du régime protecteur que l’Union européenne a mis en place pour eux. Le retard pris est peu respectueux de leurs attentes.

La directive du 12 septembre 2011 permet d’allonger de vingt ans la protection dont bénéficient aujourd’hui les artistes interprètes dans le domaine de la musique.

En France, la durée de protection des droits de ces artistes, qui débutent leur carrière de plus en plus jeunes, n’est plus en adéquation avec la réalité. Aujourd’hui, un artiste-interprète découvert à vingt ans peut exercer ses droits patrimoniaux jusqu’à ses soixante-dix ans, puisque notre droit a prévu une durée de protection de cinquante ans ; ensuite, ses droits s’arrêtent, alors qu’il a bien souvent cessé toute activité et peut se trouver dans une situation financière difficile.

Il s’agit donc de protéger les artistes-interprètes plus longtemps, en portant leur protection de cinquante à soixante-dix ans, puisque l’espérance de vie en Europe est maintenant de soixante-quinze ans pour les hommes et de quatre-vingt-un ans pour les femmes.

Cette disposition est d’autant plus juste qu’elle va permettre d’aligner la durée de protection des droits des artistes-interprètes sur celle qui est déjà accordée aux auteurs.

Je me réjouis également de l’extension de la protection aux producteurs de phonogrammes, autres titulaires de droits voisins, ce qui contribuera à soutenir le secteur musical, donc la création et la découverte de nouveaux talents.

Toutefois, les producteurs nous ont fait part de leur inquiétude, le droit à une rémunération supplémentaire créé par le projet de loi étant particulièrement large.

Concernant cette question de la rémunération, madame la ministre, l’étude d’impact ne dit rien de la portée du dispositif sur les marges des producteurs. La rémunération supplémentaire de 20 %, ajoutée à la rémunération proportionnelle de 6 % déjà prévue par convention collective, ne menace-t-elle pas leur équilibre économique ? Je souhaiterais vous entendre sur ce sujet, madame la ministre.

Deuxième texte transposé, la directive du 25 octobre 2012 permettra aux bibliothèques et établissements d’enseignement, musées, services d’archives, d’utiliser des œuvres orphelines pour accomplir leurs missions d’intérêt public sans risquer de violer le droit d’auteur.

Les œuvres orphelines trouveront en quelque sorte une famille adoptive qui permettra leur préservation et leur diffusion. Il s’agit d’une étape nécessaire pour favoriser l’accès du public aux œuvres des collections publiques et participer au développement de bibliothèques numériques.

Le présent texte permet une bonne articulation de ce dispositif avec celui qui a été instauré par la loi du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle, car un livre indisponible peut également être une œuvre orpheline.

Toutefois, on peut s’interroger, avec Mme le rapporteur, sur la portée réelle du dispositif appelé à gérer les œuvres orphelines.

Les « recherches diligentes » restent lourdes à effectuer, et, en cas de réapparition d’un titulaire de droits, celui-ci peut réclamer une compensation équitable au titre du préjudice qu’il aura subi du fait de l’utilisation de l’œuvre, ce qui risque d’être dissuasif.

Madame la ministre, nous manquons déjà de données quant aux effets de la loi de 2012 que je viens de citer, adoptée sur une initiative de notre collègue Jacques Legendre et du député Hervé Gaymard. Aussi souhaiterais-je savoir si vous disposez de chiffres concernant les œuvres orphelines susceptibles d’être concernées.

Enfin, je ne dirai que quelques mots sur le troisième sujet traité par le projet de loi, celui de la restitution de biens nationaux ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre, en application de la directive du 15 mai 2014. Il s’agit d’améliorer le dispositif actuel, fondé sur une directive de 1993 qui témoigne d’une efficacité limitée.

En inversant la charge de la preuve et en repoussant les limites des délais d’action des États plaignants, le texte facilite le rapatriement vers son pays d’origine d’un trésor national acquis illégalement, ce qui va dans le sens d’une meilleure protection du patrimoine de chaque État membre et d’une lutte plus efficace contre le trafic des biens culturels.

