Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 16 décembre 2014 à 21h45
Nouvelle organisation territoriale de la république — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Toute la question est maintenant de savoir si ce cap va être maintenu ou bien si nous allons tout simplement lui tourner le dos.

Depuis près d’un an, le Gouvernement sait, puisqu’il en a pris l’engagement pour tenter de calmer les élus locaux mécontents, qu’il doit revenir devant le Parlement. Nous devons le faire, nous avait-on dit, à l’occasion de l’examen de ce texte ; pourtant, nous ne savons toujours rien des choix du Gouvernement !

Je le répète, c’est un vrai problème de méthode, et il ne sera sans doute pas sans conséquence sur l’état d’esprit des élus locaux qui devront mettre en œuvre le texte que nous adopterons, selon le résultat auquel nous serons parvenus. En effet, depuis juin dernier, conformément à votre souhait, madame la ministre, sous la double présidence du préfet de la région d’Île-de-France et du président du syndicat mixte Paris-Métropole, les élus locaux ont été réunis, et on leur a laissé penser qu’ils pouvaient faire la loi, en lieu et place du Parlement. Mes chers collègues, au cours de ces réunions, j’ai entendu bien des noms d’oiseaux adressés aux parlementaires qui avaient voté le texte, ce qui en dit long sur l’état d’esprit de certains élus…

On leur a donc fait croire qu’ils pouvaient voter la loi à notre place, et ils ont eu la faiblesse de le croire. Peut-on le leur reprocher ?

Alors, maintenant, de deux choses l’une : soit, au terme de l’examen de ce texte, nous aurons complètement détricoté le travail accompli lors de l’examen du projet de loi MAPAM par l’Assemblée nationale et par le Sénat, sous la précédente majorité sénatoriale, car il y avait une majorité ici – c’est ce que demande la majorité des élus locaux – soit nous aurons assisté à un remake de la fameuse journée des dupes !

Détricoter l’article 12, c’est plus ou moins ce qui est proposé dans deux amendements d’origine différente, mais fondés tous deux sur les travaux du conseil des élus de la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris.

Néanmoins, paradoxalement, alors qu’un accord entre ces élus aurait été trouvé à 94 %, les amendements de nos collègues Roger Karoutchi et Jean-Pierre Caffet, pour ne pas les nommer, sont assez différents, signe évident qu’il n’y a pas vraiment d’accord sur le fond, mais plutôt, et je me permets de le dire, un accord de façade plein de sous-entendus et d’abord destiné à retarder une échéance dont beaucoup ne veulent pas.

Ces deux propositions présentent toutefois un point commun. L’adoption de l’un ou l’autre amendement en l’état reviendrait à créer non pas une véritable métropole, mais plutôt un « super syndicat » d’EPCI, avec tout de même une particularité, chers collègues de province, puisque, écoutez bien, il s’agit d’autoriser les communes d’Île-de-France à être membres de deux EPCI à fiscalité propre distincts, un établissement public territorial, d’un côté, et la métropole, de l’autre. On n’a jamais vu cela ailleurs, et c’est qu’on vous demande de voter !

Pour le reste, les uns proposent une métropole extra light, où chaque territoire ferait à peu près ce que bon lui semble, le soin étant confié aux élus de choisir les compétences exercées ou de les renvoyer aux communes, y compris dans le domaine de l’élaboration du PLU. Les autres sont un peu plus intégrateurs, mais, mes chers collègues, guère plus.

Surtout, et c’est un point essentiel auquel je ne peux souscrire, les deux propositions prévoient un partage de la richesse issue de l’impôt économique entre les territoires, qui garderaient la CFE, la contribution foncière des entreprises, et la métropole, qui ne disposerait que de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – et encore, ne s’agit-il que de la simple progression de cette cotisation, puisqu’il faudrait garantir à chacun ce qu’il a aujourd’hui.

Mais, pour ne pas avoir l’air de ne rien vouloir partager du tout – cela ferait mauvais genre -, nos collègues, grands seigneurs, proposent la création d’un fonds d’investissement, généreusement alimenté par la Ville de Paris, qui ferait ainsi cadeau à la banlieue – c’est décidément Noël ! – des 75 millions d’euros de la dotation d’intercommunalité dont elle pourrait bénéficier en devenant un établissement public territorial, et ce alors même que Paris est déjà une commune et un département !

Voilà, cas unique en France, un même territoire qui bénéficierait d’un triple statut et des dotations correspondantes, et c’est dans l’enveloppe normée de la DGF, mes chers collègues, que l’on puiserait les fonds destinés à cette pseudo-métropole.

Comment mieux dire, mes chers collègues, que ce Grand Paris ne serait que l’ombre d’une véritable métropole capable de régler ses problèmes les plus importants et de rivaliser avec les autres villes-mondes ?

Alors, que faire, madame la ministre ? Eh bien, voyez-vous, avec l’âge, j’apprends à mettre de l’eau dans mon vin.

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