Madame la sénatrice, je me suis rendu la semaine dernière en Côte-d’Or où j’ai discuté pendant trois heures avec les organisations professionnelles agricoles de la situation que vous avez évoquée.
Comme vous l’avez rappelé, des aléas climatiques ont touché de manière régulière la Côte-d’Or depuis trois ans. Des indemnisations ont été versées à hauteur de près de 4, 5 millions d’euros à la suite de la sécheresse de 2011 ; en 2012, les agriculteurs touchés par le gel ont reçu 215 000 euros d’indemnisations et, en 2013, l’indemnisation des inondations a représenté 382 000 euros. Pour compléter ces aides – car tel était l’objet de votre question –, les agriculteurs peuvent solliciter des dégrèvements de la taxe sur le foncier non bâti : ils l’ont fait et il faut effectivement rester à leur écoute.
Sur le fond, je rappelle qu’une réforme de la dotation pour aléa, la DPA, a été votée dans le cadre de la loi de finances. Cette dotation permet aux agriculteurs de constituer des provisions lorsque les années sont meilleures, en prévision des aléas climatiques qui peuvent survenir, qu’il s’agisse de sécheresse ou d’inondations – au printemps de cette année, l’humidité a contribué à dégrader la qualité des blés.
Cette réforme fait partie des engagements que j’ai pris et elle doit être complétée par un système assurantiel de mutualisation des risques, avec ce que l’on appelle un « contrat-socle ». Il s’agit d’une mesure lourde que j’essaie de mettre en œuvre depuis plus d’un an et demi et qui devrait trouver sa concrétisation au début de l’été prochain, avec la mobilisation des établissements financiers. En effet, on ne peut régler ce problème qu’en mobilisant des fonds publics, mais aussi tout le système assurantiel.
Vous avez évoqué ensuite deux sujets.
Vous avez abordé, en premier lieu, la question des indices de fréquence de traitement, les IFT. Je souhaite, dans le cadre d’une mesure agro-environnementale prise après discussion avec les organisations professionnelles et qui s’ajoute à celles qui existent, fixer un objectif de réduction des emplois de produits phytosanitaires de 30 %. Cet objectif ne s’appliquera pas exploitation par exploitation, mais à l’échelle d’une région homogène du point de vue climatique. Cet enjeu est extrêmement important.
Les chiffres évoqués par les organisations professionnelles et ceux que le ministère a mis sur la table nécessitent une discussion. Celle-ci est en cours pour ajuster le dispositif et faire en sorte qu’il soit efficace. Si nous arrivons à trouver un accord, ce sera la première fois que l’on traitera la question environnementale non pas en imposant une norme qui s’applique de manière uniforme, mais en créant une dynamique avec les agriculteurs. L’objectif de réduction est fixé par un accord, mais les agriculteurs pilotent eux-mêmes cette réduction, ce qui évite l’imposition de normes, souvent mal vécue. Il faut donc créer cette dynamique. Je suis ouvert à la discussion pour que l’on puisse caler les dispositifs, mais je reste déterminé à faire en sorte que cette réduction puisse être appliquée : il y va en effet de l’intérêt de tous.
En second lieu, vous avez évoqué les distorsions de concurrence avec l’Allemagne. Tout d’abord, il convient de rappeler que le budget de la PAC consacré à l’Allemagne est en baisse de 7 %, ce qui n’est pas le cas de la France. Nous avons participé, avec d’autres pays, à ce que l’on appelle la convergence européenne et nous avons perdu 2 % de notre budget ; mais ce dernier reste à un niveau de 9, 1 millions d’euros, c’est-à-dire à peu près l’équivalent de ce qu’il était dans la période précédente, ce qui n’est pas le cas pour l’Allemagne.
Ensuite, l’Allemagne a choisi de mettre en œuvre un système de convergence totale : toutes les aides sont calculées par hectare et il n’y a plus d’aides couplées. Dans l’est de la France, de grands bassins allaitants vont venir aider les troupeaux allaitants et ne sont pas intégrés directement dans l’aide à l’hectare mais ils sont essentiels pour pérenniser l’activité d’élevage dans de grandes zones, en particulier la Bourgogne et l’ensemble de l’est de la France, mais aussi le sud-ouest, l’ouest et le Massif central. C’est donc une deuxième différence importante avec l’Allemagne.
Enfin, en ce qui concerne la moyenne des aides à l’hectare, en Allemagne, selon le Land, les paiements de base s’échelonneront entre 154 euros et 191 euros par hectare, soit une moyenne de 174 euros par hectare en 2019 ; le « paiement vert » s’établira à 85 euros par hectare et un paiement redistributif sera mis en œuvre, de 50 euros sur les trente premiers hectares et de 30 euros sur les seize hectares suivants.
En France, pour tenir compte de la diversité des situations de toutes les régions et remplir les objectifs de la politique agricole commune, tout en maintenant les aides à l’élevage, en 2015, le paiement de base moyen à l’hectare devrait s’élever à 132 euros, le paiement vert à 82 euros par hectare et le paiement redistributif à 26 euros par hectare sur les cinquante-deux premiers hectares. S’y ajouteront des paiements couplés, notamment une prime à la vache allaitante, qui représentent au total 15 % de l’enveloppe française.
Au bout du compte, en additionnant l’ensemble de ces paiements, la situation des agriculteurs en Allemagne et en France est équivalente.
Il ne faut pas non plus oublier toutes les mesures prises dans le cadre du pacte de responsabilité qui s’appliqueront dès l’année prochaine, qu’il s’agisse du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi et des exonérations de charges patronales sur l’emploi salarié. Ce dernier point est très important puisque, comme vous le savez, notre agriculture emploie de nombreux salariés. Enfin, avec la mise en place progressive du SMIC en Allemagne, l’écart de compétitivité entre nos agricultures va se réduire et progressivement se combler.