Nous considérons que la gouvernance et l’organisation territoriale sont les clés de l’efficacité ou, au contraire, de la défaillance des processus de décision et de mise en œuvre des politiques publiques. Nous prônons ainsi une démocratie territoriale qui corresponde à la réalité des territoires de vie, non pas ceux de la Révolution française, où le cheval et la marche à pied délimitaient leur étendue, mais ceux du XXIe siècle, époque du transport public et de la voiture individuelle, où agglomérations et régions sont les véritables espaces vécus au quotidien, les lieux des coopérations associatives, universitaires et économiques.
En cohérence avec le renforcement du couple région-intercommunalité, qui est le cœur du projet de loi, et que nous soutenons, les écologistes militent aussi pour une décentralisation différenciée.
La décentralisation uniforme ne peut pas être une bonne réponse, parce qu’on ne peut pas apporter des solutions identiques à des situations différentes. Même si la Constitution de 1958 nous a enfermés dans une décentralisation décidée par le pouvoir central et applicable à l’identique sur tout le territoire, le développement, loi après loi, de statuts particuliers – la Corse, les collectivités d’outre-mer – a ouvert une voie, sans oublier les statuts particuliers de certaines des plus grandes villes de France depuis la loi d’affirmation des métropoles. Nous appelons donc au renforcement de cette logique d’une décentralisation s’adaptant à la diversité des territoires – nous en avons d’ailleurs parlé hier avec l’Alsace –, et nous défendrons de nombreux amendements en ce sens.
Madame la ministre, nous serons attentifs à vos propositions pour contourner ce carcan constitutionnel d’un autre temps, malheureusement perpétué par le refus de l’opposition nationale de s’engager, pour des raisons de calcul, dans toute réforme constitutionnelle pourtant nécessaire à la modernisation de ce pays.
Le projet de loi présente des évolutions qui vont, selon nous, dans le bon sens. C’est notamment le cas en ce qui concerne la responsabilité donnée aux régions d’établir des schémas prescriptifs en matière de développement économique et d’aménagement du territoire. Il s’agit d’une vieille proposition des écologistes – Marie-Christine Blandin la défendait déjà en 1990 en tant que présidente de région –, qui nous a valu pendant longtemps une réputation de dangereux utopistes. J’ai quand même l’impression que certains, ici, veulent encore revenir en arrière, mais nous commençons à avoir l’habitude que l’histoire finisse pas nous donner raison.
Partisans d’une décentralisation reposant sur des régions fortes, les écologistes défendront le transfert aux régions de compétences structurantes qui relèvent de la planification et de l’aménagement du territoire, parmi lesquelles nous plaçons les compétences en matière de transports. Nous soutiendrons aussi un élargissement de leurs compétences dans le champ environnemental, car il est évident que nous ne pourrons plus construire demain des schémas d’aménagement du territoire qui n’intègrent pas précisément ces enjeux.
Des régions renforcées, des intercommunalités correspondant à des bassins de vie, dotées d’un projet politique et non plus uniquement chargées de la gestion technique de compétences mutualisées : telle est la vision écologiste de la décentralisation, fondée sur ces deux échelons territoriaux. Elle est cohérente en termes d’efficacité des politiques publiques et lisible pour les citoyens.
Nous saluons donc le fait que le projet de loi témoigne également de l’ambition gouvernementale de renforcer les intercommunalités. En ce sens, nous le soutiendrons contre les conservatismes. Malheureusement, sans vouloir gâcher votre réveillon, madame la ministre, je crains que vous ne vous heurtiez en janvier à des immobilismes, qui trouvent ici, généralement, quelques échos.
Ainsi, la commission des lois du Sénat a déjà fait passer la compétence « tourisme » des communautés de communes et des communautés d’agglomération d’obligatoire à optionnelle, a retiré la possibilité aux EPCI de prendre la gestion des ports relevant aujourd’hui de la compétence des départements et, surtout, a supprimé le relèvement du seuil à 20 000 habitants par intercommunalité. Comme je n’ai que treize minutes pour m’exprimer, je cesse là l’énumération, mais vous aurez compris la logique qui est à l’œuvre dans notre assemblée : surtout, ne touchons à rien ! Ce pays va magnifiquement bien ; l’action publique est parfaitement coordonnée ; tout va très bien, madame la ministre !