Intervention de Valérie Létard

Réunion du 16 décembre 2014 à 14h30
Nouvelle organisation territoriale de la république — Discussion générale

Photo de Valérie LétardValérie Létard :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur de la commission des lois, cher Jean-Jacques Hyest à qui j’associe M. René Vandierendonck qui, malheureusement souffrant, ne peut être avec nous – et j’aurai moi aussi une pensée pour lui et eu égard à l’énorme le travail d’auditions qui a été réalisé par la commission des lois et ses rapporteurs et qui nous a beaucoup éclairés –, madame, messieurs les rapporteurs des autres commissions, mes chers collègues, je viens vous présenter l’analyse et les propositions de la commission des affaires économiques, qui a décidé de centrer son approche sur deux volets de ce projet de loi : l’économie et le tourisme.

En tant que rapporteur pour avis, j’ai été frappée par la diversité des points de vue qui se sont exprimés au cours des auditions. Cela m’a convaincue que l’amélioration de l’efficacité des interventions économiques ne pourra être réellement mise en œuvre que si les projets et schémas régionaux sont rassembleurs, c’est-à-dire élaborés conjointement et programmés dans le détail. Seule cette co-élaboration permettra de préserver la motivation des élus mais aussi le réalisme territorial, qui sont les deux moteurs du succès des interventions économiques des collectivités.

Tel est le message simple qui ordonne les propositions de la commission des affaires économiques : la réforme ne doit pas être guidée par un esprit de système, mais par l’analyse concrète des transformations économiques et des risques pour la cohésion sociale qui planent tout particulièrement sur certains territoires. J’ajoute que la situation actuelle ne nous donne guère le droit à l’erreur.

Pour mémoire, je rappellerai que les interventions économiques des collectivités territoriales avoisinent 6, 5 milliards d’euros, soit le septième de celles de l’État, et 0, 3 % du PIB. Les régions y consacrent 2, 1 milliards d’euros, les établissements publics de coopération intercommunale 1, 7 milliard d’euros, les départements 1, 6 milliard d’euros et les communes 983 millions d’euros. Cela représente une part limitée du budget des collectivités : 8, 3 % pour les régions, 1, 6 % pour les départements, 1, 7 % pour les intercommunalités et 1, 5 % pour les communes. Sur la période récente, les dépenses d’intervention économique des collectivités ont progressé de près de 1 % par an en moyenne, celles des départements ont décru tandis que les interventions des régions ainsi que des communes et groupements à fiscalité propre ont augmenté.

Sur le plan institutionnel, le cadre juridique des interventions économiques des collectivités a été redessiné par deux lois de décentralisation récentes. La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a institué le rôle de « chef de file » de la région, ce qui impose la nécessité d’obtenir l’accord de la région pour une collectivité infrarégionale qui souhaite créer un dispositif propre.

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, quant à elle, a supprimé la distinction entre aides directes et aides indirectes pour adapter le droit français aux exigences de l’Union européenne. En pratique, cette disparition des aides indirectes libres s’est traduite par une augmentation du nombre d’aides à l’immobilier que les collectivités peuvent octroyer sans accord de la région.

Nous connaissons tous sur nos territoires le résultat actuel de ce « maquis » institutionnel. À l’heure où les contraintes budgétaires se font toujours plus pressantes, il est grand temps de rendre l’intervention des collectivités la plus efficace possible. C’est ce souci d’efficacité qui a guidé la réflexion de la commission des affaires économiques, et je la résumerai en trois idées-forces.

Première idée-force : nous devons consacrer le rôle de chef de file des régions en matière de développement économique dans une logique de cohérence et de simplification, afin d’éviter les doublons. Ce rôle de coordination doit être spécifié, car le développement économique est une politique publique, qui fait intervenir de très nombreuses dimensions.

Les régions sont, par exemple, la bonne échelle pour organiser les plateformes de projection des PME et des entreprises de taille intermédiaire à l’export, ou encore pour coordonner les stratégies d’attractivité, l’organisation des grandes filières industrielles régionales. Dans le contexte mondialisé que nous connaissons, ces actions doivent impérativement être coordonnées pour optimiser la visibilité de nos territoires.

