Séance en hémicycle du 16 décembre 2014 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • décentralisation
  • intercommunalité

La séance

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La séance, suspendue à midi, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'ordre du jour appelle la discussion générale, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (projet n° 636 [2013-2014], texte de la commission n° 175, rapport n° 174, avis n° 140, 150, 154, 157 et 184).

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon rappel au règlement a trait à l'organisation de nos travaux.

Rarement débat parlementaire n’aura démarré dans une telle confusion. Nous débutons cet après-midi la discussion générale du projet loi relatif à la nouvelle organisation territoriale, sur lequel a été engagée la procédure accélérée, pour reprendre l’examen des amendements le 13 janvier prochain, ce qui ne permettra pas une bonne visibilité ni une bonne compréhension de nos échanges.

Mais, à mon sens, ce qui est très regrettable, c’est la remise en cause du droit d’amendement dont sont victimes les sénatrices, les sénateurs et les groupes politiques.

En effet, l’expiration du délai pour le dépôt des amendements examinés en séance publique a été fixée à l’ouverture de la discussion générale, alors que la commission, réunie mercredi dernier jusqu’à vingt-deux heures quinze, a adopté 166 amendements modifiant considérablement le texte.

Pour l’immense majorité des sénateurs qui n’assistaient pas à la réunion de la commission des lois, il est donc particulièrement difficile, à ce jour, d’avoir une vision précise de l’évolution de ce texte.

Ces nombreuses modifications en entraînent forcément une autre, celle de la lecture politique du projet de loi. Les réunions de groupe qui se tenaient ce matin même ont dû réexaminer ce projet de loi. Mais préparer de nouveaux amendements et réajuster les interventions générales en fonction du déroulement de ces réunions relevait tout bonnement de l’impossible.

Comme d’autres, j’ai demandé le report du délai de dépôt des amendements au début du mois de janvier pour permettre au travail parlementaire de s’effectuer dans de bonnes conditions. On m’a répondu que la loi organique imposait le début de la discussion générale comme dernier terme pour déposer les amendements.

M. Roger Karoutchi opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je vous le dis très respectueusement, mais assez fermement, une erreur a été commise. La complexité du nouveau texte – car il faut parler de nouveau texte – exigeait de reporter l’ouverture de la discussion générale au 13 janvier prochain pour laisser au Sénat un temps minimal de réflexion et pour éviter de légiférer dans la précipitation, celle-ci étant, vous le savez bien, nuisible à la qualité de la loi future.

La nouvelle organisation de la République ne pouvait-elle pas justifier une journée supplémentaire de débat en janvier pour être discutée avec sérieux et sérénité ?

Par ailleurs, j’ai été choquée d’entendre dire en commission que la clôture du délai d’amendement ce mardi 16 décembre ne posait pas de problème puisque gouvernement et commission conservent le droit d’amendement à tout instant.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cette remarque met en exergue l’atteinte profonde au droit d’amendement à laquelle on assiste, alors qu’il s'agit d’un droit individuel appartenant à chaque sénatrice et sénateur.

C’est également une façon d’indiquer sans délicatesse que si vous ne soutenez pas le Gouvernement et ne pouvez espérer le soutien d’une commission, vous ne pouvez plus influer sur la rédaction du texte.

Logiquement, cette confusion sur un plan formel, liée à des conditions de débats exécrables – 520 amendements examinés en une journée par la commission des lois ! –, entraîne maintenant une confusion sur le fond du texte.

Quel est l’objectif du texte ? Quel est son champ d’action ? Oui, comme cela a été dit en commission, le risque est grand d’assister à la création d’un véritable monstre juridique.

Enfin, monsieur le président, la confusion provient également des incertitudes financières. Alors que les ressources des collectivités territoriales vont être sabrées de vingt-huit milliards d’euros en trois ans, le débat sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, le projet de loi NOTRe, arrive comme si de rien n’était. Ce débat est donc confus et même, pour une bonne part, quelque peu virtuel !

Pour conclure, monsieur le président, je constate que la confusion actuelle de ce débat vient aussi du fait qu’il se réduit à un débat de spécialistes, pour ne pas dire de technocrates. Un grand débat national devrait avoir lieu pour écouter les attentes de la population. Une telle pratique démocratique permettrait sans doute de clarifier les enjeux et de simplifier les solutions.

Monsieur le président, pourquoi ne pas avoir reporté le début de la discussion générale au 13 janvier prochain afin de permettre un bon travail législatif au Sénat ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais apporter quelques précisions à Mme Éliane Assassi.

Il va de soi que la commission des lois – dont vous êtes, madame Assassi, l’un des membres éminents – est particulièrement soucieuse de la qualité des débats et d’accorder le temps nécessaire pour qu’elle soit au rendez-vous.

Je voudrais toutefois vous rappeler que la commission des lois a désigné dès le mois de juin dernier – peu après l’adoption par le conseil des ministres de ce projet de loi, le 18 juin 2014 – un rapporteur en la personne de M. René Vandierendonck, dont je vous prie d’excuser aujourd’hui l’absence. Depuis, – nous sommes en décembre – nous avons eu un certain temps pour réfléchir à l’évolution nécessaire de ce texte, dont beaucoup d’entre nous ont souhaité qu’il soit remis d’aplomb.

Un second rapporteur, Jean-Jacques Hyest, a été désigné par la commission des lois dès le mois d’octobre dernier, et nous avons eu, sur l’initiative du président du Sénat, un débat avec le Premier ministre le 28 octobre dernier.

C'est dire que nous avons eu la chance sur ce texte – c’est d’ailleurs assez exceptionnel dans la préparation d’un débat parlementaire – d’avoir à la fois beaucoup de temps entre l’adoption de ce texte en conseil des ministres et le débat qui s'ouvre maintenant, mais aussi un certain nombre d'éclairages, qui étaient d’autant plus nécessaires que nous avons pu légitimement concevoir le sentiment d’un certain flottement de la part du Gouvernement sur les axes essentiels de la réforme qu’il avait lui-même adoptée.

Notre commission des lois, éclairée par ses deux rapporteurs – qui ont accompli l’un et l’autre un travail tout à fait considérable, je tenais à le dire –, s'est fortement mobilisée pour l’examen de ce texte. Mercredi dernier, à vingt-deux heures trente, après avoir examiné tous les amendements qui étaient inscrits à l'ordre du jour de notre réunion, la commission des lois a effectivement adopté le texte qui est le point de départ de la délibération qui commence aujourd'hui.

Dès le lendemain matin, jeudi, le texte était en ligne, et le rapport était disponible samedi matin. Ce sont des délais qui peuvent paraître courts, entre jeudi dernier et la date limite pour le dépôt des amendements, mais ces délais résultent simplement d’un texte qui s'impose à nous tous, celui de loi organique…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, et qui dispose, à son article 13, que « les amendements des membres du Parlement cessent d'être recevables après le début de l’examen du texte en séance publique. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le « début » commence maintenant, et il n’y a donc eu aucune espèce de distorsion dans la procédure suivie pour préparer ce débat.

Nous sommes par conséquent obligés, que nous en soyons pleinement satisfaits ou non, de discuter sur la base des travaux de la commission, et il n’appartenait ni à celle-ci ni au président du Sénat de rouvrir un délai de dépôt des amendements qui est déterminé par la Constitution et la loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Madame la présidente Assassi, je rappelle que ce texte était initialement inscrit dans la semaine du 3 novembre, et que c'est à la suite d’une rencontre que j’ai eue avec le Président de la République et le Premier ministre que nous sommes convenus du calendrier actuel ; ce dernier, s’il présente quelques inconvénients, nous a cependant permis d’entendre le Premier ministre, de remettre le texte en perspective et de réunir en conseil national, voilà quelques jours, les trois associations représentant respectivement les communes, les départements et les régions.

L’article 13 de la loi organique s'impose à nous, d’autant qu’il a été validé par le Conseil constitutionnel. C’est bien sûr une contrainte, mais, en même temps, cela a été une manière de desserrer l’étreinte.

Aussi, je pense que nous pouvons engager la discussion générale, non sans avoir préalablement rappelé que le Gouvernement a tenu sa parole et l’engagement qu’il avait pris à l’égard du président du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu

Merci, monsieur le président, d’avoir rappelé les entretiens que vous avez eus avec le Premier ministre : ils ont permis d’adopter un déroulé qui, sans être satisfaisant, a pris en compte un maximum de demandes.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la délégation aux collectivités territoriales, monsieur le rapporteur Jean-Jacques Hyest – permettez-moi d’adresser un salut amical ainsi que mes vœux de prompt rétablissement à M. le rapporteur René Vandierendonck –, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est toujours, pour moi-même et pour André Vallini, un privilège de venir dans cet hémicycle afin de défendre un projet de loi concernant les territoires de France.

Les débats que nous avons eus, tant au cours de mes déplacements que devant votre commission des lois, ont démontré notre souhait commun de réussir cette réforme, et le Sénat y aura largement contribué. Bien sûr, nous avons eu des échanges avec le Premier ministre, et tant le Président de la République que le Premier ministre nous ont demandé de trouver un maximum d’accords tout en respectant bien évidemment l’avis de l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement s'est beaucoup attaché, dans la conduite de ses travaux, à suivre ceux du Sénat. En effet, c'est grâce aux états généraux du Sénat de septembre 2012 que nous avons créé un Conseil national d’évaluation des normes, installé le 3 juillet dernier. Et c’est à la suite de ces mêmes états généraux que le Gouvernement a soutenu la proposition de loi sur le statut de l’élu, qui sera bientôt – j’allais dire : enfin ! – voté définitivement.

C'est dans le rapport de MM. Raffarin et Krattinger que nous avons puisé cette idée d’une conférence territoriale de l’action publique votée dans la loi précédente, même si elle ne figurait pas dans le rapport sous cette appellation.

Je pense aussi aux initiatives qui ont été effectivement inscrites dans les textes, comme la diminution du nombre de syndicats locaux proposée par M. Mézard, ou celles qui figurent déjà dans la loi, tels la décentralisation du stationnement payant, les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux suggérés par la commission du développement durable du Sénat, et la compétence en matière de gestion de l’eau et des inondations, proposition issue du rapport de MM. Anziani et Collombat.

À propos de l’organisation territoriale de la République, l’étape d’aujourd'hui doit nous permettre de redire le sens de l’action publique du XXIe siècle.

Depuis les lois de décentralisation de Gaston Defferre, les textes successifs, n’est-ce pas, monsieur Jean-Pierre Sueur, s’ils ont permis des avancées, ont également engendré de nombreuses structures. Les centres de décisions se sont multipliés, l’action publique s’est parfois complexifiée.

Notre débat doit donc nous conduire à adapter ces structures aux attentes légitimes de nos concitoyens, car même si ces attentes résultent d’injonctions contradictoires – moins de dépenses publiques, mais plus de services publics –, elles nous obligent.

Ces structures ne correspondent pas suffisamment aux réalités vécues, elles ne permettent plus de résorber les inégalités ni de porter les services publics nécessaires à nos concitoyens. Nous n’acceptons pas que l’hyper-richesse côtoie l’hyper-pauvreté. Dans trop de territoires, urbains ou ruraux, les élus relaient un sentiment d’abandon.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est bien là que se trouve l’enjeu : retrouver le sens de l’action publique, rendre l’organisation de la vie quotidienne plus facile, donner à nos concitoyens de meilleures chances de maîtriser leur avenir et celui de leurs enfants, leur donner l’envie de s’impliquer davantage, d’être des citoyens engagés. Plus impliqués, plus concernés, donc plus engagés, ils reprendront le chemin du collectif et de l’attention aux autres. Plus confiants, ils reprendront le chemin des urnes.

Chaque Français doit se sentir bien

M. Éric Doligé s’exclame.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Nous croyons à la force de notre pays et nous avons confiance en nos élus.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Vous avez raison, monsieur le président de la commission des lois.

Pour réussir, nous devons mettre fin à la concurrence. La concurrence n’est pas une valeur, elle est un fait. C’est par la coopération que nous devons y répondre ;…

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

… par la coopération entre nos territoires, parce que la coopération est une valeur.

La concurrence crée la complexité et gaspille la dépense publique par un dumping territorial. Opposons-lui une saine coopération

M. Roger Karoutchi est dubitatif.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Et il est temps d’en finir avec les rivalités inutiles entre territoires et parfois entre élus, rivalités qui font perdre de l’énergie et du temps à tout le monde. Montrons aux Français que les élus savent s’entendre et travailler ensemble, dès lors que l’intérêt général, qui est leur passion, est en jeu.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Si nous passons de la concurrence à la coopération, alors nous sauverons la parole publique. C’était déjà le sens de la loi précédente : changer d’approche, reconnaître la diversité de nos territoires, adapter l’action publique à cette diversité.

Dans notre pays, il arrive que, à seulement trente kilomètres de distance, les paysages changent, l’architecture se modifie, la cuisine ou l’accent soient différents.

Sans une action publique qui prend en compte cette diversité, nous serons incapables de résorber les inégalités, de mettre fin aux injustices, que ce soit dans les métropoles, les quartiers défavorisés, les villes moyennes, les villages, les territoires ultramarins et à la montagne, aux côtés de chacune et de chacun de nos concitoyens.

Reconnaître les spécificités, ce n’est pas avantager certains territoires par rapport à d’autres. C’est justement leur permettre de se développer au regard des atouts et des besoins qui sont les leurs.

Pour les métropoles et les grandes villes, c’est assumer la responsabilité de la recherche et de la santé comme de l’accueil des étudiants et apprentis. Cela sert bien évidemment les territoires ruraux.

Pour les territoires ruraux, c’est assurer l’indépendance alimentaire de la France et de l’Europe. Cette indépendance est en danger quand disparaît en dix ans une surface agricole équivalant à la superficie d’un département. C’est aussi porter l’innovation, la créativité et de nouvelles filières économiques.

Chaque territoire a son identité. Il faut la préserver, l’enrichir. Ni la fusion de régions ni celle d’autres collectivités n’y porteront jamais atteinte.

De la diversité réaffirmée à la cohérence, l’organisation territoriale de la République doit refaire société et porter progrès de la démocratie.

C’est d’autant plus nécessaire que la clarification et le renforcement des compétences locales doivent aller de pair avec des contre-pouvoirs forts. Sinon, nous courons le risque de voir s’accentuer le fossé entre l’action et l’opinion publique.

Comme le suggère Paul Valéry, « un État est d’autant plus fort qu’il peut conserver en lui ce qui vit et agit contre lui ». Si nous voulons des collectivités fortes, nous devons pouvoir en faire des espaces de débats éclairés, transparents et contradictoires.

La vivacité démocratique de nos territoires ne se décrète pas ; elle n’est pas facile à écrire, de même que la réalité des pouvoirs de l’assemblée délibérante à l’égard de l’exécutif d’une région, ou les limites du pouvoir de l’opposition. Néanmoins, il n’est pas impossible que quelques parlementaires aient des idées fécondes en la matière.

La vivacité démocratique de nos territoires, c’est aussi celle de nos communes. Car nos 36 000 communes sont 36 000 points d’accès à la démocratie, 36 000 repères pour nos concitoyens.

En ces temps complexes, la commune est un échelon essentiel, un échelon d’évidence. C’est pourquoi le projet de loi que je vous présente avec André Vallini a vocation à la préserver, en lui donnant la force du regroupement.

Je ne suis pas la ministre des éditorialistes et des think tanks libéraux, de ceux qui proposent, dans tous les tabloïds, de déchirer au plus vite les départements ou de balayer les communes.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Au contraire, avec ce projet de loi, nous permettons aux communes de répondre à leurs difficultés, grâce à l’intercommunalité.

Dans la droite ligne de la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, que vous avez votée hier, notre texte garantit les communes. Il est un formidable outil pour unir sans détruire.

Demain, il n’existera plus de communes fortes sans intercommunalités fortes.

Des communes trop petites ne peuvent assumer toutes les missions aujourd’hui attendues des collectivités territoriales par nos concitoyens.

(M. Jacques Mézard opine.) Car du morcellement au recul des services publics, il n’y a qu’un pas.

M. Jacques Mézard opine de nouveau.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Nous entendons les élus nous dire que la réforme territoriale peut remettre en cause la proximité. Je pense au contraire, comme bien d’autres, qu’il ne faut pas confondre proximité et morcellement. §

Cette question du recul des services publics est essentielle. C’est là que se joue, à mon sens, notre plus grand défi collectif. Car les extrémismes s’immiscent dans les failles de l’action publique.

L’intercommunalité permet de repenser la présence physique de la puissance publique sur nos différents territoires. Ainsi, grâce au projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou projet de loi NOTRe, les EPCI pourront définir des obligations de service public. Nos maisons de services publics doivent se bâtir vite. Pour commencer, nous nous sommes fixé un objectif de 1 000 maisons.

Il faut en effet veiller à ne pas tout confier au numérique, même si une transition numérique peut également apporter des solutions. Je dis « une » transition numérique, car c’est une transition choisie, qui refuse de verser dans l’unanimisme béat du digital.

Plutôt que de dématérialiser la présence physique des pouvoirs publics sur nos territoires, l’outil numérique doit à l’inverse permettre de la renforcer. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons pris en compte les travaux d’Yves Rome et de son groupe de travail transpartisan.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous le constatons tous – chacun d’entre nous au sein de son territoire – l’intercommunalité est l’endroit où les gens vivent, où ils habitent, où ils travaillent.

Il est temps de faire en sorte que les limites de notre organisation ne soient plus jamais pour eux une barrière de complexité. Pour ce faire, il faut trouver l’échelle institutionnelle à même de représenter leurs territoires vécus. Il nous faut donc franchir un palier supplémentaire, en installant la coopération intercommunale au niveau approprié.

C’est ce que nous pourrons faire avec l’objectif de 20 000 habitants

M. Jacques Mézard proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Pour développer la proximité, 50 000 ce sera encore mieux !

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

… en fonction de la densité démographique, …

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

… des temps de déplacement, …

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

… des frontières naturelles ou nationales.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Le Gouvernement proposera de préciser, au cours des débats que nous aurons, les aménagements possibles au regard de ces critères. Sachez que je serai, sur cette question, très attentive aux propositions que vous pourrez formuler. J’apporterai début janvier ce qui fera l’objet d’une circulaire pour nos préfets, en application de ce que vous aurez proposé, j’en ai pris l’engagement hier après-midi auprès de M. Michel Mercier (Ah ! et marques d’ironie sur les travées de l'UMP.), …

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

… en tant que rapporteur.

Le projet de loi que nous vous présentons avec André Vallini redéfinit le rôle des départements. Ils sont recentrés sur les enjeux de solidarités.

Il s’agit des solidarités territoriales, dont l’aide aux projets de territoires, l’ingénierie qui manque aujourd’hui à trop de communautés de communes, qui ne peuvent répondre à diverses manifestations d’intérêt.

Il s’agit également des solidarités envers les personnes, pour lesquelles cette réforme doit être l’occasion de repenser les financements. Je songe en particulier aux allocations individuelles de solidarité, qui font l’objet d’un vrai débat à l’heure actuelle.

Quant aux régions, avec leurs compétences nouvelles, leur force, elles porteront davantage le progrès et l’anticipation. Garantes de l’avenir de nos concitoyens et de nos territoires, elles devront permettre une meilleure répartition de l’activité.

Elles agiront pour les citoyens, ceux qui cherchent un emploi, qui vivent dans un territoire en reconversion, ceux qui cherchent à se former. Chacun doit savoir, quelle que soit sa situation, que sa reconversion et son avenir sont assurés.

Sur les questions d’emplois, de formation et de développement économique des territoires, le Sénat a fait des propositions. Nul doute qu’elles viendront alimenter fertilement nos discussions.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

À propos des structures d’accompagnement, le Gouvernement a entendu le message de la commission des lois, et partage l’idée selon laquelle la région, renforcée en matière de développement économique, chef de file des politiques de formation et d’orientation professionnelles, doit s’impliquer davantage dans ce domaine.

Cependant, compte tenu de l’urgence liée à la situation du chômage, il pourrait être dangereux de déstabiliser un système qu’il faut d’abord faire mieux fonctionner. Nous partageons ce constat d’insuffisance. Il faut donc clarifier les domaines de compétences de l’État et des régions et préciser leurs modalités de coordination. Ce n’est pas à M. le président Gérard Larcher que j’apprendrai que cette question est aussi essentielle que difficile à régler.

Les régions, nous les voulons espaces de partage pour l’avenir de nos territoires. Ainsi, nous pourrons promouvoir un nouveau modèle de développement et assurer la transition énergétique.

Ce sont nos régions qui travailleront à l’anticipation économique et l’émergence d’idées nouvelles. Elles interviendront dans trois domaines essentiels, l’économie, le transport et la formation. Elles assureront la responsabilité des aides directes et des entrées au capital des entreprises ; elles conduiront le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, qui doit bien évidemment se conjuguer avec les autres territoires, en particulier les métropoles et les communautés d’agglomération. Par ailleurs, comme rien ne se fait sans cohésion, le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire permettra d’être attentif à l’équilibre des territoires et à la solidarité avec les territoires en déprise, dont on ne parle pas suffisamment.

Enfin, chaque jeune aura les moyens de préparer au mieux sa vie future, parce qu’il aura accès à une formation de qualité. C’est le sens du transfert de compétence concernant les collèges, lequel, je le sais, fait ici grandement débat. Chaque conférence territoriale de l’action publique, ou CTAP, doit répondre à la question non seulement des cités scolaires, mais aussi des transports scolaires. En effet, nous n’avons pas créé cette instance pour qu’elle devienne inutile.

Les régions pourront enfin, par des contrats infrarégionaux, accompagner le volet territorial des contrats de plan, la gestion des fonds européens, qu’elles assument aujourd’hui pleinement. J’ai bien entendu les remarques formulées par les maires de certaines grandes villes et je sais aujourd’hui qu’un accord pourra être facilement trouvé.

Grâce à ce partage des responsabilités, mais aussi grâce à cette confrontation des idées et des projets au sein de la conférence territoriale de l’action publique que nous avons créée, nous pouvons maintenant supprimer la clause de compétence générale pour les régions et les départements, …

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

… conjuguant ainsi efficacité et clarté avec échanges et confiance.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Changer d’avis quand on change d’avis de façon éclairée, c’est un honneur !

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Je n’oublie pas de rappeler l’une de nos propositions structurantes : l’adaptation du pouvoir réglementaire. Nous avons abordé hier cette question au sujet de l’urbanisme et de la gestion de l’eau ; nous devrons l’envisager au sujet d’un autre secteur important, celui du tourisme, qui, j’en ai eu le sentiment hier, ne fait plus partie du développement économique – je le dis avec le sourire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la nouvelle organisation territoriale de la République porte de grandes ambitions pour notre pays, pour la qualité de vie de nos concitoyens et l’avenir de nos territoires. C’est un devoir pour nous – Gouvernement et élus de la République – de la réussir.

C’est la raison pour laquelle il faudra accorder une attention particulière à la période de transition, et ce dans l’ensemble de nos territoires. La phase de transition, ce n’est pas une phase d’attente ou d’attentisme, bien au contraire ; c’est une phase de construction.

Réussir la réforme, c’est aussi accompagner les agents publics, ces hommes et ces femmes qui font vivre nos services publics.

Les agents publics travaillent pour nous tous, au quotidien. Ils nous soignent, nous éduquent, nous orientent. Nous attendons d’eux l’exemplarité et l’incarnation de nos valeurs républicaines. À nous d’être des employeurs irréprochables, à la hauteur de l’enjeu. Associons-les à nos réformes, nous le leur devons.

La réforme territoriale va emporter pour eux des conséquences importantes, des conséquences pour leur quotidien, qui pourront aller – certes, pour quelques-uns seulement – jusqu’à des mobilités. C’est pourquoi le projet de loi leur apporte des garanties quant à leur situation personnelle : conservation de leur emploi, de leur niveau de rémunération, de leur protection sociale complémentaire.

Au-delà, cette réforme doit aussi permettre de donner un nouveau sens à leurs missions et de conforter leur engagement pour l’intérêt général.

Réussir la réforme, enfin, c’est, au-delà de la question institutionnelle, réfléchir à la question des moyens.

Je sais que cette question nous interroge tous, et c’est bien normal. Je sais qu’elle est source d’inquiétude aussi, dans de nombreux territoires. Mais cela doit se faire dans un cadre où les solidarités sont renforcées, les charges réelles des collectivités mieux prises en compte et les investissements d’avenir encouragés.

C’est pourquoi, depuis deux ans, la péréquation a été garantie et amplifiée – je fais référence ici à la dotation de solidarité rurale et à la dotation de solidarité urbaine. Et, grâce aux mesures prises dans le cadre du projet de loi de finances, les territoires les plus pauvres contribuent huit fois moins que les plus riches à la baisse des dotations. C’est une œuvre de justice. §

Dans les deux années à venir, une réforme de la dotation globale de fonctionnement nous permettra de conforter ce mouvement en renforçant la transparence et l’équité, en encourageant la mutualisation et en prenant en compte les spécificités des territoires.

Nombreux sont ceux, au sein de cette assemblée, à réfléchir à ces questions. Je pense notamment à MM. Dallier et Guené, qui ont déjà fait part de leurs contributions. §

Enfin, nous soutiendrons les investissements publics locaux d’avenir. Je pense aux espaces publics – compléments indissociables de la construction de logements –, aux équipements publics – rendus indispensables par la démographie croissante de nombreuses communes de France. Plus de crèches, des classes supplémentaires et de meilleurs transports publics.

En conclusion, revenons à notre ambition fondamentale.

Au soir du vote, la question qui devra se poser à vous, à nous, ne sera pas : Qui a fait quelle réforme ? La question qui devra se poser sera : A-t-on amélioré la vie de nos citoyens ?

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

A-t-on renforcé les solidarités ? A-t-on permis à ceux qui n’ont rien d’être accompagnés par la puissance publique ?

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Alors, soyons optimistes : nous pourrions peut-être même faire la dernière réforme d’organisation de nos territoires.

Mon rêve, comme dirait M. Doligé, partagé, je n’en doute pas, par tous les élus de la nation, c’est que l’organisation territoriale ne soit plus un sujet de débat tous les cinq ans.

Exclamations et sourires sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Car cela ralentit l’action publique.

Elle ne sera pas un sujet de débat tous les cinq ans si elle est adaptée à la réalité de nos territoires et à la vie des gens.

Elle ne sera plus un sujet de débat car nos structures et notre droit auront conjugué souplesse et confiance.

Avec la société du contrat, nous installons celle de la confiance entre l’État et les collectivités, entre les tenants de l’exécutif et les élus territoriaux, entre les élus eux-mêmes.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si nous pouvions, avec cette loi, avoir permis à tel citoyen de réaliser son projet, à un deuxième de retrouver un emploi, à un troisième de sortir de la précarité, à un quatrième d’accéder à la culture et à la créativité, à un jeune, enfin, de connaître l’émancipation et que plus aucun de nos territoires ne soit abandonné, alors oui, nous pourrions être fiers de nous, de notre travail, de votre travail, de ce que nous avons fait pour la République et pour la France.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste. – Mme Marie-Christine Blandin et M. Bruno Sido applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.

Applaudissements sur les travées de l'UMP . – Mme Françoise Gatel applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous commençons donc à débattre en séance publique du projet de loi portant « nouvelle organisation territoriale de la République ». Pour ma part, j’ai le souvenir d’avoir pris part à l’examen de la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, dont l’intitulé est plus modeste.

En cet instant, permettez-moi d’avoir une pensée pour le corapporteur de ce projet de loi, René Vandierendonck, empêché provisoirement d’être présent parmi nous pour raison de santé, qui s’est fortement investi dans cette réforme…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… et ce avec une vision commune de la décentralisation – c’est important ! –, comme vous pouvez le constater à la lecture de notre rapport.

Une telle approche est sans doute possible au Sénat, et uniquement au Sénat. Je ne citerai qu’un autre exemple, une référence pour nous : le rapport Raffarin-Krattinger, qui a conforté nos réflexions.

Avant de vous faire part des propositions de la commission des lois, adoptées presque toutes unanimement, qu’il me soit permis d’évoquer le contexte de cette réforme voulue par le Gouvernement, les principes qui ont semblé la guider, tant elle nous a paru improvisée, parfois

M. Bruno Sido sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … 2014, le Gouvernement dépose deux projets de loi

Mme Catherine Procaccia s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous avons tous déploré que ces deux textes ne fassent pas l’objet d’une discussion commune. En effet, il demeure bizarre pour tout esprit à peu près bien constitué qu’on examine la forme avant le fond, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… en décrétant la nécessité de grandes régions de taille « européenne » – nous avons vu qu’il n’en allait pas ainsi – sans même évoquer leurs compétences.

Nous savions bien que l’on serait en plein paradoxe, puisque confier aux régions des compétences stratégiques se marie difficilement avec l’intuition de faire remonter des compétences de proximité.

Et c’est pourtant le contenu de ce projet de loi, qui, poursuivant la chasse au mythe du millefeuille territorial, nous ressert la thèse des rapports Attali, Balladur et de quelques autres esprits supérieurs…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Oui, mais il y en a d’autres ! À droite comme à gauche ! Et ce sont eux qui nous disent toujours comment faire !

La thèse de ces esprits supérieurs, donc, c’est de faire disparaître à terme les départements, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… au profit des régions et des intercommunalités, tout en dévitalisant les communes, dont le seul tort, avec le département, est d’être une institution qui est enracinée profondément dans notre République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Au nom de l’efficacité – mais non pas de la démocratie locale –, de prétendues économies possibles – on a entendu des chiffres mirifiques, on a parlé de dizaines de milliards d’euros –, le texte d’origine avait pour but avoué de faire « s’évaporer » le département, en lui retirant toutes ses compétences, à l’exception de ses attributions en matière sociale, pour les confier aux régions.

À l’autre bout de la chaîne, on veut imposer de grandes intercommunalités, de 20 000 habitants au minimum, …

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Personne n’a dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… qui auraient pour ultime mission de remplacer le département dans ses fonctions sociales – dans ce cas, il faut retenir un seuil bien supérieur – et de faire des communes des coquilles quasiment vides, chargées de l’état civil, peut-être de la police municipale, des cimetières et sans doute de la gestion des écoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Belle ambition de simplification, vous l’avouerez, que je caricature à peine et qui transparaît clairement dans l’étude d’impact, dont on ne peut pas dire qu’elle nous apporte quelques arguments pertinents en matière tant de coûts que de rationalité.

On semble oublier ce qui a été au cœur de notre réflexion, à savoir le principe de subsidiarité. Ce que l’on défend avec raison à Bruxelles ne serait-il pas encore plus vrai à l’échelon de notre pays ?

Je pourrais citer quelques exemples, mais je me contenterai d’un seul parmi d’autres.

Le projet de loi transfère la compétence des transports scolaires à la région, qui désormais devra organiser le transport des élèves vers le plus petit des regroupements pédagogiques intercommunaux, à trois cents kilomètres de distance peut-être.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le paradoxe, c’est qu’en région d’Île-de-France le Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… qui a le monopole du transport interurbain et scolaire, s’est empressé de déléguer cette compétence aux départements de grande couronne, échelon de proximité pertinent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le pragmatisme est toujours plus pertinent que la théorie, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres.

