Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce volet de la réforme territoriale lancée par le Gouvernement traduit la volonté d’introduire plus de cohérence et plus de lisibilité dans notre organisation territoriale, il est vrai complexe. Il s’attache à clarifier les responsabilités des différents niveaux de collectivités, notamment en supprimant la clause de compétence générale et en renforçant les attributions de nos futures grandes régions.
En tant qu’élue du plus grand département de France, le Nord, dont le budget s’élève à près de 4 milliards d’euros, je veux témoigner que la collectivité départementale, intermédiaire entre les grandes régions et les intercommunalités, est un échelon indispensable. Elle est le pivot du développement des territoires ruraux et de la lutte contre les inégalités territoriales.
Bien qu’il soit souvent considéré comme un département urbain, le Nord compte également de nombreuses communes rurales et des territoires parmi les plus défavorisés.
Compte tenu de ces particularités, partagées par bien d’autres départements, il faut veiller à ne pas accroître les difficultés existantes et à ne pas aboutir à une fracture irréparable avec, d’un côté, la métropole et ses services et, de l’autre, le reste du territoire, voué à l’oubli.
De nombreux habitants, déjà frappés par le retrait de services publics imposé par la RGPP, se sentent oubliés de la République.
Les départements mettent en œuvre, dans la proximité avec les citoyens, un projet partagé de développement, avec des objectifs de cohésion sociale et territoriale. Ils doivent continuer à jouer leur rôle incontournable, surtout après le changement de dimension des régions, afin de ne pas éloigner les instances de décisions des citoyens et de ne pas renforcer davantage le sentiment d’abandon.
La France n’est pas le seul pays à compter plusieurs niveaux de collectivités et il n’y a pas de raison de se plier à l’orthodoxie européenne en la matière, car il n’existe pas de modèle unique européen.
Cependant, il est important aujourd’hui de faire évoluer notre pays vers une plus grande efficience des politiques publiques locales et vers plus de solidarité entre les territoires. C’est bien en ayant à l’esprit cette recherche d’efficacité et de cohérence que doit être abordée la nouvelle organisation territoriale de notre République.
Je tiens à saluer, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, votre volonté d’entendre nos préoccupations. Les avancées déjà annoncées contribueront sans aucun doute à rationaliser l’action des collectivités, tout en favorisant un travail de coconstruction, lequel permet des approches transversales et la cohérence à l’échelle des territoires.
La question de l’égalité républicaine reste majeure dans la nouvelle organisation territoriale, qui ne peut ignorer le fait urbain et la fragilisation concomitante des espaces périphériques et ruraux.
En effet, au temps de sa splendeur, l’État répartissait depuis Paris des moyens sur tout le territoire et ses engagements passaient, tout au plus, par les préfectures. Certes, ces modalités constituaient un véritable carcan pour les collectivités, mais elles avaient le mérite de traduire une préoccupation égalitaire en direction des territoires.
Loin de moi le souhait de revenir en arrière, je vous rassure, mais on peut se demander si la décentralisation n’a pas créé des déséquilibres entre régions, entre départements et à l’intérieur même des territoires qui les composent.
Aujourd’hui plus que jamais, les citoyens ont besoin de se sentir traités de manière équitable sur l’ensemble du territoire national, quel que soit leur choix de vie ou leur lieu de résidence.
Dans cet esprit, les départements proposent, du fait de leurs politiques de solidarité et de proximité, une répartition de leurs engagements plus équitable en direction des territoires ruraux. En effet, bien souvent, l’espace rural ne bénéficie pas des grandes réalisations conduites à l’échelon régional, lesquelles donnent du prestige aux métropoles, et ne voient pas de retombées concrètes des crédits investis.
Le texte qui nous est soumis doit aussi s’attacher à garantir un État éclairé plutôt que des féodalités locales. Le principe d’égalité ne doit pas être le grand oublié de cette nouvelle étape de la décentralisation. Il faudra donc veiller à ce qu’aucune disposition ne vienne renforcer le sentiment d’iniquité et d’oubli, qui se développe parfois injustement, mais qui n’en reste pas moins bien répandu dans la population rurale de certains territoires et contribue à développer des comportements antirépublicains.
Nous ne voulons plus de territoires perdus de la République. Nous avons besoin, aux côtés d’un État fort, d’une organisation territoriale de coopération et de solidarité qui apporte plus d’efficacité à l’action publique, plus de justice entre les territoires et qui redonne aux acteurs locaux la liberté d’avancer des réponses innovantes, adaptées à leurs spécificités territoriales.