… d’autre part, la création de méga-régions redonne son sens à l’échelon départemental, entre régions et intercommunalités.
Certains pourront remercier Manuel Valls, qui, en faisant aboutir la création de ces nouvelles structures régionales, a sauvé les départements. Nous avons donc bien compris que ses propos sur la disparition des départements à l’horizon de 2020 n’étaient plus d’actualité.
Nous considérons toutefois que, si le département est légitime pour prendre en charge la solidarité territoriale et la cohésion sociale, il n’est pas pertinent de lui conserver d’autres compétences n’entrant pas dans ce cadre, car cela aurait pour conséquence non seulement d’aggraver les difficultés financières des départements, mais aussi de remettre de la confusion dans la tentative de clarification des compétences opérée dans le projet de loi. Je pense particulièrement au transport, au tourisme et au développement économique. J’espère vraiment qu’à l’occasion de ce débat, en 2015, nous ne donnerons pas l’impression, mes chers collègues, de fêter les deux cents ans de la Chambre des pairs, à savoir le Sénat de la restauration…
Au regard de ces éléments, ce texte nous satisfait donc partiellement sur le volet répartition des compétences. Pour être plus précis, il nous satisfaisait jusqu’à son passage en commission, qui a parfois sonné comme un hommage au millefeuille, tel qu’il est servi au restaurant du Sénat.
Le projet de loi initial reste également insatisfaisant sur deux points, qui feront l’objet de nombreux amendements du groupe écologiste : l’absence de proposition de rénovation de la démocratie locale ; l’absence de dispositions donnant des marges de manœuvre financières aux collectivités.
Concernant le financement des politiques décentralisées, nous pouvons avoir de réelles inquiétudes pour l’avenir. Je pense particulièrement aux régions et à leurs compétences larges sur l’économie ou les transports. Nous y reviendrons évidemment plus en détail quand nous examinerons les articles du texte, mais nous croyons que les régions devraient bénéficier de ressources financières en lien avec l’exercice de leurs compétences.
Par exemple, sur les transports, nous proposerons, de nouveau, l’instauration d’un versement transport régional. Nous aurons également à cœur de creuser le sujet d’une taxe poids lourds régionalisée. Ces recettes seront nécessaires, demain, à la qualité des infrastructures dans tous les territoires et donc à leur compétitivité économique. Il s’agit d’un enjeu majeur, qui trouve malheureusement écho dans l’actualité, à l’heure où se préparent le licenciement des salariés d’Ecomouv’ et la perte d’un outil pourtant déjà payé.
Les présidents de région appellent aujourd’hui à la mise en place de cette taxe poids lourds régionalisée. Nous devons les entendre en faisant preuve ici d’initiative au service d’une demande qui vient des territoires et qui dépasse les clivages politiques.
Plus globalement, et je crois que la plupart d’entre nous en ont conscience, notre pays a besoin d’une réforme fiscale profonde. Cette réforme, que les écologistes appellent de leurs vœux, devrait s’attaquer aussi à la fiscalité locale. Pensons, ne serait-ce qu’un instant, à la réforme des bases locatives pour le calcul de la taxe d’habitation, véritable serpent de mer au sujet duquel rien n’évolue... Cette réforme fiscale devrait logiquement nous amener progressivement vers une part réelle d’autonomie financière des collectivités et, donc, en premier lieu, des régions.
L’autre grande lacune du texte ne relève pas du détail, puisqu’il s’agit ni plus ni moins de la démocratie. Les écologistes ne comprennent pas que l’on puisse procéder à une réforme territoriale sans l’accompagner d’une réforme forte de la démocratie locale. Donner des responsabilités aux collectivités locales sans renforcer la démocratie locale crée un déséquilibre de fond. Nous avons des propositions touchant aux deux échelons qui, selon nous, sont l’armature en devenir de l’organisation territoriale de notre pays : les régions et les intercommunalités.
Je ne reviens pas sur le suffrage direct, mais nous avons d’autres propositions. Pour certaines d’entre elles, comme le bicamérisme ou la séparation entre l’exécutif et le délibératif, que d’aucuns, sans nul doute, jugeront un peu exagérées, nous vous proposerons néanmoins de ne pas attendre que l’histoire nous donne raison pour les adopter, ce qui nous fera gagner du temps !
Nous voici donc face à ce qui sera probablement le dernier grand texte de réforme territoriale de cette mandature. Beaucoup d’amendements et des heures de débats nous permettront, je l’espère, d’aboutir à des solutions partagées allant dans le sens de l’intérêt général.
Notre pays a besoin d’une réforme lisible et ambitieuse. Ce serait l’honneur du Sénat d’incarner ce souffle réformateur et de ne pas apparaître uniquement comme une assemblée de nostalgiques des organisations territoriales du passé et des situations acquises. C’est en tout cas dans cet état d’esprit que le groupe écologiste s’engage dans le débat.