Considérant le peu de temps dont elle a disposé et la complexité des trois sujets traités, je tiens à féliciter particulièrement Mme le rapporteur, Colette Mélot, pour la qualité de son travail qui a permis de dresser un état des lieux détaillé sur les trois problématiques ici traitées et d’améliorer encore la rédaction du projet de loi.

Les membres du groupe UMP apporteront bien évidemment leur soutien à ce texte de transposition de directives, car il va dans le bon sens : la protection de la création et de notre patrimoine culturel.

Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette discussion générale, je tiens à remercier chacune et chacun d’entre vous, notamment Mme la rapporteur et Mme la présidente de la commission, en saluant la qualité du travail que nous avons accompli ensemble. L’examen de ce projet de loi a donné lieu à des échanges extrêmement constructifs.

Je répondrai très brièvement à quelques questions précises posées au cours de ce débat.

M. Kern a évoqué les enjeux tenant à la confidentialité. À l’avenir, les sociétés de gestion collective des droits d’auteur auront bel et bien accès aux informations relatives à l’exploitation des enregistrements dont la durée des droits est étendue. Toutefois, cette possibilité est limitée aux phonogrammes encore exploités plus de cinquante ans après leur enregistrement. Elle est utile au bon fonctionnement du dispositif et elle est, à mon sens, suffisamment bien encadrée.

Mme la rapporteur l’a indiqué, il n’est pas nécessaire de prévoir au surplus, pour chaque société qui serait concernée, un mandat spécifique. J’ajoute que cette méthode serait source de très nombreuses complexités. À ce stade, on peut, sans hésiter, se satisfaire du dispositif tel qu’il a été conçu, sans redouter des problèmes liés à la confidentialité des informations détenues par les producteurs de phonogrammes.

La question des guides conférenciers ne relève pas tout à fait de ce débat. Toutefois, je suis, comme vous, pleinement consciente des inquiétudes que le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises peut susciter à leur sujet.

Je suis ce dossier avec la plus grande vigilance ; mon attention se concentre plus particulièrement sur deux aspects.

D’une part, je vais m’assurer que les travaux interministériels dont ce projet de loi fait actuellement l’objet prévoient les conditions de contrôle et les modes de sanction nécessaires pour que cette entreprise de simplification ne rime pas avec une libéralisation excessive de la profession.

D’autre part, et surtout, il faut à tout prix rappeler notre exigence d’un niveau de certification élevé, afin que la qualité de la formation des guides conférenciers ne puisse pas être mise en cause. Cette exigence doit également porter sur le champ des compétences, qui correspond au référentiel métier défendu par le ministère de la culture. Faute de quoi, cette activité professionnelle risque de subir une déqualification ou une disqualification.

Mme Lopez et Mme la rapporteur m’ont demandé s’il existait des estimations du nombre d’œuvres orphelines. J’en conviens, les chiffres dont nous disposons pour l’heure ne sont pas extrêmement précis. On évalue à environ 20 % la part d’œuvres orphelines conservées actuellement dans les collections de documents sous droits de nos bibliothèques. Pour obtenir ce taux, nous avons extrapolé, en étendant les données quantitatives de la British Library aux collections françaises. Notre connaissance de cette question n’en reste pas moins sans doute insuffisante.

Voilà pourquoi, dès le début de l’année prochaine, je verrai, en lien avec mes services, si nous sommes en mesure de fournir des estimations plus précises à la représentation nationale. Cela étant, gardons à l’esprit qu’un tel travail est par définition très difficile à mener, étant donné que, par définition, les ayants droit ne sont pas connus. Ce recensement requiert de surcroît une grande minutie.

Mme Bouchoux a évoqué le futur projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine. Ce texte, que je porterai, sera examiné par le Parlement au cours du premier semestre de l’année 2015. Vous l’imaginez, il fait d’ores et déjà l’objet d’un intense travail interministériel.

Mme Corinne Bouchoux le confirme.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Je souhaite que ce projet de loi soit dense, mais précis et ciblé. Un grand travail a été nécessaire pour élaborer des dispositions réellement normatives et efficaces. Il faut légiférer là où la loi se révèle nécessaire, étant entendu que j’ai encore beaucoup d’autres projets qui ne passent pas nécessairement par la loi.