Vous avez sans doute noté, par ailleurs, que le projet de loi n’est en aucune sorte porteur d’une nouvelle étape de la décentralisation, comme l’a été la loi du 2 mars 1982, loi cadre fondatrice qui a été déclinée ensuite dans de nombreux textes, dont celui du 7 janvier 1983 sur les compétences ou celui du 13 août 2004 sur les libertés et responsabilités locales, dite « loi Raffarin ». Cette réforme est déséquilibrée en ce qu’elle n’apporte aucune indication sur la réforme de l’état territorial. Je vous renvoie à notre rapport sur ce sujet.

Au cours des débats, M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État pourrait utilement nous éclairer sur les intentions du Gouvernement dans ce domaine.

Pour ce qui nous concerne, nous vous proposerons des avancées en matière de décentralisation – j’y reviendrai. À cet égard, nous aurions préféré que le Gouvernement prenne aussi des initiatives en cette matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Eh oui ! Parfois, on entend certains dire qu’ils seraient prêts à accepter des avancées, mais que les services ne le veulent pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. C’est la faute des services !

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Et que fait un bon ministre ? Suit-il ses services ou leur dit-il : « Maintenant, cela suffit ! » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Et voilà ! Mais, il faut être juste, ce n’est pas nouveau. Depuis le 18 juin 2014, que de paroles ont été prononcées et il semble que le Gouvernement ait totalement changé de logiciel et qu’après beaucoup de déclarations contradictoires, personne ne veuille plus évoquer la disparition programmée des départements et des communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

D’où notre perplexité, le projet de loi ne correspond plus du tout à la déclaration du Premier ministre devant le Sénat en octobre dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Dont acte, d’autant que les grandes associations d’élus ont reçu quelques assurances, et il faut saluer ici les conclusions de la conférence des collectivités territoriales, réunie le 9 décembre dernier sur l’initiative du président Larcher, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… qui rassemblait l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des régions de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Elles sont convenues de porter d’une voix commune les attentes des collectivités locales. C’est nouveau et, dans ce domaine, le dialogue est indispensable…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Outre la situation financière des collectivités locales et la question des normes, la conférence a insisté sur la nécessité de voir le projet de loi enrichi par de nouvelles décentralisations et de clarifier les compétences des collectivités locales entre elles – et les ressources y afférent – mais aussi de clarifier la manière dont l’État assure à l’avenir ses propres compétences.

Si le législateur n’a pas à être le greffier des desiderata des associations d’élus innombrables…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… – et chacun alors avance ses pions, pour savoir qui sera le plus fort, le plus gros, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … au détriment des autres, dans des rivalités de pouvoirs assez futiles

Souriressur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… alors qu’il s’agit seulement de défendre l’intérêt général –, cette conférence marque une étape importante dans la perspective d’un dialogue constructif, privilégiant d’ailleurs la concertation sur les rivalités de pouvoirs, le contrat sur l’affrontement. L’État pourrait s’en inspirer dans ses relations avec les collectivités locales.

Face à un projet désarticulé, que faire ? Nous vous proposons de le reconstruire sur des bases plus solides et pérennes, prolongeant la clarification des responsabilités et des compétences par l’approfondissement de la décentralisation.

Cela passe par le maintien des compétences des départements…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… dans un souci de proximité et d’efficacité, et nous conduit à conforter les compétences stratégiques des régions et à leur attribuer une compétence en matière d’emploi, à renforcer les intercommunalités en tenant compte de la spécificité des territoires et à renforcer la responsabilité financière des collectivités locales – ce que vous proposez.

Bien entendu, nous aurons à délibérer de nouveau des divers aspects de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », car, comme nous l’avions dit, il reste encore un petit chemin à parcourir, et même peut-être un long chemin, pour régler certains problèmes posés par cette loi. Mais, à ce stade, la commission des lois a voulu vous présenter un texte clair, cohérent, qui ne soit pas, comme souvent, un catalogue de diverses dispositions concernant les collectivités locales, et quelques autres sujets annexes que nous aurons tout loisir d’examiner au mois de janvier.

Sans pouvoir entrer dans le détail du projet profondément remanié que la commission des lois vous propose – et il faut bien sûr y associer les rapporteurs pour avis, Mme Valérie Létard pour la commission des affaires économiques, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … M. René-Paul Savary pour la commission des affaires sociales

Très bien ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

, Mme Catherine Morin-Desailly pour la commission de la culture

Approbationssur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

(Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.) dont le président, M. Maurey, s’exprimera également pour être plus sûr que le point de vue de la commission soit bien entendu, ainsi que M. Charles Guené pour la commission des finances

Ah ! sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements prend alors tout son sens, car l’efficacité de l’action publique territoriale est largement conditionnée par une meilleure clarification des compétences. §

À cet effet, nous souhaitons que soit affirmée la compétence de la région en matière de développement économique et nous sommes d’accord sur ce point avec le projet de loi, sans ignorer les compétences des communes, intercommunalités et métropoles sur le plan opérationnel, et d’aménagement du territoire.

Toutefois, le rôle moteur de la région dans ce domaine doit être accompagné d’une véritable association des autres collectivités dans la démarche de planification pour la mise en œuvre des schémas – d’ailleurs, madame la ministre, on réunit beaucoup de schémas, mais les réunir dans un seul schéma serait peut-être suffisant – pour assurer la cohérence de l’action économique et de l’aménagement du territoire.

Mais, et c’est le plus important à nos yeux, dans la perspective d’une avancée en matière de décentralisation, il nous a semblé paradoxal de renforcer la région en matière de développement économique et d’aménagement du territoire et de lui avoir confié la totalité de la compétence en matière de formation professionnelle et qu’elle soit totalement absente dans le domaine de l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Avec notre collègue Savary, que je salue pour son travail

Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Mais ce n’est pas cela qui donnera de l’emploi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Comme nous risquerions de nous ennuyer pendant les fêtes si nous ne travaillions pas, nous pourrons peut-être approfondir d’autres sujets de décentralisation et présenter, monsieur le président, quelques propositions supplémentaires, puisque les commissions peuvent se réunir pendant la suspension des travaux en séance plénière.

Pour les départements, si nous convenons que les transports interurbains doivent relever de la compétence de la région, nous affirmons leur rôle de proximité, en réaffirmant leur rôle en tant que vecteur de la solidarité territoriale et de la cohésion sociale. Reconnaissant l’expertise et la bonne organisation de cette collectivité en matière de collèges, de routes et de ports, pourquoi, en effet, envisager de la dépecer et de lui retirer ce qui fait sa solidité et son équilibre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quant aux intercommunalités, notons tout d’abord que vient à peine d’être mise en œuvre la loi de 2010, si critiquée à l’époque par ceux qui voudraient nous imposer aujourd’hui un nouveau chambardement

M. Michel Mercier s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Désormais et conformément au souhait du législateur – je parle de la loi de 2010 et non des lois ultérieures –, toutes les communes appartiennent à une intercommunalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Faut-il de nouveau tout bouleverser, avec un seuil qui n’a aucune justification réelle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… et qui est peu adapté à la diversité des territoires. Nous pourrions en débattre à l’infini. Les uns parlent de 20 000, les autres de 10 000, d’autres encore de 15 000. On recommence, mais cela ne sert à rien.

Ce que nous proposons, c’est de reporter d’un an la clause de dite de « revoyure » – le terme n’est pas très beau, mais cela s’appelle ainsi – inscrite dans la loi en tenant compte des limites urbaines, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale, ou SCOT. Cela peut donc, dans certains cas, amener à plus de 20 000, dans d’autres à moins de 20 000. Tout dépend des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous sommes donc favorables à une rationalisation des périmètres des EPCI à fiscalité propre, sans multiplier les mariages forcés, comme on veut le faire en Île-de-France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En cassant même des intercommunalités qui viennent d’être créées !

Après un long débat et après avoir adopté tout de même 166 amendements – nous avons donc retenu de nombreux amendements de nos collègues –, le texte élaboré par la commission des lois a été construit autour de deux orientations, conformes à la constante persévérance du Sénat dans ce domaine.

Il vise, d’une part, à préserver au sein de notre organisation territoriale les compétences de proximité du département, que le projet de loi voulait transférer aux autres niveaux de collectivités dans l’intention affichée d’une disparition des conseils généraux – maintenant départementaux – à l’horizon 2020.

Il vise, d’autre part, dans l’objectif de clarification et de cohérence des compétences dévolues à chaque niveau de collectivité, à renouer avec l’ambition décentralisatrice dont ce texte était initialement dépourvu.

En tant qu’assemblée législative assurant la représentation des collectivités territoriales de la République, nous souhaitons être entendus, non pas par peur de changement ou par conservatisme, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… mais parce que nous croyons à la République décentralisée.

Encore faudra-t-il, mais nous ne pouvons en traiter à ce stade, – vous avez évoqué ces sujets, madame la ministre – réformer profondément non seulement la dotation globale de fonctionnement, la DGF, mais l’ensemble des finances locales, qui sont devenues un maquis impénétrable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

De toute façon, le poids des dépenses sociales est tel que les départements ne peuvent plus tenir, et ce n’est pas en leur retirant des compétences que l’on arrangera leur situation.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Ump

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La baisse des dotations ne peut être la seule réponse de l’État à l’inquiétude croissante et légitime des élus locaux.

Comme l’écrivait une des personnalités entendue par la commission, nous devons tracer une route sans sous-estimer les obstacles juridiques et financiers. Rappelant que la réforme de 1982 a mis trente ans à être pleinement appliquée et que celle de 2004 s’achève à peine, notre ancien collègue Yves Krattinger exprimait la crainte suivante : « Vouloir aller trop vite, c’est prendre le risque de bloquer la machine et de perturber l’activité des collectivités locales ». Cette réflexion mérite d’être méditée. Avant de tout casser, peut-être faut-il progresser dans la sagesse habituelle du Sénat !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC . – M. Alain Bertrand applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur de la commission des lois, cher Jean-Jacques Hyest à qui j’associe M. René Vandierendonck qui, malheureusement souffrant, ne peut être avec nous – et j’aurai moi aussi une pensée pour lui et eu égard à l’énorme le travail d’auditions qui a été réalisé par la commission des lois et ses rapporteurs et qui nous a beaucoup éclairés –, madame, messieurs les rapporteurs des autres commissions, mes chers collègues, je viens vous présenter l’analyse et les propositions de la commission des affaires économiques, qui a décidé de centrer son approche sur deux volets de ce projet de loi : l’économie et le tourisme.

En tant que rapporteur pour avis, j’ai été frappée par la diversité des points de vue qui se sont exprimés au cours des auditions. Cela m’a convaincue que l’amélioration de l’efficacité des interventions économiques ne pourra être réellement mise en œuvre que si les projets et schémas régionaux sont rassembleurs, c’est-à-dire élaborés conjointement et programmés dans le détail. Seule cette co-élaboration permettra de préserver la motivation des élus mais aussi le réalisme territorial, qui sont les deux moteurs du succès des interventions économiques des collectivités.

Tel est le message simple qui ordonne les propositions de la commission des affaires économiques : la réforme ne doit pas être guidée par un esprit de système, mais par l’analyse concrète des transformations économiques et des risques pour la cohésion sociale qui planent tout particulièrement sur certains territoires. J’ajoute que la situation actuelle ne nous donne guère le droit à l’erreur.

Pour mémoire, je rappellerai que les interventions économiques des collectivités territoriales avoisinent 6, 5 milliards d’euros, soit le septième de celles de l’État, et 0, 3 % du PIB. Les régions y consacrent 2, 1 milliards d’euros, les établissements publics de coopération intercommunale 1, 7 milliard d’euros, les départements 1, 6 milliard d’euros et les communes 983 millions d’euros. Cela représente une part limitée du budget des collectivités : 8, 3 % pour les régions, 1, 6 % pour les départements, 1, 7 % pour les intercommunalités et 1, 5 % pour les communes. Sur la période récente, les dépenses d’intervention économique des collectivités ont progressé de près de 1 % par an en moyenne, celles des départements ont décru tandis que les interventions des régions ainsi que des communes et groupements à fiscalité propre ont augmenté.

Sur le plan institutionnel, le cadre juridique des interventions économiques des collectivités a été redessiné par deux lois de décentralisation récentes. La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a institué le rôle de « chef de file » de la région, ce qui impose la nécessité d’obtenir l’accord de la région pour une collectivité infrarégionale qui souhaite créer un dispositif propre.

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, quant à elle, a supprimé la distinction entre aides directes et aides indirectes pour adapter le droit français aux exigences de l’Union européenne. En pratique, cette disparition des aides indirectes libres s’est traduite par une augmentation du nombre d’aides à l’immobilier que les collectivités peuvent octroyer sans accord de la région.

Nous connaissons tous sur nos territoires le résultat actuel de ce « maquis » institutionnel. À l’heure où les contraintes budgétaires se font toujours plus pressantes, il est grand temps de rendre l’intervention des collectivités la plus efficace possible. C’est ce souci d’efficacité qui a guidé la réflexion de la commission des affaires économiques, et je la résumerai en trois idées-forces.

Première idée-force : nous devons consacrer le rôle de chef de file des régions en matière de développement économique dans une logique de cohérence et de simplification, afin d’éviter les doublons. Ce rôle de coordination doit être spécifié, car le développement économique est une politique publique, qui fait intervenir de très nombreuses dimensions.

Les régions sont, par exemple, la bonne échelle pour organiser les plateformes de projection des PME et des entreprises de taille intermédiaire à l’export, ou encore pour coordonner les stratégies d’attractivité, l’organisation des grandes filières industrielles régionales. Dans le contexte mondialisé que nous connaissons, ces actions doivent impérativement être coordonnées pour optimiser la visibilité de nos territoires.

Deuxième idée-force : nous devons permettre la prise en compte des spécificités des territoires par une association forte de ceux-ci à l’élaboration des schémas régionaux et à leur mise en œuvre. Il s’agit donc d’encourager le dynamisme des collectivités, au moment où notre pays en a le plus fortement besoin. Au-delà des « cœurs de métier » des régions, le soutien du développement économique passe par de nombreux vecteurs sur lesquels les régions n’ont ni monopole ni véritable capacité de maîtrise d’ouvrage.

Je veux parler ici de l’animation de proximité de l’économie locale telle que réseaux d’affaires, interfaces territoriales entre université et monde économique, de l’aménagement économique du territoire – immobilier, foncier, dépollution des sols, réseaux, etc. – et des services supports nécessaires pour attirer des entreprises – logement, offre culturelle et sportive, crèches.

Le nouveau périmètre des régions risque encore de faire perdre en proximité, en imposant une distance plus grande entre le niveau régional et certaines communes ou intercommunalités. On voit bien dans ces conditions que, si le schéma de développement économique doit être réfléchi au niveau régional, il doit aussi être coconstruit et coproduit avec les autres acteurs du territoire, en particulier le niveau des intercommunalités et des métropoles qui sont compétentes en ce domaine.

Troisième idée-force : nous devons introduire dans la loi la souplesse nécessaire à l’élaboration de schémas qui soient vraiment du « cousu main ».

En bref, nous sommes favorables à des métropoles dynamiques qui soient les locomotives d’un développement régional équilibré. Pour ce faire, il nous faut clarifier les registres d’intervention entre le bloc communal et le niveau régional tout en respectant le principe de libre administration des collectivités locales et l’absence de tutelle de l’une sur l’autre.

Ces idées-forces m’amènent à vous préciser les principaux amendements qui découlent de cette analyse.

Pour surmonter tout risque d’incertitude juridique tout en nous conformant à la logique économique et sociale, nous proposons une solution simple et réaliste à l’article 2 du projet de loi : l’élaboration conjointe des schémas de développement économique. C’est en travaillant tous ensemble que les régions et leurs territoires infrarégionaux pourront construire des politiques qui allient à la fois l’aide au tissu économique existant et la préparation des activités du futur. C’est pourquoi les orientations du schéma doivent être mises en débat au sein des conférences territoriales de l’action publique pour un avis global.

Je vous proposerai également d’articuler ce mécanisme avec le recours à la contractualisation prévu dans le droit existant depuis la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « MAPTAM ». À travers la signature de conventions territoriales d’exercice concerté, il s’agit de clarifier la mise en œuvre des orientations du schéma et de définir l’implication des collectivités dans une territorialisation fine.

L’objectif, vous le comprenez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, n’est pas d’opposer un niveau à un autre, ni même d’ajouter une certaine lourdeur dans les processus d’élaboration de ces schémas. Bien au contraire, il s’agit de mobiliser toutes les énergies autour d’un projet commun, cohérent et efficace. Une vraie vision stratégique régionale, de grandes filières qui définiront un consensus partagé, mais qui ne peut trouver son sens que si, contractuellement, les territoires peuvent, face à une région bien sûr « pilote » dans ce grand avion, définir avec précision la traduction de ce schéma régional dans chacun des territoires intercommunaux. Ainsi, le levier sera le plus efficace possible et les stratégies pourront être finement adaptées à la connaissance des territoires sur cette réalité, car vous le savez, nombre d’intercommunalités, aujourd’hui, sont porteuses de ces stratégies et effectuent déjà ce travail conjointement avec les régions.

Je vous rappelle par ailleurs que le débat qui a eu lieu en commission des lois, animé par M. Hyest, a aussi permis de rappeler combien ces conventions pourraient être utiles pour régler la question des métropoles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

… car aujourd’hui ces dernières revendiquent évidemment pleinement leur compétence en matière économique et connaissent bien des difficultés dans l’élaboration de ces schémas pour lesquels nous ne souhaitons pas qu’il y ait « deux poids deux mesures », un schéma qui s’appliquerait à tout le territoire, sauf aux métropoles. Ce n’est pas envisageable, sinon on crée une rupture d’égalité.

Il faut englober les métropoles dans ce schéma, mais dans le même temps, comprenons qu’une métropole à qui nous venons de donner la capacité à devenir un vrai levier, une vraie locomotive économique, doit reposer sur une véritable stratégie, comme pour tous les grands EPCI qui, aujourd’hui, sont des relais de développement économique, de croissance économique par leur action forte en lien avec le tissu économique.

Ce seront autant d’effets démultiplicateurs pour une région qui sera toujours pilote, qui ne sera pas dépossédée, mais qui, au travers d’une organisation réfléchie, portée régionalement, se verra véritablement mise en œuvre avec l’intervention et le soutien de tous.

Dans ces conditions, les métropoles pourront entrer dans un schéma régional, car elles pourront aussi contractualiser. Au travers de cette proposition, nous pouvons régler cet aspect sans mettre en péril l’équilibre de la loi MAPTAM.

Voilà les deux principales modifications que je souhaitais soumettre au Sénat. Je me réjouis que le texte adopté par la commission des lois ait pris en compte ou satisfait partiellement onze des seize amendements que la commission des affaires économiques avait approuvés. Cependant, je suis convaincue qu’il faut encore améliorer le texte pour favoriser la « montée en gamme » des schémas de développement économique par cette fameuse coconstruction et cette contractualisation.

C’est d’ailleurs cette même idée qui a sous-tendu les amendements présentés par la commission des affaires économiques sur la compétence tourisme – je ne m’étendrai pas sur cette question, puisqu’il s’agit de la même logique.

Sous réserve de ces observations et de l’adoption des amendements qui en résultent, la commission des affaires économiques a approuvé l’adoption des volets intervention économique et tourisme du présent projet de loi.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je tiens à mon tour et en premier lieu à remercier la commission des lois et tout particulièrement ses rapporteurs de leur écoute. Nous avons fait un travail tout à fait intéressant. Il appartenait à la commission des affaires sociales de présenter le volet de l’action sociale des départements. Sur ces points, nos propositions ont été acceptées par la commission des lois.

Nous avons également essayé de bâtir les premières étapes d’une régionalisation de la politique de l’emploi, qui, serait, nous semble-t-il, une avancée majeure au sein du dispositif.

Rappelons le contexte qui a prévalu à nos travaux.

Les départements se trouvaient dans une spirale très particulière lorsque ce projet de loi a été élaboré. Depuis, les esprits ont évolué, et la mobilisation des élus locaux a sûrement porté. Bref, les départements sont préservés ; les choses sont claires maintenant. Mais à quel prix, madame la ministre ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

À ce propos, je voudrais vous faire part des difficultés rencontrées par le personnel départemental, qui a été particulièrement affecté…

M. Didier Guillaume s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Cela mérite d’être souligné de nouveau, me semble-t-il.

Applaudissementssur les travées de l'UMP. –

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

La notoriété des conseils généraux, collectivités reconnues de proximité et de solidarité, a été sérieusement mise à mal !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Les prochaines élections municipales sont dans six ans !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

C’est en tenant compte de ce contexte nouveau que nous avons examiné les articles 23 et 24 du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

L’article 23 prévoit la possibilité d’organiser, dans le cadre d’une convention, le transfert ou la délégation, du département vers la métropole, de sept groupes de compétences dont six ont trait à l’action sociale – nous étions particulièrement concernés. Dans sa version initiale, le texte disposait que, dans l’hypothèse où aucune convention n’aurait été conclue sur au moins trois des sept groupes de compétences au 1er janvier 2017, leur totalité serait transférée, de droit, aux métropoles.

Là aussi, madame la ministre, où est la cohérence ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Si vous ne trouvez pas d’entente pour trois compétences, comment imaginer qu’en imposer sept va régler les divergences ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Aussi, la commission des affaires sociales a estimé que seul le conventionnement volontaire devait s’appliquer. La délégation ou le transfert doivent alors traduire l’existence d’un projet de territoire construit et pensé de façon conjointe par le département et la métropole. Ils doivent en outre être circonscrits à un nombre limité de compétences clairement définies, afin de ne pas créer de distorsions avec le reste du territoire et pour préserver la capacité d’organisation de l’action sociale du département sur l’ensemble de son territoire. C’est le sens des amendements que nous avons portés et sur lesquels nous avons été rejoints par la commission des lois.

À l’article 24, qui supprime la clause de compétence générale des départements, nous avons réaffirmé les deux piliers sur lesquels doit reposer l’action de ces derniers : la solidarité entre les hommes et la solidarité entre les territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Là encore, la commission des lois a partagé notre position.

Enfin, la commission des affaires sociales a tenu à proposer une solution particulière à la question récurrente de l’accueil et de l’accompagnement des mineurs isolés étrangers, …

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

… par la mise en place d’un prélèvement sur les recettes de l’État dont l’objet est de compenser une partie des dépenses à la charge des départements. Il s’agit d’assurer une juste répartition des responsabilités de l’État au titre de l’immigration et des départements au titre de l’aide sociale à l’enfance.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. À ce stade de mon intervention, je ne peux, madame la ministre, que vous faire part de ma frustration.

Sourires compatissants

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Eh oui !

Le texte que nous examinons constitue le véhicule législatif idéal pour engager des réformes structurelles concernant en particulier l’accueil des jeunes enfants, la politique du logement, les politiques d’insertion ainsi que l’accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées.

Rien de tel n’est proposé dans ce projet de loi. Or les marges de manœuvre dont dispose le Parlement pour enrichir le texte sont très limitées. En effet, les règles de recevabilité financière des amendements empêchent, …

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

… à enveloppe de financement constante, tout transfert de compétences d’une personne publique à l’autre.

Nous souhaitons tous rendre plus lisible l’action publique sur nos territoires, mais passer d’une logique de partage, voire d’enchevêtrement parfois, à une répartition claire des compétences nous fait prendre le risque de contrevenir à la Constitution. C’est tout de même inouï !

Pourtant, plusieurs mesures simples seraient à la fois gage d’une efficacité accrue, d’une utilisation plus efficiente des deniers publics et d’une meilleure lisibilité des politiques menées pour nos concitoyens.

La balle est dans le camp du Gouvernement. C’est pour cette raison, madame la ministre, que je vous ai fait parvenir la semaine dernière un courrier – j’ai adressé le double à M. le secrétaire d’État – présentant trois mesures structurelles qui peuvent paraître tout à fait intéressantes.

La première porte sur le financement conjoint par l’assurance maladie et par les conseils généraux des centres d’action médico-sociale précoce, les CAMSP.

La deuxième tend à entamer un rapprochement entre les maisons d’accueil spécialisées, les MAS, et les foyers d’accueil médicalisés à double tarification.

La troisième vise à confier les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, les MAIA, à la compétence départementale, puisqu’elles constituent un niveau supérieur des centres locaux d’information et de coordination, les CLIC. Ainsi, ces dispositifs seraient placés sous la responsabilité de la même collectivité.

Si ces propositions vous intéressent, ce dont je ne doute pas, …

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

… merci d’y répondre !

J’en viens à la régionalisation de la compétence « emploi », que la commission des affaires sociales, relayée par la commission des lois, a introduite dans le présent texte.

Vous le savez, cette question était totalement absente du projet de loi initial, alors qu’elle suscite nombre d’attentes de la part d’un grand nombre d’élus locaux et de sénateurs, indépendamment, du reste, de leur orientation politique.

En effet, dès lors que les conseils régionaux sont compétents en matière de développement économique, d’orientation, de formation professionnelle et d’apprentissage, pourquoi ne pas pousser la logique à son terme en leur confiant la compétence « emploi » ? Pourquoi ne pas faire confiance aux régions, qui sont l’échelon pertinent pour piloter la politique de l’emploi au sein des territoires ? Non seulement elles sont proches des bassins d’emploi mais elles disposent d’une vision stratégique irremplaçable.

C’est bien cette vision stratégique que l’on a invoquée devant nous pour justifier le concept de grande région – pour me convaincre par exemple que Reims, située à trois quarts d’heure de Paris, devait être placée sous l’influence métropolitaine de Strasbourg.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Même s mouvement s .

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Au reste, c’est dans cet esprit que l’Association des régions de France, l’ARF, a proposé d’ériger à titre expérimental les régions en « autorités organisatrices d’accompagnement vers l’emploi », ce qui implique notamment un transfert de crédits et d’agents de l’État.

L’amendement que j’ai présenté à ce sujet ne tend pas à aller aussi loin : il vise simplement à poser les jalons de la décentralisation de la compétence « emploi » vers les régions. Compte tenu des règles de recevabilité financière fixées à l’article 40 de la Constitution, seul le Gouvernement pourrait se montrer plus ambitieux.

Avant de vous présenter les apports du texte de la commission, je tiens à dissiper, à titre préventif, tout malentendu et, partant, à éviter toute polémique inutile. Nous n’avons nullement remis en cause les prérogatives de l’État en matière d’élaboration, de pilotage et de financement de la politique de l’emploi. Les critiques selon lesquelles nous aurions méconnu le principe « qui paie décide » ne me semblent donc pas fondées.

Nous n’avons pas davantage contesté le rôle des services déconcentrés de l’État en matière de restructuration d’entreprises et d’inspection du travail.

Enfin, nous ne modifions en rien les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi, lesquelles ont vocation à rester nationales.

Au total, le texte de la commission renforce le rôle de Pôle emploi et des régions, afin de rationaliser le service public de l’emploi.

En la matière, son premier volet porte sur Pôle emploi. Le but est d’en faire un acteur incontournable de la politique de l’emploi.

D’une part, Pôle emploi devra conclure des conventions pluriannuelles de coopération avec tous les autres acteurs de la politique de l’emploi, puis présenter régulièrement des propositions visant à réduire le nombre de ces intervenants et à rationaliser l’organisation du service public de l’emploi.

D’autre part, les conseils régionaux seront, à l’avenir, consultés avant la signature de la convention pluriannuelle nationale conclue entre l’État, Pôle emploi et l’UNEDIC. En outre, les régions bénéficieront d’un siège supplémentaire dédié au sein du conseil d’administration de l’opérateur public.

Parallèlement, Pôle emploi pourra désormais acheter directement des formations collectives si ces dernières présentent un intérêt national – leur liste sera définie par décret –, ce qui permettra notamment de préserver certains centres de formation de rayonnement national de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, qui sont actuellement menacés. Cette situation inquiète nombre de membres de la Haute Assemblée.

Le second volet porte sur le conseil régional, qui sera chargé d’assurer la coordination des intervenants du service public de l’emploi dans son ressort.

La présidence du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, le CREFOP, sera ainsi confiée au seul président de région

M. Bruno Sido s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Madame la ministre, mes chers collègues, vous le constatez, le texte de la commission traduit un compromis sur cette question essentielle de la régionalisation de la compétence « emploi ». Il constitue une base de travail pour ouvrir le débat : nous n’avons pas la prétention d’avoir épuisé le sujet.

Certains semblent déplorer que l’on change les règles du jeu régissant la gouvernance des CREFOP…

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Il n’est donc pas trop tard : saisissons cette opportunité.

Avant de conclure, je dirai quelques mots de l’accompagnement social vers l’emploi.

Il faut absolument replacer l’individu au centre de politiques d’accompagnement globales, …

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

… sans se soucier de savoir si le demandeur d’emploi bénéficie ou non du revenu de solidarité active, le RSA. Les actions d’insertion demeureront de la compétence du conseil départemental, mais il faudra mieux les articuler avec les missions du CREFOP, afin de conforter son rôle d’ensemblier des politiques de l’emploi au sens large, à l’échelon régional.

C’est bien à l’échelon départemental d’organiser les missions d’insertion et d’accompagnement social vers l’emploi, quel que soit le statut des publics concernés.

Encore faut-il que les départements en aient les moyens...

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Ump

C’est sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

… dont le nombre de bénéficiaires augmente inexorablement. Les départements ne tirent aucune plus-value du financement de ces allocations, dont l’instruction relève des caisses d’allocations familiales et dont les critères d’attributions sont établis par l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

… de ne pas avoir saisi l’opportunité de ce projet de loi pour clarifier la situation !

Mes chers collègues, nombre de départements seront bientôt en déficit comptable de fonctionnement si des mesures concrètes ne sont pas mises en œuvre dans les plus brefs délais.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Ce mouvement se précipitera encore si les routes et les collèges sont confiés aux régions : de telles mesures accentueraient la déstructuration des budgets et plongeraient les finances départementales dans le rouge.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. En conclusion, maintenir les départements c’est bien

Marques d’approbation sur plusieurs travées de l'UMP.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Créer de vastes régions stratégiques, pourquoi pas ? Mais il est primordial de les rendre dynamiques !

Bravo ! et applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes très chers collègues, dans un contexte général de crise économique profonde et durable, et alors que la portée de l’action des pouvoirs publics subit une désillusion, chacun admet l’importance de simplifier l’organisation territoriale de notre pays.

Depuis quelques années, plusieurs textes ont été débattus et votés par le Parlement sans qu’il en résulte le moindre partage réel du pouvoir de décision, la moindre clarification véritable des attributions. Le présent projet de loi n’échappe pas à cette règle. En effet, il ne s’agit pas à proprement parler d’un nouveau texte de décentralisation.

Pour être pertinente, cette réforme exigeait un préalable, à savoir la réforme de l’État lui-même : il est difficile de parler d’approfondissement de la décentralisation sans que l’État ait d’abord procédé à un examen rigoureux de ses missions. Dès lors, ce projet de loi ne traite somme toute que de répartition de compétences entre collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Même si elle n’a pas vocation à traiter de cette réforme de fond dans son ensemble, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ne pouvait rester à l’écart de ce débat. Elle s’est donc saisie pour avis des dispositions du projet de loi relatives à la culture, au sport et à l’éducation, sans oublier le fort impact de cette réforme sur la vie associative.

