Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 16 décembre 2014 à 14h30
Nouvelle organisation territoriale de la république — Discussion générale

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Quel est le fil conducteur de cette réforme ? Là est la question ! Quelle est aujourd’hui la position réelle du Gouvernement ? Nous attendons des réponses claires, madame la ministre.

En dépit de tous les atermoiements, des changements de cap, il semblerait que votre idée d’origine était de supprimer l’échelon départemental, de renforcer les régions et les intercommunalités au détriment des communes. En fait, où en êtes-vous ?

La Haute Assemblée, saisie la première de ce texte en vertu de la Constitution, est placée dans une situation originale, peut-être inédite. Le texte du Gouvernement est resté le même que celui validé par le conseil des ministres du 18 juin dernier. Contrairement à d’autres projets de loi, on l’a vu encore récemment, il ne semble pas que le Gouvernement ait déposé d’amendements modifiant significativement son projet initial.

Or, si l’on résume le projet initial, il convient de relever que l’exposé des motifs, à sa page 5, annonce que « le débat pourra s’engager sereinement sur les modalités de suppression des conseils départementaux à l’horizon 2020 ». Face aux réactions fortes émanant de toutes les sensibilités, en particulier de la nôtre, l’exécutif a déclaré vouloir conserver les conseils départementaux, dans un premier temps uniquement dans les départements ruraux – terme assurément peu juridique. Dans un deuxième temps, il s’agissait de la moitié des départements et, ces derniers temps, Mme la ministre nous dit que cette question n’est plus à l’ordre du jour. Dont acte ! Mais il nous faut savoir aujourd’hui si le Gouvernement n’a pas l’intention, dans quelques mois, après les prochaines échéances électorales locales, de reposer la question sous une forme ou sous une autre.

À ce niveau de la discussion, nous ne pouvons que déplorer le recours à la procédure accélérée, dans le doute que nous éprouvons sur les motifs véritables qui ont motivé l’utilisation de cette procédure.

Pour être clairs, madame la ministre, nous souhaitons que le Gouvernement s’en tienne à la position exprimée par le Président de la République le 18 janvier 2014, à Tulle. Il déclarait à cette occasion : « Les départements gardent donc leur utilité pour assurer la cohésion sociale et la solidarité territoriale. Et je ne suis donc pas favorable à leur suppression [...]. Car des territoires ruraux perdraient en qualité de vie, sans d’ailleurs générer d’économies supplémentaires […]. » Depuis, d’autres annonces sont intervenues, y compris celles sur les économies de 20 milliards, 15 milliards ou 10 milliards d’euros attendues de la suppression du département.

Si l’on revient à la sagesse, c’est-à-dire à cette excellente citation, c’est le cœur même de votre projet de loi qui n’a plus de raison d’être, madame la ministre. Ce constat a justifié le travail de réécriture totale réalisé par les rapporteurs de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, qui ont accepté de le réaliser dans des conditions extrêmement difficiles.

Si l’on revient au texte initial, il organise l’évaporation des conseils départementaux en leur enlevant d’importantes compétences de proximité : transfert aux régions des compétences en matière de voirie départementale, de collèges et de transports scolaires. La commission des lois propose de supprimer ces transferts, et nous partageons son avis. Il n’est pas raisonnable de faire gérer de telles compétences par de grandes régions éloignées de la proximité. Tout le débat est de savoir si le Gouvernement a oui ou non définitivement renoncé à ces trois transferts de compétences.

Nous sommes non dans un projet de décentralisation, mais dans un projet de centralisation régionale. D’où l’excellente expression d’un député frondeur : « Vous avez aimé le jacobinisme national, vous allez adorer le jacobinisme régional ! » Plus objectivement, car le propos cité est un peu provocateur, ce texte se veut de clarification des compétences, un objectif partagé par une grande majorité de notre groupe. Je rappelle que nous avions voté majoritairement contre le rétablissement de la clause de compétence générale lorsque vous l’aviez proposé, madame la ministre. Cette clause a véritablement un sens pour le bloc communal. Pour les autres strates, une clarification des compétences est souhaitable en préparant une compétence partagée pour la culture, le sport et le tourisme – sans chef de filat de la région.

Concernant le développement économique, la compétence renforcée de la région n’a de sens qu’avec une articulation précise de son intervention vis-à-vis des métropoles et des intercommunalités. Il est évident que ce sont les métropoles et les agglomérations qui portent sur leur territoire l’action économique, l’innovation, les projets concrets. Les interventions en commission des lois de notre excellent collègue Gérard Collomb ont été frappées au coin du bon sens.

Contrairement à ce qui nous a été rabâché depuis des mois, la mise en place de très grandes régions ne va pas faciliter l’aménagement stratégique du territoire.

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