Intervention de Alain Bertrand

Réunion du 14 janvier 2015 à 14h30
Nouvelle organisation territoriale de la république — Article 1er

Photo de Alain BertrandAlain Bertrand :

Mes chers collègues, j’ai l’impression qu’il existe deux mondes dans cet hémicycle : le monde réel et le monde des juristes.

Notre collègue Michel Mercier nous a appris hier soir que la compétence générale avait une description fonctionnelle et une description juridique et que les deux ne se recoupaient pas. Fort bien !

Ensuite, Mme la ministre nous a expliqué hier soir que, quoi qu’il arrive, aucune des communes de France ne manquerait d’argent et qu’elles pourraient toutes mener à bien leurs différents projets, grâce à la manne des financements départementaux, régionaux, nationaux ou européens.

Un collègue a affirmé que ce qui freinait les regroupements intercommunaux, c’était le fait que les compétences ne soient pas claires. En réalité, tout le monde sait ce qui freine les communes ! Un excellent membre du Conseil constitutionnel, qui habite non loin de Clermont-Ferrand (Sourires.), me disait l’autre jour que les communautés de communes étaient freinées tout simplement parce qu’elles n’ont pas un sou !

Pour faire face à ce manque de moyens, on a incité les gens vivant dans les communes rurales et hyper-rurales à se regrouper pour mener à bien plus de projets, mais cela ne change rien au fait qu’ils n’ont pas d’argent. (M. Francis Delattre applaudit.)

Il existe donc bien deux mondes dans cet hémicycle : il y a ceux qui croient – pas au sens religieux du terme –, et il y a les pragmatiques. Mes chers collègues, pour vous rendre compte de ce problème, je vous invite à vous référer à ceux qui sont issus de la ruralité ou de l’hyper-ruralité, comme Daniel Chasseing, voire de la ruralité proche des villes ou de la ruralité post-industrielle.

Rappelez-vous les dernières inaugurations auxquelles vous êtes allés : si vous avez demandé au maire ou au président de la communauté de communes comment il était parvenu à tel aménagement, il vous a répondu que c’est parce qu’il avait reçu un peu d’aide de la part de l’Europe, de la région, du département, voire de la réserve parlementaire.

Sur la clause de compétence générale, que ce soit pour la région ou pour le département – je suis assez de l’avis de Ronan Dantec sur ce point –, ce que l’on va toucher au cœur, ce sont les petites collectivités, les petites communes.

Madame la ministre, votre loi comprend plusieurs aspects. Vous créez d'abord les métropoles. S’y ajoutent les pôles d’équilibres territoriaux et ruraux, qui étaient auparavant le pendant des métropoles dans la loi pour les ruraux et qui, comme vous vous en êtes sans doute aperçus, mes chers collègues, vous ont rendu service sur le terrain.

Le Premier ministre a affirmé clairement qu’il entendait défendre la ruralité et que celle-ci souffrait dans notre pays. Or supprimer la clause de compétence générale, c’est porter un coup supplémentaire à la ruralité. En effet, les ruraux ont besoin de tous pour mener à bien les micro-projets, les petites manifestations culturelles et sportives, pour l’agroalimentaire et pour la transformation des produits.

Il est donc nécessaire que l’on prenne en compte toutes les ruralités. Je puis comprendre que le Gouvernement ne veuille pas prendre en compte l’hyper-ruralité, même si je sais que M. le secrétaire d'État est sensible à cette question, mais cela ne doit pas l’empêcher de considérer toutes les formes de ruralités !

Il existe la ruralité proche des villes, qui représente quelque 25 % du territoire, la ruralité résidentielle, assez riche, qui comprend aussi la ruralité des littoraux, la ruralité post-industrielle, à la fois dans l’est et dans l’ouest, qui représente quelque 25 % du territoire, et la grande ruralité avec des petites vallées et des zones de montagne, qui représente 50 % du territoire.

À l’intérieur de ces diverses formes de ruralité, il faut aussi distinguer celles qui souffrent le plus d’éloignement, de faiblesse économique, et qui ont un nombre d’habitants deux fois plus faible que dans le reste du territoire.

Néanmoins, il ne s’agit là que d’une définition scientifique. Ce que les ruraux demandent avant tout, c’est que l’on ne s’occupe pas que des métropoles ! Ces dernières, elles vont s’en sortir ; les capitales régionales, elles vont s’en sortir ; les villes de plus de 5 000 habitants, elles vont s’en sortir ; les grandes communautés de communes, elles vont s’en sortir. Puis, resteront les oubliés, les derniers de la classe permanents… C’est cela que je veux stigmatiser ici. Supprimer la clause de compétence générale peut sans doute paraître séduisant, mais c’est purement et simplement une vue de l’esprit.

Par ailleurs, je suis interloqué quand j’entends notre collègue François Patriat, président de région, affirmer qu’il est nécessaire de cadrer les compétences des régions, sinon celles-ci risquent de ne pas faire les bons choix !

Pour ma part, j’ai confiance dans les élus. Ayant été vice-président de l’excellent Georges Frêche pendant quinze ans

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