Cela étant, à travers ces compétences, le présent projet de loi soulève bien des enjeux généraux : on ne saurait se contenter d’un texte désincarné, ignorant les intérêts des publics concernés. Je pense notamment aux plus jeunes d’entre nos concitoyens.

Voilà pourquoi, en matière éducative, notre commission s’est prononcée contre le transfert aux régions des collèges et des transports scolaires. §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Deux amendements visant à supprimer les dispositions concernées des articles 8 et 12 du présent texte ont été adoptés par ses soins, et je me réjouis qu’ils aient été repris par la commission des lois.

Mme Jacqueline Gourault opine. – M. Henri Tandonnet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Bien qu’étant à l’origine, sur le papier, plutôt favorable à ces transferts à titre personnel, je me suis efforcée d’en questionner le bien-fondé à l’aune des critères que sont la lisibilité, la proximité, la cohérence et l’efficience de l’action publique.

J’ai tout d’abord dû constater que la nécessité de ces transferts n’était pas certaine. Sans pour autant se satisfaire de l’existant, la commission a fait sienne la conclusion du rapport établi en 2009 par nos collègues Yves Krattinger et Jacqueline Gourault : « L’état actuel de la répartition des compétences [...] apparaît comme globalement satisfaisant : une remise en question pourrait soulever plus de difficultés qu’elle n’en réglerait. »

Vous le savez, en matière éducative, les compétences sont réparties selon un principe simple : à l’État la responsabilité de l’enseignement, aux collectivités la prise en charge des conditions matérielles de l’enseignement. Quant au fonctionnement des établissements, les responsabilités des collectivités répondent à une logique de subsidiarité : les communes prennent en charge l’enseignement primaire et les départements les collèges, tandis que les lycées relèvent des régions.

La gestion des collèges et des transports scolaires constitue avant tout une compétence de proximité. Notre commission juge peu logique un tel transfert au profit des treize grandes régions « stratèges », dont la vocation est le développement économique, l’aménagement du territoire et la planification des formations. §Les nouvelles régions se verraient ainsi embarrassées du transport scolaire de 4 millions d’élèves et du fonctionnement quotidien de 5 271 collèges publics, en plus des 2 513 lycées. Au demeurant, on voit mal comment les élus régionaux pourraient assurer le suivi nécessaire au sein des conseils d’administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Le transport scolaire est l’exemple même d’une compétence aux enjeux complexes. Un tel transfert ferait fi de l’expérience acquise par les conseils généraux en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Madame la ministre, l’interdiction de la subdélégation tend à créer un dispositif rigide et totalement inadapté aux enjeux. Je rappelle à cet égard que le rapport de MM. Malvy et Lambert excluait expressément les transports scolaires des compétences à transférer aux régions.

De plus, dans ce domaine, l’harmonisation des pratiques tarifaires présente un double danger : celui d’un alignement sur le plus-disant, au risque d’une dégradation supplémentaire des finances locales, ou celui d’une harmonisation par le bas qui alourdirait nécessairement les charges pesant sur les familles.

Parallèlement, chose très étonnante, sur le plan pédagogique, le transfert des collèges aux régions méconnaît les orientations fixées par la toute récente loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, adoptée il n’y a guère plus d’un an. Je rappelle que ce texte organise la continuité entre l’enseignement primaire et le collège, notamment par la création d’un cycle de consolidation formé du CM1, du CM2 et de la sixième, et par la réunion d’un conseil école-collège où doivent siéger élus municipaux et départementaux.

De fait, les gains attendus en termes tant financiers que de qualité de service sont plus qu’incertains. À ce sujet, je ne peux que déplorer l’indigence de l’étude d’impact, qui conclut à des économies d’échelle sans avancer le moindre chiffre. Les auditions menées par nos soins ont, hélas ! abouti à ce constat.

En revanche, ce transfert s’accompagnerait à n’en pas douter de dépenses importantes, liées à l’harmonisation des politiques en matière d’équipement ou de numérique, mais également au transfert des personnels techniciens, ouvriers et de services, ou personnels TOS. À lui seul, le coût de l’alignement au mieux-disant des régimes indemnitaires s’élèverait à 120 millions d’euros par an.

C’est pour ces raisons que notre commission s’est prononcée contre ces transferts.

J’en viens aux dispositions relatives aux compétences partagées. Je rappelle qu’il s’agit, pour ce qui nous concerne directement, des domaines de la culture et du sport.

Dans ces deux secteurs, les collectivités territoriales jouent de longue date un rôle essentiel. Chaque année, elles consacrent plus de 7 milliards d’euros à la culture et plus de 12 milliards d’euros au sport, dont 2, 9 milliards d’euros pour les seules associations.

Culture et sport ne sont certes pas des compétences obligatoires, mais les collectivités ont massivement investi ce champ depuis trente ans en vertu de la clause de compétence générale dont elles disposent. Les financements conjoints sont importants, même s’ils ne peuvent être précisément évalués. Le monde de la culture et le mouvement sportif nous ont dit combien ils étaient attachés à cette pluralité de financements.

Le projet de loi ne revient pas sur la clause de compétence générale concernant la culture ou le sport. Il leur reconnaît même, à l’article 28, le statut de « compétences partagées ». Il ne saurait s’agir, pour autant, de figer un statu quo, niant ainsi la réalité d’un contexte budgétaire très difficile. Des évolutions sont en cours, vous le savez, qui se traduisent par une répartition progressive des rôles, ne serait-ce que parce que certaines collectivités sont contraintes de faire des choix.

On notera que régions et intercommunalités sont amenées à être de plus en plus impliquées dans les domaines sportif et culturel. S’il est trop tôt pour acter précisément, dans la loi, une répartition des missions par échelon, c’est-à-dire une véritable « compétence répartie », nous devons engager une réflexion en ayant à l’esprit la structuration et la mise en cohérence des politiques concernées, l’efficacité de l’action publique, et donc le service rendu à nos citoyens. Il faut encourager les collectivités à s’organiser au plus près des réalités de terrain, par voie de contractualisation. Notre commission considère que cela est particulièrement nécessaire dans les domaines des enseignements artistiques, de l’enseignement supérieur culturel et des industries culturelles et créatives.

Si le projet de loi consacre donc la compétence partagée, il a aussi pour ambition de simplifier son exercice, en précisant le cadre de la mise en place de guichets uniques. Sur le papier, l’idée est évidemment séduisante et elle s’inscrit dans le vaste mouvement de simplification des démarches de nos concitoyens. En revanche, dans la pratique, qui dit guichet unique dit concertation approfondie en amont entre collectivités et administrations, chacune devant logiquement veiller à ce que la dimension de l’action publique qui lui incombe soit prise en compte. Je ne suis pas certaine que, au total, il n’en résulte pas une suradministration et donc un frein à la mise en œuvre des projets.

Aujourd’hui, nous devons concilier deux principes : le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales et le principe d’une responsabilité collective. Dans le contexte général de crise des finances publiques, les collectivités sont de plus en plus contraintes de se désengager de nombreux projets. La ministre de la culture vient d’ailleurs de stigmatiser ces décisions, comme si elles n’étaient pas liées, au moins pour partie, à la baisse des dotations de l’État. Je le regrette. Selon moi, le devoir de l’État serait plutôt d’accompagner les collectivités et de veiller à ce que des pans entiers de la culture ou du sport ne soient pas abandonnés, comme l’ont été les enseignements artistiques, ou de s’assurer que des territoires ne soient pas oubliés, …

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

… en particulier en zones rurales et périurbaines.

Ma collègue Valérie Létard a insisté à l’instant sur la nécessité de prendre en compte ces territoires en les associant fortement à l’élaboration des schémas régionaux et à leur mise en œuvre. C’est important. Nous sentons tous, en effet, que la montée en puissance des métropoles et des régions nourrit sur le terrain un sentiment d’abandon des espaces qui en sont, d’une manière ou d’une autre, exclus.

Aux yeux de nombre d’élus du monde rural ou péri-urbain, la culture, le sport, les activités périscolaires, c’est bon pour les villes ! Prenons garde à ne pas alimenter cette idée, source de déséquilibres toujours plus grands entre territoires urbains conquérants et territoires ruraux abandonnés, entre les pôles connectés gagnants et les autres espaces. Ce projet de loi doit être l’occasion de veiller à corriger les inégalités sociales et territoriales en approfondissant les liens entre démocratie et culture.

La commission de la culture a souhaité confier ce rôle à une instance créée par la loi MAPTAM : la conférence territoriale de l’action publique, la CTAP. Il nous paraissait en effet essentiel de ne pas ajouter une nouvelle structure.

La question de la gouvernance de cette instance mérite d’être discutée en profondeur, nous en avons débattu en commission, mais le sujet relève de la commission des lois. Il nous semble toutefois que la CTAP doit être l’outil pour un dialogue entre les collectivités territoriales et avec l’État, afin de penser au mieux, selon les territoires, l’exercice concerté des compétences partagées. Nous nous réjouissons à ce titre que la commission des lois ait intégré au texte examiné aujourd’hui les amendements que nous avions proposés.

Ces amendements tendent à préciser que les commissions thématiques de la CTAP comprennent une commission de la culture et une commission du sport. Ils visent également à confier à la CTAP la mission de veiller à la continuité des politiques publiques dans les domaines de la culture et du sport, ainsi qu’à la mise en œuvre équilibrée de ces politiques dans l’ensemble des territoires.

Nous espérons disposer, avec la CTAP culture et la CTAP sport, d’un outil précieux de coconstruction des actions territoriales.

Mes chers collègues, nous abordons l’examen d’un projet de loi important, mais nous ne devons pas en attendre plus qu’il n’a à offrir. Entre la discussion générale d’aujourd’hui et le début de l’examen des articles, les métropoles se seront mises en place, preuve de l’enchevêtrement entre structures et compétences. Je ne suis pas certaine que nos concitoyens y trouvent des raisons de reprendre confiance en l’action publique.

En tout cas, à travers ses amendements, votre commission de la culture, de l’éducation et de la communication espère y avoir contribué et je souhaite que nous puissions poursuivre collectivement dans cette direction au cours de nos débats. §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis de onze articles de ce projet de loi, qui relèvent directement de son champ de compétences. Elle s’est ainsi intéressée à quatre sujets : les articles 5 à 7, qui renforcent la planification régionale ; les articles 8 à 11 sur les infrastructures et services de transports ; l’article 14 sur l’évolution de la carte intercommunale ; les articles 25 à 27 sur l’accessibilité des services au public et l’aménagement numérique.

Avant de vous présenter la position retenue par notre commission sur ces sujets, je souhaite formuler quelques remarques d’ordre général qui résument l’esprit du débat qui s’est tenu.

Sur la forme, tout d’abord, cette réforme territoriale est menée dans un désordre et une confusion absolus ! Les élus des zones rurales ne comprennent pas l’enchaînement des lois relatives à l’organisation de la République, mais celui-ci n’est pas plus clair pour les communes urbaines ! Il aurait sans doute été préférable de réfléchir à une loi-cadre, déclinée ensuite dans d’autres textes.

Or l’approche retenue est celle d’une fragmentation entre la loi du 27 janvier 2014 qui crée les métropoles, le projet de loi sur la délimitation des régions, dont l’adoption définitive est imminente, et le présent texte sur l’organisation territoriale de la République.

La première erreur, nous la connaissons, a été de redécouper avant de réfléchir à la répartition des compétences. Il ne suffit pas, en effet, de redessiner une carte sur le coin d’une table entre amis ! Cette réforme est faite non pas pour les élus, mais pour les citoyens, afin d’améliorer leur quotidien. Son objectif ultime est de faire en sorte que le service qui leur est rendu soit de meilleure qualité et coûte moins cher. Sur ce point, la question du regroupement des régions touche finalement peu les élus de terrain. En revanche, l’évolution des conseils généraux est pour eux un sujet central, car ceux-ci sont bien souvent les premiers partenaires de nos concitoyens.

S’agissant de leurs ressources financières, les conseillers généraux sont très inquiets. Il est vrai que les communes rurales sont habituées à la disette, compte tenu de la faiblesse de leur base fiscale et de l’absence de cotisation foncière des entreprises sur leurs territoires. §Il ne faut pas pour autant se satisfaire de l’absence d’une étude précise des impacts financiers de ce projet de loi, notamment pour les départements. Une telle évaluation faisait également défaut dans la loi du 27 janvier 2014, muette sur les coûts nouveaux supportés par les intercommunalités.

Il aurait donc fallu définir dès le départ les ressources et les compétences des régions, avant de les fusionner. Comment évoquer en effet leur puissance financière, si elles ne disposent pas de plus de ressources ? La fusion de deux régions n’augmentera pas leurs moyens !

Enfin, l’engagement de la procédure accélérée sur un texte de cette importance n’est pas de nature à favoriser un dialogue constructif et apaisé. Je regrette que la conférence des présidents de l’Assemblée nationale n’ait pas suivi celle du Sénat pour s’y opposer fermement.

J’en viens maintenant aux remarques de fond. L’objectif de ce projet de loi est la clarification des compétences pour renforcer l’efficacité de chaque collectivité, en mettant notamment fin à la clause de compétence générale. Avant de décliner les compétences, encore faut-il définir les missions ! Sur ce point, le Gouvernement a fait le pari aveugle de renforcer les régions et de confier l’exercice des compétences de proximité aux intercommunalités, avant d’envisager un temps la suppression des départements à horizon 2020. Aujourd’hui, apparemment, celle-ci ne semble plus être à l’ordre du jour.

Pour moi, cette solution ne correspond pas à la réalité des besoins ressentis sur le terrain. L’ensemble des élus qui ont travaillé sur ce projet de loi au Sénat sont parvenus à dessiner des missions précises : la commune pourrait être la base de la démocratie de proximité et du renforcement du lien social ; le département serait le gestionnaire de proximité, garantissant la couverture en services publics ; la région deviendrait l’échelon de la stratégie, veillant à l’accessibilité du territoire en grandes infrastructures, à la réindustrialisation, à l’économie et à l’emploi. Il faut bien garder à l’esprit cette logique, qui correspond à la manière dont s’expriment les besoins.

Les revirements successifs du Gouvernement ne sont pas de nature à clarifier les choses. Certains envisagent même de confier la distribution de l’électricité et de l’eau potable, prise en charge de longue date par des syndicats, aux départements, que l’on voulait supprimer il y a peu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Attention ! Il s’agit d’une demande des conseils généraux à travers l’Assemblée des départements de France !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Il faut dire que les conseils généraux sont les principaux perdants du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Le département perd beaucoup de compétences, ce qui peut avoir pour effet pervers de faire apparaître une forme de concurrence avec des syndicats, notamment départementaux.

Cela donne l’impression que les conseillers départementaux qui vont être élus en mars prochain – selon un scrutin binominal un peu surréaliste – n’auront plus de compétences, aurons donc moins de travail, alors même qu’ils seront plus nombreux !

D’une façon générale, il ressort bien de l’ensemble des débats et auditions sur ce texte que les conseils généraux souhaitent conserver certaines compétences que les régions ne semblent d’ailleurs pas demander.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Les régions aspirent quant à elles à certaines compétences de l’État, qui ne souhaite pas les leur déléguer.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Nous sommes ici un certain nombre de sénateurs à avoir imaginé que les régions et les départements auraient pu fonctionner comme les communes et les communautés de communes. Deux couples coexisteraient ainsi, dans lesquels l’instance inférieure, douée de compétence générale, mutualiserait dans l’instance supérieure ce qu’elle ne peut faire seule. Une élection des conseillers régionaux au second degré, comme autrefois, aurait fait de la région une communauté de départements, ce qui aurait évité les doublons.

L’architecture actuelle est certes éloignée de cette vision, mais nous devons au moins veiller à ce que, dans les zones rurales, le département reste le garant de la cohésion sociale et des solidarités territoriales. Nous devons également prendre garde à ne pas renforcer excessivement les intercommunalités. En zone rurale, les élus locaux ont du mal à les appréhender alors qu’en zone périurbaine elles ne sont parfois que les décompressions des budgets des villes-centres, et leur domination politique sur les communes périphériques est souvent une réalité. N’oublions pas que les élus locaux éprouvent toujours des difficultés pour accepter des positions qui ne recueillent pas un large consensus.

L’État veut aussi nous obliger à mutualiser les moyens entre communes et intercommunalités. Pourquoi pas ? Nous le faisons déjà, à l’instar de ceux qui font de la prose sans le savoir ! Mais il faudrait d’abord que l’État donne l’exemple ! Par ailleurs, le système qui consiste à répartir les dotations en fonction du degré de mutualisation est, à mes yeux, une aberration. Les secrétaires de mairie dans nos communes rurales croulent sous le travail administratif de plus en plus contraignant.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Je vois difficilement comment il sera possible, au titre de la mutualisation, de consacrer une ou deux heures à une autre commune ou communauté de communes. La mutualisation doit rester libre pour s’adapter au territoire.

Ainsi, l’intercommunalité n’est pas la réponse à tout. Associer trente à quarante communes pauvres ne fait pas une intercommunalité riche, et je ne crois pas au mariage forcé, même lorsque la corbeille est belle ! Ce n’est pas le montant de la dot qui fait le bonheur des communes !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

En effet, mon cher collègue !

Le seuil de 20 000 habitants, initialement prévu par le projet de loi, soulève une profonde inquiétude chez les élus ruraux. Dans ces territoires, il est en effet difficile d’atteindre un ensemble de cette taille, sauf à ignorer les distances et les coûts induits. En zone urbaine en revanche, 20 000 habitants, c’est peu. Nous devons sortir d’une logique purement quantitative et privilégier une logique qualitative adaptée aux réalités territoriales.

Pour ce qui me concerne, je partage la vision d’une République au plus près du terrain. La seule réponse à la complexité croissante de notre société, c’est la proximité. Il faut que les compétences de proximité continuent à être exercées par le bloc local, et il est essentiel de remettre la commune au cœur du dispositif. Le citoyen comprend ce qui se passe dans la commune : elle constitue la base de la République, il n’est pas possible de s’en passer.

On voit bien où veut nous amener la haute administration parisienne, qui envisage, tous gouvernements confondus, de faire élire un jour les présidents de communautés de communes au suffrage universel, avec pour objectif ultime la suppression des communes !

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

J’en ai terminé avec ces considérations qui expliquent la position retenue par la commission du développement durable sur chacun des sujets dont elle s’est saisie.

À l’article 6, concernant le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire, le SRADDT, nous avons adopté un amendement supprimant l’obligation de compatibilité des SCOT, des PLU et des chartes de parc naturel régional avec les règles générales du fascicule du SRADDT.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Nous proposons ainsi de supprimer l’obligation de « compatibilité » au bénéfice d’une simple « prise en compte ».

La commission des lois n’a cependant pas retenu cette approche, et je le regrette. Avec la délégation aux collectivités territoriales, nous menons tous, et j’y participe directement, une réflexion sur la simplification des normes. Il n’est pas souhaitable que les SRADDT puissent imposer des règles territorialisées aux échelons inférieurs de collectivités. Nous devrons donc à nouveau examiner cet amendement en séance publique.

À l’article 7 relatif aux modalités d’entrée en vigueur du SRADDT, nous avons adopté un amendement tendant à supprimer l’habilitation à légiférer par ordonnance pour préciser le contenu du schéma et clarifier sa portée, habilitation qui apparaît comme superflue au regard des dispositions très détaillées de l’article 6. Les rapporteurs de la commission des lois ont adopté la même approche et je m’en félicite.

À l’article 8 sur les transports routiers non urbains, la commission n’a pas adopté l’amendement de suppression que je lui avais proposé. Nous avons eu un débat très riche, qui témoigne de la complexité de ce sujet. Sans aboutir à une solution consensuelle, nous sommes parvenus à la conclusion que le cas du transport scolaire est à part, même s’il n’est pas toujours facile de l’isoler du transport interurbain.

La commission des lois a finalement choisi de ne maintenir que le transport scolaire au niveau du département : il fallait trancher, et je me félicite que l’on soit parvenu à cette solution de compromis. Je crois qu’il faut aussi de la souplesse dans ce texte.

Par ailleurs, nous avons souhaité la suppression de l’article 9, qui prévoit le transfert aux régions de la voirie départementale. La commission des lois a également retenu cette solution de bon sens, ce qui témoigne du consensus qui règne sur ce sujet.

À l’article 11, qui concerne le transfert des ports départementaux, nous avons adopté un amendement qui supprime la clause de transfert par défaut des ports aux régions en l’absence d’une autre candidature au 31 mars 2016.

L’objectif était de privilégier au maximum la concertation sous l’égide du préfet de région, plutôt que d’imposer systématiquement un transfert à une collectivité qui n’en voudrait pas. La commission des lois est toutefois allée au-delà, puisqu’elle a privilégié la suppression totale de l’article.

À l’article 14, nous nous sommes prononcés en faveur d’une suppression de la hausse du seuil minimal d’intercommunalité à 20 000 habitants au profit d’une solution plus souple qui laisserait à la commission départementale de coopération intercommunale le soin de proposer un niveau adapté aux réalités du terrain.

La commission des lois a plus simplement maintenu le droit actuel, soit un seuil de 5 000 habitants, en mettant l’accent sur la nécessité d’achever en priorité la dynamique engagée depuis 2010. Je me range à la sagesse de cette solution.

Toujours à l’article 14, nous avons adopté un amendement qui, sans remettre en cause l’objectif de réduction des structures syndicales, remplace la notion de double emploi par celle de rationalisation des compétences et des périmètres, afin de ne pas suggérer une concurrence stérile entre des EPCI à fiscalité propre et des syndicats.

La commission des lois a néanmoins retenu une approche plus radicale, qui vise à faire disparaître tous les syndicats jugés redondants en privilégiant systématiquement les EPCI à fiscalité propre. Il s’agit donc d’un débat que nous devrons avoir en séance publique.

Enfin, à l’article 27, nous avons adopté un amendement qui a pour objet d’étendre les possibilités de mutualisation du financement des investissements numériques. Cette solution a été retenue par la commission des lois, qui l’a même complétée dans un sens encore plus favorable.

Voilà, rapidement présentés, les amendements adoptés par la commission du développement durable, dont une partie figure d’ores et déjà dans le texte adopté par la commission des lois.

Je conclurai simplement en insistant sur le fait que ce projet de loi est un texte non pas de décentralisation, mais de clarification. Le Gouvernement, qui voulait au départ remplacer les départements par les intercommunalités, a été rattrapé par la réalité, et, avec la création de grandes régions, il ne peut plus supprimer les départements, pour des raisons de proximité, mais également pour des raisons juridiques.

Vous devez ainsi, madame la ministre, faire contre mauvaise fortune bon cœur et entendre et approuver les amendements du Sénat.

Le véritable succès de la décentralisation, c’est d’avoir apporté la République au plus près du terrain. En s’éloignant de cet esprit, on risque d’accroître la défiance de nos concitoyens à l’égard des pouvoirs publics, d’amplifier le sentiment d’abandon qui règne surtout dans les territoires ruraux et qui s’est exprimé lors des dernières élections européennes. Alors, de grâce, même si ce projet de loi n’est pas le nôtre, faites vôtres, madame la ministre, nos propositions ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Charles Guené, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je souhaiterais, bien entendu, féliciter l’ensemble de nos collègues, tout particulièrement les membres de la commission des lois, pour le travail qu’ils ont réalisé sur un texte aussi complexe qu’ouvert.

En qualité de rapporteur pour avis de la commission des finances, je commencerai par aborder ce texte sous l’angle de ses conséquences financières, ce qui ne vous surprendra pas.

Ce projet de loi nous a été présenté comme un moyen de réaliser des économies. M. André Vallini, secrétaire d’État à la réforme territoriale, a ainsi annoncé en mai dernier que la réforme territoriale permettrait de réaliser entre 12 milliards et 25 milliards d’euros d’économies. Ce chiffre a ensuite été revu à la baisse, autour de 10 milliards d’euros. Pourtant, l’étude d’impact n’évalue pas précisément les économies attendues.

Pour sa part, la commission des finances n’a pas partagé l’optimisme du Gouvernement. En tout état de cause, des économies ne sont réalisables qu’à moyen terme ; à court terme, au contraire, les transferts de compétences envisagés pourraient entraîner une augmentation des dépenses, comme beaucoup l’ont souligné, du fait notamment d’un alignement à la hausse des régimes des personnels.

D’ailleurs, l’agence Moody’s a estimé, en juin dernier, que les mesures proposées « ne généreront pas d’économies nettes [car] elles ne font que redistribuer les coûts entre les différents niveaux de collectivités ».

En fait, les dispositions financières sont les grandes absentes de ce texte. La réorganisation des compétences proposée par le Gouvernement n’est accompagnée d’aucun projet concernant l’allocation des ressources aux collectivités territoriales.

Le cas des régions est particulièrement frappant : les concours de l’État représentent 40 % de leurs recettes de fonctionnement et elles ne disposent que de très faibles marges de manœuvre fiscales.

Le Premier ministre lui-même l’a admis : comme il le déclarait ici même le 28 octobre dernier, « pour que les régions disposent des capacités à investir, elles devront être dotées d’une fiscalité économique, dynamique et adaptée à leurs missions ».

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

On évoque ainsi souvent le transfert d’une part de CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Pourtant, le présent projet de loi ne comprend aucune disposition fiscale. Il prévoit uniquement que les transferts de compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales seront compensés grâce à une dotation de compensation, versée par une collectivité territoriale à une autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Eh oui ! C’est une opération à somme nulle !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Une commission locale d’évaluation des charges et des ressources devra évaluer les charges correspondant à l’exercice des compétences transférées. Ainsi, les départements continueraient de percevoir, de la part de l’État, des ressources en contrepartie des transferts de compétences passés, mais ils verseraient eux-mêmes une dotation de compensation aux régions.

Cette disposition, calquée sur celle qui s’applique à la métropole de Lyon, est généralisée à toute la France et pour des pans entiers de compétences.

Le département deviendrait alors une sorte de « boîte à lettres », bénéficiant de compensations de l’État qu’il transférerait ensuite aux régions.

Les finances locales en deviendraient, convenons-en, plus illisibles encore.

En définitive, ce texte n’apporte pas de réponse aux questions financières qu’il soulève. La modification de la répartition des compétences et ses conséquences sur la fiscalité, ainsi que les ajustements de la péréquation qui s’avéreront indispensables, auront pourtant des effets considérables, qui nécessiteront la définition d’une nouvelle gouvernance.

En effet, au cours des dernières années, l’État a pu être tenté d’imposer aux collectivités territoriales sa vision des finances locales, sans toujours tenir compte de leurs contraintes particulières, tandis que, pour leur part, il faut le reconnaître, les collectivités territoriales ont pu être tentées de se réfugier derrière leur libre administration pour s’extraire quelque peu de certaines obligations nationales.

Ces deux attitudes ne sont plus possibles : un dialogue renouvelé entre l’État et les collectivités territoriales devra être mis en place. La solution du Haut Conseil des territoires, qui a été écartée l’an dernier par le Sénat, revient en filigrane dans ce texte à travers le rôle que le Gouvernement souhaite donner au Comité des finances locales ou à la Cour des comptes.

À mon sens, il appartiendra au Parlement de se saisir de cette question, de formuler des propositions et de définir sa place dans ce cadre. La conférence nationale réunie il y a quelques jours par M. le président du Sénat en est peut-être l’esquisse...

La commission des finances s’est saisie pour avis des articles 30 à 34 relatifs aux finances locales, en particulier la transparence financière.

L’article 30 propose notamment que les opérations d’investissement d’un montant « supérieur à un seuil fixé par décret » soient accompagnées d’une étude relative à leur impact pluriannuel sur les dépenses de fonctionnement. Cette mesure doit être considérée comme une aide à la décision et non comme une contrainte supplémentaire qui serait imposée aux collectivités territoriales. Il faudra toutefois veiller à ce que le seuil soit calibré pour tenir compte de leur taille.

À l’article 31, la commission des lois a supprimé les dispositions relatives à la présentation par le Premier président de la Cour des comptes, devant le Comité des finances locales, du rapport annuel sur les finances locales et du rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques. La commission des finances s’est félicitée de cette suppression, dans la mesure où elle ne voit pas de raison d’institutionnaliser pour l’heure, et eu égard à ce que j’ai dit précédemment, un tête-à-tête entre deux instances chargées, chacune à leur façon, d’éclairer le Parlement et le Gouvernement.

La commission des finances s’est montrée plus réservée concernant l’article 32, qui prévoit que les collectivités territoriales dont les recettes de fonctionnement s’élèvent à plus de 200 millions d’euros peuvent participer à une expérimentation de la certification de leurs comptes conduite par la Cour des comptes. Dans la mesure où il ne s’agit que d’une expérimentation, reposant sur le volontariat, elle ne s’y est cependant pas opposée. Toutefois, la répartition du coût de la certification entre la Cour des comptes et les collectivités territoriales devra être précisée.

L’article 33 prévoit la participation financière des collectivités territoriales aux sanctions financières prononcées contre l’État pour manquement au droit communautaire. Ce point ne manquera sans doute pas de vous interpeller, mes chers collègues.

Poser le principe d’une responsabilité des collectivités ne semble pas absurde. Néanmoins, le dispositif proposé comporte de nombreuses limites : le champ de la responsabilité des collectivités territoriales n’est pas suffisamment circonscrit et les conditions selon lesquelles est arrêtée la participation financière des collectivités territoriales ne leur offrent pas suffisamment de garanties. Compte tenu de ces diverses limites, la commission des finances a souscrit à la suppression de l’article par la commission des lois. Si le texte avait subsisté, nous l’aurions sans doute amendé, ce que nous ferons d’ailleurs peut-être lors de la navette.

Enfin, l’article 34 n’a pas appelé de remarque particulière de la part de la commission des finances.

En définitive, la commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption des articles 30, 31, 32 et 34, tels qu’ils résultent du texte de la commission des lois, et a souscrit à la suppression de l’article 33, suivant en cela l’excellent travail de la commission des lois.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, par dérogation à la décision de la conférence des présidents, je vais donner la parole au président de la commission du développement durable, puis au président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Ce temps de parole sera imputé sur celui de leur groupe. Nous en reparlerons en conférence des présidents.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le président de la commission du développement durable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai souhaité pouvoir m’exprimer en tant que président de la commission, car je considère que le projet de loi a une forte incidence sur l’aménagement du territoire. Alors que nous n’avons pas eu de loi d’aménagement du territoire dans ce pays depuis vingt ans – Gérard Larcher, qui était rapporteur du texte à l’époque, s’en souvient –, certains textes touchent, de manière insidieuse, à l’aménagement du territoire. Ce fut le cas cette année de la loi ALUR, de la loi d’avenir pour l’agriculture ou de la loi de finances.

Cela étant, je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit Rémy Pointereau, qui a excellemment présenté le point de vue de la commission du développement durable saisie pour avis. Je formulerai simplement quelques remarques.