Je souhaite que ce débat donne au Gouvernement l’occasion d’affirmer son attachement aux principes fondateurs de l’identité culturelle de notre pays. Je pense tout particulièrement aux sujets d’actualité que constituent la liberté de création, le soutien aux créateurs et la protection de leur statut. Je songe aussi, bien entendu, au devoir d’assurer le plus large accès possible aux œuvres de l’esprit présentes et passées. C’est la raison d’être du ministère de la culture.

En outre, il me semble important de rappeler, par ce projet de loi, l’enjeu que représentent non seulement le développement de l’architecture, mais aussi la préservation et la valorisation de notre patrimoine.

Plus précisément, les dispositions relatives à la création permettront, pour la première fois, d’affirmer solennellement la reconnaissance par la Nation de la création artistique, de la place des artistes, notamment des interprètes, et des auteurs dans notre société. Elles permettront également d’inclure de nouvelles professions du spectacle dans notre droit du travail. Elles permettront enfin d’améliorer la protection sociale de l’ensemble des professions concernées.

Par ailleurs, ce texte contiendra une belle mesure, destinée à faciliter l’accès des personnes handicapées aux œuvres littéraires. Il s’agit là, à mon sens, d’une question des plus importantes. L’égalité d’accès aux œuvres n’est pas simplement physique ou matérielle. Elle implique également de prendre en compte les situations spécifiques des personnes handicapées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont, en quelques mots, les précisions que je souhaitais vous apporter. Ce projet de loi étant le dernier texte inscrit à l’ordre du jour de la Haute Assemblée avant l’interruption des travaux parlementaires, permettez-moi de vous souhaiter un bon repos, ainsi que de bonnes fêtes de fin d’année, à vous et à ceux qui vous sont proches.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Titre Ier

DISPOSITIONS RELATIVES À L’ALLONGEMENT DE LA DURÉE DE PROTECTION DE CERTAINS DROITS VOISINS

L’article L. 211-4 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :

« Art. L. 211 -4 . – I. – La durée des droits patrimoniaux des artistes-interprètes est de cinquante années à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de l’interprétation.

« Toutefois, si, durant cette période, une fixation de l’interprétation dans un vidéogramme ou un phonogramme fait l’objet d’une mise à la disposition du public, par des exemplaires matériels, ou d’une communication au public, les droits patrimoniaux de l’artiste-interprète expirent :

« 1° Pour une interprétation fixée dans un vidéogramme, cinquante ans après le 1er janvier de l’année civile suivant le premier de ces faits ;

« 2° Pour une interprétation fixée dans un phonogramme, soixante-dix ans après le 1er janvier de l’année civile qui suit le premier de ces faits.

« II. – La durée des droits patrimoniaux des producteurs de phonogrammes est de cinquante années à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la première fixation d’une séquence de son.

« Toutefois, si, durant cette période, un phonogramme fait l’objet d’une mise à la disposition du public par des exemplaires matériels ou d’une communication au public, les droits patrimoniaux du producteur de phonogrammes expirent soixante-dix ans après le 1er janvier de l’année civile suivant la mise à la disposition du public de ce phonogramme ou, à défaut, sa première communication au public. L’artiste-interprète peut exercer le droit de résiliation mentionné aux articles L. 212-3-1 et L. 212-3-2.

« III. – La durée des droits patrimoniaux des producteurs de vidéogrammes est de cinquante années à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la première fixation d’une séquence d’images, sonorisées ou non.

« Toutefois, si, durant cette période, un vidéogramme fait l’objet d’une mise à la disposition du public par des exemplaires matériels ou d’une communication au public, les droits patrimoniaux du producteur de vidéogrammes expirent cinquante ans après le 1er janvier de l’année civile suivant le premier de ces faits.

« IV. – La durée des droits patrimoniaux des entreprises de communication audiovisuelle est de cinquante années à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la première communication au public des programmes mentionnés à l’article L. 216-1. »

L'article 1 er est adopté.

