Pour mettre un terme à ce gâchis humain et financier, il est nécessaire de confier la formation professionnelle continue, au moins à titre expérimental et en direction des publics fragiles, soit aux conseils départementaux, soit à l’État déconcentré.
Nous connaissons la réalité des métiers porteurs dans chaque bassin d’emploi, et nous suivons au plan social les personnes qui ont le plus besoin de retrouver leur dignité par le travail.
Avec les professionnels et les entreprises, nous sommes capables d’élaborer des accompagnements adaptés. La formation est l’une des conditions de l’insertion, à chaque étape de la vie ; un traitement séparé, comme on le fait aujourd’hui, serait incohérent.
L’incohérence, c’est après l’instabilité, l’autre grande caractéristique de cette réforme et de ce texte. Considérons en premier lieu les régions, comme le titre Ier du projet de loi nous y invite.
Alors que le Gouvernement affirme sa volonté de renforcer ce niveau d’administration par des compétences stratégiques qui supposent la mise en œuvre de schémas programmatiques pluriannuels, il prévoit d’alourdir la gestion de ces collectivités par des compétences de proximité.
Mes chers collègues, croyez-vous que les nouvelles grandes régions, dont les chefs-lieux seront parfois situés à plusieurs centaines de kilomètres, sont les mieux placées pour gérer l’entretien des routes départementales, la rénovation des collèges ou, pis encore, à partir de la rentrée 2017, l’organisation des circuits de ramassage scolaire ? Nous pourrions en rire si les conséquences évidentes de ces absurdités n’étaient pas si préoccupantes pour l’efficacité du service public.
L’action des conseils généraux, notamment en milieu rural, s’apparente à du cousu main, à du sur-mesure.
L’Association des départements de France, pourtant à majorité de gauche, nous a fait parvenir une série d’amendements de bon sens dont je partage, pour l’essentiel, la finalité. Je me réjouis que la commission des lois ait fait le choix, elle aussi, de modifier le projet de loi dans une approche pragmatique. À ce propos, je voudrais la remercier de la complétude de ses travaux.
L’efficacité de cette réforme suppose que le Gouvernement accepte de mettre en cohérence ses actes avec ses déclarations. En théorie, cela ne devrait pas être si difficile : que les régions disposent de compétences stratégiques renforcées suppose ipso facto que les conseils départementaux conservent leurs compétences de proximité, voire qu’ils en acquièrent de nouvelles.
Je pense, notamment, au transfert des gestionnaires des collèges, ainsi qu’à la gestion des lycées.
Aujourd'hui, les conseils généraux comptent dans leurs effectifs les personnels techniciens, ouvriers et de services – les fameux TOS – devenus agents territoriaux. Paradoxalement, les gestionnaires d’établissement continuent de relever de l’État. Il est temps de mettre un terme à cette incohérence.
De même, les services des conseils généraux savent parfaitement concevoir et conduire les chantiers de rénovation et de construction des collèges. Quel immense gain de temps et d’argent public si on leur confiait aussi la gestion des lycées, de leurs personnels et de leurs gestionnaires.
Les conseils départementaux seraient ainsi chargés de la gestion d’un pôle cohérent de l’enseignement secondaire – un pôle de compétence –, tandis que les régions, allégées du poids de la gestion des compétences quotidiennes, pourraient pleinement se consacrer à la réalisation des grands objectifs que l’État leur assigne.
Au côté des conseils départementaux, les communes et leurs groupements constituent un maillon précieux pour un service public de qualité. Si le projet de loi évoque le chiffre de 20 000 habitants comme seuil minimal pour les communautés de communes, chacun a bien conscience que, dans les territoires peu densément peuplés, ce chiffre est excessif, tandis que, en milieu très urbain, il apparaît au contraire insuffisant.
Si aujourd’hui l’organisation territoriale reste trop coûteuse et trop complexe, la responsabilité en incombe surtout à l’État, qui, depuis 1982, a en réalité refusé la décentralisation, sauf au cours de la période où Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, avait su imposer à l’administration sa volonté réformatrice.