Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 16 décembre 2014 à 14h30
Nouvelle organisation territoriale de la république — Discussion générale

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis :

Madame la ministre, l’interdiction de la subdélégation tend à créer un dispositif rigide et totalement inadapté aux enjeux. Je rappelle à cet égard que le rapport de MM. Malvy et Lambert excluait expressément les transports scolaires des compétences à transférer aux régions.

De plus, dans ce domaine, l’harmonisation des pratiques tarifaires présente un double danger : celui d’un alignement sur le plus-disant, au risque d’une dégradation supplémentaire des finances locales, ou celui d’une harmonisation par le bas qui alourdirait nécessairement les charges pesant sur les familles.

Parallèlement, chose très étonnante, sur le plan pédagogique, le transfert des collèges aux régions méconnaît les orientations fixées par la toute récente loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, adoptée il n’y a guère plus d’un an. Je rappelle que ce texte organise la continuité entre l’enseignement primaire et le collège, notamment par la création d’un cycle de consolidation formé du CM1, du CM2 et de la sixième, et par la réunion d’un conseil école-collège où doivent siéger élus municipaux et départementaux.

De fait, les gains attendus en termes tant financiers que de qualité de service sont plus qu’incertains. À ce sujet, je ne peux que déplorer l’indigence de l’étude d’impact, qui conclut à des économies d’échelle sans avancer le moindre chiffre. Les auditions menées par nos soins ont, hélas ! abouti à ce constat.

En revanche, ce transfert s’accompagnerait à n’en pas douter de dépenses importantes, liées à l’harmonisation des politiques en matière d’équipement ou de numérique, mais également au transfert des personnels techniciens, ouvriers et de services, ou personnels TOS. À lui seul, le coût de l’alignement au mieux-disant des régimes indemnitaires s’élèverait à 120 millions d’euros par an.

C’est pour ces raisons que notre commission s’est prononcée contre ces transferts.

J’en viens aux dispositions relatives aux compétences partagées. Je rappelle qu’il s’agit, pour ce qui nous concerne directement, des domaines de la culture et du sport.

Dans ces deux secteurs, les collectivités territoriales jouent de longue date un rôle essentiel. Chaque année, elles consacrent plus de 7 milliards d’euros à la culture et plus de 12 milliards d’euros au sport, dont 2, 9 milliards d’euros pour les seules associations.

Culture et sport ne sont certes pas des compétences obligatoires, mais les collectivités ont massivement investi ce champ depuis trente ans en vertu de la clause de compétence générale dont elles disposent. Les financements conjoints sont importants, même s’ils ne peuvent être précisément évalués. Le monde de la culture et le mouvement sportif nous ont dit combien ils étaient attachés à cette pluralité de financements.

Le projet de loi ne revient pas sur la clause de compétence générale concernant la culture ou le sport. Il leur reconnaît même, à l’article 28, le statut de « compétences partagées ». Il ne saurait s’agir, pour autant, de figer un statu quo, niant ainsi la réalité d’un contexte budgétaire très difficile. Des évolutions sont en cours, vous le savez, qui se traduisent par une répartition progressive des rôles, ne serait-ce que parce que certaines collectivités sont contraintes de faire des choix.

On notera que régions et intercommunalités sont amenées à être de plus en plus impliquées dans les domaines sportif et culturel. S’il est trop tôt pour acter précisément, dans la loi, une répartition des missions par échelon, c’est-à-dire une véritable « compétence répartie », nous devons engager une réflexion en ayant à l’esprit la structuration et la mise en cohérence des politiques concernées, l’efficacité de l’action publique, et donc le service rendu à nos citoyens. Il faut encourager les collectivités à s’organiser au plus près des réalités de terrain, par voie de contractualisation. Notre commission considère que cela est particulièrement nécessaire dans les domaines des enseignements artistiques, de l’enseignement supérieur culturel et des industries culturelles et créatives.

Si le projet de loi consacre donc la compétence partagée, il a aussi pour ambition de simplifier son exercice, en précisant le cadre de la mise en place de guichets uniques. Sur le papier, l’idée est évidemment séduisante et elle s’inscrit dans le vaste mouvement de simplification des démarches de nos concitoyens. En revanche, dans la pratique, qui dit guichet unique dit concertation approfondie en amont entre collectivités et administrations, chacune devant logiquement veiller à ce que la dimension de l’action publique qui lui incombe soit prise en compte. Je ne suis pas certaine que, au total, il n’en résulte pas une suradministration et donc un frein à la mise en œuvre des projets.

Aujourd’hui, nous devons concilier deux principes : le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales et le principe d’une responsabilité collective. Dans le contexte général de crise des finances publiques, les collectivités sont de plus en plus contraintes de se désengager de nombreux projets. La ministre de la culture vient d’ailleurs de stigmatiser ces décisions, comme si elles n’étaient pas liées, au moins pour partie, à la baisse des dotations de l’État. Je le regrette. Selon moi, le devoir de l’État serait plutôt d’accompagner les collectivités et de veiller à ce que des pans entiers de la culture ou du sport ne soient pas abandonnés, comme l’ont été les enseignements artistiques, ou de s’assurer que des territoires ne soient pas oubliés, …

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