Deuxième idée-force : nous devons permettre la prise en compte des spécificités des territoires par une association forte de ceux-ci à l’élaboration des schémas régionaux et à leur mise en œuvre. Il s’agit donc d’encourager le dynamisme des collectivités, au moment où notre pays en a le plus fortement besoin. Au-delà des « cœurs de métier » des régions, le soutien du développement économique passe par de nombreux vecteurs sur lesquels les régions n’ont ni monopole ni véritable capacité de maîtrise d’ouvrage.

Je veux parler ici de l’animation de proximité de l’économie locale telle que réseaux d’affaires, interfaces territoriales entre université et monde économique, de l’aménagement économique du territoire – immobilier, foncier, dépollution des sols, réseaux, etc. – et des services supports nécessaires pour attirer des entreprises – logement, offre culturelle et sportive, crèches.

Le nouveau périmètre des régions risque encore de faire perdre en proximité, en imposant une distance plus grande entre le niveau régional et certaines communes ou intercommunalités. On voit bien dans ces conditions que, si le schéma de développement économique doit être réfléchi au niveau régional, il doit aussi être coconstruit et coproduit avec les autres acteurs du territoire, en particulier le niveau des intercommunalités et des métropoles qui sont compétentes en ce domaine.

Troisième idée-force : nous devons introduire dans la loi la souplesse nécessaire à l’élaboration de schémas qui soient vraiment du « cousu main ».

En bref, nous sommes favorables à des métropoles dynamiques qui soient les locomotives d’un développement régional équilibré. Pour ce faire, il nous faut clarifier les registres d’intervention entre le bloc communal et le niveau régional tout en respectant le principe de libre administration des collectivités locales et l’absence de tutelle de l’une sur l’autre.

Ces idées-forces m’amènent à vous préciser les principaux amendements qui découlent de cette analyse.

Pour surmonter tout risque d’incertitude juridique tout en nous conformant à la logique économique et sociale, nous proposons une solution simple et réaliste à l’article 2 du projet de loi : l’élaboration conjointe des schémas de développement économique. C’est en travaillant tous ensemble que les régions et leurs territoires infrarégionaux pourront construire des politiques qui allient à la fois l’aide au tissu économique existant et la préparation des activités du futur. C’est pourquoi les orientations du schéma doivent être mises en débat au sein des conférences territoriales de l’action publique pour un avis global.

Je vous proposerai également d’articuler ce mécanisme avec le recours à la contractualisation prévu dans le droit existant depuis la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « MAPTAM ». À travers la signature de conventions territoriales d’exercice concerté, il s’agit de clarifier la mise en œuvre des orientations du schéma et de définir l’implication des collectivités dans une territorialisation fine.

L’objectif, vous le comprenez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, n’est pas d’opposer un niveau à un autre, ni même d’ajouter une certaine lourdeur dans les processus d’élaboration de ces schémas. Bien au contraire, il s’agit de mobiliser toutes les énergies autour d’un projet commun, cohérent et efficace. Une vraie vision stratégique régionale, de grandes filières qui définiront un consensus partagé, mais qui ne peut trouver son sens que si, contractuellement, les territoires peuvent, face à une région bien sûr « pilote » dans ce grand avion, définir avec précision la traduction de ce schéma régional dans chacun des territoires intercommunaux. Ainsi, le levier sera le plus efficace possible et les stratégies pourront être finement adaptées à la connaissance des territoires sur cette réalité, car vous le savez, nombre d’intercommunalités, aujourd’hui, sont porteuses de ces stratégies et effectuent déjà ce travail conjointement avec les régions.

Je vous rappelle par ailleurs que le débat qui a eu lieu en commission des lois, animé par M. Hyest, a aussi permis de rappeler combien ces conventions pourraient être utiles pour régler la question des métropoles, …

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