Après l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, sont insérés des articles L. 212-3-1 à L. 212-3-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 212 -3 -1. – I. – Au-delà des cinquante premières années du délai de soixante-dix ans prévu au 2° du I de l’article L. 211-4, l’artiste-interprète peut notifier son intention de résilier l’autorisation donnée en application de l’article L. 212-3 à un producteur de phonogrammes lorsque celui-ci n’offre pas à la vente des exemplaires du phonogramme en quantité suffisante ou ne le met pas à la disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès de sa propre initiative.

« II. – Si au cours des douze mois suivant la notification prévue au I, le producteur de phonogrammes n’offre pas à la vente des exemplaires du phonogramme en quantité suffisante et ne le met pas à la disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès de sa propre initiative, l’artiste-interprète peut exercer son droit de résiliation de l’autorisation. L’artiste-interprète ne peut renoncer à ce droit.

« III. – Les modalités d’exercice du droit de résiliation sont définies par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 212 -3 -2 . – Lorsqu’un phonogramme contient la fixation des prestations de plusieurs artistes-interprètes, ceux-ci exercent le droit de résiliation mentionné à l’article L. 212-3-1 d’un commun accord.

« En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer.

« Art. L. 212 -3 -3 . – I. – Si l’autorisation donnée en application de l’article L. 212-3 prévoit une rémunération forfaitaire, le producteur de phonogrammes verse à l’artiste-interprète, en contrepartie de l’exploitation du phonogramme contenant la fixation autorisée, une rémunération annuelle supplémentaire pour chaque année complète au-delà des cinquante premières années du délai de soixante-dix ans prévu au 2° du I de l’article L. 211-4. L’artiste-interprète ne peut renoncer à ce droit.

« Toutefois, le producteur de phonogrammes qui occupe moins de dix personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan annuel n’excède pas deux millions d’euros n’est pas tenu, pour l’exercice en question, au versement de la rémunération mentionnée au premier alinéa du présent I dans l’hypothèse où les frais des opérations de calcul et de contrôle seraient hors de proportion avec le montant de la rémunération à verser.

« II. – Le montant global de la rémunération annuelle supplémentaire mentionnée au I du présent article est fixé à 20 % de l’ensemble des recettes perçues par le producteur de phonogrammes au cours de l’année précédant celle du paiement de ladite rémunération annuelle pour la reproduction, la mise à la disposition du public par la vente ou l’échange, ou la mise à disposition du phonogramme de manière que chacun puisse y avoir accès de sa propre initiative, à l’exclusion des rémunérations prévues aux articles L. 214-1 et L. 311-1.

« III. – Le producteur de phonogrammes fournit, à la demande de l’artiste-interprète ou d’une société de perception et de répartition des droits mentionnée au IV et chargée de percevoir sa rémunération annuelle supplémentaire, un état des recettes provenant de l’exploitation du phonogramme selon chaque mode d’exploitation mentionné au II.

« Il fournit, dans les mêmes conditions, toute justification propre à établir l’exactitude des comptes.

« IV. – La rémunération annuelle supplémentaire prévue aux I et II est perçue par une ou plusieurs sociétés de perception et de répartition des droits régies par le titre II du livre III et agréées à cet effet par le ministre chargé de la culture.

« L’agrément prévu au premier alinéa du présent IV est délivré en considération :

« 1° De la qualification professionnelle des dirigeants des sociétés ;

« 2° Des moyens humains et matériels que ces sociétés proposent de mettre en œuvre pour assurer la perception et la répartition de la rémunération prévue aux I et II, tant auprès de leurs membres qu’auprès des artistes-interprètes qui ne sont pas leurs membres ;

« 3° De l’importance de leur répertoire et de la représentation des artistes-interprètes bénéficiaires de la rémunération prévue aux I et II au sein des organes dirigeants ;

« 4° De leur respect des obligations que leur impose le titre II du livre III.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de la délivrance et du retrait de cet agrément.

« Art. L. 212 -3 -4. – Si l’autorisation donnée en application de l’article L. 212-3 prévoit une rémunération proportionnelle, le producteur de phonogrammes ne peut retrancher les avances ou les déductions définies contractuellement de la rémunération due à l’artiste-interprète en contrepartie de l’exploitation du phonogramme contenant la fixation autorisée après les cinquante premières années du délai de soixante-dix ans prévu au 2° du I de l’article L. 211-4. » –

Adopté.