Après la loi d’affirmation des métropoles, la loi relative à la délimitation des régions, dont nous débattions encore hier après-midi, le présent projet de loi est le troisième texte concernant les collectivités territoriales depuis le début de l’année. Pour autant, on ne voit toujours pas quelle est la vision, quelles sont les ambitions du Gouvernement. J’espère que le débat permettra de nous éclairer. Il est d’ailleurs assez original de constater que ce projet de loi ne correspond plus à la volonté exprimée par le Gouvernement voilà six mois. Quand le texte a été présenté en conseil des ministres au mois de juin, il était question de supprimer les départements. Aujourd’hui – je reviendrai tout à l’heure sur ce point –, nous avons le sentiment que tel n’est plus le cas.

Si j’avais un peu plus de temps, je pourrais aussi m’étonner du fait que l’on supprime la clause générale de compétence, alors que le Gouvernement l’a rétablie il y a tout juste un an…

Le projet de loi contient deux dispositifs qui sont absolument inacceptables pour la commission.

Le premier, c’est le seuil de 20 000 habitants. Je salue donc sa suppression par la commission des lois. Dans certains cas, ce seuil peut être pertinent ; dans d’autres, il est insuffisant. Voilà pourquoi il est absolument inopportun de vouloir l’appliquer de manière générale, quelles que soient les communes, quels que soient les territoires concernés. Dans mon département, comme dans bien d’autres d’ailleurs, certaines communautés de communes comptent encore autour de 5 000 habitants. Or je ne vois pas comment on pourrait subitement marier quatre communautés de communes comprenant au total une centaine de communes.

Le second dispositif inacceptable, c’est le caractère prescriptif des schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire. Sur ce point, la commission du développement durable n’a pas pour l’instant obtenu satisfaction auprès de la commission des lois.

Madame la ministre, votre collègue Ségolène Royal, devant la commission que j’ai l’honneur de présider, affirmait voilà quelques jours qu’il fallait arrêter de faire des schémas à tous crins, car il y en avait beaucoup trop.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je vous conseille de suivre son avis ou, à tout le moins, de faire en sorte que les SRADDT ne soient pas prescriptifs. Ces schémas vont en effet venir s’imposer aux schémas de cohérence territoriale – j’étais déjà contre le fait que les SCOT deviennent prescriptifs – et aux plans locaux d’urbanisme. Or ce n’est pas une bonne chose, car l’urbanisme doit rester une compétence du bloc communal, plus particulièrement de la commune.

Je reviens sur un sujet que j’ai effleuré et qui me paraît très important : l’avenir des départements. Nous aimerions connaître de manière claire et précise la position du Gouvernement. En effet, je le rappelle, le Président de la République a déclaré, en janvier, à Tulle, qu’il ne fallait pas toucher aux conseils généraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Le Premier ministre a affirmé, en avril, qu’il fallait les supprimer en 2020, puis en 2021, puis immédiatement ! Cet été, on nous a dit qu’il fallait conserver les conseils généraux en zone rurale, sans que personne sache ce qu’est un département rural, et qu’il faudrait en garder une cinquantaine, sans que l’on sache lesquels. Je pense qu’il est temps d’obtenir une clarification sur ce point.

Autant je peux comprendre que l’on supprime les conseils généraux dans des zones urbaines, comme cela a été fait dans le département du Rhône, autant je pense que le rôle du conseil général est irremplaçable dans des zones rurales. En effet, ce n’est pas une communauté de communes, même de 20 000 habitants, qui pourra se substituer à cet espace de solidarité indispensable, sauf à nous dire qu’il ne s’agit en réalité que d’un premier pas sur le chemin qui mène vers des communautés de communes de 50 000, 60 000, 70 000, voire 100 000 habitants.

Je regrette enfin que ce texte soit examiné selon la procédure accélérée, si décriée par la gauche lorsqu’elle était dans l’opposition. Compte tenu de son importance, on aurait pu espérer qu’il fasse l’objet de plusieurs lectures.

Je le répète, ce projet de loi a une incidence sur l’aménagement du territoire. Notre commission entend donc prendre toute sa part dans le débat. C’est, me semble-t-il, la vocation du Sénat de se positionner sur ces sujets et, en son sein, la vocation prioritaire de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l’aménagement du territoire.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP . – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, plus de trente ans après les lois de décentralisation de 1982, nous attendions un nouvel acte de la décentralisation. Le projet de loi NOTRe se contente finalement de « rebattre les cartes », sans nouveaux transferts, même si les travaux de la commission des lois ont déjà permis d’aller plus loin.

Je voudrais dire que, au moment où vous-même, monsieur le président du Sénat, et le bureau de notre assemblée veulent renforcer le rôle de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, il ne me paraît pas aberrant que nous disposions d’un temps de parole sur des textes comme celui-ci, comme cela se pratiquait par le passé, d’autant qu’il s’agit de questions sur lesquelles nous avons beaucoup travaillé – nombre de collègues qui siègent depuis longtemps au sein de cette délégation peuvent en témoigner.

Je voudrais brièvement évoquer quelques principes qui me paraissent être des préalables indispensables à la réussite de cette réforme.

Premier principe : il est important de procéder à une clarification précise des compétences, tout en poursuivant le mouvement de décentralisation. À cet égard, la suppression de la clause de compétence générale, après plusieurs revirements du Gouvernement, est une sage décision. Les différentes collectivités ne demandent pas un élargissement massif de leurs compétences ; elles souhaitent seulement que ces compétences soient précisément définies et qu’on les accompagne des ressources nécessaires. Les régions se voient ainsi confier la responsabilité de définir une stratégie en matière de développement économique. J’y suis favorable. C’est là un enjeu majeur pour permettre à nos territoires de déployer tout leur potentiel ; la création du schéma régional de développement économique accélérera cette dynamique.

Deuxième principe : il me semble indispensable de ne pas instaurer de tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre. Certes, il est nécessaire d’avoir, sur un territoire donné et pour une compétence donnée, une direction, mais les collectivités doivent travailler ensemble en tant que partenaires, et non comme sous-traitants. Les acteurs locaux devraient donc être associés à l’élaboration du schéma régional de développement économique à travers la conférence territoriale de l’action publique, comme nous le proposons avec mes collègues centristes.

Troisième principe : cette réforme doit être conduite dans le respect des collectivités existantes et du principe de libre administration. La création de grandes régions, dont certaines le sont trop – on le disait hier –, a redonné aux départements toute leur place en tant qu’échelon de proximité. Si la réflexion sur les départements « d’après 2020 » reste à mener, rien ne justifie à ce stade le siphonnage de leurs compétences. Je salue donc les amendements proposés à la suite des travaux en commission.

Dans un contexte budgétaire difficile, l’objectif de cette réforme est de réduire les déficits publics. Nous connaissons les chiffres pour les années à venir, de même que le risque d’un effet récessif sur l’investissement. À cet égard, je voudrais saluer le travail effectué par plusieurs de nos collègues de la délégation, qui ont récemment déposé la première partie d’un rapport sur les effets de ces baisses de dotations.

Aussi, avant d’asphyxier les collectivités, je considère – il s’agit du quatrième principe, peut-être le plus important – que la mère de toutes les réformes reste celle de l’État. Je suis convaincu que, dans son organisation propre, l’État peut encore trouver des sources d’économies. Pourquoi ne pas s’attaquer, par exemple, au poids écrasant de la fonction publique ? La question de la réglementation de l’État applicable aux collectivités territoriales, du poids des normes – elles sont à l’origine, en 2013, de 1, 2 milliard d’euros de dépenses nouvelles non compensées –, doit aussi être posée. Notre délégation, dotée d’un nouveau pouvoir d’avis législatif, entend s’y atteler. Le premier vice-président de la délégation, M. Pointereau, va d’ailleurs animer un groupe de travail sur ce sujet.

Cinquième et dernier principe : il convient de favoriser les progrès de l’intercommunalité tout en prenant davantage en compte la diversité des situations locales.

Je souscris à la montée en puissance des intercommunalités et à leur élargissement progressif vers la notion de « bassins de vie ». Cependant, alors que la France vient tout juste d’achever sa carte intercommunale, il faut s’adapter à la diversité de nos territoires. L’approche purement quantitative, avec le relèvement du seuil à 20 000 habitants, n’est pas tenable, et je salue la suppression de celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Sortons des logiques arithmétiques et faisons – au moins un peu, et peut-être même beaucoup – confiance aux élus locaux !

En définitive, le texte proposé par le Gouvernement manque tout de même de souffle et de vision, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. … mais la Haute Assemblée, émanation des collectivités locales, a une responsabilité majeure dans la réussite de cette réorganisation. Aussi, je ne doute pas, mes chers collègues, que nous saurons inscrire nos travaux dans une démarche partagée, la plus consensuelle possible, pour améliorer significativement ce projet de loi, dans l’intérêt bien compris de nos territoires et de nos concitoyens.

Applaudissementssur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici à l’aube de l’examen de la troisième loi de la mandature sur le sujet de la réforme territoriale. Bien conscient de la difficulté à mener une réforme territoriale ambitieuse – pourtant nécessaire dans un pays de plus en plus paralysé par ses conservatismes –, je veux commencer ici par rendre un hommage sincère à Mme la ministre, Marylise Lebranchu, qui, depuis 2012, ne ménage pas sa peine

Exclamations amusées sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

… pour faire évoluer l’action publique dans une France empêtrée dans un millefeuille territorial qu’on ne sait par quel bout entamer et une confusion des responsabilités qu’on ne sait comment démêler.

Pour autant, la méthode employée par le Gouvernement est-elle satisfaisante et nous donne-t-elle toutes les chances de mener sereinement ce débat important ?

Non ! sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Si le texte comporte des avancées notables, sur lesquelles je m’exprimerai plus longuement d’ici à quelques minutes, il est regrettable qu’il arrive en dernier. Nous avons déjà dit ici que le fait de traiter des métropoles en premier présentait un risque de crispation pour la suite et, surtout, que redéfinir la carte des régions avant d’avoir une vision claire de l’ensemble des nouvelles responsabilités qui leur incomberaient était une erreur lourde de conséquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Nous le voyons bien aujourd’hui, jusque dans les incohérences de la carte territoriale qui se précise.

En ce qui concerne la méthode, la concomitance entre ce projet de loi, qui fait évoluer les compétences des départements, et la tenue des élections départementales en mars prochain n’est pas sans poser quelques questions d’ordre démocratique. Comment, en effet, faire campagne sur un projet départemental, proposer un contrat démocratique avec les citoyens, alors que les compétences départementales ne sont pas encore connues ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

En procédant ainsi, nous ne créons pas les conditions d’un renforcement de la démocratie territoriale. Je rejoins ici les analyses de Rémy Pointereau, mais, qu’il se rassure, pour le reste, nous divergeons profondément…

J’en viens au fond.

Quand, en octobre 2012, le président du Sénat avait convoqué les états généraux de la démocratie territoriale et que le Président de la République, qui débutait son mandat, y avait fait des annonces audacieuses, je m’étais pris à rêver d’une grande ambition décentralisatrice pour notre pays, tout juste trente ans après la première loi Defferre. Les écologistes ont cette vision ambitieuse de la décentralisation et ont toujours été en avance sur leur temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Nous considérons que la gouvernance et l’organisation territoriale sont les clés de l’efficacité ou, au contraire, de la défaillance des processus de décision et de mise en œuvre des politiques publiques. Nous prônons ainsi une démocratie territoriale qui corresponde à la réalité des territoires de vie, non pas ceux de la Révolution française, où le cheval et la marche à pied délimitaient leur étendue, mais ceux du XXIe siècle, époque du transport public et de la voiture individuelle, où agglomérations et régions sont les véritables espaces vécus au quotidien, les lieux des coopérations associatives, universitaires et économiques.

En cohérence avec le renforcement du couple région-intercommunalité, qui est le cœur du projet de loi, et que nous soutenons, les écologistes militent aussi pour une décentralisation différenciée.

La décentralisation uniforme ne peut pas être une bonne réponse, parce qu’on ne peut pas apporter des solutions identiques à des situations différentes. Même si la Constitution de 1958 nous a enfermés dans une décentralisation décidée par le pouvoir central et applicable à l’identique sur tout le territoire, le développement, loi après loi, de statuts particuliers – la Corse, les collectivités d’outre-mer – a ouvert une voie, sans oublier les statuts particuliers de certaines des plus grandes villes de France depuis la loi d’affirmation des métropoles. Nous appelons donc au renforcement de cette logique d’une décentralisation s’adaptant à la diversité des territoires – nous en avons d’ailleurs parlé hier avec l’Alsace –, et nous défendrons de nombreux amendements en ce sens.

Madame la ministre, nous serons attentifs à vos propositions pour contourner ce carcan constitutionnel d’un autre temps, malheureusement perpétué par le refus de l’opposition nationale de s’engager, pour des raisons de calcul, dans toute réforme constitutionnelle pourtant nécessaire à la modernisation de ce pays.

Le projet de loi présente des évolutions qui vont, selon nous, dans le bon sens. C’est notamment le cas en ce qui concerne la responsabilité donnée aux régions d’établir des schémas prescriptifs en matière de développement économique et d’aménagement du territoire. Il s’agit d’une vieille proposition des écologistes – Marie-Christine Blandin la défendait déjà en 1990 en tant que présidente de région –, qui nous a valu pendant longtemps une réputation de dangereux utopistes. J’ai quand même l’impression que certains, ici, veulent encore revenir en arrière, mais nous commençons à avoir l’habitude que l’histoire finisse pas nous donner raison.

Partisans d’une décentralisation reposant sur des régions fortes, les écologistes défendront le transfert aux régions de compétences structurantes qui relèvent de la planification et de l’aménagement du territoire, parmi lesquelles nous plaçons les compétences en matière de transports. Nous soutiendrons aussi un élargissement de leurs compétences dans le champ environnemental, car il est évident que nous ne pourrons plus construire demain des schémas d’aménagement du territoire qui n’intègrent pas précisément ces enjeux.

Des régions renforcées, des intercommunalités correspondant à des bassins de vie, dotées d’un projet politique et non plus uniquement chargées de la gestion technique de compétences mutualisées : telle est la vision écologiste de la décentralisation, fondée sur ces deux échelons territoriaux. Elle est cohérente en termes d’efficacité des politiques publiques et lisible pour les citoyens.

Nous saluons donc le fait que le projet de loi témoigne également de l’ambition gouvernementale de renforcer les intercommunalités. En ce sens, nous le soutiendrons contre les conservatismes. Malheureusement, sans vouloir gâcher votre réveillon, madame la ministre, je crains que vous ne vous heurtiez en janvier à des immobilismes, qui trouvent ici, généralement, quelques échos.

Ainsi, la commission des lois du Sénat a déjà fait passer la compétence « tourisme » des communautés de communes et des communautés d’agglomération d’obligatoire à optionnelle, a retiré la possibilité aux EPCI de prendre la gestion des ports relevant aujourd’hui de la compétence des départements et, surtout, a supprimé le relèvement du seuil à 20 000 habitants par intercommunalité. Comme je n’ai que treize minutes pour m’exprimer, je cesse là l’énumération, mais vous aurez compris la logique qui est à l’œuvre dans notre assemblée : surtout, ne touchons à rien ! Ce pays va magnifiquement bien ; l’action publique est parfaitement coordonnée ; tout va très bien, madame la ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

N’exagérez pas, nous sommes quand même la cinquième puissance mondiale !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Il n’y avait donc rien de plus urgent que de revenir sur le suffrage direct pour l’élection des conseillers communautaires, un des grands tabous de cette assemblée, même s’il faut noter – c’est peut-être passé un peu trop inaperçu –, que le sénateur Bertrand, dans son rapport sur l’hyper-ruralité, a un peu brisé ce tabou. Je m’en suis d’ailleurs inspiré pour rédiger un de mes amendements.

Mes chers collègues, pensez-vous vraiment tenable de continuer encore longtemps à avoir des débats centrés sur le niveau communal au moment des élections municipales, alors que les décisions principales concernant les habitants des territoires sont prises à l’échelon communautaire ? Arrêtons de faire passer le message aux électeurs que leur vote, finalement, n’influe que peu sur les vraies décisions prises localement et qu’ils peuvent donc s’en désintéresser. Non seulement ils ne sont pas dupes, mais je puis vous dire qu’ils sont aussi demandeurs de ce débat à l’échelon intercommunal, surtout s’ils n’habitent pas dans la ville-centre. Entendons-les !

J’en viens à l’avenir des départements, dont la disparition n’est plus à l’ordre du jour. M’éloignant du petit livre vert, ce qui prouve que les écologistes sont, autant que d’autres, à l’écoute des territoires, je ne défendrai pas la suppression pure et simple des conseils départementaux. J’ai eu l’occasion d’en développer les raisons dans d’autres interventions à cette tribune : d’une part, aucune autre collectivité ne veut exercer les compétences sociales du département ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

… d’autre part, la création de méga-régions redonne son sens à l’échelon départemental, entre régions et intercommunalités.

Certains pourront remercier Manuel Valls, qui, en faisant aboutir la création de ces nouvelles structures régionales, a sauvé les départements. Nous avons donc bien compris que ses propos sur la disparition des départements à l’horizon de 2020 n’étaient plus d’actualité.

Nous considérons toutefois que, si le département est légitime pour prendre en charge la solidarité territoriale et la cohésion sociale, il n’est pas pertinent de lui conserver d’autres compétences n’entrant pas dans ce cadre, car cela aurait pour conséquence non seulement d’aggraver les difficultés financières des départements, mais aussi de remettre de la confusion dans la tentative de clarification des compétences opérée dans le projet de loi. Je pense particulièrement au transport, au tourisme et au développement économique. J’espère vraiment qu’à l’occasion de ce débat, en 2015, nous ne donnerons pas l’impression, mes chers collègues, de fêter les deux cents ans de la Chambre des pairs, à savoir le Sénat de la restauration…

Au regard de ces éléments, ce texte nous satisfait donc partiellement sur le volet répartition des compétences. Pour être plus précis, il nous satisfaisait jusqu’à son passage en commission, qui a parfois sonné comme un hommage au millefeuille, tel qu’il est servi au restaurant du Sénat.

Le projet de loi initial reste également insatisfaisant sur deux points, qui feront l’objet de nombreux amendements du groupe écologiste : l’absence de proposition de rénovation de la démocratie locale ; l’absence de dispositions donnant des marges de manœuvre financières aux collectivités.

Concernant le financement des politiques décentralisées, nous pouvons avoir de réelles inquiétudes pour l’avenir. Je pense particulièrement aux régions et à leurs compétences larges sur l’économie ou les transports. Nous y reviendrons évidemment plus en détail quand nous examinerons les articles du texte, mais nous croyons que les régions devraient bénéficier de ressources financières en lien avec l’exercice de leurs compétences.

Par exemple, sur les transports, nous proposerons, de nouveau, l’instauration d’un versement transport régional. Nous aurons également à cœur de creuser le sujet d’une taxe poids lourds régionalisée. Ces recettes seront nécessaires, demain, à la qualité des infrastructures dans tous les territoires et donc à leur compétitivité économique. Il s’agit d’un enjeu majeur, qui trouve malheureusement écho dans l’actualité, à l’heure où se préparent le licenciement des salariés d’Ecomouv’ et la perte d’un outil pourtant déjà payé.

Les présidents de région appellent aujourd’hui à la mise en place de cette taxe poids lourds régionalisée. Nous devons les entendre en faisant preuve ici d’initiative au service d’une demande qui vient des territoires et qui dépasse les clivages politiques.

Plus globalement, et je crois que la plupart d’entre nous en ont conscience, notre pays a besoin d’une réforme fiscale profonde. Cette réforme, que les écologistes appellent de leurs vœux, devrait s’attaquer aussi à la fiscalité locale. Pensons, ne serait-ce qu’un instant, à la réforme des bases locatives pour le calcul de la taxe d’habitation, véritable serpent de mer au sujet duquel rien n’évolue... Cette réforme fiscale devrait logiquement nous amener progressivement vers une part réelle d’autonomie financière des collectivités et, donc, en premier lieu, des régions.

L’autre grande lacune du texte ne relève pas du détail, puisqu’il s’agit ni plus ni moins de la démocratie. Les écologistes ne comprennent pas que l’on puisse procéder à une réforme territoriale sans l’accompagner d’une réforme forte de la démocratie locale. Donner des responsabilités aux collectivités locales sans renforcer la démocratie locale crée un déséquilibre de fond. Nous avons des propositions touchant aux deux échelons qui, selon nous, sont l’armature en devenir de l’organisation territoriale de notre pays : les régions et les intercommunalités.

Je ne reviens pas sur le suffrage direct, mais nous avons d’autres propositions. Pour certaines d’entre elles, comme le bicamérisme ou la séparation entre l’exécutif et le délibératif, que d’aucuns, sans nul doute, jugeront un peu exagérées, nous vous proposerons néanmoins de ne pas attendre que l’histoire nous donne raison pour les adopter, ce qui nous fera gagner du temps !

Nous voici donc face à ce qui sera probablement le dernier grand texte de réforme territoriale de cette mandature. Beaucoup d’amendements et des heures de débats nous permettront, je l’espère, d’aboutir à des solutions partagées allant dans le sens de l’intérêt général.

Notre pays a besoin d’une réforme lisible et ambitieuse. Ce serait l’honneur du Sénat d’incarner ce souffle réformateur et de ne pas apparaître uniquement comme une assemblée de nostalgiques des organisations territoriales du passé et des situations acquises. C’est en tout cas dans cet état d’esprit que le groupe écologiste s’engage dans le débat.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste . – M. Michel Delebarre et Mme Jacqueline Gourault applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est le dernier volet législatif d’un profond bouleversement de nos institutions intervenu sans que nous ayons eu réellement à débattre de ses objectifs d’ensemble.

Débuté sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le big-bang territorial se poursuit avec la même cohérence, c’est-à-dire celle d’un projet profondément libéral, à mille lieues des attentes fortement exprimées par les élus en octobre 2012, à l’occasion des états généraux de la démocratie territorial, organisés ici même au Sénat. Plutôt que d’en arriver à cette bouillie législative, technocratique, inaudible pour nos concitoyens, saucissonnée en trois textes, il aurait été préférable de se doter d’abord d’un projet de loi d’orientation.

De fait, peu à peu, sans réelle vision d’ensemble, nous bouleversons notre pacte républicain, fondé sur des institutions locales de proximité, qui disposaient jusque-là d’un pouvoir d’intervention décentralisé afin de répondre aux besoins et aux attentes de nos populations. Ces diverses réformes avancent sans qu’à aucun moment il ait été envisagé de donner la parole au peuple. Ainsi s’installe pourtant une autre République, toujours plus technocratique, qui ne serait plus une et indivisible, mais d’abord fédéraliste et concurrentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Nos institutions locales vont se transformer en outils au service de la concurrence entre les territoires, et les politiques publiques en marchandises.

Dans le même temps, le principe d’égalité des territoires, cher à la gauche, se dilue, celui de fraternité a toujours autant de mal à s’affirmer et les libertés locales sont toujours plus encadrées.

Dans une société de plus en plus inégalitaire se met en place une nouvelle organisation de l’action publique à son image, fondée sur les inégalités entre les territoires, où toute ambition pour les réduire a été de fait abandonnée.

Alors que les tenants de la pensée libérale ne cessent de clamer, contre toute réalité, qu’il faudrait plus de riches pour qu’il y ait moins de pauvres, nous sommes appelés, à partir de ce même précepte, à créer des institutions locales « riches », pour qu’il y ait prétendument moins de territoires « pauvres ». Or chacun sait qu’en nous éloignant d’un aménagement du territoire équilibré et harmonieux, construit dans la proximité, nous allons, au contraire, renforcer les poches de pauvreté en dehors et au sein de ces territoires dits plus favorisés que les autres.

C’est dans ce contexte que nous venons de terminer nos débats sur les nouveaux périmètres de nos super-régions et que nous entamons la discussion sur le projet de nouvelle organisation territoriale de la République. Seulement, depuis plusieurs mois, l’absence de lisibilité de cette réforme de nos institutions locales est sans cesse renforcée par des prises de position changeantes du Gouvernement. Ainsi, madame la ministre, après le discours du Premier ministre laissant entendre que la fin des conseils départementaux n’était plus d’actualité, vous avez déclaré devant notre commission : « La suppression des départements suppose la majorité nécessaire à une révision constitutionnelle. Nous avons cinq ans pour élaborer une solution ». Pour vous, l’objectif de suppression des départements demeure donc.

Une chose est sûre, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, dans sa version gouvernementale, organise bel et bien l’évaporation des départements, préconisée par la commission Balladur en son temps. Dans ces circonstances, nous nous félicitons que la commission des lois ait rejeté à la quasi-unanimité les articles qui prévoyaient de déshabiller les départements au profit des régions, tout en regrettant qu’elle n’ait pas fait de même complètement pour les transferts de compétences des départements vers les métropoles. Il est dommage qu’elle soit restée au milieu du gué dans sa défense de l’échelon départemental.

Par ailleurs, en renforçant la compétence économique des régions, objectif que nous pouvons entendre et même approuver, le Sénat s’apprête à remettre en cause le principe de libre administration pour les communes et les départements en les plaçant sous la tutelle des régions, mais la nouvelle majorité sénatoriale de droite n’a malheureusement pas l’exclusivité du double langage.

Ainsi, le Gouvernement a fait adopter en décembre dernier, avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM, le rétablissement de la compétence générale, pour les régions et les départements. Vous disiez alors, madame la ministre, qu’il s’agissait là d’un « marqueur de gauche » et d’un engagement décentralisateur. Comment comprendre que vous proposiez aujourd’hui de leur retirer cette compétence générale ? Devons-nous en conclure que, désormais, le Gouvernement recherche des « marqueurs de droite » et un engagement recentralisateur ?

Toujours dans la loi MAPTAM, vous décidez de nommer les régions chef de file du développement économique. Cette loi n’est pas encore appliquée que vous revenez sur cette mesure et transformez, dans le projet de loi NOTRe, les régions en collectivités « responsables » du développement économique, concept juridique inexistant, non prévu dans notre Constitution.

On a parfois l’impression d’une navigation à vue, même si l’on doit reconnaître que vous gardez le cap : concentrer les pouvoirs locaux entre les mains de grandes intercommunalités, organiser l’évaporation des communes et des départements, renforcer les compétences régionales, réduire la libre administration des collectivités territoriales, tenter de les hiérarchiser, réduire leurs ressources et mettre sous contrôle leurs dépenses. C’est parce que l’ensemble de ces ingrédients sont tous contenus dans le projet de loi que nous le contestons, comme nous avons rejeté les précédents qui étaient de la même veine.

Nous aussi, nous gardons le cap. Nous continuons d’affirmer que le « millefeuille » est une grossière affabulation, que l’avenir appartient aux communes, aux départements et aux régions, travaillant avec un État stratège garant de l’égalité des citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Nous réaffirmons que chaque collectivité a sa place et son utilité, qu’elle doit disposer de compétences identifiées, des moyens d’agir pour des projets partagés et intervenir librement quand les intérêts de son territoire sont en cause. L’heure n’est donc pas à la caporalisation de nos institutions et de l’action locale.

Toutes les collectivités territoriales ne doivent pas s’aligner derrière un chef, fût-il « de filat ». Elles doivent au contraire travailler ensemble, se coordonner, coopérer entre elles, en réseau, en partenariat, dans le respect de la place et du rôle de chacun, dans le cadre de projets d’actions publiques partagées, pour décupler leurs actions et ainsi mieux répondre aux besoins et aux attentes de la population.

L’heure n’est pas à l’austérité, mais au contraire au déploiement de l’investissement et de l’action publique. L’heure n’est pas venue, pour nos collectivités, de se recroqueviller sur elles-mêmes, sur leur pré carré. Il faut au contraire ouvrir en grand l’intervention publique partagée en associant toujours plus les citoyens.

Vous le voyez, nous ne nions pas le besoin de réformes, mais nous récusons des orientations qui ne constituent en rien une nouvelle étape de décentralisation. Vos réformes, madame la ministre, manquent singulièrement de clarté, ce qui est un comble quand vous présentez ce texte comme étant celui de la « clarification de l’action publique ».

Ainsi, ce texte porte globalement sur les compétences, mais il ne dit rien sur les moyens dont les collectivités territoriales disposeront réellement pour les mettre en œuvre. Pis, une réforme de la dotation globale de fonctionnement est annoncée pour 2016, donc plus tard, sans que l’on en connaisse les orientations. Nul ne sait si les régions et les intercommunalités disposeront des moyens nécessaires pour leurs nouvelles interventions ; nul ne sait si leur autonomie financière sera renforcée.

En cette période de diminution radicale des dotations publiques et de dégradation des capacités d’autofinancement, on peine à imaginer comment tout cela fonctionnera.

Le même manque de clarté caractérise la définition des compétences économiques des régions. Si nous avons bien compris le texte, il ne s’agit pas d’un transfert de compétences de l’État, mais d’un redéploiement. Comment vont s’articuler alors l’action des régions et celle de l’État, qui reste responsable de l’essentiel de la politique économique ? Comment vont se construire ces interventions régionales dans le cadre du développement de filières de production qui dépassent les frontières des régions, fussent-elles devenues plus grandes ?

Finalement, cette affirmation du rôle économique des régions ne vise-t-elle pas d’abord à mettre en place un guichet unique, distributeur quasi automatique d’aides et de subventions aux entreprises, sans réelles contreparties en termes d’emploi ?

Sachant que les petites et moyennes entreprises sont, pour près de 70 % d’entre elles, des sous-traitantes de grands groupes, comment allons-nous faire pour que ces aides régionales ne soient pas absorbées par les grands groupes, compte tenu de leur emprise sur l’activité de leurs sous-traitants ? Comment nous assurer que ces aides ne serviront pas, comme le CICE, à la restauration des marges des entreprises et non à la relance de la production, et donc au développement économique et social de nos régions ? Nous attendons des explications et des garanties sur ces points, et nous serons particulièrement vigilants sur le contrôle et la transparence dans l’utilisation de ces fonds publics.

On peut s’interroger également sur l’articulation de l’action économique des régions et des quatorze métropoles. Que se passera-t-il en cas de désaccord entre ces deux instances ?

Le deuxième aspect essentiel du projet de loi concerne l’élargissement contraint des intercommunalités, auquel nous ne saurions souscrire, pour deux raisons essentielles.

D’une part, il s’agit une nouvelle fois, dans la droite ligne de la loi de 2010, de contraindre les communes et leurs intercommunalités à des regroupements autoritaires. Or, pour nous, les intercommunalités doivent demeurer des outils de coopération volontaire, fondés sur des projets partagés au service du développement de nos communes, et non pas des outils de leur intégration visant à leur disparition.

D’autre part, la carte intercommunale issue de la loi de 2010 vient seulement de s’appliquer. Il faut donc laisser à ces nouvelles structures le temps de se mettre en place, d’apprendre à travailler ensemble, de mettre en œuvre les compétences dont elles viennent, pour la plupart, d’hériter.

Le nouveau paysage intercommunal a besoin de stabilité. Il n’y a donc aucune urgence à le bouleverser à nouveau, avec de nouveaux périmètres et compétences élargis. Pour ma part, je me félicite que la commission des lois se soit prononcée à une très large majorité, pour ne pas dire à l’unanimité, pour le maintien à 5 000 habitants du seuil des intercommunalités.

