L’article 7 du projet de loi institue un nouveau régime de négociation dérogatoire. Il dispose que, en l’absence de délégué syndical et de représentant du personnel désigné, les élus du comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel pourront négocier des accords collectifs de travail dans les entreprises de moins de 200 salariés.
Cet article prévoit également une dérogation aux règles de consultation et d’information du comité d’entreprise lorsque l’employeur envisage de prononcer le licenciement économique de dix salariés ou plus dans une même période de trente jours. Une telle exception n’a pas été prévue par hasard. Elle concerne des procédures fondamentales dans la défense des droits des salariés.
Par notre amendement, et pour les mêmes raisons, nous souhaitons élargir le champ dérogatoire du dispositif prévu à l’article 7. Ainsi, nous proposons d’ajouter les articles L. 3121-11, L. 3121-12, L. 3121-39, L. 3121-46 et L. 3122-2 du code du travail à l’article L. 1233-21 du même code.
Cela ne vous aura pas échappé, ces articles concernent le temps de travail, et plus précisément les heures supplémentaires, qui peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel après information de l’inspecteur du travail, la variation du volume du contingent annuel d’heures supplémentaires, le cas des salariés ayant la qualité de cadres qui sont conduits, en raison de la nature de leurs fonctions, à suivre l’horaire collectif applicable, la faculté offerte au salarié, en accord avec l’employeur, de renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire et, enfin, la possibilité d’organiser la durée du travail de l’entreprise ou de l’établissement sous forme de cycles de travail, dès lors que la répartition à l’intérieur d’un cycle se répète à l’identique d’un cycle à l’autre.
Comme vous pouvez le constater, il ne s’agit pas là de dispositions anodines. Si elles ne sont pas limitées, ces mesures peuvent avoir des conséquences graves en termes de pénibilité du travail des salariés. C’est un sujet particulièrement sensible.
Or, puisqu’il s’agit ici de la santé des salariés, il nous semble essentiel que toutes les garanties de protection leur soient offertes.
Il serait naïf, et même stupide, de croire que le salarié et le patron sont dans un rapport d’égalité. Le lien de dépendance est d’autant plus fort que le contexte économique est morose !
Or les garde-fous prévus par le projet de loi ne sont pas suffisants.
L’information des organisations syndicales représentatives de la branche par l’employeur, que M. le rapporteur qualifie de « contrepartie juste », nous semble bien maigre face à l’absence d’autorisation donnée par un accord de branche. On risque là fortement un alignement par le bas des droits des salariés !
Cette crainte est d’autant plus légitime quand on lit l’article 7 à la lumière des nouvelles négociations prévues dans les entreprises par le titre II du projet de loi, relatif au temps de travail, aux termes duquel les accords individuels et d’entreprise deviendraient la règle et les accords de branche l’exception.
En inversant ainsi dangereusement la hiérarchie des normes, on offre la possibilité aux employeurs de déréglementer le temps de travail, soit par décision unilatérale, soit par convention de gré à gré.
En outre, on ne saurait ignorer que le Gouvernement français vient de donner le feu vert à la directive européenne sur le temps de travail, et ce sans aucune consultation préalable des organisations syndicales.
Or, en vertu de cette directive, tout employeur peut passer avec tout salarié une convention individuelle lui imposant un temps de travail supérieur aux limites fixées par la loi, la convention collective et l’accord d’entreprise. Dès lors, on relativise aussi les conditions de validité desdits accords, dont l’approbation se limite à un contrôle de légalité au regard des dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d’adopter cet amendement.