Titre II

DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXPLOITATION DE CERTAINES ŒUVRES ORPHELINES

I. – Après le mot : « renouvelable », la fin du troisième alinéa de l’article L. 134-5 du code de la propriété intellectuelle est supprimée.

II. – L’article L. 134-8 du même code est abrogé. –

Adopté.

Le titre III du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Dispositions particulières relatives à certaines utilisations d’œuvres orphelines

« Art. L. 135 -1 . – Sont soumises au présent chapitre :

« 1° Les œuvres orphelines, au sens de l’article L. 113-10, qui ont été initialement publiées ou radiodiffusées dans un État membre de l’Union européenne et qui appartiennent à l’une des catégories suivantes :

« a) Les œuvres publiées sous la forme de livres, revues, journaux, magazines ou autres écrits faisant partie des collections des bibliothèques accessibles au public, des musées, des services d’archives, des institutions dépositaires du patrimoine cinématographique ou sonore ou des établissements d’enseignement, à l’exception des photographies et des images fixes qui existent en tant qu’œuvres indépendantes ;

« b) Les œuvres audiovisuelles ou sonores faisant partie de ces collections ou qui ont été produites par des organismes de radiodiffusion de service public avant le 1er janvier 2003 et qui font partie de leurs archives.

« Le fait pour un organisme mentionné aux a et b de rendre une œuvre accessible au public, avec l’accord des titulaires de droits, est assimilé à la publication ou à la radiodiffusion mentionnées au premier alinéa du présent 1°, sous réserve qu’il soit raisonnable de supposer que les titulaires de droits ne s’opposeraient pas aux utilisations de l’œuvre orpheline prévues à l’article L. 135-2 ;

« Toute œuvre considérée comme orpheline dans un autre État membre en application de l’article 2 de la directive 2012/28/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines.

« Art. L. 135 -2 . – Les organismes mentionnés au 1° de l’article L. 135-1 ne peuvent utiliser les œuvres mentionnées à ce même article que dans le cadre de leurs missions culturelles, éducatives et de recherche et à condition de ne poursuivre aucun but lucratif et de ne percevoir que les recettes couvrant les frais liés à la numérisation et à la mise à la disposition du public d’œuvres orphelines. Ils mentionnent le nom des titulaires de droits identifiés, respectent le droit moral de ces derniers et communiquent les informations prévues au 2° de l’article L. 135-3 ou à l’article L. 135-4. Cette utilisation est faite selon les modalités suivantes :

« 1° Mise à la disposition du public d’une œuvre orpheline de manière que chacun puisse y avoir accès de sa propre initiative ;

« 2° Reproduction d’une œuvre orpheline à des fins de numérisation, de mise à disposition, d’indexation, de catalogage, de préservation ou de restauration.

« Art. L. 135 -3 . – Un organisme mentionné au 1° de l’article L. 135-1 ne peut faire application de l’article L. 135-2 qu’après avoir :

« 1° Procédé à des recherches diligentes, avérées et sérieuses des titulaires de droits, en application du premier alinéa de l’article L. 113-10, dans l’État membre de l’Union européenne où a eu lieu la première publication ou, à défaut de celle-ci, la première radiodiffusion de l’œuvre. Ces recherches comportent la consultation des sources appropriées pour chaque catégorie d’œuvres. Lorsque l’œuvre n’a fait l’objet ni d’une publication, ni d’une radiodiffusion mais a été rendue accessible au public dans les conditions définies au dernier alinéa du 1° de l’article L. 135-1, ces recherches sont effectuées dans l’État membre où est établi l’organisme qui a rendu l’œuvre accessible au public. Pour les œuvres audiovisuelles, les recherches sont effectuées dans l’État membre où le producteur a son siège ou sa résidence habituelle ;

« Communiqué le résultat des recherches mentionnées au 1°, ainsi que l’utilisation envisagée de l’œuvre orpheline, au ministre chargé de la culture, ou à l’organisme désigné à cette fin par celui-ci, qui le transmet sans délai à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur mentionné au paragraphe 6 de l’article 3 de la directive 2012/28/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines, aux fins de l’inscription de ces informations dans la base de données établie par cet office à cet effet.