Par ailleurs, le projet de loi, usant de la confusion des mots et des concepts, met en place un « schéma départemental des services au public » à la place des « schémas de services publics », sous l’égide de l’État, qui est là dans son rôle, mais en zappant au passage les départements, qui sont pourtant les mieux placés pour intervenir en ce domaine. Si le changement visait à examiner l’ensemble des services utiles à la population, nous ne pourrions que le soutenir, mais il est en fait l’instrument de la création de maisons de services « au public », pouvant être gérées par le secteur privé.

Dans le même temps, il met en place, pour les services pouvant revêtir des missions de service public, l’équivalent des partenariats public-privé : c’est la privatisation des services locaux qui se dessine ; c’est la casse de la place et du rôle spécifique de nos administrations locales, de nos services municipaux, sur des périmètres d’intervention qui n’auraient plus rien à voir avec nos délimitations administratives et qui s’apparenteraient en fait à des zones de chalandise.

Enfin, pour terminer, le projet de loi confirme le vaste plan social qui se prépare dans nos collectivités territoriales appelées à concentrer leurs services et à réduire leur voilure.

Mutation et transfert d’office, éloignement, perte de responsabilités, changement de poste, carrière réduite, plan de licenciement des contractuels et vacataires, non-remplacement des départs à la retraite, telles sont les sombres perspectives de ce bouleversement institutionnel pour les agents de la fonction publique locale. Tout cela se met en place sans concertation réelle et sans négociation sociale à la hauteur des enjeux. Aussi comprenons-nous et partageons-nous les inquiétudes des personnels qui se manifestent actuellement. Dans ce domaine, il ne s’agit pas pour nous de défendre des corporatismes, car c’est bien l’avenir de l’emploi local et des services publics, partout sur le territoire national, qui est en cause.

Aussi comprendrez-vous, pour toutes les raisons que je viens de développer, qu’il faudrait de profondes modifications de ce projet de loi pour que nous puissions le soutenir. Nous défendrons donc de nombreux amendements pour tenter d’en infléchir certains aspects et nous serons sensibles au débat qui va s’ouvrir et, je l’espère, aux avancées qui pourront être obtenues.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ». Nous ne pouvons que conclure de cet adage que le projet de loi dit « NOTRe » procède pour le moins d’une conception à géométrie variable, et c’est un euphémisme ! Commencer par découper de grandes régions avant de parler de leurs ressources et de leurs compétences était en effet original…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Quel est le fil conducteur de cette réforme ? Là est la question ! Quelle est aujourd’hui la position réelle du Gouvernement ? Nous attendons des réponses claires, madame la ministre.

En dépit de tous les atermoiements, des changements de cap, il semblerait que votre idée d’origine était de supprimer l’échelon départemental, de renforcer les régions et les intercommunalités au détriment des communes. En fait, où en êtes-vous ?

La Haute Assemblée, saisie la première de ce texte en vertu de la Constitution, est placée dans une situation originale, peut-être inédite. Le texte du Gouvernement est resté le même que celui validé par le conseil des ministres du 18 juin dernier. Contrairement à d’autres projets de loi, on l’a vu encore récemment, il ne semble pas que le Gouvernement ait déposé d’amendements modifiant significativement son projet initial.

Or, si l’on résume le projet initial, il convient de relever que l’exposé des motifs, à sa page 5, annonce que « le débat pourra s’engager sereinement sur les modalités de suppression des conseils départementaux à l’horizon 2020 ». Face aux réactions fortes émanant de toutes les sensibilités, en particulier de la nôtre, l’exécutif a déclaré vouloir conserver les conseils départementaux, dans un premier temps uniquement dans les départements ruraux – terme assurément peu juridique. Dans un deuxième temps, il s’agissait de la moitié des départements et, ces derniers temps, Mme la ministre nous dit que cette question n’est plus à l’ordre du jour. Dont acte ! Mais il nous faut savoir aujourd’hui si le Gouvernement n’a pas l’intention, dans quelques mois, après les prochaines échéances électorales locales, de reposer la question sous une forme ou sous une autre.

À ce niveau de la discussion, nous ne pouvons que déplorer le recours à la procédure accélérée, dans le doute que nous éprouvons sur les motifs véritables qui ont motivé l’utilisation de cette procédure.

Pour être clairs, madame la ministre, nous souhaitons que le Gouvernement s’en tienne à la position exprimée par le Président de la République le 18 janvier 2014, à Tulle. Il déclarait à cette occasion : « Les départements gardent donc leur utilité pour assurer la cohésion sociale et la solidarité territoriale. Et je ne suis donc pas favorable à leur suppression [...]. Car des territoires ruraux perdraient en qualité de vie, sans d’ailleurs générer d’économies supplémentaires […]. » Depuis, d’autres annonces sont intervenues, y compris celles sur les économies de 20 milliards, 15 milliards ou 10 milliards d’euros attendues de la suppression du département.

Si l’on revient à la sagesse, c’est-à-dire à cette excellente citation, c’est le cœur même de votre projet de loi qui n’a plus de raison d’être, madame la ministre. Ce constat a justifié le travail de réécriture totale réalisé par les rapporteurs de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, qui ont accepté de le réaliser dans des conditions extrêmement difficiles.

Si l’on revient au texte initial, il organise l’évaporation des conseils départementaux en leur enlevant d’importantes compétences de proximité : transfert aux régions des compétences en matière de voirie départementale, de collèges et de transports scolaires. La commission des lois propose de supprimer ces transferts, et nous partageons son avis. Il n’est pas raisonnable de faire gérer de telles compétences par de grandes régions éloignées de la proximité. Tout le débat est de savoir si le Gouvernement a oui ou non définitivement renoncé à ces trois transferts de compétences.

Nous sommes non dans un projet de décentralisation, mais dans un projet de centralisation régionale. D’où l’excellente expression d’un député frondeur : « Vous avez aimé le jacobinisme national, vous allez adorer le jacobinisme régional ! » Plus objectivement, car le propos cité est un peu provocateur, ce texte se veut de clarification des compétences, un objectif partagé par une grande majorité de notre groupe. Je rappelle que nous avions voté majoritairement contre le rétablissement de la clause de compétence générale lorsque vous l’aviez proposé, madame la ministre. Cette clause a véritablement un sens pour le bloc communal. Pour les autres strates, une clarification des compétences est souhaitable en préparant une compétence partagée pour la culture, le sport et le tourisme – sans chef de filat de la région.

Concernant le développement économique, la compétence renforcée de la région n’a de sens qu’avec une articulation précise de son intervention vis-à-vis des métropoles et des intercommunalités. Il est évident que ce sont les métropoles et les agglomérations qui portent sur leur territoire l’action économique, l’innovation, les projets concrets. Les interventions en commission des lois de notre excellent collègue Gérard Collomb ont été frappées au coin du bon sens.

Contrairement à ce qui nous a été rabâché depuis des mois, la mise en place de très grandes régions ne va pas faciliter l’aménagement stratégique du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En tout cas, nous tenons fondamentalement à ce que la compétence exclusive de la région ne soit pas dans les faits en contradiction avec les dispositions de l’article 72 de la Constitution sur la libre administration de chaque collectivité et l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre. Malheureusement, je pense que l’on n’en prend pas le chemin, en tout cas, on ne prend pas le bon chemin ! Vous essayez, par tous les moyens, par les schémas prescriptifs, par toute une série de mesures, d’imposer votre volonté. En effet, qui aura l’argent, sinon les grandes régions, ce qui va leur permettre d’exercer une forme de tutelle sur un certain nombre de collectivités, répondant ainsi au souhait ardent de quelques hiérarques présidents de région !

La commission des lois a également fait œuvre utile en supprimant l’action récursoire de l’État envers les collectivités territoriales en cas de manquement à une obligation européenne. Qu’une telle disposition figurât dans le texte était quand même fort de café !

J’en viens à la question du développement de l’intercommunalité.

Fusionner les intercommunalités à marche forcée au mépris de la concordance de ces EPCI avec les bassins de vie n’est pas conforme à un aménagement du territoire raisonné.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La fixation d’un seuil à 20 000 habitants est condamnée de toutes parts, car c’est une mesure totalement déconnectée des réalités du terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. C’est arbitraire – absurde, oserai-je ajouter !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous ne saurions nous contenter des dérogations que vous nous promettez, car elles sont souvent délivrées sur un mode arbitraire.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Je n’ai pas parlé de dérogations : j’ai dit qu’il y aurait des adaptations !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Certes, il convient de favoriser le regroupement des EPCI, mais pour qu’ils soient davantage en adéquation avec les bassins de vie. Ce qui compte, ce n’est pas seulement le nombre d’habitants, c’est le bassin de vie. On a déjà des cantons binominaux le plus souvent en décalage total avec les intercommunalités, ce qui est dommageable. La bonne solution, c’était de faire concorder le mieux possible carte cantonale et intercommunalités, y compris pour élire les conseillers départementaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le seuil de 20 000 habitants n’a aucun sens si ce n’est dans la vision d’une suppression des départements. Il y avait une cohérence que nous ne partagions pas, mais qui était évidente. Les amendements de la commission des lois sont donc les bienvenus, et nous les voterons.

Reste la question des délais donnés aux intercommunalités pour réaliser la nouvelle carte intercommunale. Compte tenu du fait que ces EPCI sortent tout juste d’une procédure de nouvelle carte intercommunale, du temps que va encore prendre le vote définitif du présent projet de loi, des difficultés concrètes pour harmoniser des compétences différentes, la prolongation d’un an de tous les délais nous paraît indispensable et de nature à favoriser les regroupements.

In fine, au-delà des territoires dans lesquels une métropole existe et irrigue sa grande périphérie, territoires qui disposeront – nous l’avons voté avec la loi MAPTAM – des moyens directs d’action, de développement et d’innovation, reste la question préoccupante de ce que je nomme régulièrement les territoires « interstitiels sans métropole ».

Nous avons constaté que nombre de villes et d’agglomérations moyennes ont perdu de la population et des emplois, aspirés par les métropoles régionales actuelles – cela risque d’ailleurs d’être le sort des métropoles régionales déchues par la fusion des régions.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

C’est un vrai sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Pour renverser cette tendance, ces territoires ont besoin de liberté, d’accessibilité et de matière grise.

La liberté, c’est de mettre fin à la multiplicité de schémas nationaux, régionaux, départementaux plus ou moins prescriptifs qui sont devenus une entrave au développement. Le seul schéma qui nous manque, mes chers collègues, c’est un schéma national d’aménagement du territoire par l’État !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Les élus locaux sont accablés par ces schémas, par les multiples comités de pilotage, les fameux COPIC, les commissions préfectorales de toutes sortes. Ils n’ont plus assez de temps pour faire de la prospective, pour sortir du quotidien. Il n’est pas surprenant que, dans ces conditions, les administratifs profitent d’un système électoral qui éloigne l’élu régional du citoyen et prennent souvent le pouvoir dans les régions.

De la même manière, nous souhaitons une action législative plus forte vers la suppression de nombre de syndicats mixtes et d’agences, dont la création nous est souvent imposée de fait par la loi.

Ce qui importe, ce n’est pas de supprimer l’un des trois étages de l’organisation territoriale. Vous n’y arriverez pas ! Ce qui importe, c’est de simplifier leur fonctionnement, d’élaguer les structures parasites, de favoriser la concertation entre les strates sans porter atteinte à la libre administration de chaque collectivité.

Mes chers collègues, le projet de loi NOTRe ne sera pas un texte fondateur. N’en faisons pas un texte de déménagement du territoire ! C’est l’espoir qui est le nôtre.

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.

Mme Jacqueline Gourault remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ne disposant que de trois minutes, je serai lapidaire. Vous voudrez bien m’en excuser.

Mon intervention est inspirée d’un livre que je viens de terminer, Aux portes de l’éternité, de Ken Follett, dont je vous recommande la lecture.

Il y a vingt-cinq ans, le mur de Berlin tombait, sans guerre civile, sans déploiement de force militaire. Simplement parce que le régime en place étouffait toute velléité d’initiative, de liberté et de responsabilité. Ce régime liberticide est mort d’avoir imposé un carcan insupportable, d’avoir voulu le bonheur des gens à leur place, en bref, de les avoir sur-administrés.

Le texte que nous examinons est liberticide. Il est liberticide pour les communes, à qui la Constitution reconnaît le droit de s’administrer librement. Or on voit qu’un quarteron de technocrates veut imposer des regroupements de 20 000 habitants, quelles que soient l’histoire, la démographie, la culture ! Peut-il exister plus bel exemple de régime aveugle ? Nous voulons, nous, que les intercommunalités puissent se constituer librement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Il est liberticide pour les départements, qui, depuis les premières lois de décentralisation, ont progressivement dû intégrer les personnels techniciens, ouvriers et de service, les TOS, les agents des parcs de l’équipement, les collèges, les routes, les pompiers, et j’en passe.

Plus que jamais, les départements sont des collectivités modernes conjuguant la proximité avec le recul nécessaire et une taille suffisante pour mener de vraies politiques globales. Modernes, ils le sont également – vous le voyez, je ne suis pas toujours critique – par leur futur système électoral, puisque ce seront les seules collectivités intégralement paritaires hommes-femmes.

Nous voulons que les départements puissent prendre des initiatives économiques. Dans mon département, le conseil général s’est récemment substitué à la région, qui n’avait pas voulu intervenir pour aider trois entreprises. Sans initiative, il ne se passe rien, et on laisse le chômage perdurer ! Nous voulons que les départements puissent prendre des initiatives lorsque les régions ne veulent pas – ou ne peuvent pas – intervenir.

Le texte est liberticide pour les régions, dont on voit bien qu’elles ont été décidées en dehors de toute réflexion démocratique et dont le rôle sera essentiellement technocratique.

Mes chers collègues, j’ai compté le nombre de schémas qu’il va falloir créer pour encadrer les autres collectivités et les citoyens. Je vous recommande, lorsque nous poursuivrons l’examen de ce texte au mois de janvier, de vous y intéresser. Nous irons jusqu’à faire un schéma régional pour les crématoriums !

Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Y a-t-il plus bel exemple de sur-administration ?

Les citoyens étouffent, ils n’en peuvent plus des règles, des normes, des contraintes, des études de cabinets, qui vont, c’est certain, prospérer avec ce genre de réforme. Ils vous le font savoir, madame la ministre, par la cote de popularité de votre Président. Ils vous le font savoir par les résultats aux élections municipales, sénatoriales, législatives partielles – dans l’Aube, vous avez fait 14 % !

Seriez-vous sourds et aveugles ? Il nous revient donc de vous ouvrir les yeux : la France ne veut pas devenir l’Allemagne de l’Est avec vos carcans, vos pesanteurs, vos textes liberticides.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Nous combattrons votre texte, nous le changerons en réhabilitant le droit à l’initiative, à la souplesse, en restaurant le droit à s’organiser librement. Nous le combattrons, parce qu’il serait ruineux pour la France, aussi bien financièrement qu’éthiquement et moralement.

Nous sommes, nous, pour la liberté, contre votre archaïsme liberticide ! Je soutiendrai les commissions qui ont présenté d’excellents amendements.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, personne ne comprendrait que je n’aie pas une pensée pour René Vandierendonck.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Il aurait été content de participer à ce débat et je pense que le débat aurait été content de sa présence… Il tient beaucoup à ce projet de loi sur lequel il a travaillé pas mal de temps avec son corapporteur, Jean-Jacques Hyest, au sein de la commission des lois.

Le Gouvernement a présenté le 18 juin dernier un projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, ainsi qu’un projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Ces deux projets de loi sont appelés à fonder la réforme territoriale souhaitée par le Président de la République et le Premier ministre.

L’organisation décentralisée de la République, inscrite dans la Constitution, constitue à nos yeux un atout pour la France. Elle s’appuie sur une solidarité étroite entre l’État et les collectivités territoriales. Pourtant, au fil des lois de décentralisation successives, nombreux sont ceux qui pensent qu’elle est devenue trop complexe et trop peu lisible pour les citoyens et les entreprises. Face à ce constat, la réforme territoriale poursuit trois objectifs principaux : simplifier et clarifier le rôle des collectivités territoriales, faire des territoires l’un des moteurs du redressement économique du pays, renforcer les solidarités territoriales et humaines.

Le Sénat, en tant que représentant des collectivités territoriales, a un rôle essentiel à jouer dans ce domaine. Il est le représentant de tous les territoires de notre pays, sans privilégier l’un ou l’autre. Il est donc pleinement dans son rôle en enrichissant le texte proposé par le Gouvernement, comme le prévoit l’article 24 de notre Constitution.

Ainsi que l’écrivait notre ancien collègue Edmond Hervé, à qui je souhaite rendre hommage pour son travail dans ce domaine et son engagement constant en faveur de la décentralisation, je veux rappeler que les collectivités territoriales sont des composantes indispensables de notre République. Elles servent la citoyenneté, la démocratisation du pouvoir, favorisent le développement des territoires, contribuent à la richesse de la nation et à la modernisation de notre État.

L’objectif de la réforme dont nous débutons l’examen est d’assurer à la République française une nouvelle organisation permettant de parvenir à davantage de croissance, d’emploi et de succès économiques pour les entreprises, au bénéfice de chacun des niveaux de territoire et de l’ensemble du pays. À cet égard, madame la ministre, le renforcement du rôle de la région nous semble primordial.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

La nécessité d’accroître le rôle des régions en matière de développement économique fait consensus, compte tenu des limites du dispositif retenu lors de la précédente réforme de décentralisation de 2004.

La place stratégique des régions en matière de développement économique et d’emploi est largement reconnue en raison de leur expérience dans ce domaine, des compétences qu’elles assument en matière de formation et de soutien à la recherche de l’innovation ou d’aménagement du territoire, de leur vocation à préparer l’avenir et de leur périmètre.

Le rapport Gallois sur la compétitivité de l’industrie française va dans le même sens, puisqu’il propose qu’une compétence forte de coordination des actions de soutien public à l’industrie leur soit reconnue dans la troisième étape de la décentralisation. Sa treizième proposition suggère ainsi de donner aux régions la responsabilité de coordonner l’action des différentes structures régionales en charge de promouvoir l’innovation et le développement de l’industrie, ainsi que d’animer le dialogue social.

Dans son rapport annuel sur l’état de la France en 2012, le Conseil économique, social et environnemental ne conclut pas autrement, en affirmant que ce qui est essentiel pour favoriser le développement économique régional, avec la croissance, l’emploi et la profitabilité suffisante des entreprises, c’est l’existence d’un projet régional cohérent, élaboré après concertation avec toutes les parties prenantes.

Pour remplacer les trop nombreux documents de programmation existants et simplifier leurs outils d’intervention, les régions élaboreront deux schémas : l’un pour le développement économique, l’autre en faveur de l’aménagement durable des territoires. Ces schémas seront rendus prescriptifs pour que les stratégies soient effectives et adaptées à chaque contexte.

Cet accroissement du rôle des régions, auquel nous souscrivons totalement, ne saurait toutefois se traduire par l’octroi d’une compétence exclusive en la matière, dont les limites ont été exposées à de nombreuses reprises. Cette mesure priverait notamment les territoires de l’expérience et du savoir-faire développé par les autres collectivités, en lien avec leurs compétences. Elle induirait une perte de cohérence et du caractère intégré de certaines politiques menées, par exemple celles des départements en matière d’insertion sociale.

Il s’agit, dès lors, de prévoir la meilleure articulation possible entre les interventions des uns et des autres. C’est une meilleure répartition des rôles entre les grandes fonctions régulatrices de l’État, le pouvoir de planification régional et les politiques locales d’animation qui doit être recherchée. Dans ce cadre, il pourrait être envisagé qu’un diagnostic détaillé des risques de redondances entre les actions de l’État et celles des collectivités soit dressé dans l’année suivant l’adoption de la loi de décentralisation, afin qu’une réponse y soit apportée.

Par ailleurs, une articulation plus forte devrait être recherchée entre les interventions des collectivités et celles de l’État ou de ses opérateurs dans le domaine de la politique économique, par une meilleure connaissance réciproque des actions de chacun. Si la conférence des territoires réunit des représentants de l’État et des collectivités, comme cela est actuellement envisagé, elle pourrait remplir ce rôle.

En tout état de cause, le projet de loi défendu par le Gouvernement vise à l’essentiel : une intercommunalité élargie et aux compétences étoffées afin de traiter le problème de l’émiettement communal, et une région érigée en niveau de pilotage stratégique. Cela va dans le bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

M. Michel Delebarre. Le Gouvernement s’est ainsi engagé dans des voies dont on sentait, depuis un moment déjà, qu’elles devaient être suivies. Une autre évolution se dessine, également salutaire à mon sens, qui tend vers une différenciation de l’administration des territoires urbains et de celle des territoires ruraux, et voit corrélativement émerger le niveau de métropole, dont on sait toute l’importance à venir dans la structuration de l’action publique. N’est-ce pas, monsieur Collomb ?

M. Gérard Collomb opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Certes, le Gouvernement est revenu sur sa décision de supprimer unilatéralement le département. D’aucuns y verront une reculade ou un changement de direction malvenu. C’est bien triste ! Honnêtement, face à une réforme de cette importance, qui engage notre pays pour de très nombreuses années, ne fallait-il pas accepter ce revirement pour bâtir la meilleure architecture possible ? C’est ce que je crois.

J’estime que le Parlement, tout particulièrement le Sénat, a été entendu par le Gouvernement, ce dont je me félicite.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

… déclarait qu’« il faut supprimer les départements, au moins en zones urbaines, et les fusionner avec les régions, et pas en 2020, maintenant ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

M. Michel Delebarre. C’est presque du Valls 2013 !

Rires sur les travées du groupe socialiste . – Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Notre système territorial, partant de bases différentes de celles de nos voisins européens, tend finalement à s’en rapprocher lentement. En Espagne, en Allemagne ou en Italie, les régions sont dotées d’un pouvoir législatif. Si notre pays n’a pas vocation à s’engager aujourd’hui dans cette voie, faut-il nous interdire toute perspective dans cette direction ? Je n’en suis pas certain.

La France est un État unitaire et doit le rester. Il n’en reste pas moins que si l’État souhaite conserver la maîtrise de bien des compétences normatives, sans doute serait-il bon, sans aller nécessairement jusqu’à confier des compétences législatives aux régions, de leur laisser une part du pouvoir réglementaire d’application de la loi

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

… ce qui suppose d’accepter, en échange, que ces normes s’imposent aux autres collectivités. Cela vaut la peine d’y réfléchir !

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Absolument ! Nous avons d’ailleurs déposé un amendement sur le sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Aujourd’hui, le président de l’exécutif régional peut, certes, réglementer la circulation dans les ports régionaux, par exemple, mais cela ne va pas au-delà de ces détails. En quoi pourrait consister le pouvoir réglementaire des régions ? Je citerai ici le professeur Jean-Bernard Auby, qui a évoqué ce sujet lors des nombreuses auditions organisées par la commission des lois.

Prenons l’exemple de la Bretagne qui, connaissant son littoral dans ses moindres détails, s’estime être la mieux à même de le protéger. À mon avis, c’est au niveau régional que peuvent s’appliquer les modes d’administration les plus adaptés.

La réalité doit nous conduire au pragmatisme : la France n’a plus besoin d’être administrée de la même façon de Lille à Perpignan ou de la Bretagne à l’Alsace. L’administration territoriale de la République doit être capable de s’adapter à la réalité de ses différents territoires.

Je tiens également à dire quelques mots sur l’autonomie fiscale des collectivités. À l’objectif de régions plus grandes et de collectivités territoriales plus fortes doivent être associés ceux d’une reconstruction de l’autonomie fiscale qu’elles ont perdue depuis 2010 et de suppression de la taxe professionnelle.

La création de nouvelles taxes est impossible dans le contexte financier actuel. En revanche, les sénateurs socialistes souhaitent qu’une réflexion soit engagée sur la répartition de la ressource locale, notamment celle assise sur les entreprises, afin que les régions bénéficient à nouveau d’un réel pouvoir de levier fiscal.

La péréquation découle nécessairement de ce principe. Le partage de fractions d’impôts d’État pourrait constituer une solution ayant le double avantage de renforcer l’autonomie fiscale des régions et d’être attribuée en fonction de critères assurant la péréquation.

Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République confie à cet effet de nouveaux blocs de compétences aux régions, au service du développement économique, de l’attractivité et du développement équilibré des territoires. À cet égard, madame la ministre, le groupe socialiste a examiné la possibilité de confier aux régions, à leur demande et à titre expérimental, le service public d’accompagnement vers l’emploi. Or ce dispositif n’est pas prêt ; c’est trop rapide ! Tous ceux qui ont examiné cette question nous disent qu’il faut du temps, qu’il faut tester, pour que cette affaire soit bien menée.

Je crois que le Gouvernement présentera un amendement tendant à remplacer les deux que nous avons déposés, lesquels visaient à aller plus vite et plus loin. Nous ne chercherons pas à aller plus vite et plus loin, mais nous pensons qu’il ne faut pas s’interdire de réfléchir dans ce domaine, car il y a peut-être des choses à faire dans l’avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

M. Michel Delebarre. Non, plutôt quelques-uns sinon mon propos ne serait pas compréhensible.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Le groupe socialiste propose la fixation, dans le domaine de l’intercommunalité, d’un seuil de 15 000 habitants pour la constitution d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Vives exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Je savais que cela vous passionnerait. Je n’ai donc pas pu m’empêcher de le dire…

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

M. Michel Delebarre. Soit ! En tout cas, je vous remercie, madame la présidente, de votre patience. J’aurais pourtant pu continuer...

Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Notons que ce texte a fait l’objet d’une présentation assez extraordinaire puisque M. le Premier ministre est venu lui-même l’annoncer à cette tribune, le 28 octobre dernier. Il nous a rappelé à cette occasion que la décentralisation était l’un des fondements de la France et qu’elle renforçait notre démocratie.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

On ne peut qu’être d’accord avec cette idée, mais où est la décentralisation dans le projet de loi ? Il n’y en a pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Est-il nécessaire que le Premier ministre vienne nous annoncer un texte de décentralisation, quand celui-ci n’en traite pas ?

En réalité, il ne s’agissait pas initialement de décentraliser, mais de supprimer le département grâce à une technique éprouvée et bien connue – utilisée juste avant la dernière guerre pour siphonner les conseils d’arrondissement – consistant à répartir différemment les compétences.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Vous tentez aujourd’hui de faire que l’histoire se répète en établissant de nouvelles compétences pour la région, le département et les intercommunalités. Il n’y a là rien de nouveau !

Je commencerai par le département, car c’est le niveau le plus simple.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes emberlificotés dans cette affaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

À force de ne pas savoir ce que l’on veut et de ne pas vouloir ce que l’on peut, on finit par ne plus savoir où l’on en est.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je me souviens pourtant des cris d’orfraie de nos collègues en 2010 à l’occasion de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, au moment de la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Il y a toujours des exceptions, monsieur Patriat. Mais avoir raison trop tôt, comme le disait Edgar Faure, ne sert à rien ; l’important est d’avoir raison au bon moment.

Dans l’enthousiasme général de 2012, on a promis de rétablir la clause de compétence générale, ce qui fut chose faite au début de 2014, avant de la supprimer à nouveau à la fin de la même année. Où en sommes-nous ?

Je vous demande un petit effort, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État ! Si vous voulez résoudre le problème de la dualité entre région et département, qui peut en effet se poser, allez jusqu’au bout : rétablissez le conseiller territorial !

Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Vous aurez résolu le problème : c’est en effet une façon toute simple de faire jouer à des élus le rôle du conseiller général et du conseiller régional !

Vous avez choisi une autre voie. C’est votre droit : vous avez la majorité. Mais encore faut-il qu’on y comprenne quelque chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Vous êtes un esprit clair, monsieur Delebarre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier. C’est pour ça que nous tombons d’accord assez souvent.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Il paraît bizarre – pour ne pas dire plus – de vouloir siphonner le département au moment où vous venez de créer un nouveau mode de scrutin, de redécouper des cantons pour élire les assemblées départementales et même d’embouteiller le Conseil d’État, qui doit bien avoir une centaine de dossiers à traiter avant les prochaines élections départementales.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Il va falloir qu’il fasse vite : c’est en mars !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Tout cela manque un peu de logique !

La seule chose que pouvait faire la commission des lois du Sénat était de veiller, quelles que fussent les difficultés rencontrées, à ce qu’on ne se moque pas des électeurs : dès lors qu’on leur demande de désigner des conseillers départementaux, il faut que les départements aient des choses à faire ! À quoi sert-il d’abuser les gens, de leur demander d’aller voter au mois de mars prochain si les départements n’ont plus rien à faire au mois d’avril ? La commission des lois a donc rétabli un certain nombre de compétences du département : collège, voirie, transports scolaires, etc. Nous ne pouvons que soutenir cette position.

Un autre problème surgit, celui de l’intercommunalité, qui mérite qu’on s’y arrête, car la façon dont il est posé est tout à fait intéressante. Madame la ministre, vous affirmez qu’il faut des intercommunalités de 20 000 habitants, avec des adaptations ; je le précise, car j’essaie d’être le plus honnête possible. On ne sait trop pourquoi vous avez choisi cette densité. Michel Delebarre ne le sait pas non plus, puisqu’il a parlé d’intercommunalités de 15 000 habitants. Il aurait pu tout aussi bien dire 17 500 ou 13 480 !

Exclamations ironiques sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

M. Michel Delebarre. C’est pour vous laisser de la marge !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Cela prouve bien que, comme moi, vous ne comprenez pas pourquoi a été arrêté ce seuil de 20 000 habitants ! Des intercommunalités de cette taille, pour quoi faire ? Voilà la seule question qui vaille !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je crois que si, au contraire…

Jusqu’à présent, pour les petites intercommunalités, l’intercommunalité avait une utilité toute simple, celle de protéger l’existence des communes, en étant proche des gens. La commune peut demeurer telle qu’elle est, c’est l’intercommunalité qui se charge des services de proximité. Avec de grandes intercommunalités se pose à nouveau la question de la commune, mais de façon différente. Certes, de ce point de vue, la proposition de loi relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes peut être une réponse, et elle mérite d’être attachée au texte que nous examinons aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

La question demeure toutefois : pour quoi faire ?

Madame la ministre, je vous avais demandé de bénéficier des travaux du Commissariat général à l’égalité des territoires, afin d’essayer de trouver des critères qui ne soient pas chiffrés. On peut parler du bassin d’emploi, mais il s’agit là d’une notion statistique qui ne peut servir à définir le périmètre de l’intercommunalité. Il faut d’autres indices.

Vous n’avez pu me transmettre ces éléments aujourd'hui, et j’ai bien compris les raisons que vous avez invoquées. Toutefois, j’ai noté que vous me les communiqueriez au mois de janvier prochain. Nous aurons donc l’occasion d’en discuter et de chercher des critères pertinents, car un chiffre sec n’a pas de sens : il faut tenir compte de la vie des gens, de leur façon de vivre sur le bassin de l’intercommunalité.

Au groupe UDI-UC, nous pensons que l’intercommunalité peut être l’acteur de terrain, notamment l’acteur de terrain des schémas. Il a beaucoup été question des schémas, et j’y reviendrai moi-même.

