Je n’entrerai pas dans le détail technique de ce texte, de nombreux collègues l’ayant fait avant moi. Je situerai plutôt mon propos sur un terrain plus pragmatique, en pensant à nos élus, à nos concitoyens et aux forces économiques du pays.
Je ne serai pas le premier à le dire, force est de constater que cette réforme n’est pas une vraie réforme : elle n’est ni une réforme d’organisation des compétences entre collectivités territoriales ni une forme de décentralisation. On attendait pourtant beaucoup du président Hollande, qui promettait, souvenez-vous, le big bang territorial.
Madame la ministre, non, cette réforme n’est pas courageuse et, en cela, elle décevra nos concitoyens qui, scrutin après scrutin, sondage après consultation, appellent sans ambiguïté de leurs vœux des économies, de la simplification, de la rationalisation, et même la suppression d’un échelon !
Cette réforme déçoit aussi les élus, qui attendaient au minimum une clarification des blocs de compétences. Même cette clarification, nous ne sommes pas certains de la trouver dans ce texte !
Sur le fond, une véritable réforme aurait consisté à supprimer un échelon, bien entendu dans la douceur et dans le temps. Alors, évidemment, chacun prêchant pour son pré carré, il aurait fallu un certain courage pour trancher.
Dans un premier temps, et surtout, c’est le Gouvernement, madame la ministre, qui n’a pas eu le courage de trancher.
En effet, en décidant de créer de grandes régions, tout en préservant certaines régions dans leurs limites actuelles, le Gouvernement n’avait déjà pas vraiment tranché. Car, si l’on avait eu de très grandes régions partout, alors l’échelon départemental aurait conservé, peut-être, un sens pour préserver le lien de proximité. C’était l’option proposée dans le rapport Raffarin-Krattinger.
Mais l’improvisation et la confusion ont continué de sévir dans la définition des compétences respectives des collectivités, puisque le Gouvernement, dans son texte initial, n’a, là encore, pas tranché, confortant le poids des régions et maintenant une structure départementale.
Mais au fait, quelle vraie réforme alternative proposez-vous ?
La mutualisation est bien entendu une très bonne pratique ; elle est d’ailleurs mise en œuvre par de nombreuses collectivités, comme cela a été dit à l’occasion des auditions sur ce texte. Elle doit être réalisée chaque fois qu’elle est utile et plus économique. Pour la pratiquer, en tout cas, nul besoin de loi supplémentaire !
Un mot sur la logique du consensus. Une réforme n’est-elle pas bonne si elle est juste ? En quoi devrait-elle être consensuelle, même si le consensus est toujours préférable ? En quoi surtout le consensus recherché devrait-il l’être parmi les élus ? Il y a bien un consensus chez les Français pour réformer notre millefeuille administratif, pourtant toujours aussi invariablement plus épais.
Finalement, il y a bel et bien un consensus, et il dépasse les clivages, pour ne pas réformer en profondeur. Le courage a manqué au Gouvernement, mais il manque aussi souvent aux élus, qui ont bien du mal à se réformer eux-mêmes. Notre pays est pourtant suradministré, mais sous-organisé.
Mes chers collègues, je siège dans cette assemblée depuis seulement trois mois, avec l’expérience de nombreuses années de mandat de maire, de vice-président de communauté et de conseiller général. Je suis arrivé au Sénat avec, non pas des certitudes, mais un souci de bien faire et, surtout, d’entendre, quoi qu’il en coûte, les attentes de nos concitoyens et, à travers eux, des élus locaux et du monde économique.
Nous sortons d’élections municipales et sénatoriales, nous sommes en permanence les uns et les autres en contact avec nos concitoyens. Nous entendons la même chose, nous partageons de nombreux constats. Pris individuellement, le constat, l’analyse, voire les solutions, nous les avons. Alors, pourquoi sommes-nous incapables collectivement d’aller jusqu’au bout des réformes tant attendues ?
À force de ne pas écouter, de ne pas entendre nos concitoyens et nos élus, à force de n’écouter que la technocratie, qui pourra être surpris de voir à nouveau monter le populisme et l’extrémisme ? Il y a danger, il y a urgence, madame la ministre !
Je regrette profondément que la création du conseiller territorial, au terme de la réforme conduite par le gouvernement précédent, en 2010 – curieusement, il s’agissait de la loi du 16 décembre 2010 –, ait été supprimée dès l’arrivée du président Hollande, par idéologie, avec la promesse de faire mieux. §Qui peut penser aujourd’hui que vous nous proposez mieux ?