« Art. L. 135 -4 . – Lorsqu’une œuvre orpheline est déjà inscrite dans la base de données mentionnée au 2° de l’article L. 135-3, l’organisme n’est pas tenu de procéder aux recherches mentionnées au même article. Il doit indiquer, dans les conditions prévues audit article, l’utilisation de l’œuvre orpheline qu’il envisage.

« Art. L. 135 -5. – Lorsque les recherches diligentes, avérées et sérieuses mentionnées à l’article L. 135-3 ont permis d’identifier et de retrouver le ou les titulaires des droits sur une œuvre, celle-ci cesse d’être orpheline.

« Lorsqu’une œuvre a plus d’un titulaire de droits et que tous ses titulaires n’ont pu être identifiés et retrouvés, l’utilisation de l’œuvre prévue à l’article L. 135-2 est subordonnée à l’autorisation du ou des titulaires identifiés et retrouvés.

« Art. L. 135 -6 . – Lorsqu’un titulaire de droits sur une œuvre orpheline justifie de ses droits auprès d’un organisme mentionné à l’article L. 135-3, ce dernier ne peut poursuivre l’utilisation de l’œuvre qu’avec l’autorisation du titulaire de droits.

« L’organisme verse au titulaire de droits une compensation équitable du préjudice que celui-ci a subi du fait de cette utilisation. Cette compensation est fixée par accord entre l’organisme et le titulaire de droits. Elle peut tenir compte, lorsqu’ils existent, des accords ou tarifs en vigueur dans les secteurs professionnels concernés.

« Le titulaire de droits peut se faire connaître à tout moment, nonobstant toute stipulation contraire.

« L’organisme auprès duquel le titulaire de droits justifie de ses droits informe sans délai le ministre chargé de la culture, ou l’organisme désigné à cette fin par celui-ci, qui transmet cette information à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur mentionné au 2° de l’article L. 135-3.

« Art. L. 135 -7 . – Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent chapitre, notamment les sources d’informations appropriées pour chaque catégorie d’œuvres qui doivent être consultées au titre des recherches prévues au 1° de l’article L. 135-3. » –

Adopté.

Le chapitre Ier du titre unique du livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un article L. 211-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 211 -7 . – Le chapitre V du titre III du livre Ier est applicable aux droits voisins. » –

Adopté.

Titre III

DISPOSITIONS RELATIVES À LA RESTITUTION DE BIENS CULTURELS SORTIS ILLICITEMENT DU TERRITOIRE D’UN ÉTAT MEMBRE DE L’UNION EUROPÉENNE

Le titre Ier du livre Ier du code du patrimoine est ainsi modifié :

1° L’article L. 111-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 111 -1 . – Sont des trésors nationaux :

« 1° Les biens appartenant aux collections des musées de France ;

« 2° Les archives publiques, au sens de l’article L. 211-4, ainsi que les biens classés comme archives historiques en application du livre II ;

« Les biens classés au titre des monuments historiques en application du livre VI ;

« 4° Les autres biens faisant partie du domaine public mobilier, au sens de l’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

« 5° Les autres biens présentant un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie. » ;

2° L’article L. 112-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « devenu l’article 30 du traité instituant la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » ;

b) Les cinq derniers alinéas sont supprimés ;

3° L’article L. 112-5 est ainsi modifié :

a) Au troisième alinéa, les mots : « d’un an à compter de la date à laquelle » sont remplacés par les mots : « de trois ans à compter de la date à laquelle l’autorité centrale compétente de » ;

b) Au dernier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « six » ;

4° Après le deuxième alinéa de l’article L. 112-8, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour déterminer si le possesseur a exercé la diligence requise, il est tenu compte de toutes les circonstances de l’acquisition, notamment de la documentation sur la provenance du bien, des autorisations de sortie exigées en vertu du droit de l’État membre requérant, de la qualité des parties, du prix payé, de la consultation ou non par le possesseur de tout registre accessible sur les biens culturels volés et de toute information pertinente qu’il aurait pu raisonnablement obtenir ou de toute autre démarche qu’une personne raisonnable aurait entreprise dans les mêmes circonstances.