La région va devenir compétente en matière économique. Sur ce point, nous sommes d’accord : il faut clarifier les choses et nous acceptons l’idée que la région ait la responsabilité du développement économique. Mais le développement économique, qu’est-ce que cela signifie ? Il ne s’agit pas seulement de développer l’industrie, ce n’est pas hors sol ! Il faut le faire pour offrir du travail à nos concitoyens, il faut que cela ait des conséquences concrètes. C’est pourquoi je suis un peu déçu que le Gouvernement ferme la porte à tout élargissement de la compétence des régions vers l’emploi.

Le 28 octobre dernier, devant la Haute Assemblée, le Premier ministre affirmait : « Je suis favorable à de nouveaux transferts de compétences de l’État vers les régions en matière de développement économique » – je n’en vois pas ! – « et à l’expérimentation en matière d’accompagnement vers l’emploi. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Or c’est ce qu’a voulu faire la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Pourtant, madame la ministre, je lis dans le journal que vous auriez été recadrée à Dijon et qu’on n’aurait plus le droit de faire de telles expériences. Dijon est une très belle ville, mais sa spécialité n’est pas l’encadrement. Il faut que le Sénat aille au bout de sa volonté et réaffirme qu’il n’y a pas de développement économique sans emploi. C’est un raisonnement qui tient la route et auquel nous devons nous attacher.

J’en viens aux schémas. Pour le groupe auquel j’appartiens, deux problématiques prédominent : l’application des schémas et leur élaboration.

Nous pensons que les intercommunalités sont les mieux placées pour appliquer le schéma de développement économique, comme le schéma d’aménagement et de développement durable du territoire. Il faut donc une convention entre la région et les intercommunalités pour territorialiser les schémas, les rendre concrets, leur faire quitter l’éther où les plongent les conseils généraux pour les descendre sur le terrain. C’est le rôle de l’intercommunalité. C'est la raison pour laquelle nous tenons à l’amendement qui a été déposé en ce sens.

De la même façon, nous pensons que ces schémas doivent être élaborés dans une forme de coproduction – je n’aime pas trop ce terme, mais il a du sens – entre la région et les autres collectivités territoriales. Pour arriver à un schéma copartagé qui pourra ensuite s’appliquer, il faut une consultation avec les départements, les EPCI, les chambres de commerce et d’industrie, le conseil économique et social régional. Deux amendements de la commission ont cet objet.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous avons envie de faire de ce projet de loi un vrai texte de décentralisation et pas seulement un texte de répartition des compétences. Il ne s’agit pas de revenir sur cette occasion ratée de supprimer les départements, réforme que personne ne veut et dont personne n’a les moyens, au moment même où nous allons procéder à l’élection des conseillers départementaux. Il faut que ce texte redonne à la décentralisation de la force et à la démocratie locale de la réalité.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous terminons l’année comme nous l’avons commencée, avec un texte sur l’organisation territoriale. Au mois de janvier a en effet été promulguée la loi MAPTAM. Cet automne, nous avons examiné le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, dont nous avons débattu une nouvelle fois hier. Aujourd'hui, nous entamons la discussion d’un nouveau texte mal nommé, car, pour l’instant, il est vôtre, madame la ministre ; nous verrons s’il deviendra « NOTRe »…

Sourires sur les travées de l'UMP . – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Autant de textes et autant de parcours législatifs marqués par une forme de désinvolture à l’égard du Sénat !

La procédure accélérée a d’abord été engagée sans concertation préalable, sans nous informer non plus, alors qu’il s’agit de textes qui sont au cœur de la mission constitutionnelle du Sénat. Le Premier ministre s’est ensuite engagé à organiser une deuxième lecture.

À cela s’ajoute le sort réservé par l’exécutif et l’Assemblée nationale au texte relatif à la délimitation des régions. Le Gouvernement, Premier ministre en tête, affirmait tendre la main et ouvrir grand les bras à une forme de coproduction avec le Sénat. Pourtant, nous nous sommes finalement retrouvés avec un texte dépouillé de toutes nos propositions, alors même que le groupe socialiste ou les Verts avaient montré par leur abstention que les propositions que nous avancions n’étaient pas si mauvaises que cela.

Je viens d’apprendre que le Gouvernement a déposé au début de la discussion générale 39 amendements visant à annuler quasi systématiquement l’ensemble des propositions votées en commission des lois, sur l’initiative du rapporteur. J’en profite d’ailleurs pour saluer le travail accompli par Jean-Jacques Hyest et le président Philippe Bas.

Dans cette succession d’inconstances du Gouvernement, on trouve une constance, mes chers collègues, celle qui consiste à maltraiter le Sénat !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, ne venez plus nous dire que vous êtes ouverts, alors que chaque main tendue est refusée !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ce parcours législatif est également marqué par des contradictions et des incohérences.

Les contradictions sont nombreuses.

La loi MAPTAM proclame le rétablissement de la clause générale de compétence. Ce texte la supprime pour les départements et les régions.

La loi MAPTAM engage la réflexion sur le chef de filat. Ce texte poursuit la réflexion non sur le chef de filat, mais sur des blocs de compétences. Qu’est-ce, sinon un virage à 180 degrés, une volte-face, un tête-à-queue ?

Et que dire des conseils départementaux, entre leur suppression et la création de trois types de départements ? Dans quelques mois seulement, les Français seront appelés à se prononcer dans le cadre des élections départementales. Or les circonscriptions ne répondent à aucune logique, si ce n’est une logique de charcutage. La France offre au monde un mode de scrutin binominal, que les Français risquent de ne pas comprendre. Les compétences des départements ne sont pas établies, alors même que les candidats aux cantonales, qu’ils soient de droite, de gauche, du centre ou d’ailleurs, sont en train de réfléchir à leur projet.

Que de contradictions ! Que d’incohérences ! Vous préparez des élections départementales qui risquent de connaître une abstention historique, à voir l’accumulation d’inconnues que vous laissez !

Et que dire des incohérences ? La carte avant les compétences ! Le contenant avant le contenu !

Je le répète, c’est une faute qui incombe au Gouvernement, parce qu’il a pris le risque de déconnecter les communautés d’appartenance historique des communautés de projet, tournées vers l’avenir. Vous savez bien que le débat s’est enlisé trop souvent dans ces autonomismes ; on l’a d’ailleurs vu le week-end dernier dans l’Est où le débat s’est tourné vers le passé au lieu d’être tendu vers l’avenir.

Où est la clarification promise ? Où sont les économies promises ?

Bien sûr, sur ces travées, nul n’était, je pense, pour le statu quo. Beaucoup même étaient pour le changement. Oui, mais pour quoi faire, comme le demandait à l’instant Michel Mercier ? Pour faire du neuf ? Pour défaire ce qu’une précédente majorité avait fait avec le conseiller territorial ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Pour être dans le vent ?

Il est vrai que le département a deux siècles. Quelle horreur, quelle abomination pour tous ceux qui, comme le dit le poète, sont attachés court « au piquet de l’instant » et pour qui la durée, la permanence sont insupportables ! Il faut faire du neuf, peu importe pourquoi ! Il faudrait changer non seulement pour faire du neuf, mais pour ressembler aux autres, à ce qui se fait en Europe, pour être dans la moyenne.

Nous aimons tous l’Europe. Pour autant, nous avons un modèle propre, avec une géographie et une histoire spécifiques.

La géographie française, c’est une densité de deux à quatre fois moindre que tous les grands pays européens, où la ruralité s’impose comme un fait national.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Je suis d’accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je me réjouis que vous soyez d’accord avec moi, madame la ministre.

Nulle part en Europe, le rôle de l’État n’a été aussi important dans la constitution de la nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Nous avons notre propre modèle d’organisation territoriale.

L’Angleterre est une île et se nourrit de ce sentiment d’insularité. L’Allemagne est un pays fédéral, qui a connu quelques parenthèses abominables de centralisation extrême. L’Italie n’était pas un pays fédéral, mais est en passe de le devenir. La Belgique, l’Espagne et même l’Italie sont travaillées par des forces centrifuges extrêmes. De quel modèle s’inspirer ? Soyons nous-mêmes, réformons-nous, réinventons notre modèle peut-être.

Entreprendre une réforme territoriale, c’est aussi envisager les crises – économique, démocratique, territoriale – pour essayer de les surmonter. La crise économique est en train de secouer la France ; elle secoue tout le territoire, sans aucune exception, villes et campagnes confondues.

Gérard Larcher a déclaré un jour : « Ce qu’a la France en plus, c’est le territoire. » Face à la mondialisation, cette importance des territoires est un avantage. Nos territoires ne sont pas simplement des périmètres administratifs. Ce sont aussi des espaces économiques de production, d’innovation, d’échanges. Vous savez que la très grande majorité des PME, des entreprises de taille intermédiaire, celles dont la France manque tant, sont provinciales et non parisiennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

N’en déplaise aux jacobins de la rive gauche ou de la rive droite : Paris et le désert français, c’était en 1947. Il y a belle lurette que c’est terminé !

Il nous faut donc bien évidemment nous tourner vers l’avenir pour essayer de conforter l’économie de nos territoires. Or ce n’est certainement pas en diminuant de façon violente les dotations des territoires qu’on y parviendra : c’est l’investissement qui va trinquer ! Ce n’est pas en instaurant une instabilité institutionnelle chronique que l’on donnera confiance aux élus, aux chefs d’entreprise, à ceux qui créent des emplois. Ce n’est pas non plus en bloquant de grands projets faisant pourtant l’objet d’un consensus, qu’ils soient de droite ou de gauche – tel ministre jouissant d’une position privilégiée étant en mesure de les bloquer, au mépris de l’État de droit et de la démocratie –, qu’on relancera la machine économique.

Où est la République quand l’État de droit est fragilisé ? Où est la démocratie quand les minorités, parfois violentes, imposent leur loi aux majorités ?

Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

La crise est économique, elle est aussi démocratique et politique. Nous savons bien que, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, les Français manquent de confiance.

Avant d’entamer toute réforme territoriale, on devrait se poser la question suivante : allons-nous fragiliser ou renforcer la démocratie locale ? Pour ma part, j’ai la conviction, comme beaucoup d’entre vous, qu’on revigorera la démocratie nationale en réapprenant la démocratie locale.

Jacques Mézard nous a lu à bon escient l’exposé des motifs du projet de loi. La logique qui sous-tend votre réforme, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, est la constitution de grandes régions, vers lesquelles tout remontera et qui conduiront à la suppression des départements, par évaporation juridique ou par asphyxie budgétaire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… en attendant demain l’effacement des communes. Or ce n’est pas en faisant remonter chaque décision et chaque compétence d’un échelon supplémentaire qu’on rapprochera les élus des citoyens et la prise de décision du terrain. Une loi d’airain veut que plus une institution est proche, plus elle est aimée, plus les gens participent et plus ils s’impliquent. Telle est la réalité des choses.

Enfin, la crise est territoriale. Vous l’avez un peu évoquée précédemment, madame la ministre, lorsque vous avez parlé des promesses de la République. Il existe une France périphérique, qui s’estime abandonnée, qui a l’impression d’être la laissée-pour-compte de la mondialisation. C’est la France des invisibles, de toutes les fragilités. Cette France a le sentiment de ne pas être représentée. C’est souvent la France rurale, c’est parfois la France périurbaine, mais cela peut aussi être celle des quartiers de grandes villes. La réforme que vous proposez prépare une forme de désincarnation du pouvoir local et de déterritorialisation par effet d’éloignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Il faut avoir ces crises à l’esprit lorsqu’on aborde une réforme comme celle que vous nous soumettez.

Le projet que nous allons vous proposer porte une vision de notre organisation territoriale et de la décentralisation. Les amendements qui ont été déposés ont fait l’objet, vous le savez parfaitement, d’un très large consensus en commission, tant au sein du groupe socialiste que du groupe du RDSE. Nos propositions reposent sur trois principes très simples, que je n’évoquerai que brièvement, car d’autres sont entrés mieux que moi dans le détail.

Le premier principe, c’est la clarification sur une seule base : la proximité. La proximité, ce n’est pas du droit, mais sa traduction juridique, c’est le principe de subsidiarité. Nous voulons bien des régions plus grandes, avec des périmètres différents. En revanche, vous ne pouvez pas élargir les périmètres en abaissant les horizons des responsabilités, car ce serait une incohérence grave.

J’ai été vice-président d’un conseil régional, je suis président d’un conseil général, je connais donc les deux institutions. Donner aux régions la responsabilité des transports scolaires, alors que c’est de la dentelle, des routes départementales et des collèges, c’est faire d’elles des collectivités de gestion alors qu’elles doivent être des collectivités de projet, de mission. Le rôle de la région sera, demain, de préparer l’avenir. Son job, c’est de faire de la stratégie.

Voilà trente ans, Olivier Guichard, qui est le père du fait régional français et qui avait une vision de l’aménagement du territoire, n’avait pas accepté que les régions gèrent les lycées, car il considérait que cela alourdirait leur gestion et les rendrait moins agiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Les lycées sont tout de même un succès !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Les régions que vous préparez seront obèses, sans grands moyens financiers. Elles ne seront ni agiles ni fortes. C’est une faute pour l’avenir et une incohérence grave compte tenu des objectifs qui sont les vôtres.

De grandes régions requièrent nécessairement des départements. Vous n’avez d’ailleurs pas pu les supprimer, car ils s’imposent, l’histoire leur ayant donné une identité. Les départements réussissent à articuler une forme, une taille, une échelle, une masse critique territoriale permettant une forme de péréquation et de cohésion en leur sein. Cette articulation avec leurs compétences, qui sont larges et s’inscrivent dans la proximité, leur donne une puissance d’action en termes de cohésion sociale et de développement territorial. C’est un fait désormais incontournable. Laissez-leur donc leurs routes, qu’ils connaissent parfaitement, les collèges, qui n’obéissent à aucune logique régionale, et, évidemment, le transport scolaire !

Par ailleurs, du fait de l’avènement de nouvelles communes, j’ai la conviction que nous allons devoir nous réinterroger sur le fait intercommunal. La conception qui a prévalu jusqu’à présent d’une intercommunalité très fortement intégratrice devra être contrebalancée par les nouvelles communes, qui trouveront, en respectant l’identité communale, des moyens de mutualisation beaucoup plus forts. Le phénomène intercommunal ne sera plus aussi prégnant, aussi intégrateur.

J’en viens au deuxième principe. Ce que nous voulons tous, ici, notamment les sénateurs du groupe UMP, c’est une France du XXIe siècle, et non pas la France napoléonienne de l’uniformité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… quelles que soient les sympathies sénatoriales peut-être, corses parfois, que nous pouvons avoir pour Napoléon Bonaparte. C’était il y a deux siècles !

Le seuil de 20 000 ou de 15 000 habitants que l’on décrète pour essayer de faire passer sous la même toise tous les territoires de France est idiot, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. … car ceux-ci n’ont pas tous la même géographie, la même démographie, la même topographie.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

La modernité, mes chers collègues, c’est la diversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

J’aime beaucoup les jardins à la française, mais la réforme territoriale ne doit pas être un exercice de géométrie euclidienne, car elle concerne des hommes, des femmes et des territoires.

Le troisième principe me paraît tout aussi important. Alors que nous voulons un texte décentralisateur, vous nous proposez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, un texte centralisateur, ce que je ne comprends pas d’ailleurs. Je pensais en effet que votre ADN, dans la lignée de grands ministres de l’aménagement du territoire comme Gaston Defferre, c’était la décentralisation.

La faute originelle de cette réforme, c’est de ne pas avoir pensé dans un même mouvement à la fois la réorganisation des compétences entre les différents niveaux de collectivités et la décentralisation de l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

De ce fait, vous vous interdisez de faire de véritables économies et toute réforme substantielle de l’État. Voilà la vérité !

Certains membres du Gouvernement éprouvant, comme moi d’ailleurs, une passion pour Clemenceau, je rappellerai qu’il considérait qu’il fallait en finir avec la centralisation tombée aux mains d’un État anonyme. L’État n’est sans doute pas toujours anonyme, mais pour des élus locaux, les grandes directions régionales que sont les DREAL – les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement – et les DIRECCTE – les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – ont un caractère anonyme, car elles échappent à la tutelle des préfets de région et se sont reconcentrées directement sur leurs grandes administrations centrales.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Un phénomène d’aspiration nationale s’est produit.

Nous voulons donc un texte audacieux, mettant en œuvre une décentralisation et non pas une recentralisation. Nous disons oui à l’emploi et à la plénitude de la formation professionnelle aux régions. Même si, monsieur le secrétaire d’État, la moutarde de Dijon monte au nez de certains, sachez que vous êtes soutenu par la représentation nationale, notamment par le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

À ce stade, je rappellerai qu’un certain procès qui s’est déroulé en Vendée a donné lieu en première instance à de premières conclusions. S’il n’est pas question pour moi de porter une appréciation sur le jugement rendu par un tribunal, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… je pense néanmoins que le temps est venu pour le législateur d’éclaircir les relations entre l’État et les communes, en particulier les plus petites d’entre elles, en matière de conseil et de contrôle de légalité.

À cet égard, je vous conseille la lecture du rapport de Jacques Mézard. Il y parlait déjà de passoire et évoquait un système à bout de souffle. Les effectifs ayant fortement diminué, le rôle de l’État en matière de conseil et de contrôle de légalité doit être réexaminé, à la lumière de ce qu’est le XXIe siècle, et non de ce qu’était le siècle passé. C’est important non pour les grandes collectivités, mais pour les plus petites d’entre elles.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Travaillons pour l’avenir, mes chers collègues !

Pour conclure, permettez-moi de rappeler ce que disait Tocqueville.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Selon lui, la décentralisation n’avait pas seulement une valeur administrative. Elle avait en même temps une portée profondément civique, car elle multipliait les occasions pour nos concitoyens de s’occuper des affaires publiques. Elle les accoutumait aussi à user de leur liberté.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous vous engageons à saisir l’occasion que vous offre le Sénat de faire preuve d’audace. Prenez de l’altitude, dépassez les clivages, comme l’a fait notre commission, et travaillez pour l’intérêt général.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

C’est ce que nous faisons !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. Soit vous restez prisonniers de votre logique, qui nous mènera droit dans le mur, soit vous saisissez la main que vous tend le Sénat en acceptant ses amendements, et nous travaillerons alors pour l’intérêt supérieur. Telle est, je pense, la marque du Sénat : travailler pour la République et pour la France !

Applaudissements nourris et prolongés sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le désamour des citoyens vis-à-vis des urnes et le rejet du politique se construisent sur des vécus difficiles, un sentiment d’abandon, l’incompréhension des arbitrages et même le soupçon de petits arrangements entre amis...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Une réforme structurelle doit répondre avec clarté et pertinence à cette situation. On aurait donc pu s’appuyer sur les besoins des habitants, sur les savoirs des professionnels, faire le constat des missions à remplir et identifier collectivement les meilleurs lieux de pilotage et de gestion, dans le respect de la diversité.

Rassurer, c’était aussi préciser le rôle de l’État, garant de la démocratie et de l’accès de chaque citoyen, quel que soit son territoire, aux missions d’intérêt général.

Las, la défense des pouvoirs établis, la promotion de prés carrés métropolitains sur mesure, la prise en compte trop tardive du rural, des découpages restrictifs, à la main de certains ministres, ont pris le pas sur l’intérêt général. Votre ambition initiale, madame la ministre, a été tiraillée, secouée par les conservatismes, et le Sénat, via sa commission, s’est surpassé.

Cela étant dit, mon propos se limitera à évoquer quatre points relevant du champ de compétence de la commission de la culture.

En amont de cette discussion, le groupe écologiste a rencontré des représentants des parents d’élèves, des proviseurs et des professeurs. Tous nous ont fait part d’observations pertinentes sur des questions pendantes. Ils ont regretté le peu d’attention qui leur avait été portée lors de la préparation du projet de loi et de ses rebonds, si je puis dire, dans son élaboration. Pourtant, ce texte concerne un sujet fondamental : l’école, donc les enfants, avec le temps de transport, le coût en matière de transport et de restauration et leur environnement scolaire. Ils valent mieux que d’être les otages du Monopoly des élus.

Je crois sincèrement que nous ne pouvons décider le transfert des collèges aux régions sans engager une réflexion de fond et sans prendre en compte les dispositions adoptées voilà plus d’un an par le législateur, dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, qui commence à porter ses fruits. Je pense à l’école du socle, rapprochement entre l’école primaire et le collège.

Comment gommer les disparités existant en matière de dépenses entre les différents échelons ? Les dépenses des collectivités par élève varient de 1 à 5 pour les départements et de 1 à 3 pour les régions.

Que vont devenir les centres d’information et d’orientation, dont un sur deux est financé par les départements ? Comment évolueront les rectorats et les mutations des enseignants ? Voilà des questions qui remontent du terrain et auxquelles il faudra apporter des réponses, sauf à ce que les incompréhensions d’aujourd'hui deviennent les injustices de demain.

À propos de la culture, nous attendons que l’État prenne sa part et dise quelle part il prend dans cette responsabilité partagée, car il ne saurait s’agir d’un désengagement. Nous saluons le maintien de la clause générale de compétence, mais il faut encourager une clarification consensuelle, une sorte de décantation, qui identifiera progressivement ce qui peut être piloté par l’un ou l’autre et ce qui reste commun.

Nous attendons aussi que l’État mette en œuvre le texte qu’il a signé auprès de l’UNESCO, dans le cadre de la diversité culturelle. Nous sommes très attachés aux droits culturels et avons déposé un amendement à ce sujet, car, dans les débats sur la culture, le grand absent est le public, le citoyen.

Enfin, nous proposerons d’ajouter dans l’article relatif aux compétences partagées, la vie associative, qui, par nature, est tout aussi transversale que la culture ou le tourisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je ne cite pas le sport, car, entre le sport santé, où chacun a le devoir d’agir, et le sport « entreprise-BTP-business-spectacle », qui mériterait de rester au privé ou, à la limite, à l’action économique, on ne parle pas de la même chose.

Pour le mouvement associatif, qui veut encore croire à la charte des engagements réciproques entre l’État, les collectivités et les associations, il faut lever le doute sur l’abandon des actions qui ne relèveraient ni de la culture, ni du sport, ni du social. Les actions qui préviennent la violence, visent à lutter contre le racisme ou innovent dans des champs qui ne sont pas encore défrichés par les collectivités doivent pouvoir être soutenues par tous.

Enfin, je terminerai par une question.

Alors que les CPER, les contrats de projets État-région, démontrent un recul dramatique des moyens promis par l’État pour l’enseignement supérieur et la recherche, pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, si les régions ont, oui ou non, le droit de soutenir ces secteurs, qui ne figurent pas dans la clause générale de compétence ?

Cette réforme doit s’adapter et clarifier l’action publique, sans sacrifices ni complexités nouvelles. Ne mettons pas en place un brouillage des compétences, qui anéantirait des années de travail de nos collectivités et de leurs salariés, eux qui ont su, malgré la baisse des moyens, mettre en œuvre des politiques ambitieuses en faveur de nos concitoyens.

Madame la ministre, vous avez indiqué que la période de transition devait être une période de construction. Cette perspective nous apporte une lueur d’espoir !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la principale surprise – si tant est que nous puissions être surpris ! – figurant dans le texte dont nous débattons aujourd’hui vient du fait que celui-ci ne contient strictement aucune mesure à caractère financier.

Alors que nous avons évoqué les périmètres et que nous travaillons sur les compétences, nous ne nous sommes toujours pas attachés à traiter la question des moyens de nos collectivités, ni à engager une véritable réforme des finances locales. Plus grave encore, c’est au moment où nous parlons des compétences que le projet de loi de finances pour 2015 consacre une baisse drastique des dotations, qui atteindra 28 milliards d’euros cumulés en 2017.

À la vérité, la situation surprend même notre collègue Charles Guené, qui s’est demandé avec quels nouveaux moyens les régions et les établissements publics de coopération intercommunale vont pouvoir exercer les compétences qu’on entend leur confier. De fait, on ne trouve nulle part, au fil des articles initiaux comme des articles adoptés par la commission des lois, la moindre disposition relative aux « équilibres » encore récemment fixés par le projet de loi de finances pour 2015, comme par les précédentes lois de même nature.

Les seules dispositions en vigueur tendant à renforcer le pouvoir d’expertise et de contrôle de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ne visent, de notre point de vue, qu’un seul objectif : s’assurer que tout le monde va dans le même sens pour ce qui concerne sa participation contrainte et forcée à la trajectoire de réduction des déficits publics. Il s’agira, avec les avis de la Cour des comptes, de fournir l’onction scientifique à la mise en œuvre de l’austérité. Ce sera la « police » de l’évolution des dépenses de nos collectivités. Tout se passe comme si le renforcement du rôle de la région et des intercommunalités allait se faire dans une situation financière constante, les seules variations figurant peut-être au chapitre de la répartition des dotations.

Il n’aura échappé à personne que la région, force montante de la décentralisation, se trouve également être l’échelon le moins libre de lever l’impôt. Elle est même, selon l’Observatoire des finances locales, l’échelon qui dispose le moins d’autonomie financière et fiscale. Le choix opéré n’est donc pas innocent. Cette remarque vaut aussi pour les intercommunalités, dont on attend qu’elles accentuent sans cesse la concurrence entre elles s’agissant de la contribution foncière des entreprises.

Pour mener à la fois sa politique d’austérité et ses réformes territoriales, le Gouvernement agit sur trois leviers.

Le premier, nous l’avons vu, concerne la dotation globale de fonctionnement : il est acquis que celle-ci connaîtra dans les trois années à venir une réduction lourde de conséquences. On se demande d’ailleurs ce que sera la réforme de la DGF en 2016.

Le deuxième levier, moins connu, est le partage du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Instrument de financement de la décentralisation mis en place par M. Sarkozy, le partage de la TICPE sera probablement privilégié pour les compétences nouvelles confiées aux régions.

Le troisième levier, enfin, a trait à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, élément principal de l’actuelle contribution économique territoriale, après que la disparition de la taxe professionnelle a fait perdre, il faut le rappeler, 6 milliards d’euros aux collectivités. Le produit de la CVAE a atteint 16, 5 milliards d’euros en 2013, réparti pour l’heure selon la clef suivante : 26, 5 % pour les communes et les EPCI ; 48, 5 % pour les départements et 25 % pour les régions. Madame la ministre, envisagez-vous une nouvelle clef de répartition ?

Au-delà, une question demeure posée. Pourquoi vouloir faire croire qu’en réduisant le nombre et les compétences des collectivités, en particulier des communes et des départements, nous allons améliorer la situation des finances publiques ?

Avant 2010, la Grèce comptait 55 départements et plus de 1 000 circonscriptions administratives. Aujourd’hui, elle compte 13 périphéries et 325 communes et a supprimé 200 000 emplois de fonctionnaires locaux. Pour autant, se porte-t-elle mieux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Il est évident que les « économies » attendues de la loi NOTRe seront des économies « imposées » par des jeux d’écritures au sein de la loi de finances, et ce pour le plus grand bonheur des grands groupes privés et autres opérateurs de service public local qui n’attendent que le moment venu pour tirer parti de la « masse critique » atteinte par de grands EPCI et des régions étendues en périmètre et en compétences, mais disposant de moins de moyens.

Madame la ministre, vous avez évoqué précédemment les agents de nos collectivités, leur travail, leur engagement. Mais, depuis quatre ans, les traitements de ces derniers sont bloqués. D’ailleurs, si une hausse du point d’indice était décidée, comment les collectivités pourraient-elles aujourd’hui y faire face sans une amélioration de leurs finances ?

En réalité, le projet de loi NOTRe est bien une adaptation de notre République à la crise du système économique, une adaptation à la politique austéritaire visant à faire baisser les dépenses publiques, alors que nous aurions pu débattre utilement de recettes nouvelles dans l’intérêt de nos territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, rarement réforme territoriale engagée depuis 2009 n’aura été conduite de manière plus chaotique et n’aura donné pareille impression d’improvisation.

Eh oui ! sur plusieurs travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le 16 décembre 2010, la loi Sarkozy-Fillon de réforme des collectivités territoriales – dite « loi RCT », comme le Rugby club toulonnais ! §– fusionne, tout en conservant régions et départements, les assemblées régionales et départementales, avec la création du conseiller territorial, les privant de compétence générale. Officiellement maintenue pour les communes, cette compétence générale se voit bridée par l’article 73, qui précise : « Lorsque la loi a attribué à une catégorie de collectivités territoriales une compétence exclusive, les collectivités territoriales relevant d’une autre catégorie ne peuvent intervenir dans aucun des domaines relevant de cette compétence. »

La question de la compétence générale allait ensuite être au cœur des débats au Sénat. Permettez-moi de citer deux collègues.

Bruno Retailleau : « La clause de compétence générale n’est pas un privilège : elle est l’essence même de la décentralisation ″d’avant la décentralisation″. C’est elle qui a permis à notre système unitaire, jacobin, hypercentralisé de respirer. […] C’est aussi un principe de démocratie locale et un principe constitutionnel. »

Edmond Hervé : « C’est au nom des libertés locales que la commune, le département, la région définissent ce qu’est l’intérêt communal, l’intérêt départemental ou l’intérêt régional. Si, demain, une autorité transcendantale vient définir cet intérêt, la décentralisation n’existe plus. […] Je suis fondamentalement opposé à toute liste de compétences exclusives. Ce serait aller contre les principes constitutionnels de libre administration et de non-tutelle d’une collectivité sur une autre. »

Revenue au pouvoir, la gauche, qui avait combattu la loi RCT, logiquement, supprime le conseiller territorial et rétablit régions et départements dans leur statut antérieur, avec la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, et invente même un nouveau mode d’élection des conseillers départementaux dans de non moins nouveaux cantons, un mode de scrutin que le monde nous envie.

La loi MAPTAM préférera un dispositif de concertation et de coordination, fort complexe, avouons-le, à la spécialisation des compétences, dans la logique d’ailleurs du rapport de la mission Belot, qui s’était refusé à proposer la suppression de ladite compétence générale.

Le 18 janvier 2014, quelques jours avant la promulgation de la loi MAPTAM, lors de ses vœux aux Corréziens, François Hollande assure encore que « les départements gardent leur utilité pour assurer la cohésion sociale, la solidarité territoriale et [il n’est] donc pas favorable à leur suppression pure et simple comme certains le réclament ».

Le 8 avril 2014, changement de Premier ministre et retour à la case du conseiller territorial ! Manuel Valls annonce, pour janvier 2017, la réduction de moitié du nombre de régions, la suppression des conseils départementaux – pas encore des départements ! – à l’horizon de 2021, la suppression de la compétence générale des régions et des départements.

Au mois de juin, plus question de concertation régionale, encore moins de consultation de la population. Il faut laisser au temps le temps d’attendre 2017.

Le 2 juin est publiée la carte des quatorze nouvelles régions, qui deviendront treize au terme de tribulations que vous connaissez trop, mes chers collègues, pour que je m’y attarde. Dans la tribune qui accompagne cette carte, François Hollande explique que les deux pôles de la nouvelle organisation territoriale seront les régions, qui « se sont imposées comme des acteurs majeurs de l’aménagement du territoire », et l’intercommunalité, « structure de proximité et d’efficacité de l’action locale », appelée à hériter d’une partie des compétences des départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Clair, du moins, jusqu’au moment où l’on s’aperçoit que supprimer le département et partager ses dépouilles entre la région et l’intercommunalité est un peu plus compliqué que prévu ; pour des raisons politiques et constitutionnelles, mais surtout parce les candidats ne se bousculent pas pour reprendre des compétences sociales – je pense à l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, au RSA, le revenu de solidarité active, ou à l’AAH, l’allocation aux adultes handicapés – qui asphyxient financièrement les départements.

Depuis la publication du présent projet de loi, au mois de juin, le Gouvernement louvoie entre plusieurs possibilités : laisser subsister des ectoplasmes départementaux, transférer leurs compétences aux métropoles ou à des « fédérations de grandes intercommunalités » et, là où ce transfert n’est pas possible, c’est-à-dire dans les départements ruraux, laisser subsister des conseils départementaux aux compétences « simplifiées ». Le concours Lépine est ouvert

Mme Cécile Cukierman rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Plus de millefeuille, mais un pudding, et une machine bureaucratique autobloquante !

De fait, mes chers collègues, la suppression de la clause de compétence générale des collectivités territoriales a pour contrepartie l’obligation de désigner des attributaires pour toutes les compétences, même celles que l’on ne peut pas imaginer aujourd’hui, et d’admettre l’existence de compétences partagées, quelque forme qu’elles prennent : sous-traitance, ou délégation, comme l’on dit, coopération, ne serait-ce que financière, ou contractualisation, à travers des conventions territoriales d’exercice partagé – entre autres possibilités. Bonjour la simplification et l’efficacité du service public !

Cette suppression a aussi pour contrepartie la multiplication de plans et de schémas destinés à coordonner ce que l’intérêt local ne peut plus organiser naturellement : des plans et des schémas en principe co-élaborés, mais qui s’imposeront aux exécutants, parfois sans engagement financier du décideur. Créer des compétences exclusives et les faire financer par d’autres, cela est certes habile, mais c’est l’échec garanti !

Attribuer à la région une compétence exclusive en matière économique, c’est, comme Gérard Collomb l’a fait remarquer en commission des lois la semaine dernière, empêcher les métropoles d’être des moteurs économiques et d’innovation, alors que c’est pour cela qu’elles ont été créées.

Permettez-moi de le citer : « Le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire prescrit mais nous laisse le soin de financer ce qu’il a décidé ! Il est facile de décider si cela ne coûte rien... Quand chacun y sera allé de sa mesure, comment les villes feront-elles pour suivre ? Avec quels moyens ? L’Association des maires de grandes villes et celle des communautés urbaines de France sont hostiles à ce texte, qui va à l’encontre de la loi MAPTAM. »

Le nombre des amendements déposés sur le présent projet de loi est le signe de cette inquiétude générale. Avec des compétences d’attribution, qui aura la responsabilité de garantir l’approvisionnement du territoire en eau, d’assurer l’ingénierie publique, de subventionner l’Institut du droit local alsacien-mosellan et la brigade verte d’Alsace-Moselle, voire les sociétés de sauvetage en mer ? Encore ne sont-ce là que quelques-uns des problèmes soulevés par les auteurs des amendements.

En vérité, toute lacune dans la liste des attributaires sera une occasion de conflit avec une tutelle en général plus sensible à la lettre des textes qu’à leur esprit.

Ces observations faites, je reconnais volontiers l’effort de réécriture méritoire accompli par les rapporteurs. En effet, le texte de la commission rend sa viabilité à un département que le projet gouvernemental réduisait à un rôle de financeur – une sorte de « CAF bis ». La suppression de l’obligation de constituer des intercommunalités de 20 000 habitants ainsi que celle de la mise à l’amende des collectivités territoriales pour manquement aux obligations européennes sont aussi à mettre à l’actif de la commission.

Malheureusement, la logique du projet gouvernemental n’a pas changé. Or, même si le Gouvernement ne manque pas une occasion de prétendre le contraire, cette logique n’est pas celle de la décentralisation, qui est politique : donner le pouvoir aux élus et, en dynamisant la démocratie locale, améliorer la gestion des collectivités territoriales et rendre l’action de celles-ci plus efficace.

Rien à voir avec l’inspiration du présent projet de loi, qui renoue avec la logique managériale de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Celles-ci étant conçues comme des entreprises en lutte sur un champ concurrentiel, il convient de stimuler leur compétitivité par la concentration et la spécialisation. D’où la recherche sans fin de la bonne distribution des compétences selon les échelons territoriaux, ainsi que la volonté d’éradiquer toutes les structures qui, à l’instar des syndicats ou des pays, débordent du schéma. D’où, aussi, la volonté de débarrasser les plus performantes des collectivités territoriales de la charge des territoires moins productifs ; c’est le sens, selon moi, de la mise sur orbite des métropoles.

Sans se demander ce que signifie « compétitivité » pour un territoire, on entreprend de réorganiser la division du travail au sein de l’usine administrative pour la rendre plus performante, et ainsi, dit-on, augmenter la compétitivité du pays, favoriser le retour de la croissance, développer les solidarités et assurer la transition écologique ; telle est la propagande officielle !

Comment la nouvelle répartition des tâches au sein de l’administration territoriale, l’augmentation de la taille des régions et la disparition des départements amélioreront-elles la balance commerciale de la France et doperont-elles son taux de croissance, tout en développant la solidarité entre les concitoyens et en refroidissant la planète ? Mystère !

À la vérité, c’est une affaire de foi, car, depuis sept ans que les réformes se succèdent, aucun résultat n’a été obtenu, sinon la montée du chômage, le creusement des inégalités, la stagnation économique, la persistance, puis l’aggravation des déficits publics et l’approfondissement de la crise sociale et politique.

Mes chers collègues, ce n’est certainement pas ce projet de loi, même amendé, qui inversera ce processus mortifère. C’est pourquoi je ne le soutiendrai pas !

Applaudissements sur les travées du RDSE . – M. Yves Détraigne applaudit également.

M. Claude Bérit-Débat remplace Mme Jacqueline Gourault au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Monsieur le président, lors du scrutin n° 76 sur l’ensemble du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, M. Jean-Noël Guérini, Mme Mireille Jouve et moi-même avons été comptabilisés comme n’ayant pas pris part au vote, alors que nous voulions voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Amiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous comprendrez que, disposant seulement de deux minutes, je me contente de donner un coup de projecteur sur la métropole d’Aix-Marseille-Provence, dont je suis issu.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Rassurez-vous : je le ferai en toute modération.

À l’instar du plus grand nombre de mes collègues des Bouches-du-Rhône, toutes tendances politiques confondues, je ne suis pas hostile à un projet métropolitain qui mettrait en réseau les énergies et les populations de ce territoire, afin de le stimuler et de le rendre efficace et plus fort. Le retard accumulé, notamment en matière de transports en commun, rend même cette démarche indispensable. On peut d’ailleurs regretter l’occasion perdue du syndicat mixte des transports, défendu à l’époque par le conseil général du département.

Le schéma de cohérence territoriale me paraît tout aussi indispensable, afin de coordonner nos pays dans des domaines aussi essentiels que l’urbanisation et le développement économique.

Cet effort de coopération doit non pas tendre vers l’uniformité, mais, au contraire, respecter les particularités de chacun. À cet égard, on ne peut que regretter la volonté des promoteurs de ce projet de loi d’imposer aux territoires et à leurs habitants une technostructure dont personne dans nos villes et nos villages ne veut, et dont la finalité avouée est de remettre Marseille à flot.

Bien sûr, Marseille doit conserver sa place et son rayonnement dans le concert des grandes villes méditerranéennes ; mais ce n’est pas en appauvrissant le reste du département par une fiscalité galopante que l’on donnera de la richesse à la cité phocéenne ! (À la vérité, seul un engagement financier massif – oui, massif – de l’État peut redonner à cette ville les moyens de ses ambitions.

Le projet que nous proposons, nous, maires des Bouches-du-Rhône, soutenus par une majorité des parlementaires du département, constitue, selon moi, la seule option discutée dans nos territoires et qui doit être débattue dans cet hémicycle !

Mlle Sophie Joissains et Mme Mireille Jouve applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne sais pas s’il vous arrive d’entendre des amis ou des voisins, ou même des collègues élus, vous dire : il faut absolument clarifier l’action publique. Pour ce qui me concerne, c’est souvent le cas !

Je suis sûre que, comme moi, vous avez à l’esprit les nombreux messages de chefs d’entreprise qui vous demandent de simplifier le parcours d’accès à l’installation, à l’aide économique et au développement international.

Je suis sûre également que, comme moi, vous recevez des chômeurs angoissés devant le labyrinthe de l’accès aux aides et les difficultés de la reconversion. Il n’est pas aisé, en vérité, de s’orienter entre les maisons de l’emploi et Pôle emploi ; tout cela est trop compliqué.

Telle est, mes chers collègues, la situation présente. À qui la faute ? Je répondrai : à personne et à tout le monde. Comme M. Retailleau nous y a invités, ne regardons-pas vers l’arrière, mais vers l’avenir.

Oui, le Gouvernement a plusieurs fois changé de pied. Il a tergiversé sur les départements, sur la clause de compétence générale. On l’a dit, répété et on le répétera encore ; je n’insiste pas.

Oui, l’ordre dans lequel les trois projets de loi sont examinés n’est pas le bon, pas plus, du reste, qu’en 2010

M. Jean-François Husson murmure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Pour ma part, j’essaierai, dans le cadre de la discussion du présent texte, de participer à trois chantiers qui me semblent importants : clarifier les compétences entre les collectivités territoriales, veiller à la non-tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

… et tenir compte de la diversité du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Pour illustrer ces trois chantiers, je vous exposerai trois préoccupations, dont j’ai déjà souvent entretenu Mme la ministre.

Comme nombre de mes collègues, je suis favorable à ce que, dans le cadre d’une clarification des compétences, les compétences économiques soient accordées à la région ; j’ajouterai : en liaison avec les intercommunalités.

Les compétences sociales doivent, bien sûr, être accordées au département, qu’il convient de conforter dans sa mission à cet égard. Il me paraît logique que le département assume également la mission des routes, puisque nombre d’entre elles sont des routes communales ou intercommunales. À cet égard, comme mon collègue M. Mercier a parlé de décentralisation, je pose cette question : quid des bouts de routes nationales qui restent ici ou là ? Il faudrait peut-être les transférer une fois pour toutes !

Mme Françoise Gatel, Mlle Sophie Joissains et M. Michel Bouvard applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

À titre personnel, je regrette que les collèges et les lycées ne soient pas confiés à un même niveau de collectivités territoriales ; c’est un vœu personnel, mais je tenais à l’exprimer.

À propos de la non-tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre, tout le monde pense immédiatement à la région. Il en a été abondamment question, notamment en ce qui concerne les schémas prescriptifs. Je ne reviendrai donc pas sur le sujet, si ce n’est pour faire remarquer que, dans la mesure où les régions se voient attribuer la compétence économique, il semble logique qu’elles établissent un schéma économique. Pour le reste, vous savez que mon groupe n’est pas favorable à un schéma prescriptif d’aménagement du territoire.

Seulement, madame la ministre, s’il ne faut pas de tutelle de la région sur les autres collectivités territoriales, il ne faut pas davantage de tutelle du département sur les autres collectivités territoriales.

Mme Françoise Gatel et Mlle Sophie Joissains applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Ce principe est très important. De fait, quand j’entends parler de solidarité territoriale, quelque chose me gêne. On ne prend pas assez en considération l’existence, qu’on le veuille ou non, des intercommunalités : les communes et leurs groupements se sont organisés. Or, parfois, les communes et les intercommunalités, ou les intercommunalités entre elles, arrivent à gérer ensemble certaines affaires, comme l’ingénierie, sans avoir besoin du département.

Je sais qu’il existe des agences départementales d’ingénierie, et il n’est pas question de modifier ce qui fonctionne bien. Seulement, je ne voudrais pas que la démarche de solidarité territoriale empêche les communes et leurs intercommunalités de s’organiser comme elles veulent.

Mes chers collègues, j’insiste : la non-tutelle vaut pour tout le monde !

Mme Françoise Gatel applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Quant à la diversité des territoires, bien sûr, le seuil des 20 000 habitants, que la commission des lois a supprimé, en découle directement. Mais faut-il un chiffre pour les intercommunalités ? Le sujet est pendant. Ceux d’entre vous, mes chers collègues, qui siégeaient déjà dans cet hémicycle en 2010 se rappellent les débats relatifs au seuil des 5 000 habitants : ils avaient été…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Exactement !

Ce matin, j’ai eu l’idée d’imaginer des strates en fonction de l’importance des collectivités territoriales, de leur densité de population. Peut-être faudrait-il la creuser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault. J’en terminerai donc en vous invitant, mes chers collègues, à légiférer tous ensemble de façon positive – conformément, je crois, au vœu du président Larcher –, même avec le centre, dirais-je à M. Retailleau, dans l’intérêt de nos concitoyens et du Sénat de la République française !

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République constitue le véritable cœur de la réforme territoriale.

En effet, il réorganise la répartition des compétences entre chaque échelon territorial : région, département, bloc communal. Il prévoit, enfin !, à trois mois des élections départementales, d’énoncer qui fait quoi.

Évidemment, cela a été relevé, il aurait été plus rationnel de traiter cette question centrale en premier, puis d’échanger sur la taille pertinente de chacun des échelons pour exercer leurs nouvelles missions. Nous aurions eu ainsi l’occasion d’identifier ensemble la meilleure répartition des compétences stratégiques entre l’État et les régions, de nous interroger sur le sens de la proximité en milieu rural, c’est-à-dire sur le rapport entre départements et bloc communal, enfin, d’examiner les effets en termes de développement local de la suppression de la clause de compétence générale.

Ensuite – et seulement ensuite –, les brumes qui nimbent d’un halo d’incertitude les prémices d’une réforme ayant été dissipées, une même vision du rôle de chaque échelon étant partagée, dans un monde idéal, serait venu le temps de réfléchir à l’accessoire, autrement dit au redécoupage territorial, en particulier à la création de nouvelles régions, plus fortes et moins nombreuses.

D’autant que la réflexion de fond avait déjà été conduite par le Sénat, de manière tout à fait transpartisane, sur l’initiative de Jean-Pierre Raffarin et d’Yves Krattinger. Leur rapport, véritable feuille de route partagée par une large majorité de cette assemblée, aurait dû, à mon sens, servir de cadre pour la rédaction du projet de loi qui nous réunit aujourd’hui, à l’image de ce qui se passe en Allemagne, où, dans une approche apaisée et responsable des divergences politiques, la grande coalition formée de la CDU-CSU et du SPD partage une position d’équilibre sur les grands sujets d’intérêt national.

Malheureusement, une fois de plus, le Gouvernement a voulu faire de la communication, et mettre en scène – maladroitement – une pièce en quatre actes destinée à tenir en haleine nos concitoyens, mais surtout supposée détourner leur attention de la situation économique dramatique du pays.

Le premier acte s’ouvre avec l’entrée en scène du Président de la République qui, lors d’un discours à Tulle, confirme le rôle des conseils généraux et assure la France de leur pérennité. Les 102 présidents de conseil général, de droite comme de gauche, certes réduits au rôle de figurants, saluent néanmoins l’assurance donnée par la parole présidentielle quant à la pérennité de ce socle républicain qu’est le conseil général.

Évidemment, nous savions tous que cela passerait par un grand redécoupage des cantons, officiellement pour rendre nos assemblées paritaires et réduire les écarts de représentation, et c’est très bien ainsi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Officieusement, il s'agissait de limiter autant que possible la nouvelle déroute électorale qui s’annonce pour la gauche, ce qui est plus discutable.

Quelque temps plus tard, à l’acte II, entrée en scène d’un nouveau Premier ministre, Manuel Valls, qui, depuis la tribune de l’Assemblée nationale, déclare que les conseils généraux ont fait leur temps, à la stupeur collective. Sur quelles analyses reposait cette décision ? En quoi la suppression des collectivités départementales devait-elle permettre de réaliser des économies ? Nous ne le saurons – hélas ! – jamais.

La communication gouvernementale exigeait de faire tomber une tête, par pure démagogie. Comme les régions et les EPCI sont à la mode et plutôt en cour auprès du pouvoir actuel, les conseils généraux n’avaient plus qu’à disparaître, et encore en silence, de préférence !

M. le président de la commission des lois s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Songez, mes chers collègues, que l’Association des départements de France, l’ADF, a pour ainsi dire appris cette nouvelle par la presse ! Cela suffit à vous donner la mesure de la capacité réelle de dialogue de ce gouvernement. Si les termes « respect », « écoute », « compromis » et « concertation » figurent dans les éléments de langage des ministres, le passage de la parole à l’action reste problématique.

Bien sûr, nos amis de la majorité gouvernementale, quoi qu’il leur en coûte, mettent leurs poings dans leurs poches et, avec discipline, attendent des jours meilleurs. Mais ils n’en pensent pas moins, comme d’innombrables couacs nous l’indiquent, d'ailleurs plus souvent que ne le souhaiterait l’opposition elle-même.

À l’acte III de la pièce, qui, vous l’avez compris, mes chers collègues, n’est pas à mon sens une réussite, autre temps fort : la question du calendrier électoral. Initialement prévues, lors du vote en première lecture du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, pour le mois de décembre 2015, les élections départementales sont avancées – encore ne l’a-t-on appris au Sénat que le 28 octobre dernier – en mars prochain.

Cette instabilité est préjudiciable au fonctionnement de la démocratie locale. Plus personne n’y comprend rien parce que le Gouvernement donne l’impression de ne pas savoir où il nous emmène.

M. le président de la commission des lois acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Au final, même si la dernière scène n’est pas encore jouée, nos concitoyens sortiront mécontents de la représentation avec les mots « tout ça pour ça » sur les lèvres.

Non, mes chers collègues, prévoir des élections en mars 2014 avant de les décaler en décembre 2015 pour, in fine, les organiser en mars 2015 n’est pas responsable !

Oui, mes chers collègues, annuler la suppression de la clause de compétence générale, pourtant votée par le Parlement sous le gouvernement de François Fillon, avant de revenir au point de départ manque de cohérence !

Oui, mes chers collègues, annoncer la réforme des conseils généraux pour les inscrire dans l’avenir de la République avant de promettre leur disparition pure et simple puis, pour finir, lors du congrès de l’Association des départements de France à Pau, au mois de novembre dernier, de déclarer leur maintien, voire d’entrouvrir la porte à de nouveaux transferts de compétences est déconcertant !

Je le répète : tout ça pour ça ! Que de temps, d’argent, de crédibilité de la parole publique perdus ! Quel formidable cadeau fait aux extrêmes et à l’abstention !

En vérité, derrière le rideau, le seul sujet d’importance est celui du redressement des comptes publics, question que nos concitoyens comprennent parfaitement pour peu que l’on prenne la peine de leur dire la vérité. En d’autres termes, c’est au périmètre de l’action des pouvoirs publics dans la société qu’il convient de réfléchir sérieusement et, surtout, en toute transparence.

Au lieu d’organiser le débat démocratique sur le sujet majeur, le Gouvernement réduit d’office les dotations des collectivités et, reconnaissons-le, il fait preuve d’une constance remarquable en cette matière. Pour quel résultat ? Avec 11 milliards d’euros d’investissement public local en moins, combien d’entreprises seront-elles en faillite et quel sera le nombre de chômeurs supplémentaires ?

Bien sûr, il est indispensable de faire des économies, mais en examinant au préalable leur incidence sur l’activité et l’emploi. Par exemple, l’État fait le choix de recruter encore 60 000 enseignants supplémentaires, pour lutter contre l’échec scolaire, nous dit-on. Mais si augmenter les effectifs était la solution pour améliorer les choses, notre pays aurait le système éducatif le plus envié du monde, et depuis longtemps déjà ! Au lieu de cela, il perd chaque année plus de places dans les classements internationaux, sans que nous nous interrogions, sans que nous nous remettions en cause.

Bien sûr, augmenter les effectifs de l’éducation nationale est un marqueur de gauche. Seulement, c’est une fantaisie que nous ne finirons de payer qu’au terme de la retraite des personnes recrutées – c'est-à-dire dans cinquante ans au plus tôt –, privant entre-temps l’économie réelle de ressources vitales. Le Gouvernement sacrifie, une fois de plus, l’investissement au fonctionnement…

Nos concitoyens ont besoin non pas de plus d’administration, mais d’une administration allégée et plus agile. Quelle est la plus-value de chaque intervention de la sphère publique pour l’intérêt général ? En période de difficulté budgétaire, c’est la seule question que doivent se poser non seulement les collectivités locales, bien sûr, mais aussi l’État.

L’État providence, construit pierre à pierre depuis les années trente, craque financièrement de toutes parts aujourd’hui. Le préserver, c’est le réformer.

L’évolution des compétences sociales des conseils généraux devient intenable du point de vue financier. Les dépenses de RSA culminent à des montants jamais atteints en raison de la gravité de la crise, mais surtout des dysfonctionnements de la puissance publique.

Lorsqu’une personne perd son emploi, elle reçoit, au titre de l’assurance chômage, une indemnité mensuelle pour lui permettre de disposer du temps nécessaire afin de rebondir. C’est tout à fait normal, d’autant que, à l’époque où elle était en activité, elle a versé des cotisations prélevées sur son salaire pour faire face à la survenance de ce risque.

Mais ce système, qui ne rend pas obligatoire une formation qualifiante et n’aide pas suffisamment à la mobilité géographique, peut enfermer certains de nos concitoyens dans une spirale de l’échec.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Généralement, cette spirale commence par le licenciement !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Deux années plus tard, trois ans pour les personnes âgées de plus de cinquante ans, les droits au chômage s'éteignent et sont remplacés par le RSA. Les personnes sont meurtries, doutent d’elles-mêmes et se retrouvent très éloignées du monde du travail : les services sociaux des conseils généraux les prennent alors en charge au quotidien.

Ma chère collègue, vous ne pouvez pas dire le contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Pour mettre un terme à ce gâchis humain et financier, il est nécessaire de confier la formation professionnelle continue, au moins à titre expérimental et en direction des publics fragiles, soit aux conseils départementaux, soit à l’État déconcentré.

Nous connaissons la réalité des métiers porteurs dans chaque bassin d’emploi, et nous suivons au plan social les personnes qui ont le plus besoin de retrouver leur dignité par le travail.

Avec les professionnels et les entreprises, nous sommes capables d’élaborer des accompagnements adaptés. La formation est l’une des conditions de l’insertion, à chaque étape de la vie ; un traitement séparé, comme on le fait aujourd’hui, serait incohérent.

L’incohérence, c’est après l’instabilité, l’autre grande caractéristique de cette réforme et de ce texte. Considérons en premier lieu les régions, comme le titre Ier du projet de loi nous y invite.

Alors que le Gouvernement affirme sa volonté de renforcer ce niveau d’administration par des compétences stratégiques qui supposent la mise en œuvre de schémas programmatiques pluriannuels, il prévoit d’alourdir la gestion de ces collectivités par des compétences de proximité.

Mes chers collègues, croyez-vous que les nouvelles grandes régions, dont les chefs-lieux seront parfois situés à plusieurs centaines de kilomètres, sont les mieux placées pour gérer l’entretien des routes départementales, la rénovation des collèges ou, pis encore, à partir de la rentrée 2017, l’organisation des circuits de ramassage scolaire ? Nous pourrions en rire si les conséquences évidentes de ces absurdités n’étaient pas si préoccupantes pour l’efficacité du service public.

L’action des conseils généraux, notamment en milieu rural, s’apparente à du cousu main, à du sur-mesure.

L’Association des départements de France, pourtant à majorité de gauche, nous a fait parvenir une série d’amendements de bon sens dont je partage, pour l’essentiel, la finalité. Je me réjouis que la commission des lois ait fait le choix, elle aussi, de modifier le projet de loi dans une approche pragmatique. À ce propos, je voudrais la remercier de la complétude de ses travaux.

L’efficacité de cette réforme suppose que le Gouvernement accepte de mettre en cohérence ses actes avec ses déclarations. En théorie, cela ne devrait pas être si difficile : que les régions disposent de compétences stratégiques renforcées suppose ipso facto que les conseils départementaux conservent leurs compétences de proximité, voire qu’ils en acquièrent de nouvelles.

Je pense, notamment, au transfert des gestionnaires des collèges, ainsi qu’à la gestion des lycées.

Aujourd'hui, les conseils généraux comptent dans leurs effectifs les personnels techniciens, ouvriers et de services – les fameux TOS – devenus agents territoriaux. Paradoxalement, les gestionnaires d’établissement continuent de relever de l’État. Il est temps de mettre un terme à cette incohérence.

De même, les services des conseils généraux savent parfaitement concevoir et conduire les chantiers de rénovation et de construction des collèges. Quel immense gain de temps et d’argent public si on leur confiait aussi la gestion des lycées, de leurs personnels et de leurs gestionnaires.

Les conseils départementaux seraient ainsi chargés de la gestion d’un pôle cohérent de l’enseignement secondaire – un pôle de compétence –, tandis que les régions, allégées du poids de la gestion des compétences quotidiennes, pourraient pleinement se consacrer à la réalisation des grands objectifs que l’État leur assigne.

Au côté des conseils départementaux, les communes et leurs groupements constituent un maillon précieux pour un service public de qualité. Si le projet de loi évoque le chiffre de 20 000 habitants comme seuil minimal pour les communautés de communes, chacun a bien conscience que, dans les territoires peu densément peuplés, ce chiffre est excessif, tandis que, en milieu très urbain, il apparaît au contraire insuffisant.

Si aujourd’hui l’organisation territoriale reste trop coûteuse et trop complexe, la responsabilité en incombe surtout à l’État, qui, depuis 1982, a en réalité refusé la décentralisation, sauf au cours de la période où Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, avait su imposer à l’administration sa volonté réformatrice.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Jugez plutôt ! Les conseils régionaux ont la compétence économique, mais l’État a conservé une partie des moyens humains et financiers en ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Après la RGPP, il n’en reste plus beaucoup !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Les conseils généraux ont la compétence sociale, mais l’État veut continuer à s’occuper de cette matière et conserve dans les départements des effectifs et des moyens financiers. Je pourrais continuer cette énumération !

Pour ce qui concerne les ressources, le constat est encore plus évident : les régions n’ont plus aucune autonomie financière – cela a été dit –, et sont, au quotidien, dans la main de l’État et des préfets de région. C’est non plus un partenariat, mais une dépendance, pour ne pas dire une tutelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Si j’évoque parfois le manque de résultats concrets des conseils régionaux, je sais aussi que l’État ne leur donne pas les moyens de réussir, à l’instar des conseils généraux, auxquels l’insertion est confiée, mais sans qu’ils disposent d’aucun levier en matière de formation professionnelle des publics fragiles, qu’ils doivent pourtant accompagner.

Dans notre pays, le facteur de blocage, le lieu des résistances aux changements et des conservatismes est bien plus souvent l’État que les collectivités locales.

Le vieux débat entre les Jacobins et les Girondins n’a jamais été nettement tranché, d’où les doublons de services étatiques, qui coexistent aux côtés de nos collectivités dans la République décentralisée.

Si l’État cherche réellement à faire des économies, qu’il accepte enfin de ne plus s’occuper de tout, tout le temps.

Mes chers collègues, malgré le caractère instable et incohérent du processus de réforme territoriale engagé par le Gouvernement, notamment au travers du projet de loi NOTRe, à l’heure de la discussion générale, je reste confiant dans le résultat que nous pourrons, ensemble, proposer au pays à l’issue des débats.

La qualité des travaux de la commission des lois, animée par le seul souci d’améliorer un texte refondateur, démontre, s’il en était besoin, le pragmatisme et la valeur ajoutée du Sénat. §

Mme Jacqueline Gourault remplace M. Claude Bérit-Débat au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de citer quelques extraits de l’appel contre l’effritement du réseau culturel, lancé la semaine dernière par de nombreux acteurs du secteur. Ils reflètent une inquiétude objective concernant l’avenir de la politique culturelle en France.

« Une conjonction d’éléments peut faire disparaître la culture à grande vitesse s’il n’y a pas un sursaut. » « C’est tout le réseau issu de la décentralisation qui est menacé d’effondrement. » « Un peu partout, les budgets de la culture sont la première victime des restrictions budgétaires ».

Si nous voulons éviter, en tant que parlementaires de la République et élus locaux, la fragilisation du secteur, il devient impérieux de refondre le pacte culturel entre l’État et les collectivités territoriales et de rappeler la responsabilité des uns et des autres. En effet, depuis les lois Defferre, mais plus encore depuis le Conseil national de la Résistance, la politique publique de la culture et des arts de notre pays a constitué un modèle exceptionnellement singulier en Europe, caractérisé par l’intervention conjointe des collectivités territoriales et de l’État, par la multiplicité des acteurs, tant déconcentrés que décentralisés. Grâce à la libre intervention de chacun, fondée sur une véritable volonté politique, l’action publique de la culture a favorisé l’émergence et la pérennisation de projets culturels qui ont structuré les territoires et animé la vie des hommes.

Il est d’ailleurs amusant de constater que l’idée même de culture, qui implique la liberté de penser le monde pour en faire jaillir une création unique, a fortement influencé la politique territoriale culturelle française.

Pour autant, ce nouvel acte de décentralisation, dont le projet de loi présentement examiné est la traduction, a une logique toute différente, celle de la clarification par bloc de compétences, sauf, je l’ai dit, pour la culture, le sport et le tourisme. À la suppression de la clause générale de compétence pour les régions et les départements doit correspondre une vision ordonnée et moderne de l’organisation territoriale, gage de rationalisation et de lisibilité.

Le Gouvernement montre par ce texte son ambition pour les territoires, ce après la loi MAPTAM, qui consacrait le devenir des futures métropoles de notre pays et proposait les outils de la gouvernance publique, manifestant ainsi sa confiance non seulement dans l’intelligence territoriale, mais aussi dans la différenciation territoriale.

La décentralisation doit s’adapter à la société d’aujourd’hui. Ce projet de loi n’est aucunement un reniement de celle qui a été imaginée au XXe siècle ; il n’en est que le prolongement actualisé. Comme les pères fondateurs de cette politique libératrice, nous devons édifier ensemble et à partir des pierres posées par ces premiers architectes la décentralisation du XXIe siècle, fondée sur des valeurs d’égalité et de solidarité.

Cependant, la modernité ne peut être aveuglée par l’idéologie du « changement pour le changement ». La réussite du modèle culturel et sportif français est une réalité. Elle nous conduit à le confirmer et à définir, en conséquence, la culture et le sport comme des compétences partagées entre les collectivités territoriales. C’est tout l’objet de l’article 28 – il aurait pu également embrasser la vie associative dans son ensemble – de ce projet de loi, et nous nous en félicitons.

Car nous savons que c’est grâce à la multiplicité et à la diversité des interventions publiques, modèle unique en Europe, que notre pays se trouve ainsi maillé d’équipements culturels et sportifs.