« L’indemnité est versée lors de la restitution du bien. » ;

5° Au premier alinéa de l’article L. 112-10, les mots : « d’un an à compter de la date à laquelle » sont remplacés par les mots : « de trois ans à compter de la date à laquelle l’autorité centrale compétente de » ;

6° L’article L. 112-11 est ainsi rédigé :

« Art. L. 112 -11 . – La présente section est applicable aux biens culturels définis comme des trésors nationaux à l’article L. 111-1 sortis du territoire national après le 31 décembre 1992, que cette sortie soit illicite ou ait fait l’objet d’une autorisation de sortie temporaire, en application du dernier alinéa de l’article L. 111-2 ou de l’article L. 111-7, dont les conditions n’ont pas été respectées. » ;

7° L’article L. 112-12 est abrogé ;

8° À la fin du a de l’article L. 112-13, les références : « des articles L. 112-11 et L. 112-12 » sont remplacées par la référence : « de l’article L. 112-11 ». –

Adopté.

Le chapitre II du titre Ier du livre Ier du code du patrimoine est ainsi modifié :

1° À l’article L. 112-1, les mots : « la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « l’Union européenne » et la référence : « règlement (CEE) n° 3911/92 du 9 décembre 1992 » est remplacée par la référence : « règlement (CE) n° 116/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, concernant l’exportation de biens culturels » ;

2° À l’intitulé des sections 1 et 2, les mots : « la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « l’Union européenne ». –

Adopté.

Titre IV

DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER

I. – Le titre Ier de la présente loi s’applique à compter du 1er novembre 2013. Il n’a pas pour effet de faire renaître des droits sur des fixations ou des phonogrammes dont la durée de protection a expiré avant le 1er novembre 2013.

II. – En l’absence d’indication contraire claire dans le contrat, l’autorisation écrite donnée avant le 1er novembre 2013 en application de l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle continue de produire ses effets au-delà des cinquante premières années du délai de soixante-dix ans prévu au 2° du I de l’article L. 211-4 du même code.

III. – L’autorisation écrite donnée avant le 1er novembre 2013 en application de l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle et prévoyant une rémunération proportionnelle peut être renégociée au bénéfice des artistes-interprètes au-delà des cinquante premières années du délai de soixante-dix ans prévu au 2° du I de l’article L. 211-4 du même code.

IV. – Ne peuvent donner lieu à poursuites pénales que les infractions au titre Ier de la présente loi commises après la publication de ladite loi. –

Adopté.

Les articles 1er, 2 et 7 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mes chers collègues, je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’orientation de France Expertise Internationale.

Conformément à l’article 9 du règlement, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a été invitée à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je rappelle que les commissions ont proposé des candidatures pour des organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et seront publiées au Journal officiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mes chers collègues, l’ordre du jour étant épuisé, je vais lever la séance.

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 13 janvier 2015 :

À quatorze heures trente :

1. Suite du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée) (n° 636, 2013-2014)

Rapport de MM. Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (174, 2014-2015) ;

Texte de la commission (n° 175, 2014-2015) ;

Avis de M. Rémy Pointereau, fait au nom de la commission du développement durable (140, 2014-2015) ;

Avis de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (150, 2014-2015) ;

Avis de M. René Paul Savary, fait au nom de la commission des affaires sociales (154, 2014-2015) ;

Avis de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques (157, 2014-2015) ;

Avis de M. Charles Guéné, fait au nom de la commission des finances (184, 2014-2015).

À vingt et une heures trente :

2. Débat et vote sur la demande du Gouvernement d’autorisation de prolongation de l’intervention des forces armées en Irak, en application du troisième alinéa de l’article 35 de la Constitution.

Madame la ministre, mes chers collègues, je vous souhaite d’excellentes fêtes et, par anticipation, une bonne année 2015.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à seize heures cinq.