Toutefois, dans un contexte de contrainte budgétaire et dès lors que certaines collectivités territoriales auront des compétences obligatoires, il convient impérativement de veiller à ce que la culture et le sport, compétences partagées, je le répète, ne deviennent pas des compétences résiduelles, voire optionnelles. Ces compétences ne peuvent dépendre ni du reliquat budgétaire à disposition des collectivités ni de l’appétence personnelle des élus pour ces domaines caractéristiques de l’expression du corps et de l’esprit.

Il s’agirait d’une funeste palinodie pour les mouvements culturel et sportif et, par-delà, d’une atteinte insupportable au rayonnement de la France et à la qualité de vie de nos concitoyens.

À ce titre, il est fondamental de rappeler que, par ses arbitrages et ses décisions, chaque collectivité a une responsabilité majeure dans le développement ou, a contrario, l’absence de développement culturel et sportif de son territoire. On peut malheureusement le constater dans certaines villes et collectivités ; cela se ressent fortement

C’est pourquoi nous proposerons que chaque niveau de collectivité territoriale contribue financièrement au développement de l’art et de la culture à l’échelle de son territoire. En effet, soyons honnêtes, la participation de nature financière est la seule marque d’un véritable engagement. L’engagement est élégant lorsqu’il est habillé de mots ; il devient beau lorsqu’il se couvre de faits. §

Parallèlement, nous avons déposé plusieurs amendements, dans une optique constructive, afin d’améliorer la gouvernance territoriale, que l’État se doit d’accompagner et de soutenir ardemment, quant à l’exercice des compétences partagées. C’est toute la philosophie de ce texte et de nos propositions.

Je défends notamment des schémas territoriaux de développement culturel et de développement sportif – dans ce dernier domaine, cela se fait déjà –, non prescriptifs. Ils pourront être élaborés dans le cadre des conférences territoriales de l’action publique. Ce sera un gage de meilleure organisation de l’action publique, adaptée aux spécificités territoriales.

De la même manière, mes chers collègues, il faut se souvenir que la décentralisation culturelle ne s’est jamais construite contre l’État. Au contraire, le dialogue entre les services déconcentrés de l’État et les collectivités territoriales a été propice à l’avènement de nombreux projets culturels, désormais parfaitement intégrés au paysage national.

Mais d’un État qui se veut encore trop prescripteur, nous devons tendre vers un État partenaire, garant d’un égal accès à la culture pour toutes et tous, singulièrement pour les plus jeunes, et sur tous les territoires. Aussi l’étape future devra-t-elle être l’adaptation des missions de l’État à la nouvelle organisation territoriale.

Pour terminer, je me permets d’en revenir à l’appel contre l’effritement du réseau culturel selon lequel il faut que la culture – cela vaut également pour le sport – ait une place particulière dans la future loi de réforme territoriale et que l’État garantisse son maintien et son développement partout sur le territoire, ainsi que la création.

À titre personnel, je suis convaincue que la liberté est inhérente à l’idée de culture, donc à la politique publique de la culture. Selon les écrits si intelligents de Jean Grenier, philosophe ami de Louis Guilloux, il n’y a pas de culture sans liberté de la culture, il n’y a pas de culture de la pensée sans liberté de pensée. Les collectivités territoriales doivent continuer à être libres d’agir pour la culture, afin d’« offrir aux gens, comme le disait Jean Vilar, ce qu’ils ne savent pas encore qu’ils désirent ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’orientation générale du présent texte ni même sur la situation dramatique des finances des collectivités territoriales, les orateurs précédents les ayant déjà exposées.

Pour ma part, je souhaite insister sur le devenir des territoires ruraux, de montagne ou, plus largement, des territoires, qui, éloignés des métropoles, ne doivent pas devenir des territoires interstitiels, dont ce texte ne ferait qu’aggraver le déclin.

Voilà plus d’un an et demi, avec ses homologues de la Nièvre, de la Creuse et du Cher, Jean-Paul Dufrègne, président du conseil général de l’Allier, a lancé la démarche des nouvelles ruralités. Loin de poser ces territoires en victimes, ils ont souhaité rendre leur image positive, en donnant à voir la vie et le fourmillement qui y existent. C’est également dans cette optique que Mme Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, vient d’organiser les assises des ruralités, qualifiées de « territoires d’opportunités ». À l’issue de l’atelier organisé dans l’Allier, il ressort que ces territoires ont besoin de services publics, assurés que ce soit par la présence de l’État ou par l’appui des départements, des régions ou des intercommunalités de proximité.

Or la création de grandes régions laisse présager le pire, à savoir un éloignement des politiques régionales, qui n’irrigueraient plus l’ensemble de leurs territoires, à l’instar du regroupement de certaines administrations de l’État, regroupement qui semble déjà engagé au vu des futurs périmètres régionaux.

La volonté de réduire l’action des conseils généraux et régionaux en leur supprimant la clause de compétence générale conduira à diminuer ce que pourtant beaucoup aiment à promouvoir, nous l’avons souvent entendu dans cette enceinte, à savoir l’intelligence et l’innovation territoriales.

Dans la présentation de leur « grand pari », comme ils l’ont nommé à Nevers, les « quatre mousquetaires de la ruralité » ont rappelé leur exigence qu’« une véritable politique soit mise en place pour encourager l’innovation et le développement économique dans les territoires ruraux et créer les conditions pour l’épanouissement de leurs habitants ».

Vous me direz, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que je vais plus vite que la musique et que cette problématique sera traitée ultérieurement, dans un autre texte. Ces derniers temps, c’est semble-t-il l’élément le plus récurrent de vos éléments de langage.

Mais permettez-moi de vous faire part de l’ensemble de ma citation : « Cela doit passer par une réorientation de la réforme territoriale, qui doit confirmer la pertinence de l’échelon départemental en milieu rural et non l’affaiblir, renforcer son rôle de proximité et non l’éloigner. »

Voilà la boucle bouclée ! Si, dans ce texte, nous détricotons, voire mettons à mal l’organisation territoriale de la République, il sera trop tard pour porter une loi ambitieuse et attendue en la matière.

Dans cette optique, la suppression par le Sénat du seuil des 20 000 habitants pour l’intercommunalité est une bonne chose. Nous ne chipoterons pas en l’espèce ! Nous pensons qu’il n’est pas non plus souhaitable d’inscrire dans ce texte un seuil fixé à 15 000 habitants.

Nous l’avons toujours dit, si nous voulons que l’intercommunalité réussisse et soit un atout pour l’ensemble des communes qui la composent, elle doit être fondée sur une coopération de projets. De plus, le seuil de 20 000 habitants est une ineptie pour de nombreux territoires ruraux de montagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Où seront l’intelligence et l’innovation territoriales dans de grosses intercommunalités, où, de fait – principe de réalité oblige –, les décisions seront plus éloignées des territoires et des femmes et des hommes qui y vivent et y travaillent ?

Affirmer la compétitivité des territoires, c’est les hiérarchiser ; c’est affirmer qu’il y a des premiers et des derniers.

Or les critères de la compétitivité sont incompatibles avec une organisation territoriale garante pour l’ensemble des territoires de solidarité et de développement.

Pendant longtemps, les territoires ruraux ont été perçus comme des territoires de handicap. Et s’il s’agit de changer de paradigme et de valoriser ce que l’on appelle dans le Massif central leurs « aménités », il ne faut pas oublier que ce sont ces territoires, les femmes et les hommes qui y vivent, qui demeurent les plus fragiles dans un monde de compétition et d’affirmation de la loi du marché.

Je prendrai un exemple : le numérique. Nous connaissons cette problématique : les opérateurs privés développent la fibre dans les zones les plus urbanisées, le long des axes routiers, car, économiquement, c’est pour eux ce qu’il y a de plus rentable, en raison tant du nombre de clients potentiels que de l’utilisation d’infrastructures existantes ou en cours de réalisation. Dès lors, plus on s’éloigne des centres denses, métropolitains, ou des grandes infrastructures de transport, plus l’accès au très haut débit soulève de problèmes. Et même si le numérique n’est pas l’alpha et l’oméga du devenir de ces territoires, nous savons tous que l’accessibilité à cet outil peut contribuer à leur développement ou, à l’inverse, que son absence peut provoquer leur déclin.

À travers cet exemple, c’est bien la question des services publics qui est posée, et non pas simplement celle des services aux publics. Services publics, car ce sont eux qui, en leur, sein intègrent la péréquation de leur coût et assurent un accès égal à toutes et tous. Or dans le texte est entériné le remplacement des services publics par les services aux publics. Ce mot supplémentaire de trois lettres en dit long sur l’organisation de demain.

Avec le présent projet de loi, c’est l’idée même de service public qui est en péril. Cependant, comme, dans son propos, Mme Lebranchu a uniquement parlé de « services publics », je ne doute pas que les amendements déposés par mon groupe visant à supprimer l’article défini « aux » recueilleront un avis favorable.

Nous le savons toutes et tous, ce n’est pas le secteur privé qui, demain, va permettre l’installation de populations dans nos villages, ce n’est pas lui non plus qui va aider l’artisan ou la petite entreprise à s’y installer et à y rester. Ce sont les collectivités, l’État.

Je sais que vous essayerez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, de vous justifier en affirmant que rien dans ce projet de loi ne l’empêche, et pourtant ! Suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements, continuation de l’application de la loi MAPTAM, qui hiérarchise les territoires, poursuite dans l’esprit, malgré les modifications apportées par le Sénat, de la concentration des intercommunalités, des syndicats intercommunaux – c’est sûr, il sera plus juteux pour des opérateurs privés de gérer un gros syndicat des eaux et cette situation sera plus simple que la diversité actuelle, même si nous sommes tous reliés à l’eau.

Alors une seule question se pose : si ces territoires se vident, qui, demain, les occupera et les entretiendra ? Ils ne sont pas à mettre sous cloche ; ce sont non pas des réserves d’Indiens, mais des lieux de vie et d’innovation qui participent à la réussite de la France.

Avec ce texte, le sentiment d’abandon ressenti par les collectivités et les populations rurales va certainement s’accentuer, la démocratie de proximité et le lien social qui se crée autour des associations, des écoles, des bénévoles et des élus locaux vont se fragiliser. Ainsi, si nous sommes favorables au changement de la République, nous sommes opposés au bradage de nos territoires et à leur vente à la découpe.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à titre liminaire, permettez-moi à mon tour d’avoir une pensée pour René Vandierendonck.

Cela étant, je décèle fort peu d’enthousiasme à l’égard du présent projet de loi. Je ne vois aucun élu qui le trouve effectivement porteur de rêve, porteur d’espoir pour les territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Cela tient sûrement à un défaut d’ordre, de méthode, qui se teinte, comme le disait Jacques Mézard tout à l’heure, d’un jacobinisme forcené : Paris décide de tout ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

… aucune concertation avec les élus locaux, aucune étude d’impact.

Ce fut la même chose avec le découpage des régions, qui aurait dû logiquement intervenir après que les compétences de celles-ci eurent été délimitées, la même chose avec la création de la métropole du Grand Paris, enfin, la même chose avec la création de la métropole Aix-Marseille-Provence. Et vous savez que c’est d’elle que je vais vous parler ce soir.

Le Premier ministre suit de très près la métropole du Grand Paris. Or le 9 décembre dernier, il a accordé aux élus de Provence – ce dont nous avons été très heureux – un rendez-vous. Pour la première fois, nous avons eu le sentiment d’être entendus sur des points importants : deux étapes dans la mise en œuvre – 2016 et 2020 –, maintien des EPCI jusqu’en 2020, mise en place d’un pacte financier et fiscal.

Hier soir, et c’est à dessein que je vous interpelle sur ce point, madame la ministre, une rencontre avec les services de la préfecture a eu lieu, afin de finaliser cet accord, qui fera l’objet d’un amendement au présent projet de loi. Déjà le maintien des EPCI jusqu’en 2020 n’était plus acquis lors de ce rendez-vous. Les élus locaux sont très inquiets, eux dont la confiance a déjà été mise à rude épreuve ces dernières années.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Pour rappel, aujourd’hui, 113 communes sur les 119 que compte le département des Bouches-du-Rhône sont opposées à la métropole, dont 13 communes sur les 18 qui sont dénombrées dans la communauté urbaine de Marseille. Pourtant, elles avaient quasiment toutes fini par voter en faveur du pôle métropolitain. Elles sont favorables à la coopération métropolitaine, que l’on peut d’ailleurs appeler « métropole », mais sont donc défavorables à la métropole telle qu’elle a été votée, pour quatre raisons essentielles.

Premièrement, le périmètre.

Bien que, je le répète, toutes les communes du département, sauf la ville de Marseille, aient voté le pôle métropolitain, aujourd’hui, la Camargue et les Alpilles sont tenues en dehors de la métropole, mais aussi, de fait, du schéma de transport métropolitain, alors que ces territoires à haut potentiel touristique sont cruellement mal desservis. Quelle est la logique ? S’agit-il de protéger la circonscription du président Vauzelle ? Si je me permets ce trait d’humour, c’est parce que je sais que ce dernier vante par ailleurs tellement les charmes de la métropole.

Deuxièmement, les compétences.

Le projet des maires concerne les compétences stratégiques : transports, coordination du développement économique, enseignement supérieur, environnement, aménagement du territoire. La métropole du Gouvernement comprend trente-six compétences, en fait toutes les compétences facultatives, optionnelles et obligatoires de l’ensemble des EPCI du territoire, c'est-à-dire aussi des compétences communales, à quoi il faut ajouter les postes budgétaires les plus lourds de la ville de Marseille.

Cela s’est fait sans réelle concertation. Vous nous avez reçus, madame la ministre, mais jamais vous n’avez discuté l’une de nos propositions ou ne lui avez opposé le moindre argument.

Troisièmement, la fiscalité.

Une fiscalité unique aura pour conséquence de doubler les impôts, les taxes, et évidemment de faire fuir les entreprises. Il faut savoir que, dans la plus grande partie du département, les taux de cotisation foncière des entreprises sont parmi les plus bas de France. Voilà pourquoi notre territoire est également attractif.

Personne ne peut ignorer que, en raison du choix et du nombre des compétences prévues par la loi, la captation fiscale se fera au profit de la ville-centre, sans pourtant être suffisante, tout en laissant exsangues les autres communes.

Cette augmentation de la fiscalité intervient dans un moment de crise importante, de coupes franches dans les dotations globales de l’État. La ville d’Aix et la communauté d’agglomération du pays d’Aix ont inscrit respectivement 7 millions d’euros et 13 millions de moins à leur budget général. C’est sans compter la réforme des rythmes scolaires qui coûte 1, 5 million d’euros à la commune. Mais c’est pareil pour tout le monde.

Les subventions provenant des autres collectivités connaissent aussi une baisse brutale. Cela soulève une question d’opportunité réelle.

Nous en sommes tous convaincus, l’État doit massivement venir en aide à la ville de Marseille. Nous sommes également tous d’accord pour verser des charges de centralité et participer à l’effort, mais nous refusons le dépérissement et l’absence d’autonomie de notre territoire.

Enfin, quatrièmement, la gouvernance.

La présence des maires au conseil de la métropole a été garantie par l’adoption d’un amendement de Jean-Claude Gaudin, ce qui n’était apparemment pas l’intention du Gouvernement. J’ai là le discours du maire de Marseille, qui tend à le prouver.

Le nombre des représentants des communes de 30 000 habitants a douloureusement augmenté, au point que l’ensemble du conseil municipal de la ville de Marseille ainsi que la totalité de ses maires de secteur siégeront, ce qui déroge au droit commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

De surcroît, 44 % des conseillers métropolitains, soit 106 sur les 246 membres du conseil de la métropole, seront marseillais. L’hégémonie évidente qui sera celle de la ville-centre ne peut être tolérée par les maires, surtout ceux des petites communes.

La supériorité du nombre conjuguée au poids de trente-six compétences sur un périmètre – beaucoup l’ignorent – de 3 178 kilomètres carrés, c’est-à-dire près de six fois la superficie de la métropole de Lyon et quatre fois celle du Grand Paris, montre à l’évidence que cette métropole a été constituée à l’emporte-pièce : l’important était non pas qu’elle soit bien faite et qu’elle fonctionne, mais qu’elle passe envers et contre tout.

Pour échapper à tous ces arrangements qui nous paraissent mauvais, voire malsains, pour notre territoire, nous sommes prêts à partager un régime que nous n’avons pas plus contribué à construire que celui-ci, mais qui nous paraît sain, rigoureux et plus adapté à notre immense périmètre : celui de la métropole du Grand Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Ma chère collègue, vous avez déjà dépassé de deux minutes votre temps de parole. Je vous demande de conclure.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Mme Sophie Joissains. Aujourd’hui, les maires sont furieux et à bout d’espoir. Ils ont cru à ce rendez-vous avec le Premier ministre. Je vous en prie, ne les décevez pas !

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous commençons l’examen se présente comme un nouveau volet de la réforme des collectivités territoriales, après celui qui portait sur le redécoupage régional.

En cet instant, je voudrais en particulier saluer le travail important de la commission des lois, et les modifications apportées par les rapporteurs Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck.

C’est un véritable symbole politique que ce texte ait été étudié par deux rapporteurs de sensibilités politiques différentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Cela signifie que nous sommes tout à fait capables, à gauche comme à droite, de nous réunir au nom de l’intérêt général quand il s’agit des collectivités territoriales. Celles-ci ne sont ni de droite ni de gauche :…

Rires sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

… elles appartiennent aux Français.

Je salue singulièrement la suppression du relèvement à 20 000 habitants du seuil requis pour la création d’un établissement public de coopération intercommunale. Franchement, ce chiffre ne veut rien dire !

Je pense également à toutes les mesures qui permettent de réaffirmer le rôle coordonnateur de la région en matière économique, tout en préservant l’action indispensable des départements en matière de transports scolaires, de voirie, de gestion des ports comme des collèges.

Ces derniers mois, dans le cadre des élections sénatoriales, comme tous ceux qui étaient candidats, je suis allé à la rencontre des élus communaux et communautaires de mon département. Quelle que soit leur préférence politique, tous m’ont fait part de leurs inquiétudes, de leurs questions sur l’avenir du département et des relations avec la collectivité départementale, sur ces fameux EPCI de grande taille – dans certains secteurs, il faudra peut-être parcourir entre soixante et quatre-vingts kilomètres pour aller d’un bout à l’autre du territoire communautaire.

Hier soir, nous avions organisé une réunion dans le nord du département de l’Yonne au sujet du projet de loi NOTRe. « De grâce, laissez-nous respirer, de grâce, laissez-nous digérer, accordez-nous un peu de temps. Cette frénésie législative et administrative nous donne le tournis à tel point que nous ne savons plus ni où nous en sommes ni où nous allons » nous ont dit nos collègues.

Je crois très sincèrement qu’il faut écouter les élus, en particulier les élus locaux.

S’agissant du département, on ne peut là encore que partager les questions des élus dès lors que cet échelon territorial joue un rôle essentiel en matière d’initiative locale et d’aménagement du territoire.

C’est lui qui alimente le développement social par l’ampleur du budget qu’il lui consacre et c’est lui encore qui investit près de 2 milliards d’euros chaque année, le plus souvent au profit des entreprises locales.

Pour les élus, ce sont donc les départements qui veillent avant tout à la solidarité des territoires et qui constituent un échelon de proximité incontournable.

Madame la ministre, vouloir à la fois de grandes régions omnipotentes, des départements asséchés, des EPCI sans rapport avec les territoires et des communes dévitalisées, mais toujours responsables devant les juridictions, c’est repousser les citoyens dans des ensembles lointains et déshumanisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

C’est dessiner certainement pas une France moderne, apaisée et bien gérée, mais une France sans doute encore plus lointaine et technocratique.

S’agissant des EPCI, évidemment, personne n’est opposé par principe à la rationalisation, à la mutualisation, dans la mesure où elle trouve sa source dans des bassins de vie.

Sur ce point, celui de la libre participation des communes, je veux être très clair : toutes les réformes territoriales qui ont succédé à l’acte I et à l’acte II de la décentralisation ont eu pour objet de rationnaliser l’action locale, afin de clarifier, nous dit-on, le millefeuille administratif, de renforcer la démocratie locale et d’assurer une bonne utilisation des fonds publics. Pour autant, nous avons toujours rappelé, en parallèle, l’importance de la libre participation des collectivités dans ce processus.

Celle-ci s’entend du point de vue des regroupements, comme ce fut le cas en 2010 avec l’achèvement de la carte intercommunale. Laissons-la vivre avant de tout chambouler à nouveau !

Mais elle s’entend aussi du point de vue des transferts de compétence. Rappelez-vous, mes chers collègues, nous nous étions opposés au transfert automatique de la compétence en matière de plans locaux d’urbanisme intercommunaux dans le cadre de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

M. Henri de Raincourt. Et pourquoi avions-nous procédé ainsi ? Ce n’était sûrement pas par hasard ! En effet, il apparaît aujourd’hui que les deux objectifs – la rationalisation et la libre participation – sont interdépendants, et qu’il ne peut plus y avoir de rationalisation durable contre la volonté des collectivités

M. Jean-François Husson approuve

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Or plus les dispositifs que nous mettrons en place seront contraignants, plus les élus locaux auront recours à des supplétifs rendus inévitables par la confrontation aux réalités locales, et moins les intercommunalités seront efficaces.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

De nouveaux échelons d’administration des territoires s’ajouteront aux niveaux déjà existants.

Nous savons tous dans cette enceinte à quel point il devient extrêmement difficile de maîtriser le droit des collectivités. Imaginez alors la difficulté qu’éprouveront au quotidien nos administrés dans la recherche du bon interlocuteur entre les régions, les départements, les métropoles de droit commun, les métropoles à statut particulier, les villes-centres des EPCI, les pôles d’équilibre territorial et rural, les EPCI, les communes, et enfin les communes nouvelles, chacune de ces collectivités ayant de plus des compétences propres !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Je termine, madame la présidente.

Si nous continuons ainsi, je vous l’assure, nous n’irons certainement pas vers plus de démocratie locale et encore moins vers des économies de gestion.

Madame la ministre, il est temps pour le Gouvernement de choisir la voie qu’il veut emprunter : soit il accepte la main tendue par le Sénat, comme l’a rappelé Bruno Retailleau, soit il s’enferme dans les contraintes que souhaite peut-être lui imposer sa majorité à l’Assemblée nationale. Dans cette hypothèse, cela signifie que la réforme des collectivités territoriales ne s’achèvera sûrement pas avec la présente étape et que le dossier devra de nouveau être ouvert dans un avenir plus ou moins proche. Ce n’est pas ainsi que l’on stabilisera la réalité locale. C’est vraiment dommage !

Une opportunité s’offre à nous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons. Saisissons-la ! Alors, nous aurons servi l’intérêt général. §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà un an, nous adoptions la loi MAPTAM, qui marquait une reconnaissance historique du fait urbain, notamment de la dynamique portée dans notre pays par les métropoles.

Cette reconnaissance était saluée par tous les spécialistes de l’économie des territoires qui l’ont reconnue comme constituant un grand pas en avant. Ceux-ci constatent unanimement que, aujourd’hui, c’est très largement dans ces métropoles, dans ces agglomérations que se crée une part essentielle de la richesse de notre pays.

Ce matin, un article publié dans le journal Libération intitulé Le nouvel horizon des métropoles, qui visait un colloque organisé par la nouvelle métropole de Rouen, citait Pierre Veltz lequel constatait : « depuis une vingtaine d’années, et surtout depuis la crise de 2008, toute la croissance française vient des métropoles ». Pour ce qui me concerne, je dirai non pas « toute » la croissance, mais une « part importante ».

Pourquoi un tel mouvement ? Parce que nous sommes en train de vivre une mutation profonde, passant d’une économie de la production à une économie de la connaissance. Or cette dernière suppose une densité d’acteurs universitaires, de chercheurs, d’entreprises innovantes, de start-up et de grands groupes capables de former des écosystèmes attractifs à l’échelle internationale, ou du moins européenne. Ces écosystèmes se trouvent principalement dans nos métropoles et nos grandes agglomérations.

Dès lors, comment ces métropoles pourraient-elles se désintéresser de leurs universités, de la mise en place de pôles de compétitivité, bref, de l’élaboration d’une vraie stratégie de l’innovation ? Comment pourraient-elles se désintéresser de leur rayonnement international, de leur attractivité vis-à-vis des entreprises étrangères comme de leur dynamique touristique ?

Mais, me dira-t-on, ce développement des villes ne se fait-il pas au détriment des autres territoires ?

Cette idée, qui est parfois partagée est, en fait, fausse, car les richesses créées dans nos grandes métropoles sont largement diffusées par ce que Laurent Davezies appelle « l’économie résidentielle », au travers de mécanismes redistributifs ou de l’économie touristique, par exemple, entraînant des dépenses réalisées par les urbains dans les autres territoires.

Pour ne pas être accusé de ne prêcher que pour ma paroisse, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

… je prendrai l’exemple de l’Île-de-France : elle est à l’origine de 30 % du PIB français, mais ne représente que 22 % des revenus. Pour donner un autre chiffre, ce sont près de 160 milliards d’euros qui sont redistribués chaque année depuis l’agglomération parisienne vers les autres territoires.

Or, avec le texte qui nous est soumis, le risque est de voir enlever la capacité économique aux métropoles et aux agglomérations pour en faire une compétence exclusive des régions. Ce serait une erreur profonde.

Pour ma part, je crois fortement à la nécessité d’un couple métropoles ou grandes agglomérations et régions. Mais le rôle de ces entités ne saurait être le même : les métropoles doivent faire naître l’innovation tandis que les régions doivent la généraliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

La création de grandes régions que nous venons d’adopter rend cette complémentarité encore plus nécessaire.

Je prendrai maintenant un exemple que je connais bien. Qui peut croire que, demain, la région Rhône-Alpes–Auvergne pourra être également attentive à tout ce qui est en germe dans des villes aussi différentes que Lyon, Saint-Étienne, Grenoble, Clermont-Ferrand, Annecy, Chambéry ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Pourtant, c’est bien à partir de l’innovation née dans ces villes que l’on pourra faire avancer l’ensemble du territoire de cette région.

Je souhaite donc que, dans le texte qui va être adopté, on pense, pour le tourisme, pour le développement économique, pour l’action internationale, en termes de complémentarité et non d’exclusivité. Car vous voyez où pourrait mener l’exclusivité. Alors, pensez-y fortement, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, et permettez au Sénat de modifier le présent projet de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens, en préambule, à saluer avec beaucoup de sincérité, ce à maints égards, le travail remarquable des rapporteurs de la commission des lois et des rapporteurs pour avis qui, tous, ont permis d’améliorer le texte initial.

Madame la ministre, vous aviez un rêve : vous affichiez une louable volonté d’adapter l’architecture territoriale de notre pays aux enjeux et défis que État et collectivités doivent relever ensemble, autrement dit, nous. Vous deviez construire un projet d’espérance, de confiance, d’efficacité et garant de l’équilibre territorial.

Hélas, votre ambition, dont nous pouvions partager les objectifs, s’est échouée sur une démarche chaotique et confuse, dans laquelle les textes se succèdent sans mise en perspective, comme un catalogue de pièces détachées.

Qu’on en juge un peu : vous avez inventé les métropoles, renié puis ressuscité les départements ; vous avez sacralisé la grande ville, en oubliant les moyennes et petites villes, véritables ressorts de la vitalité de nombre de nos territoires ; vous avez inventé l’hyper-ruralité, mais vous oubliez les territoires interstitiels et périurbains ; enfin, vous engagez, concomitamment à l’examen du projet de loi NOTRe, la révision des missions de l’État. Quelle logique singulière !

N’aurait-il pas été plus cohérent d’attendre les conclusions de cette revue des missions de l’État, afin de pouvoir les prendre en considération dans le texte que vous nous soumettez aujourd’hui ?

L’incohérence intensifie la défiance et l’incompréhension des élus locaux, soumis à des annonces successives, parfois contradictoires et souvent brutales. Or, vous le dites vous-même, c’est de confiance entre l’État et les collectivités, partenaires de la réussite de l’action publique, dont nous avons besoin.

Vouloir un pays décentralisé, c’est accepter la diversité des territoires, concevoir des lois qui libèrent les initiatives et les énergies, permettre aux territoires d’innover et de s’adapter. La loi ne doit ni corseter ni formater. Elle doit juste rendre possible.

À ce sujet, je concentrerai mes propos sur le bloc communal.

Madame la ministre, votre proposition au sujet de l’intercommunalité est une négation de la diversité territoriale et une marque violente de défiance à l’égard des élus locaux.

S’il est essentiel d’encourager l’intercommunalité, le formatage de l’efficacité basé uniquement sur un seuil quantitatif relève d’un concept hors sol, renversant et inacceptable. Un seuil d’autant plus absurde que, aujourd’hui, 70 % des intercommunalités sont en deçà de celui qui a été fixé.

Les élus locaux, objet de tant de critiques et de défiance, ont fait la preuve de leur capacité à s’engager dans des démarches de regroupement et de mutualisation. N’est-ce pas l’Association des maires de France qui, par l’intermédiaire de son ancien président, Jacques Pélissard, a proposé la création de communes fortes, capables d’agir, conjuguant librement leurs forces au sein de communes nouvelles ?

L’intercommunalité, madame la ministre, est une nécessité ; elle seule peut garantir aujourd’hui l’efficacité de l’action locale. Mais elle doit demeurer l’émanation de la commune et fonctionner sur le principe de subsidiarité. Dès lors, l’organisation intercommunale et ses compétences doivent résulter d’un projet de territoire fédérateur, voulu et défini par les élus locaux, et non d’un diktat de l’État.

La précipitation avec laquelle vous conduisez ce troisième volet de la réforme territoriale est désastreuse et hasardeuse.

À cet égard, les principales organisations représentatives des collectivités – AMF, ADF et ARF – ayant répondu positivement à l’excellente initiative du président du Sénat de créer une conférence des collectivités territoriales, ont, d’une voix commune, exprimé leurs attentes pour plus de confiance, plus de responsabilité, plus de liberté, à un moment où la France a besoin d’encourager l’initiative et de rapprocher les décisions publiques du citoyen.

Chacun dans cet hémicycle souhaite la réussite de notre pays, mais nous sommes nombreux à douter et à craindre.

À douter, madame la ministre, car aucune étude d’impact, aucune expérimentation ne permettent d’affirmer que votre réforme apportera plus d’efficacité.

À douter encore, car rien n’augure que votre réforme, comme vous l’avez tant annoncé, sera génératrice d’économies.

À craindre, enfin, une longue paralysie de l’action locale, notamment sur le plan de l’investissement, du fait de tous ces bouleversements qui chahutent profondément et sans discontinuer les collectivités locales. Les effets de cette paralysie risquent d’être terribles pour l’investissement public et l’emploi.

En conclusion, madame la ministre, vous l’avez bien compris, nous sommes fort dubitatifs à l’égard de votre projet et de sa réussite, et nous regrettons une occasion gâchée.

Siégeant au sein de la Haute Assemblée représentant les collectivités, nous osons souhaiter et croire que vous serez attentive aux évolutions qui seront proposées, car elles résultent de réflexions non partisanes, partagées par de nombreuses associations d’élus. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures cinquante.